Mission d'information sur la résilience nationale

Réunion du vendredi 1er octobre 2021 à 10h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • INERIS
  • accident
  • catastrophe
  • installations
  • technologique

La réunion

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MISSION D'INFORMATION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS SUR LA RÉSILIENCE NATIONALE

Vendredi 1er octobre 2021

La séance est ouverte à dix heures quarante

(Présidence de Mme Carole Bureau-Bonnard, membre de la mission d'information)

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L'INERIS nous a été présenté par M. Patrick Soulé, adjoint au directeur général de la prévention des risques au ministère de la transition écologique (DGPR), comme le bras armé du ministère en matière de prévention des risques technologiques. Nous serons donc heureux de vous entendre plus précisément sur les missions de l'INERIS, sur votre retour d'expérience à la suite d'accidents majeurs survenus en France, tels AZF ou Lubrizol, en Europe, ou dans des régions plus lointaines.

Nous nous intéressons également à la façon dont vous traitez la montée exponentielle du risque cyber et l'hybridation des menaces.

Enfin, nous souhaitons recueillir votre point de vue sur les moyens d'accroître la résilience de la nation face aux risques technologiques, et notamment les moyens de renforcer la capacité de la population à affronter une catastrophe majeure.

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Raymond Cointe, directeur général de l'INERIS

L'INERIS a été créé en 1990 sous la forme d'un établissement public à caractère industriel et commercial. Nous sommes sous la tutelle unique du ministère chargé de l'environnement et nous entretenons des relations très étroites avec la DGPR, dont le directeur général est d'ailleurs le commissaire du Gouvernement au sein de notre conseil d'administration.

Nous prodiguons un appui aux pouvoirs publics dans la maîtrise des risques technologiques, à l'exclusion du risque nucléaire qui est traité par nos collègues de l'IRSN. Cet appui s'effectue aussi bien dans la durée que dans les situations d'urgence environnementale ou de crise. Historiquement, l'appui en situation de crise, mais également l'intégration des enseignements que cela nous a apportés, c'est-à-dire le retour d'expérience, fait partie intégrante de nos gènes. Nous nous inscrivons dans la lignée du Centre d'études et de recherches des Charbonnages de France ( CERCHAR), qui a lui-même capitalisé une expérience plus ancienne acquise dans le domaine de la sécurité minière. Les premières recherches avaient ainsi été initiées après la catastrophe de Courrières en 1906. Cet événement constitue la plus importante catastrophe minière en Europe, ayant fait plus de 1 000 victimes, en raison d'un phénomène inconnu à l'époque et qui a conduit à engager des études nombreuses, dont nous sommes aujourd'hui les héritiers.

Sur le plan budgétaire, nous disposons d'un modèle économique assez original si on le compare à celui d'autres organismes du domaine de l'évaluation et de la maîtrise des risques, que nous appelons le trépied, à savoir une synergie entre nos activités d'appui aux pouvoirs publics, de recherche et de services aux entreprises. Nous sommes très attachés à cette synergie parce que nous sommes convaincus, et je crois que notre tutelle l'est tout autant, que c'est ce qui nous permet de faire progresser à la fois la réglementation, les connaissances et les pratiques en forte interaction avec les réalités du terrain, notamment dans un monde changeant et dans lequel les risques évoluent fortement. Il est très important que l'appui technique que nous pouvons fournir au Gouvernement se fonde sur des connaissances concrètes portant sur les technologies les plus récentes. L'équilibre de ce modèle est garanti par un certain nombre de règles déontologiques assez strictes que nous nous sommes fixées depuis de nombreuses années, ainsi que par une démarche d'ouverture à la société.

L'INERIS se compose aujourd'hui d'environ 525 collaborateurs, pour l'essentiel localisés à Verneuil-en-Halatte, dans l'Oise, où se situe notre siège. Nos recettes sont de l'ordre de 60 millions d'euros par an.

La notion de résilience résonne avec la plupart des activités que nous sommes amenés à conduire, puisqu'elle est profondément ancrée dans la démarche de maîtrise des risques technologiques que nous portons.

La résilience, c'est tout d'abord l'anticipation des crises et donc, en ce qui nous concerne, des accidents technologiques, ce qui passe par l'identification et l'analyse des risques mais aussi, et je crois que c'est un élément très important, par la veille prospective sur les risques émergents.

La résilience, c'est aussi la réponse que l'on peut apporter à la crise lorsqu'elle survient par la viabilisation des systèmes de sécurité, la planification des réponses d'urgence, et bien évidemment l'adaptation des structures des entreprises aux risques encourus. Je voudrais insister sur l'importance de ce que nous appelons dans notre jargon « les facteurs organisationnels et humains », qui jouent un rôle essentiel dans la prévention et surtout dans la gestion de la crise. Il s'agit aussi bien des salariés des entreprises à risque impliqués dans d'éventuels accidents technologiques que des services de secours et des riverains affectés par l'accident.

La résilience, c'est enfin la capacité de récupération et d'adaptation après la crise. Les sujets liés à la surveillance post-accidentelle et la culture du retour d'expérience s'avèrent essentiels, notamment en termes de perception et d'aversion au risque. Une catastrophe semblable à celle de Courrières apparaîtrait aujourd'hui totalement inacceptable. Jusqu'à une date relativement récente, l'aversion au risque, pour les risques dont les effets se manifestent dans la durée et que nous appelons des risques chroniques, apparaissait plus faible. À mon sens, la prise de conscience et l'aversion au risque se sont accrues très fortement au cours des dernières années. Un fait m'a frappé à l'occasion des dernières commémorations des attentats du 11 septembre : on a cette fois parlé, bien davantage qu'au cours des années précédentes, des victimes ayant subi les effets à long terme de l'effondrement des tours et du nuage toxique qui a suivi, nuage qui contenait des substances dangereuses en grande quantité et notamment de l'amiante. Le nombre de morts différés, si je puis dire, lié à la chronicité de la dispersion du nuage, serait d'ores et déjà supérieur au nombre de victimes immédiates. Le Center for Disease Control (CDC) recense ainsi 400 000 personnes touchées à divers titres par ce nuage. C'est la parfaite illustration de l'importance du sujet des risques différés.

L'an dernier, j'ai signé avec le président du conseil d'administration de l'INERIS et Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, notre nouveau contrat d'objectifs et de performance. L'un des axes forts de ce dernier est le renforcement de nos capacités d'appui aux pouvoirs publics en termes d'évaluation et de maîtrise des conséquences à long terme des accidents technologiques. Cela vient en résonnance avec l'expérience des attentats du 11 septembre et, dans une moindre mesure, de la catastrophe de Lubrizol. Ce renforcement passe par un nombre assez important d'activités : meilleure connaissance de la pollution de fond de façon à identifier les risques accrus à la suite d'un accident technologique ; utilisation de moyens de surveillance et d'analyse projetables sur site en cas d'accident industriel, et de moyens de simulation, numérique notamment, de dispersion du nuage toxique. Ces moyens sont déjà bien développés mais nous souhaitons les renforcer fortement.

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Pourriez-vous détailler les raisons du rattachement de l'INERIS au ministère de la transition écologique plutôt qu'à d'autres ministères ayant en charge le suivi de l'industrie ou de l'économie ?

Pourriez-vous nous indiquer la manière dont s'effectue le suivi des installations à risque en France ainsi que l'articulation avec votre propre rôle ?

Quelle est la répartition de vos recettes entre financements publics et privés ?

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Raymond Cointe, directeur général de l'INERIS

La question de notre rattachement administratif s'est posée au moment de notre création. Les sujets se rapportant aux risques industriels, historiquement, étaient du ressort du ministère de l'industrie. Dans les années 1990, nous avons observé une montée en puissance du ministère de l'environnement avec, à mon avis, l'idée sous-jacente qu'il était opportun de séparer les actions relatives au développement et au soutien à l'industrie des actions relatives au contrôle des activités industrielles. Ceci a donc conduit au placement de la DGPR au sein du ministère de l'environnement. C'est également progressivement sous la tutelle de l'environnement que les directions régionales de l'industrie et de la recherche sont devenues les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE). Puis, compte tenu du changement de forme de notre ministère en lien avec le Grenelle de l'environnement en 2007, sont apparues les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Je pense que le souhait était de séparer le contrôle des installations à risques du soutien aux politiques industrielles.

Par ailleurs, le rattachement au ministère de l'écologie s'est fait dans un contexte où celui-ci, à la différence d'autres ministères techniques, correspondait davantage à un ministère de mission et ne disposait pas de centre d'expertise ou de recherche important. Ce n'est pas un hasard si nous avons été créés au même moment que ce qui est ensuite devenu l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), dont la mise en place souligne une volonté de transformation progressive du ministère de l'environnement en ministère de plein exercice doté de centres d'expertise importants.

Nous n'exerçons pas à l'INERIS de mission de contrôle ou d'inspection. Cela relève des prérogatives de l'administration et de l'inspection des installations classées, donc nous nous positionnons à ce niveau seulement en appui à l'administration, en l'occurrence à la DGPR et le cas échéant aux DREAL. Nous les aidons à élaborer à la fois la documentation et la doctrine, y compris la doctrine d'inspection. Nous sommes amenés à coopérer avec le ministère lorsque la réglementation est élaborée. Nous intervenons par ailleurs dans le domaine de la formation et de l'appui aux inspecteurs des installations classées. Lorsque de nouveaux risques émergent, nous devons maintenir à niveau la capacité technique de l'inspection des installations classées. Nous possédons d'ailleurs une filiale spécifiquement dédiée à ces questions de formation qui vise à informer aussi bien les acteurs publics que ceux de l'industrie.

Concernant notre budget, il y aurait plusieurs façons de répondre à votre question. La part des subventions pour charges de service public, puisque nous sommes opérateurs de l'État, provient d'une part du programme 181 « Prévention des risques », et d'autre part du programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables ». Ces subventions représentent 55 % de notre budget. Le reste provient de recettes d'origine variable, issues notamment des entreprises. Entre un quart et un tiers de nos recettes sont issus de revenus commerciaux, le reste provenant généralement de recettes publiques reçues dans le cadre d'appels à manifestation d'intérêt ou d'appels à projets. Nous bénéficions depuis longtemps d'un positionnement assez fort à l'échelle européenne. Nous sommes ainsi très présents dans les programmes-cadres pour la recherche et le développement technologique (PCRD), nous participons au programme Horizon 2020 et une part importante de notre recherche bénéficie des subventions de l'Union européenne.

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Avez-vous observé une augmentation du nombre de cyberattaques ?

Quelle est par ailleurs la capacité de la population à affronter une éventuelle catastrophe ?

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Raymond Cointe, directeur général de l'INERIS

Les questions de cybersécurité font effectivement partie de nos sujets de préoccupation depuis maintenant quelques années, ainsi que de nos missions dans le cadre de notre travail sur les risques émergents. Il est clair que l'informatisation croissante de l'industrie, avec le développement des automates et du contrôle des process industriels, représente une source potentielle de risques. Ce risque peut être lié soit à une défaillance des systèmes, soit à un phénomène de malveillance. Il s'avère particulièrement dangereux et l'on a déjà observé des cas avérés d'accidents industriels liés à des questions de cybercriminalité. La cybersécurité représente d'ailleurs l'un des axes de renforcement prévus dans notre contrat d'objectifs et de performance.

Pour répondre à votre seconde question, nous cherchons aussi à développer l'implication des facteurs humains dans l'apparition comme dans la gestion des crises. Nous travaillons beaucoup sur la gestion du risque au sein des entreprises, notamment sur l'apparition éventuelle de failles humaines qui pourraient être à l'origine d'accidents technologiques. Je vous rappelle que la plupart de ces accidents ont d'abord une origine humaine. Par conséquent, tout ce qui a trait à l'identification – en particulier à travers la présence de signaux faibles –, à l'analyse et au traitement de ces risques est évidemment très important. La prise en compte de la population et la manière de l'associer à la prévention et à la gestion de crise est aussi un sujet essentiel. À ce titre, l'accident de Lubrizol nous a montré l'évidente nécessité d'y apporter des améliorations.

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Selon vous, quels risques, d'origine naturelle ou industrielle, pourraient être les plus graves pour notre pays ? Avez-vous identifié des risques qui pourraient avoir un impact majeur sur le fonctionnement de la nation, soit directement, soit en raison de leurs effets en chaîne ? Quels mécanismes mettez-vous en place pour prévenir ce que l'on pourrait appeler la surprise stratégique, c'est-à-dire le risque auquel on ne s'attendait pas, à l'exemple d'AZF ?

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Raymond Cointe, directeur général de l'INERIS

Nous avons maintenant assez bien identifié les sujets liés aux risques technologiques. Nous sommes aussi confrontés à la nécessité de contribuer au redressement des comptes publics. Nous avons par conséquent effectué une revue de nos missions et activités pour nous focaliser sur les sujets qui, en accord avec notre tutelle, nous paraissaient les plus importants. Nous concentrons véritablement notre intervention sur les risques industriels et de fait, s'agissant du risque naturel, nous n'intervenons que sur les sujets « NaTech », ceux qui impliquent l'interaction des risques naturels et technologiques. La gestion des risques naturels pourrait en effet, à l'avenir, prendre de l'ampleur, en lien avec le changement climatique. Un retour d'expérience a bien évidemment eu lieu après la catastrophe d'AZF, conduisant à de nombreuses améliorations, mais plutôt sur la base de risques préalablement identifiés.

Le travail sur les risques émergents fait partie de nos missions et la question de la méthodologie est importante. Certaines de nos équipes sont chargées de réaliser une veille prospective. Autour des risques émergents, se pose aussi la question cruciale de la perception des risques et de leur hiérarchisation, y compris par la population. Nous travaillons en lien avec des acteurs de la société civile sur le recensement de ces risques émergents, parmi lesquels nous avons déjà identifié les risques liés au changement climatique, en particulier l'augmentation des événements extrêmes, qui pourraient conduire à davantage d'inondations ayant des conséquences sur la sécurité industrielle. Il peut aussi s'agir de l'élévation de la température, qui pourrait entraîner l'utilisation de certains produits au-delà des limites prévues. Nous pouvons en outre évoquer les sujets liés à la transition numérique, notamment la cybersécurité, ainsi que les crises sanitaires comme celle que nous vivons. Nous disposons par ailleurs d'une expertise du risque chimique, mais pas du tout, ou très peu, du risque biologique, qui constitue néanmoins un danger potentiel émergent majeur. En effet, certains process industriels utilisent aujourd'hui des ressources biologiques, induisant des risques non négligeables.

Il reste toutefois difficile de hiérarchiser les risques. Nous essayons plutôt d'identifier et d'investiguer aussi largement que possible les risques émergents. Le plus souvent, notre travail implique la pluridisciplinarité, et donc le partenariat avec d'autres acteurs. C'est également de cette façon que nous travaillerons si nous sommes amenés à intégrer la question du risque biologique.

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Êtes-vous préoccupé par un risque technologique qui s'avèrerait d'une ampleur particulièrement grave, qui serait par exemple lié à l'alimentation en eau ou, typiquement, à une rupture de barrage ? Au-delà des risques chroniques, étudiez-vous d'autres scénarios de risques majeurs susceptibles d'affecter la résilience de la nation ? Ou bien peut-on considérer que ce risque n'existe pas, dans la mesure où l'on parviendra toujours à le circonscrire à une portion territoriale, épargnant globalement la nation ?

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Raymond Cointe, directeur général de l'INERIS

Il est clair que l'on ne peut pas comparer le risque industriel au risque nucléaire. Les effets d'un accident industriel sur un site industriel donné seraient forcément limités à une zone territoriale « relativement peu » étendue, en tout cas pas à l'échelle d'un continent, ni même du pays. Toutefois, un accident industriel qui ferait 1 000 victimes aujourd'hui comme à Courrières entraînerait bien évidemment des conséquences dramatiques au niveau national. Il faut par ailleurs prendre en compte les risques émergents, qui pourraient avoir un impact plus important, à long terme notamment puisqu'il s'agit de risques chroniques. La dissémination de substances nouvelles dans l'environnement pourrait engendrer des conséquences à très forte portée géographique et pourrait conduire à un nombre de victimes ou d'années de vie perdues très important, telle la pollution atmosphérique aujourd'hui. Il convient de se pencher sur la question de la diffusion des nanoparticules autour d'installations industrielles et, de manière plus large, dans l'environnement.

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J'aimerais aborder le sujet de la crise du covid-19 et de votre expérience au sein de l'organisation de l'INERIS, puisque vous vous situez dans l'Oise et que ce département a été touché parmi les premiers.

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Raymond Cointe, directeur général de l'INERIS

Comme je le disais, nous n'avons pas de compétences particulières dans le domaine du risque biologique, donc nous n'avons pas, sauf sur quelques sujets assez particuliers, été très fortement impliqués dans la gestion de la crise sanitaire. Cependant, comme toutes les entreprises et toutes les collectivités, nous avons évidemment été affectés par cette crise et sans doute plus tôt que d'autres compte tenu de notre localisation. J'ai activé la cellule de crise de l'institut dès le 2 mars, donc dès les premières mesures qui ont concerné l'Oise, quinze jours avant le premier confinement. Cette cellule, qui continue d'ailleurs à se réunir encore maintenant, nous a permis de nous adapter au mieux à la situation en développant aussi largement que possible le télétravail, tout en maintenant notre activité sur site, puisque nous avons des activités expérimentales importantes, ainsi que notre cellule d'appui aux situations d'urgence (CASU), service ayant vocation à rester opérationnel vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Comme nous possédons des laboratoires, nous avons été amenés à fabriquer notre propre gel hydroalcoolique et nous disposions de quelques stocks de masques qui dataient des crises précédentes et dont nous avons fait bénéficier les services de la préfecture de l'Oise.

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Les risques technologiques peuvent aussi avoir des origines volontaires, qu'il s'agisse de la menace terroriste ou d'un conflit interétatique. J'imagine qu'il existe de nombreux échanges à l'échelle déconcentrée entre les services de l'État qui gèrent les risques, mais j'aimerais savoir quelle articulation s'effectue avec l'INERIS sur ces questions de sécurité. Travaillez-vous en lien avec le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) ?

J'ai bien noté la mise en place de la CASU. Pourriez-vous nous en dire plus sur le fonctionnement de cette cellule, en citant éventuellement l'exemple de cas dans lesquels cette cellule s'est mobilisée récemment ?

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Raymond Cointe, directeur général de l'INERIS

Nous travaillons en étroite collaboration avec la DGPR, qui n'a pas de compétence sur les installations industrielles en matière de sécurité. Toutefois, il est évident que les travaux que nous sommes amenés à conduire ensemble sont susceptibles d'apporter des éléments importants sur une intrusion malveillante au sein des sites industriels. Nous travaillons aussi effectivement avec le SGDSN sur ces sujets depuis 2003, me semble-t-il. Nous avons été sollicités aussi bien par le SGDSN que par le haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère de l'environnement pour étendre nos travaux à la question de la sécurité des sites industriels. C'est d'ailleurs aussi dans ce contexte que nous approfondissons nos réflexions sur la cybersécurité. Nous avons à ce titre réalisé, à la demande du SGDSN, un guide à destination des industries à risque leur permettant d'analyser leur vulnérabilité à d'éventuelles menaces de malveillance ou de terrorisme. Ce guide a d'ailleurs été largement diffusé suite aux menaces d'attaques malveillantes qui se sont presque concrétisées sur des installations à risque.

La CASU, qui a été mise en place après la catastrophe d'AZF, ne vise pas à gérer la crise mais à fournir un appui technique et scientifique aux gestionnaires de crise sur le risque technologique. Elle est opérationnelle en permanence et se compose de deux ingénieurs d'astreinte et d'un chef d'opération qui représente la direction de l'INERIS. Historiquement, cette cellule intervient essentiellement sur les questions de risque accidentel immédiat, par exemple les explosions ou les incendies, aussi bien pour les riverains que pour les services de secours, en s'intéressant à l'estimation des distances d'effet. La CASU a été sollicitée pendant l'accident de Lubrizol aux premières heures de l'incendie, au moment où certaines substances dangereuses risquaient d'être gagnées par l'incendie. Cette cellule ne s'auto-saisit pas, mais elle intervient soit à la demande des DREAL, soit à la demande du service public d'information en santé (SPIS). En l'occurrence, pour l'accident de Lubrizol, c'est le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) qui nous avait contactés. Comme je le disais tout à l'heure, notre préoccupation s'étend maintenant au-delà de la gestion et des conséquences immédiates de l'accident. L'INERIS a d'ailleurs été sollicité ensuite assez largement pour l'évaluation des conséquences à plus long terme de l'accident de Lubrizol et, parmi les sujets sur lesquels nous travaillons en lien avec notre ministère, se trouve celui de l'extension des compétences de la CASU et de ses modalités d'intervention au-delà de cet appui à très court terme.

Je vous transmettrai par la suite des réponses plus détaillées sur la base du questionnaire que vous m'avez transmis.

Je me permets de vous inviter, si vous le souhaitez, à venir visiter nos installations d'essai. Nous vous montrerons que nous disposons d'un certain nombre de moyens expérimentaux assez uniques au niveau national, voire au niveau européen. Nos capacités expérimentales nous permettent en effet de simuler quasiment à taille réelle de grandes quantités d'incendies et d'explosions.

La réunion se termine à onze heures trente.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Thomas Gassilloud, Mme Nathalie Porte

Excusés. – M. Alexandre Freschi, Mme Sereine Mauborgne