Intervention de Bertrand Labilloy

Réunion du mercredi 6 octobre 2021 à 14h00
Mission d'information sur la résilience nationale

Bertrand Labilloy, directeur général de la Caisse centrale de réassurance (CCR) :

La résilience de la nation face aux grands risques est au cœur de la mission de la CCR qui fête en 2021 son soixante-quinzième anniversaire. La CCR est depuis plus de trente-cinq ans l'opérateur clé du régime des catastrophes naturelles. Elle couvre également d'autres risques de nature catastrophique comme les dommages aux biens causés par des actes de terrorisme. Elle a couvert dans le passé les risques de dommages de guerre dans le cadre du transport maritime et des risques non assurables, comme le risque de responsabilité civile des établissements de santé après la crise du sang contaminé ou les lancements d'Ariane 4 et Ariane 5 après des premiers essais infructueux. Les pouvoirs publics nous sollicitent pour les années à venir dans le cadre d'une réflexion sur la mise en place d'une couverture du risque sur les récoltes en agriculture, sur la responsabilité civile des exploitants nucléaires et sur le cyber-risque.

La CCR couvre le risque en tant que réassureur des assureurs qui couvrent les risques mentionnés. Cette réassurance s'appuie sur un travail poussé de modélisation, notamment du risque de catastrophes naturelles, mais aussi des effets de certains attentats terroristes.

Aucun risque n'est assurable sans prendre en compte la nécessité de réduire l'exposition au risque par des mesures de prévention appropriées. La modélisation permet d'orienter cette politique de prévention et de quantifier le coût de l'assurance.

Des risques peuvent ne pas être assurables pour plusieurs raisons. Dans le cas du risque de catastrophe naturelle, l'une de ces raisons relève du phénomène d'antisélection. Lorsqu'une exposition au risque n'est pas homogène au sein de la population des assurés, les personnes ou les entreprises fortement exposées ne parviennent pas à s'assurer à un tarif raisonnable tandis que les personnes faiblement ou non exposées ne cherchent pas à s'assurer. La mutualisation du risque n'est pas suffisante pour permettre un niveau d'assurance idoine. Ce phénomène s'observe dans des pays comme l'Allemagne ou l'Italie qui ne sont pas dotés d'un régime public de couverture de ce risque et où le taux de pénétration de l'assurance des catastrophes naturelles est assez faible. En cas de catastrophe importante, l'État doit répondre aux impacts macroéconomiques et aux problèmes sociaux entraînés.

La résilience du territoire après un choc naturel important nécessite une quantification des dégâts et une indemnisation pour permettre la reconstruction. La crue du gave de Pau à Lourdes en 2013 est un exemple de résilience réussie des territoires après une catastrophe naturelle. La crue avait dévasté les établissements hôteliers et les restaurants du centre-ville, causant 250 millions d'euros de dégâts pour une ville de 15 000 habitants. Les indemnisations et réparations ont permis aux activités hôtelières et de restauration de reprendre leur cours en moins de six mois.

Le covid a montré que les risques systémiques sont une autre forme de risque non assurable. L'assurance consiste à payer les sinistres de quelques-uns avec la prime versée par le plus grand nombre. Mais si toute la population est touchée en même temps, et de surcroît à l'échelle mondiale, le risque est inassurable et seule la puissance publique peut y faire face par l'endettement et la capacité d'étaler le sinistre dans le temps.

Les théoriciens du risque étudient ces questions d'assurabilité et de non-assurabilité des risques. Il existe de multiples façons de les traiter, qui sont liées à la culture des différents pays, notamment au rôle de l'État, mais aussi au développement du secteur de l'assurance.

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