Intervention de Emmanuel Chiva

Réunion du mercredi 6 octobre 2021 à 16h30
Mission d'information sur la résilience nationale

Emmanuel Chiva, directeur de l'Agence de l'innovation de défense (AID) :

L'AID a été créée en septembre 2018, après avoir été annoncée en mars 2018 par la ministre des armées. Elle rassemble environ cent trente membres issus d'horizons variés : ingénieurs civils et militaires, officiers des différentes armes, membres de la société civile, chercheurs, entrepreneurs ou industriels. La Red Team travaille ainsi dans la pluridisciplinarité pour orienter l'innovation de défense et détecter les tendances au sein de l'écosystème de l'innovation civile.

La loi de programmation militaire a permis d'augmenter le budget de l'AID, qui s'élevait à 750 millions d'euros en 2019 et devrait atteindre 1 milliard d'euros en 2022. Cette trajectoire devrait être maintenue afin d'impulser une nouvelle dynamique en matière d'innovation de défense, mais également pour trouver de nouveaux moyens de soutenir cette innovation.

Le document de référence d'orientation de l'innovation de défense (DROID) a été publié cet été. Il présente, sur une base annuelle, les différentes orientations de l'action de l'agence, ainsi que son bilan.

Au sein de l'AID, nous avons abordé la crise sanitaire en nous demandant comment nous pouvions rebondir sur cette crise pour gagner en agilité, en adaptabilité et en résilience. Je note au passage que la crise du covid-19 ressemblait à l'un des scénarios imaginés par la Red Team. Afin de contribuer à la résilience du pays dans cette circonstance, nous avons lancé un appel à projets en avril 2020, destiné à disposer de solutions innovantes pour lutter contre l'épidémie. En trois semaines, plus de 2 580 propositions de projets nous sont parvenues ; nous avons finalement financé 36 projets retenus, pour un montant total de 10 millions d'euros. C'est ainsi que le ministère des armées a rendu possible la diffusion des tests antigéniques et de la PCR rapide, en levant les risques éventuels de ces technologies et en obtenant leur validation auprès de la Haute Autorité de santé.

Cette crise nous a permis d'inventer de nouveaux processus, notamment la contractualisation rapide, mais également de mettre en place des processus créatifs pour renforcer notre résilience à court, moyen et long terme. La Red Team est une expérimentation issue de ces interrogations. Depuis une trentaine d'années, les crises se succèdent et font partie de notre quotidien : les crises géopolitiques, économiques, sanitaires, la montée du terrorisme déstabilisent l'équilibre national et international. Nous devons nous y préparer. Nous ne sommes pas uniquement mobilisés pour préparer l'armée de demain – ce que nous appelons « l'horizon capacitaire ». Nous devons certes nous projeter en 2030, moment où le prochain porte-avion sera mis à l'eau, mais aussi imaginer le contexte dans lequel agira l'armée après-demain.

La Red Team est composée d'une dizaine d'auteurs de science-fiction, de scénaristes et de dessinateurs, assistés par d'autres équipes, notamment d'experts scientifiques, qui imaginent les menaces susceptibles de peser sur la France et ses intérêts dans le futur. Cette initiative a été décidée durant l'été 2019 par l'AID avec l'état-major des armées, la direction générale de l'armement (DGA) et la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS). L'équipe de la Red Team a présenté ses travaux précurseurs lors du forum innovation défense du 4 décembre 2020, en virtuel. Après une saison zéro de démonstration de ses travaux auprès du public, la première saison a été présentée en juillet 2021.

La Red Team cherche à nourrir des réflexions stratégiques, opérationnelles, technologiques et organisationnelles pour la société et l'armée en envisageant l'horizon de 2060. Elle opère ensuite un retour à l'horizon capacitaire de 2030 et s'interroge sur les études et projets susceptibles d'être lancés pour prévenir une surprise stratégique et répondre aux menaces imaginées pour 2060.

La Red Team adopte une approche prospective complémentaire des approches traditionnelles, qui a l'intérêt de confronter la recherche scientifique, les arts, la science et la science-fiction au savoir militaire. Une Blue Team, composée de membres de l'état-major des armées, de la DGRIS et de la DGA, agit en interface constante avec la Red Team. Son but n'est pas de la contrôler ni de la censurer, mais de l'orienter sur des sujets d'intérêts et d'éviter que la Red Team ne produise des réflexions hors sol.

Le nom de « Red Team » tire ses origines de la cellule de réflexion mise en place par le Pentagone durant la guerre froide pour imaginer les tactiques adoptées par l'adversaire soviétique. Son insigne était une étoile rouge.

Toutes les composantes du secteur de la défense, y compris sa base industrielle, qui développe les technologies de demain et d'après-demain, dialoguent avec la Red Team qui leur offre une autre grille de lecture pour concevoir au-delà de l'imaginable.

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