Nous avons entendu en début d'après-midi des spécialistes des probabilités qui nous ont décrit les méthodes de la modélisation du risque et les limites de cette modélisation.

La présente audition vient à point nommé, puisqu'elle nous amène à l'inverse sur le terrain de l'improbabologie, de l'imaginaire et de la disruption. Ce terrain est celui de la Red Team, dont M. Emmanuel Chiva, directeur de l'Agence de l'innovation de défense (AID), va nous présenter les travaux.

Monsieur le directeur, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation. Vous êtes accompagné par Mme Mathilde Herman, responsable des relations institutionnelles de l'AID.

L'AID a été créée en septembre 2018, après avoir été annoncée en mars 2018 par la ministre des armées. Elle rassemble environ cent trente membres issus d'horizons variés : ingénieurs civils et militaires, officiers des différentes armes, membres de la société civile, chercheurs, entrepreneurs ou industriels. La Red Team travaille ainsi dans la pluridisciplinarité pour orienter l'innovation de défense et détecter les tendances au sein de l'écosystème de l'innovation civile.

La loi de programmation militaire a permis d'augmenter le budget de l'AID, qui s'élevait à 750 millions d'euros en 2019 et devrait atteindre 1 milliard d'euros en 2022. Cette trajectoire devrait être maintenue afin d'impulser une nouvelle dynamique en matière d'innovation de défense, mais également pour trouver de nouveaux moyens de soutenir cette innovation.

Le document de référence d'orientation de l'innovation de défense (DROID) a été publié cet été. Il présente, sur une base annuelle, les différentes orientations de l'action de l'agence, ainsi que son bilan.

Au sein de l'AID, nous avons abordé la crise sanitaire en nous demandant comment nous pouvions rebondir sur cette crise pour gagner en agilité, en adaptabilité et en résilience. Je note au passage que la crise du covid-19 ressemblait à l'un des scénarios imaginés par la Red Team. Afin de contribuer à la résilience du pays dans cette circonstance, nous avons lancé un appel à projets en avril 2020, destiné à disposer de solutions innovantes pour lutter contre l'épidémie. En trois semaines, plus de 2 580 propositions de projets nous sont parvenues ; nous avons finalement financé 36 projets retenus, pour un montant total de 10 millions d'euros. C'est ainsi que le ministère des armées a rendu possible la diffusion des tests antigéniques et de la PCR rapide, en levant les risques éventuels de ces technologies et en obtenant leur validation auprès de la Haute Autorité de santé.

Cette crise nous a permis d'inventer de nouveaux processus, notamment la contractualisation rapide, mais également de mettre en place des processus créatifs pour renforcer notre résilience à court, moyen et long terme. La Red Team est une expérimentation issue de ces interrogations. Depuis une trentaine d'années, les crises se succèdent et font partie de notre quotidien : les crises géopolitiques, économiques, sanitaires, la montée du terrorisme déstabilisent l'équilibre national et international. Nous devons nous y préparer. Nous ne sommes pas uniquement mobilisés pour préparer l'armée de demain – ce que nous appelons « l'horizon capacitaire ». Nous devons certes nous projeter en 2030, moment où le prochain porte-avion sera mis à l'eau, mais aussi imaginer le contexte dans lequel agira l'armée après-demain.

La Red Team est composée d'une dizaine d'auteurs de science-fiction, de scénaristes et de dessinateurs, assistés par d'autres équipes, notamment d'experts scientifiques, qui imaginent les menaces susceptibles de peser sur la France et ses intérêts dans le futur. Cette initiative a été décidée durant l'été 2019 par l'AID avec l'état-major des armées, la direction générale de l'armement (DGA) et la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS). L'équipe de la Red Team a présenté ses travaux précurseurs lors du forum innovation défense du 4 décembre 2020, en virtuel. Après une saison zéro de démonstration de ses travaux auprès du public, la première saison a été présentée en juillet 2021.

La Red Team cherche à nourrir des réflexions stratégiques, opérationnelles, technologiques et organisationnelles pour la société et l'armée en envisageant l'horizon de 2060. Elle opère ensuite un retour à l'horizon capacitaire de 2030 et s'interroge sur les études et projets susceptibles d'être lancés pour prévenir une surprise stratégique et répondre aux menaces imaginées pour 2060.

La Red Team adopte une approche prospective complémentaire des approches traditionnelles, qui a l'intérêt de confronter la recherche scientifique, les arts, la science et la science-fiction au savoir militaire. Une Blue Team, composée de membres de l'état-major des armées, de la DGRIS et de la DGA, agit en interface constante avec la Red Team. Son but n'est pas de la contrôler ni de la censurer, mais de l'orienter sur des sujets d'intérêts et d'éviter que la Red Team ne produise des réflexions hors sol.

Le nom de « Red Team » tire ses origines de la cellule de réflexion mise en place par le Pentagone durant la guerre froide pour imaginer les tactiques adoptées par l'adversaire soviétique. Son insigne était une étoile rouge.

Toutes les composantes du secteur de la défense, y compris sa base industrielle, qui développe les technologies de demain et d'après-demain, dialoguent avec la Red Team qui leur offre une autre grille de lecture pour concevoir au-delà de l'imaginable.

Dans le cadre de notre mission d'information, nous cherchons à imaginer les menaces les plus graves qui pourraient peser sur le pays afin d'identifier des éventuels leviers supplémentaires à actionner pour renforcer la résilience nationale. La crise que nous avons vécue était inimaginable. En tant qu'humains, des biais psychologiques nous empêchent parfois de penser la catastrophe. La première vertu de la Red Team réside dans sa capacité d'anticipation pour prévenir la surprise stratégique, qui est un des leviers de la résilience. La méthode de la Red Team nous intéresse car elle pourrait être étendue à d'autres champs ministériels.

Au-delà de l'anticipation, la résilience repose sur la capacité de reconfiguration. Lorsque la crise n'a pu être anticipée, la résilience suppose des moyens de se reconfigurer pour faire face aux conséquences. Elle diffère en cela de la robustesse, qui se définit comme la capacité à résister de manière statique. Les projets soutenus par l'AID pendant la crise sanitaire sont un exemple majeur de cette capacité de reconfiguration rapide.

La Red Team se prépare aux menaces intentionnelles que pourraient faire peser des acteurs étatiques ou non étatiques sur le territoire national. Mais traitez-vous la question d'événements qui ne seraient pas la conséquence d'une intentionnalité ?

Isaac Asimov expliquait que la science-fiction est la seule branche de la littérature qui se soucie des réponses de l'être humain aux progrès de la science et de la technologie. Nos auteurs de science-fiction imaginent des futurs en suivant une thématique prégnante qui ne consiste pas nécessairement en une menace intentionnelle. La saison zéro aborde les tensions générées par la migration climatique et l'émergence de nouveaux acteurs. L'un d'entre eux est la « P Nation », fondée par l'agrégation de bidonvilles et villes flottants. La menace est issue d'une nouvelle situation géostratégique qui repose sur de nouveaux équilibres et d'une tension liée aux ressources suscitant une conflictualité. Dans la première saison, l'un des deux scénarios non classifiés imagine un futur dans lequel chaque individu dispose d'une bulle de services de réalité augmentée configurée selon ses propres intérêts, appelée safe sphere. La réalité n'est plus partagée, puisque chacun la perçoit par le prisme de ses centres d'intérêt. Lorsqu'une crue centennale couplée à un attentat surviennent, l'intervention militaire d'évacuation des ressortissants se heurte à cette absence de réalité partagée. Nous cherchons à aller aussi loin que possible pour envisager les conséquences d'une situation sur l'action militaire dans son ensemble.

Vos auteurs et scientifiques sont-ils tous français, ou faites-vous appel à des regards extérieurs ? Le monde indien, par exemple, est difficile à saisir depuis l'Occident. Vous nourrissez-vous de la diversité de ces expériences ?

La Red Team est composée d'auteurs français et d'un auteur belge. C'est encore une expérimentation et nous n'avons pas, à l'heure actuelle, d'autres auteurs étrangers. Mais la Red Team travaille avec d'autres acteurs dans le cadre de la Black Team et de la Purple Team, lesquelles disposent de comités consultatifs scientifiques dans le domaine de la technologie. Des experts apportent des éclairages géopolitiques, sous le prisme de pays asiatiques ou anglo-saxons. Ces experts ne font pas partie de l'équipe, mais ils sont inclus dans le projet.

Vos exemples montrent bien que pour se projeter en 2060, il faut imaginer des capacités pour 2030, ce qui implique de lancer des études dès à présent. Dans quelle mesure vos travaux de prospective pour 2060 concernent-ils, de manière très concrète, l'AID de 2021 et la résilience du temps présent ? En d'autres termes, comment les safe spheres de votre scénario peuvent-elles amener à lancer des études dès à présent ?

Ce n'est pas l'AID mais la Blue Team qui est chargée de proposer des réactions aux scénarios.

Je ne peux vous préciser les réponses apportées au sujet que vous mentionnez car elles sont classifiées. Mais je peux tout de même vous dire que nous lançons une étude financée par l'AID en 2021 pour essayer de répondre à une menace identifiée dans un scénario classifié de la Red Team.

Parmi quatre thématiques proposées par la Red Team, deux sont choisies par les armées, la DGA et la DGRIS. Pour la première saison, les thématiques choisies étaient l'asymétrie massive et un monde de leurres. Quatre nouvelles thématiques classifiées seront prochainement sélectionnées, sur lesquelles les auteurs habilités travailleront de manière secrète. Une restitution sera effectuée au printemps ou à l'été prochain devant la ministre des armées qui décidera, ou non, de déclassifier les scénarios. Des études et des actions concrètes pourront ensuite être conçues pour répondre à un ou plusieurs aspects évoqués dans les scénarios. Le travail de la Red Team n'est donc pas uniquement centré sur la prospective lointaine, mais concerne l'innovation de défense du présent.

Vous avez rappelé l'origine du nom de la Red Team. L'expérience originelle des Américains avait-elle été efficace, dans sa dimension d'anticipation ?

Les expériences américaines de la Red Team ne relevaient pas de la science-fiction. Leur but était d'identifier les tactiques susceptibles d'être employées par l'URSS pendant la guerre froide pour nourrir la réflexion des tacticiens du Pentagone. Je suppose que l'expérience a été utile.

Les États-Unis ont fait appel à des auteurs de science-fiction à plusieurs reprises dans leur histoire, par exemple à l'occasion des attentats du 11 septembre 2001. Isaac Asimov était consultant du Pentagone. Mais l'inspiration de la Red Team ne provient pas de ces expérimentations. Nous avons eu cette idée et avons plus tard réalisé que des travaux similaires avaient été conduits par les États-Unis. Cependant, notre manière de conduire l'expérimentation de la Red Team est assez unique. Nous faisons travailler au sein d'une équipe des artistes, dessinateurs et auteurs, sous l'impulsion de l'université de Paris Sciences et Lettres qui apporte la méthodologie à la Red Team. C'est la particularité de notre expérimentation.

J'identifie deux courants d'anticipation. Le premier prévoit l'affrontement de superpuissances ; le second, sans doute plus complexe à concevoir, imagine un émiettement total des sociétés dans un contexte de raréfaction des ressources. Peut-il encore exister une réponse étatique face à un tel degré d'émiettement et de dilution des États et des nations ?

Je ne saurais répondre directement à cette question, car je ne suis pas spécialiste en géostratégie. Vous soulignez à juste titre ces possibilités de guerre future sous forme d'affrontement des superpuissances ou d'émiettement des sociétés. Mais il faut également considérer tous les possibles qui résident entre ces deux extrêmes et imaginer par exemple la privatisation de certains États, ou l'émergence d'acteurs non étatiques cohabitant avec d'autres sociétés. La Red Team ne répond pas à ces questions, mais cherche précisément à les provoquer.

La Red Team s'appuie sur des courants et sensibilités aussi larges que possibles, comme la dystopie, l'uchronie, l'utopie ou la hard science-fiction. Nous explorons ainsi toutes les dimensions possibles de la société future. Les auteurs imaginent la manière dont une menace pourrait émerger en concevant un futur lointain : il peut s'agir de guerres hybrides, d'un monde sans guerre, de nouvelles conflictualités.

Nous avons évoqué avec des assureurs et réassureurs la probabilité de différentes menaces. La Red Team a-t-elle l'ambition d'évaluer l'ensemble des menaces ? Vous attachez-vous à envisager les cas les plus probables ? J'ai eu l'occasion d'échanger avec le directeur de la DARPA – Defense Advanced Research Projects Agency – aux États-Unis. Il m'a confié ne financer que les projets ayant le moins de chances d'aboutir. Parvenez-vous à en tirer des notions systémiques sur la manière de travailler pour faire face à l'imprévu ?

En effet, la DARPA ne finance que des projets qui ont plus de 80 % de chances d'échouer.

La première saison de la Red Team vient de s'achever. Je manque donc de recul sur les conclusions qu'il sera possible d'en tirer sur le plan systémique. Le budget de la loi de programmation militaire nous permet d'expérimenter de nouveaux modes de soutien à l'innovation de défense. C'est après la troisième saison de la Red Team que nous évaluerons ses retombées.

La Red Team dispose-t-elle d'une durée de vie limitée ? Les membres qualifiés et les auteurs se sont-ils engagés à y travailler un certain temps ? Avez-vous des objectifs précis à atteindre ?

Nous nous accordons la liberté de changer d'auteurs de saison en saison. Au lancement de la Red Team, l'appel à candidatures a reçu 1 200 réponses, parmi lesquelles 600 étaient exploitables. Nous disposons donc d'un vivier d'experts, d'auteurs, de dessinateurs et de scénaristes mobilisables. En fonction de nos résultats, nous réfléchirons à une évolution du nombre ou des courants des différents auteurs que nous faisons participer. La Red Team est une expérimentation limitée. Nous lançons en 2021 la deuxième saison, puis une troisième saison suivra. Nous déciderons alors de la prolongation de l'expérimentation et des ajustements nécessaires. Peut-être mettrons-nous en œuvre une nouvelle expérimentation ou déciderons-nous de recruter des auteurs de science-fiction dans le ministère des armées. Nous essayons aujourd'hui de mettre au point une démonstration de faisabilité afin d'évaluer l'intérêt de cette approche prospective.

Qui propose ensuite les solutions de réponse ?

La Blue Team est chargée de la réaction aux réflexions que nous proposons. Elle envisage avec les architectes de la DGA, qui préparent l'horizon capacitaire, et avec l'état-major des armées des solutions pour éviter une surprise stratégique. Une instruction d'innovation Red Team défense, en diffusion restreinte, ancre cette démarche au sein du ministère des armées. Elle sera signée par le délégué général pour l'armement, le chef d'État-major des armées et la directrice générale de la DGRIS. Elle détaille finement l'approche de la Red Team du point de vue de la prospective du ministère.

L'étude de scénarios paroxystiques peut-elle apporter des solutions à des situations de moindre intensité ? Le présent n'est plus si éloigné de votre scénario « Chronique d'une mort annoncée », qui met en scène les safe spheres. Ce scénario peut-il aider la commission Bronner ?

Je l'espère. Nous abordons les phénomènes de fake news et de désinformation, de façon à mieux incarner la menace et à envisager une menace plus globale que celle que nous avions anticipée. Nous travaillons sur la distorsion de la réalité dans deux directions : après avoir imaginé un monde où chacun suit sa propre vérité, nous pourrions imaginer un monde où plus personne n'a de secret. Nous pouvons ainsi aider les acteurs en charge de la riposte à ajuster leurs projets, à en accélérer certains et à en abandonner d'autres, pour éviter de rencontrer les situations que nous décrivons.

La pandémie faisait-elle partie de vos scénarios ?

La Red Team n'a pas été associée à la crise sanitaire. Cependant, les armées et d'autres organismes réfléchissent depuis longtemps aux menaces dans le domaine de la santé. Le secrétariat général de la défense et la sécurité nationale avait publié un document intitulé « Chocs futurs » qui anticipait assez bien ce type de crise. La force du ministère des armées repose dans sa capacité à se réorganiser rapidement et à adopter un fonctionnement en mode mission. L'AID l'a démontré lors de l'appel à projets pendant la première vague du covid-19 et notre approche demeure la même, fidèle à notre devise : « imaginer au-delà et innover toujours ».

La Red Team a la vertu d'imaginer dans des périodes relativement calmes des réponses à des menaces extrêmes. Elle permet de limiter la période de sidération lorsque la crise survient et de gagner en maturité pour mieux se préparer. La Red Team a attiré un grand nombre de candidats. Ce projet contribue-t-il à l'attractivité et au rayonnement du ministère des armées, voire au sens que les soldats donnent à leur mission ?

J'en suis convaincu. Le prochain forum innovation défense, qui se tiendra du 25 au 27 novembre 2021, donnera l'occasion à la Red Team de rencontrer des innovateurs, des soldats et le grand public. Les différentes sollicitations que nous avons reçues des médias montrent l'originalité de ce projet. La Red Team est un média privilégié pour communiquer avec des opérationnels, mais également avec des personnes susceptibles de travailler pour des ministères.

Le ministère de la transition écologique et d'autres ministères nous ont sollicités. L'approche de la Red Team peut être reproduite dans d'autres domaines tels que l'éducation, la recherche ou l'économie. Le savoir-faire de la Red Team est indissociable d'un faire-savoir. Les scénarios grand public contribuent à ce partage. Le contrat de partenariat avec les auteurs permettra des adaptations en films, en livres ou en bandes dessinées, pour rayonner de la manière la plus large possible.

Nous souhaitions précisément aborder le sujet de la possible duplication de cette démarche dans d'autres ministères. Les missions d'innovation participative du ministère des armées pourraient être répliquées.

Vous êtes un observateur avisé des innovations technologiques, du fonctionnement de notre société, de la cybersécurité ou encore de la défense nationale. À titre personnel, quelles sont vos principales préoccupations quant à notre résilience nationale et quels leviers pensez-vous que nous devrions actionner pour la renforcer ?

Nous collaborons déjà avec l'Agence de l'innovation pour les transports au sein du ministère de la transition écologique et nous avons mené un premier appel à propositions conjoint. Nous avons également dialogué avec des agences d'innovation dans le domaine de la santé.

Dans le cadre de nouvelles conflictualités, il me semble que les champs immatériels constituent un sujet de préoccupation, qui fera d'ailleurs l'objet des trophées de l'innovation en 2021. Cet axe a été travaillé dans le scénario « Chronique d'une mort culturelle annoncée ». Ce sujet est préoccupant, dans la mesure où les nouvelles technologies d'intelligence artificielle permettent de montrer un réel qui n'existe pas. La lutte contre la manipulation de l'information doit être une priorité, car elle représente un risque démocratique majeur et un risque pour notre résilience. Il faut se préparer à des guerres hybrides et à des conflits de haute intensité, mais je suis davantage préoccupé par ce champ immatériel. Nous essayons de collaborer avec tous les ministères pour apporter des solutions.

Dans le contexte géopolitique et dans l'état de nos ressources actuelles, le sujet de l'énergie fait aussi partie des préoccupations du ministère. La transition environnementale doit également être pensée au niveau européen. Le ministère a établi une feuille de route sur le sujet de l'énergie.

Le DROID cherche à établir la liste des sujets les plus urgents. En 2019, les thématiques majeures identifiées pour le ministère étaient la cybersécurité, l'intelligence artificielle et l'espace. Le DROID de 2020 enrichit cette liste en y ajoutant les capteurs quantiques, l'hypervélocité, l'énergie, les armes à énergie dirigée et la lutte anti-drones. Notre métier consiste à anticiper ces priorités à court, moyen et long terme, en adoptant une approche complémentaire à la prospective traditionnelle.

L'approche clausewitzienne d'affrontement des volontés montrait autrefois l'utilisation de contraintes cinétiques, qui se couplent désormais à des menaces dans le champ informationnel. Nos démocraties ont approché le domaine cyber sous l'angle de sa capacité à pirater des machines. Mais le champ informationnel soulève la question de la capacité à pirater les cerveaux de chaque composant de la démocratie. La ministre des armées s'apprête à présenter sa stratégie de lutte informationnelle. Nous avons peu évoqué le ministère de l'éducation nationale. Thucydide rappelait que la force de la cité ne repose pas tant dans la taille de ses remparts que dans le caractère de ses citoyens. Comment la Red Team nous éclaire-t-elle sur les moyens de fortifier les caractères de nos concitoyens ?

L'éducation est importante. Il est essentiel de disposer de médias qui nous permettent de nous adresser à un large public. Les scénarios, sous leurs différentes formes, peuvent aider à éclairer les générations futures. Nous avons l'habitude de dire que le futur pacha du porte-avion de 2030 est encore à l'école. Il faut sensibiliser la jeunesse aux véritables enjeux de la défense. Les approches innovantes font partie des outils à activer dans ce domaine.

Lors du forum innovation défense, où une centaine de projets seront présentés au cours d'une cinquantaine de tables rondes, nous annoncerons un nouveau moyen que nous avons imaginé pour nous adresser à la jeunesse et mieux la sensibiliser à ces questions. L'AID a également noué des partenariats avec différents réseaux, notamment les Jeunes IHEDN, pour renforcer notre action auprès des jeunes générations. La jeunesse est au cœur des priorités de l'AID.