Intervention de Alain Thirion

Réunion du mercredi 20 octobre 2021 à 15h00
Mission d'information sur la résilience nationale

Alain Thirion :

Il est essentiel de distinguer les outils et les moyens. Nous disposons des outils, de la connaissance et de l'inventaire des moyens. La grande réponse demeure le pacte capacitaire. Demander à un département de faire face à une situation en temps de crise avec ses seuls moyens serait malhonnête et irresponsable. Si nous n'évaluons pas les besoins et ne prévoyons pas des ressources en conséquence, nous nous exposons à un écart entre l'identification des risques et le dimensionnement des réponses à apporter. Le pacte capacitaire au niveau zonal vise à ce que, pour chaque type de risque, nous soyons capables d'y remédier en regroupant un ensemble exceptionnel de moyens.

Dans les Alpes-Maritimes, pendant la tempête Alex, nous avons mobilisé vingt-neuf hélicoptères alors qu'il n'y a pas d'hélicoptère de la sécurité civile à Nice. Cet exemple montre que nous sommes capables de mutualiser des moyens pour faire face à une situation particulière : nous avons mobilisé des hélicoptères de la sécurité civile, des hélicoptères blancs, des hélicoptères de l'armée et des hélicoptères de location. Nous avons procédé de manière identique pour disposer de téléphones satellitaires. Il nous fallait donc disposer de dispositifs de type « boîte à outils » utilisables dans de bonnes conditions. Le dispositif militaire Héphaïstos permet de faire face à des besoins particuliers. Au titre des moyens nationaux, 2 500 personnes sont mobilisables. Nous disposons également de stocks et de possibilités de soutien offertes par les collectivités locales et par des associations agréées. À la Réunion, nous travaillons en étroite relation avec la Croix-Rouge, qui a la capacité d'apporter des tentes et de l'eau en cas de crise. Nous pouvons aussi affréter des avions. Toutes ces procédures bénéficient d'une logique de souplesse. S'il était nécessaire de tout gérer en régie, les coûts seraient insupportables pour l'État. Grâce au pacte capacitaire et à la complémentarité entre les acteurs de terrain au niveau zonal comme au niveau national, nous disposons d'une véritable force de frappe. S'il fonctionne bien, ce système présente toutefois une fragilité : il n'est efficace que pour les crises territoriales. En cas de crise nationale, sa mise en œuvre serait plus difficile. Par conséquent, il est essentiel de monter en puissance.

Nous ne pensons pas l'action publique en matière de crise comme nous pensons l'action publique hors crise. Dans le cadre de travaux parlementaires concernant les outre-mer, la logique des règles exorbitantes de droit commun a du sens. Prenons l'exemple des règles encadrant les marchés publics : dans le cas d'une crise rendant impossible le recours à un appel d'offres, nous devons pouvoir dire ce que nous sommes en mesure d'effectuer, de quels moyens nous disposons, et envisager d'éventuelles dérogations. Il ne faut bien sûr pas déroger aux règles générales en toutes circonstances. Cependant, face à certaines situations, l'urgence commande. Lors de la tempête Alex, nous avons procédé à la location d'hélicoptères lourds. Ces derniers sont polyvalents et disposent de modalités d'emploi rapide, sous quarante-huit heures. Ils permettent la projection d'équipements lourds, tout comme l'intervention en cas d'incendie.

La polyvalence et la souplesse de nos réponses sont un gage de réussite. Nous ne pourrons pas couvrir tous les champs. Dans certains domaines, il est peut-être préférable de recourir à des dispositions insuffisamment mises en œuvre en temps normal. Ce fut le cas pour la gestion des stocks de masques chirurgicaux au début de la pandémie de covid-19.

Les risques et les menaces évoluent, c'est pourquoi notre travail est dynamique. Quand le pacte capacitaire sera terminé, je suis convaincu que le travail complémentaire, dont l'encouragement des pratiques vertueuses, permettra de franchir un pas supplémentaire pour gagner en efficacité.

Le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC) dénombre les crises auxquelles nous sommes confrontés. Directeur général de la sécurité civile depuis deux ans et demi, j'ai déjà connu soixante-trois crises. Au terme de chacune d'entre elles, je ne peux m'empêcher de me demander si ma réaction était adaptée, ou s'il manquait quelque chose. Je fais face à ma sixième ou septième inondation, mais je suis toujours surpris devant l'évolution des caractéristiques de ces phénomènes. L'étude du risque doit être permanente. Face aux crises que nous subirons, s'agissant en particulier de risques naturels, notre travail d'adaptation en matière de sécurité civile et de gestion de crise doit être entrepris rapidement. L'accélération des phénomènes nous oblige à nous adapter. Nous menons un travail innovant d'anticipation avec Météo France et avec différents experts, qui offriront une visibilité plus grande quant à ce qui nous attend. Sans cette anticipation, nous en serions réduits à une réaction qui, par définition, intervient en retard.

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