Mission d'information sur la résilience nationale

Réunion du mercredi 20 octobre 2021 à 15h00

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La réunion

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MISSION D'INFORMATION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS SUR LA RÉSILIENCE NATIONALE

Mercredi 20 octobre 2021

La séance est ouverte à quinze heures

(Présidence de M. Alexandre Freschi, président de la mission d'information)

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Monsieur le préfet, nous vous remercions d'avoir répondu à l'invitation de notre mission d'information. Vous êtes accompagné de M. Loïc Grosse, adjoint au sous-directeur de la préparation, de l'anticipation et de la gestion des crises.

Au sein de l'appareil de l'État, votre direction générale possède une vision à 360 degrés des risques et des menaces qui pèsent sur notre pays. C'est pourquoi vos éclairages seront particulièrement précieux pour nos travaux.

Nous attendons de cette audition qu'elle nous informe de l'évolution de ces risques et menaces, des scénarios de crise du futur et des moyens que la puissance publique met en œuvre pour protéger la population. Nous serons également heureux de recueillir votre appréciation sur la résilience de la société civile aujourd'hui, et d'explorer avec vous les pistes pour renforcer cette résilience.

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le préfet Alain Thirion, directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises

Mon intervention est articulée en six points.

Le premier porte sur la notion de résilience, un principe récent défini dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008. Ce document définit la résilience comme « la volonté et la capacité d'un pays, d'une société et des pouvoirs publics à résister aux conséquences d'une agression ou d'une catastrophe majeures, puis à rétablir rapidement leur capacité de fonctionner dans des conditions normales, ou à tout le moins socialement acceptables ». Nous partons du constat d'un phénomène de crise, qui peut être lié à un risque industriel, naturel ou sanitaire. La réaction de la société comporte plusieurs dimensions, comprenant l'anticipation des menaces et des risques, l'action en période de crise et le rétablissement d'une situation normale. Chacune de ces étapes détermine un certain nombre d'obligations collectives, pour lesquelles il importe d'identifier les acteurs concernés.

Le deuxième point concerne les obligations et les risques : la connaissance de ces derniers constitue la première tâche à accomplir. Sur l'ensemble des champs que j'ai mentionnés – risque naturel, sanitaire ou industriel – un travail très complet a été entrepris par l'ensemble des services de l'État et des collectivités locales. Nous constatons un certain nombre d'évolutions profondes qui ne sont pas sans conséquence sur nos modes opératoires. Les risques naturels, le réchauffement climatique, la campagne de feux de forêt estivaux qui a pris fin la semaine dernière – jusqu'en 2019, elle était ciblée sur le sud de la France, désormais elle concerne l'intégralité du territoire national – qui se décline en feux de forêt, feux de végétation et feux de cultures, constituent autant d'aléas que nous devons anticiper. Ainsi, nous sommes conduits à nous interroger quant à l'évolution de nos modes opératoires et de nos capacités d'anticipation. En effet, nous faisons face à un nombre plus élevé de catastrophes naturelles, telles que la tempête Alex en 2020 et 2021 ou encore les inondations de 2018 dans l'Aude. En 2020, nous avons répertorié plus de soixante alertes de vigilance orange et rouge. Nous assistons à un phénomène d'accélération qui conduit à davantage de catastrophes. Or ces dernières s'avèrent aussi plus violentes, plus intenses et occasionnent un effet territorial plus développé. Ainsi, la tempête Alex a touché quatre départements : les Pyrénées-Atlantiques, les Alpes-Maritimes, le Morbihan et une partie du Nord.

Par conséquent, nous devons anticiper de manière différente ces évènements lorsqu'ils touchent l'ensemble du territoire national ou une grande partie de ce dernier. Les risques identifiés évoluent et nous devons légitimement nous y adapter. Cet effort d'adaptation concerne non seulement l'État, mais également les collectivités territoriales, les acteurs associatifs et l'ensemble de la population. L'adaptation et la résilience de la population sont beaucoup plus importantes que nous ne pouvons l'imaginer. Des actions de sensibilisation restent à effectuer, mais il est également nécessaire de mettre en évidence les efforts déjà engagés. En 2019, pour la première fois, les sirènes ont été utilisées à Nice à la suite d'une inondation. La population a été attentive, écoutant les différents messages diffusés par les médias, ce qui a permis de déplorer peu de victimes. Je ne suis pas certain que dix ou quinze ans auparavant, à l'occasion d'un phénomène semblable, les sirènes auraient entraîné le même type de réaction. Notre société, peut-être plus consciente de sa fragilité, s'adapte et les réactions de la population sont plus importantes qu'il n'y paraît.

Il est également nécessaire de prendre en compte des risques nouveaux. Je n'aborderai pas les risques terroristes, car j'imagine que vous recevrez le directeur général de la police nationale et le directeur général de la sécurité intérieure afin de disposer d'une vision globale. Il peut exister des risques hybrides, soit des actions malveillantes conduites par des personnes dans le pays ou au dehors à des fins de déstabilisation, mêlant une volonté de nuire à des risques du ressort de la sécurité civile. Dans le cas de Lubrizol, de fausses nouvelles ont été diffusées pour mettre en place une désinformation. Il s'agit d'un phénomène nouveau en matière de sécurité civile. Nous devons prendre en compte cette évolution et ne pas hésiter à fournir une information institutionnelle ferme.

Le troisième point de cet exposé renvoie aux travaux de M. Fabien Matras, qui est membre de votre mission d'information. Nous devons œuvrer pour l'acculturation de la population aux risques. Dans ce cadre, le Japon, où les gestes qui sauvent sont enseignés dans les écoles et où existent des associations de sécurité civile, est un modèle à suivre.

Les collectivités locales jouent aussi un rôle important, au travers notamment des plans communaux de sauvegarde. Il existe une demande d'explication des risques de la part de la population, qui souhaite les comprendre et acquérir les bons réflexes par des exercices. Les choses peuvent rapidement déraper si les comportements deviennent irrationnels et s'inscrivent en décalage avec l'action des pouvoirs publics. Un travail indispensable est à l'œuvre en ce moment dans l'éducation nationale, avec le concours des sapeurs-pompiers, notamment dans le cadre du service national universel (SNU). Je pense que nous pourrions aller plus loin en mettant en place une journée « japonaise ». Il s'agirait de consacrer une journée par an pendant laquelle, en fonction de la localisation du public, les risques encourus et les solutions existantes seraient présentés. La population exposée aurait ainsi la capacité de devenir acteur de la prévention et de la réaction au risque. Se former aux comportements appropriés et disposer d'outils de prévention adéquats limite les effets néfastes du risque.

Notre société comporte un nombre élevé de risques. Elle doit donc tenir compte de cette réalité dans le but d'y faire face. Je note d'ailleurs avec satisfaction et humilité que tout ce qui peut nous permettre d'être plus performants dans l'appréhension du risque donne des résultats satisfaisants. À titre d'exemple, lors de la tempête Alex, le travail d'anticipation réalisé avec Météo France et la fermeture des écoles et de certaines voies de circulation en liaison avec les autorités locales ont permis de limiter le nombre de victimes à dix morts dans les Alpes-Maritimes, au lieu de plusieurs centaines si de telles mesures n'avaient pas été prises. Le prépositionnement de moyens et d'équipements a permis d'intervenir dans un temps court. J'ai eu des contacts intenses avec mes homologues belges et allemands, qui ont subi le même phénomène. Dans l'un et l'autre pays, ce travail préalable n'a pas été mené dans des conditions satisfaisantes et l'on a dénombré plusieurs centaines de morts.

Certains phénomènes ne peuvent pas être anticipés. En revanche, lors de phénomène d'inondations ou de feux de forêt – rappelons que 95 % des feux sont éteints avant d'atteindre cinq hectares –, l'anticipation nous permet de circonscrire les dégâts.

Ma quatrième observation concerne l'organisation des moyens. Notre évolution à ce sujet est double. S'agissant de l'organisation des secours, nous avons pendant longtemps procédé dans un cadre communal, puis départemental. La logique actuelle de pacte capacitaire ne permet pas de couvrir l'intégralité des risques potentiels car cela représente des moyens considérables. Tous les départements ne disposent pas des mêmes ressources, et nous nous constatons par ailleurs qu'une mobilisation à raison d'une fois tous les deux ans représente un frein à la performance. En revanche, lorsque nous mutualisons les moyens et intervenons selon une logique capacitaire avec le préfet, le président du conseil départemental et les maires concernés, nous pouvons bénéficier du renfort de différents moyens à l'échelle zonale. Dès lors, nous sommes plus efficaces, nous optimisons l'usage de nos moyens et le coût est moindre. Ce pacte capacitaire, qui est un des éléments de la future la loi Matras, apportera une valeur ajoutée pour l'ensemble du territoire.

Nous pouvons reprendre l'exemple de la tempête Alex. Deux mille personnes ont été mobilisées sur le terrain – des sapeurs-pompiers, des personnels de la sécurité civile, des militaires, entre autres –, dont cinq cents à cinq cent cinquante provenaient des Alpes-Maritimes. Le renfort au niveau zonal et national permet de disposer d'une force de frappe plus élevée. Cette imbrication des échelles zonale et nationale dans le déroulement des crises répond à une évolution structurante. Traditionnellement, l'anticipation des risques et menaces pesant sur la résilience faisait l'objet d'approches nationales, chaque pays développant une approche particulière. Désormais, le pacte capacitaire revêt une pertinence au niveau européen et international. Cette année, la France a ainsi été mobilisée dans plusieurs pays, notamment en Algérie, en Italie et en Grèce. Face à des catastrophes naturelles, les États ont besoin de la solidarité européenne. Par conséquent, nous développons une politique européenne en liaison avec l'ensemble de nos partenaires. Il s'agit d'un élément nouveau engendrant des réflexes capacitaires et une augmentation des moyens, une gestion et une optimisation des ressources en fonction des risques que nous identifions et des situations qui se présentent.

Le cinquième point de cette présentation concerne l'alerte, qui connaît une sorte de révolution. Jusqu'au début du XXe siècle, les alertes étaient données par les cloches, sous la forme du tocsin. Au XXe siècle, la sirène a remplacé la cloche. Cette méthode de diffusion des alertes suscite des interrogations, car le réflexe de la population en les entendant n'est pas de se calfeutrer et d'écouter la radio, mais de sortir.

Depuis 2020, à la suite du drame de Lubrizol, le ministre de l'intérieur a décidé l'installation du cell broadcast. Il s'agit d'envoyer sur les téléphones portables des messages clairs concernant les actions à entreprendre. Ces messages seront prioritaires par rapport à toute autre communication. Chaque téléphone pourra les recevoir même en l'absence d'accès au réseau. Enfin, il sera possible de définir le périmètre concerné par la diffusion de ces messages. Ce procédé s'adressera également aux étrangers. Cette avancée a été décidée et annoncée par le ministre de l'intérieur. Des crédits ont été affectés, à hauteur de 40 millions d'euros. Nous mettons actuellement en place le dispositif qui permettra de rendre cette installation opératoire. Il s'agit de savoir comment fonctionner avec les opérateurs, de délimiter les zones d'expérimentation et de maîtriser le dispositif permettant de lancer la diffusion. Le déploiement commencera en 2022 sur le territoire métropolitain, puis il sera étendu pour être parachevé en 2023-2024. L'alerte demeure un élément fondamental dans la détermination des comportements. Dans ce cadre, la sécurité civile a signé en 2020 une convention avec Météo France visant à tirer les conséquences du réchauffement climatique en matière de risques naturels et industriels et à établir une stratégie adaptée pour les cinq à dix années à venir. Les travaux entrepris par Météo France s'achèveront à la fin de l'année. Sur cette base, des propositions précises et opérationnelles seront formulées au début de l'année 2022. Concernant, par exemple, des feux de forêts qui s'étendraient sur l'ensemble du territoire, l'objectif est de ne pas devoir attendre le déclenchement du sinistre pour définir les modalités de réquisition de moyens aériens. Une stratégie de déploiement de drones nous permettra de positionner nos moyens aériens afin d'intervenir rapidement.

Nous intégrons ainsi des données que nous ne considérions pas jusqu'à présent. À titre d'exemple, nous avons constaté que le réchauffement climatique entraîne la formation de poches d'eau à l'intérieur des formations glacières, susceptibles de se rompre. Nous commençons à appréhender ce risque jusqu'alors méconnu. En cas de danger, nous pourrions devoir procéder à des évacuations. L'appréhension du risque ne suffira pas à empêcher qu'il y ait des victimes. Toutefois, elle nous permettra d'en limiter les conséquences néfastes. Nous y parviendrons par l'acquisition de comportements, d'un savoir-être et d'un savoir-faire spécifiques.

Nous devons aussi développer nos capacités d'anticipation. Ainsi, pour lutter contre les feux de forêt, la France a mis en place le premier système de guet aérien armé (GAAr). En période de fortes chaleurs, de faible hydricité des végétaux et de vents forts, les risques de feux de forêt sont importants. Le guet aérien est un système de rotation visant à repérer les départs de feux. Ces capacités de détection sont telles qu'aujourd'hui 95 % des feux ne détruisent pas plus de cinq hectares.

Dans le cadre de la loi de finances, il faut être particulièrement précis quant aux indicateurs que nous fournissons. Dans mes discussions avec le ministère du budget, j'explique que le nombre d'hectares brûlés ne constitue pas un bon critère car il traduit les conséquences d'un mauvais travail. Le nombre de départs de feux et le nombre d'hectares sauvés devraient être pris en compte.

Quand nous procédons à des comparaisons internationales, nous constatons qu'en France le plus gros feu de l'été 2021 a touché 7 000 hectares, tandis qu'en Grèce et en Italie ces incendies ont pu atteindre 200 000 hectares. Nos techniques suscitent des sollicitations de pays avec lesquels nous ne travaillons jamais, tels que l'Australie. Trois techniques les intéressent : le contre-feu, car un incendie ne se répand pas sur une zone où il n'y a plus rien à brûler ; la combinaison de moyens aériens et au sol – lorsque les feux sont très importants et que la température est très élevée, les avions ne permettent pas de les juguler, une intervention au sol est nécessaire – ; nos capacités d'anticipation, qu'illustre le recours au guet aérien armé.

Les questions que nous traitons sont d'une portée planétaire. Un tel travail ne peut pas être réalisé par la seule mobilisation des services de l'État. Il nécessite le concours des collectivités territoriales et des particuliers.

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J'ai lu ce matin la circulaire n° 6095/SG du 1er juillet 2019, relative à l'organisation gouvernementale pour la gestion des crises majeures. Cette lecture a répondu à plusieurs de mes interrogations en matière de gouvernance et d'organisation. Pour autant, quelle est la nature des risques auxquels nous sommes confrontés ? Selon un récent sondage, les catastrophes les plus probables pour les Français sont : en premier lieu, une crise financière de grande ampleur ; en deuxième position, l'arrivée incontrôlée de migrants depuis la Méditerranée ; troisièmement, un choc climatique. Quels sont les risques qui vous empêchent de dormir ? Quels seraient les pires scénarios ?

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Alain Thirion

Les réponses à ce sondage sont curieuses. Nous pouvons penser à toute une panoplie de risques naturels, sans même évoquer les risques encourus dans les outre-mer – pensons aux ouragans ou aux éruptions volcaniques telles que celle de 1902 à la Martinique, qui a causé la mort de 20 000 personnes. Il est étrange de ne pas retrouver les risques naturels concrets qui se matérialisent chaque année, comme les inondations ou les incendies. Les risques industriels ne sont pas évoqués non plus. Or, il existe des risques industriels importants, notamment dans les vallées du Rhône, de la Loire et de la Seine. Le risque nucléaire est également important, d'autant qu'un accident dans une centrale peut se propager à d'autres installations. Ainsi, lors de la catastrophe de Lubrizol, nous craignions que les installations situées à proximité ne subissent également les conséquences de l'incendie. Le risque industriel est réel, il est lié à l'activité. Il ne s'agit pas uniquement d'un risque de pollution. La menace peut également concerner la qualité de l'air. Et le risque sanitaire n'est pas mentionné dans ce sondage. La crise liée du covid-19, par son ampleur, sa durée et son impact sur toute la société, impose des réponses adaptées à l'échelle à laquelle se déploie la menace.

S'agissant d'une crise financière ou d'une crise causée par l'arrivée de migrants, je ne suis pas le bon interlocuteur, bien que nous répondions présents, au titre de la sécurité civile, quelle que soit la nature de la menace : en réponse à la situation en Afghanistan, nous avons dû procéder au rapatriement de plusieurs milliers de personnes, à leur accueil et à leur prise en charge.

Selon moi, le risque le plus élevé résulte de l'intensification des risques naturels. Il ne s'agit pas de risques nouveaux, mais de phénomènes qui se font plus intenses et plus éprouvantes. Nous devons prendre en compte la nouvelle dimension de ces risques. C'est le cas des « méga-feux » qui n'existaient pas auparavant. La campagne contre les incendies commence désormais en juin et se termine en octobre. Plusieurs centaines de milliers d'hectares sont touchés. Ces phénomènes ouvrent la question d'une organisation plus exigeante en matière de débroussaillage ou de gestion des stocks d'eau. Nous pourrions également faire face à des risques industriels amplifiés par le vieillissement de certains outils, ainsi qu'à des menaces hybrides consistant à utiliser dans une intention malveillante les risques auxquels nous sommes confrontés. Par exemple, lors d'une intervention sur des équipements d'EDF ou d'Engie ne présentant pas de risque particulier, un incendie volontaire ou la diffusion de fausses informations pourrait déstabiliser le fonctionnement d'installations sensibles. Il s'agit alors de risque industriel, mais pas uniquement. La qualité de la coopération avec les services de police et de gendarmerie doit contribuer à la réduction de ces risques hybrides.

Le risque sanitaire existe également, avec ses particularités. La crise du covid-19 a été riche d'enseignements. Nous avons subi un phénomène que nous ne connaissions pas, qui s'est prolongé dans le temps et a touché l'ensemble des territoires et de la société. Cette échelle qui ne correspond plus à la gestion de crise, mais à la gestion de guerre, c'est-à-dire à la nécessité pour l'ensemble des acteurs de s'adapter et de prendre en compte la nature du risque. C'est pourquoi les travaux du SGDSN – secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale –, que vous avez suivis, portent sur l'ensemble de ces questions. Assez naturellement, le Premier ministre, dans sa fonction de chef du Gouvernement, centralise les réponses qui doivent être apportées. Nous retrouvons les mêmes éléments, à savoir l'anticipation, la multiplicité des réponses, la nécessité de disposer d'outils d'information et de communication rapides, car l'unité de temps actuelle impose la diffusion de plusieurs messages clairs dans l'heure.

Dans mon métier, nous envisageons les risques jour et nuit. La manière dont les services fonctionnent à chaque niveau nécessite un équilibre de tous les instants en termes de moyens et de réactivité.

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Thomas Gassilloud rapporteur

Vous avez évoqué des risques habituels, que nous connaissons. À mon sens, il ne s'agit pas des plus inquiétants, car ils concernent un secteur géographique donné. Je souhaite revenir sur les menaces systémiques qui peuvent engendrer des réactions en cascade. Je songe à des menaces qui impacteraient l'alimentation, le cybernétique et pourraient engendrer un chaos social. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 indique qu'il s'agit de risques qui, par leur ampleur, sont susceptibles de désorganiser nos sociétés. Le Livre blanc de 2013 précise qu'une désorganisation au départ limitée pourrait rapidement se propager au point de constituer une menace affectant la sécurité nationale.

Pouvons-nous dire que, passé un certain niveau de menace, l'anticipation du risque dépend davantage du ministère de la défense nationale que du ministère de l'intérieur. Vous avez évoqué la gestion de crise et la gestion de guerre. Les risques importants concernent-ils le ministère de l'intérieur ? Au-delà d'un certain niveau de menace portant atteinte à des éléments de sécurité nationale, le ministère de la défense doit-il prendre le relais ? Avez-vous noté une modification périmétrique à la suite du renommage du ministère de la défense en ministère des armées ? Ce dernier porte-t-il toujours la même attention aux questions de sécurité nationale, outre la responsabilité des armées ? Les réflexions sur la défense mentionnent davantage le territoire national ainsi que des phénomènes tels que le caractère hybride des menaces. Quelles sont nos capacités réelles d'anticipation des risques ? Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 envisageait la crise sanitaire comme un phénomène pouvant durablement affecter la société. Existe-t-il des personnes, au sein de notre outil national de défense, qui réfléchissent hors cadre pour anticiper des risques que nous ne connaissons pas ?

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Alain Thirion

Concernant l'élément périmétrique que vous évoquez, l'épicentre est le Premier ministre, qui couvre l'intégralité du champ gouvernemental. En fonction de la nature du risque, le champ qui peut être mobilisé varie. Selon cette logique, la cellule interministérielle de crise (CIC) est gérée par le ministère de l'intérieur pour le compte du Premier sinistre. En fonction de la typologie des risques, le Premier ministre choisit le ministère « menant » et le ministère « concourant ». Ainsi, lors d'une crise sanitaire, le ministère menant est le ministère de la santé.

La préparation et l'anticipation sont nécessaires, car la définition des enjeux d'une crise et l'organisation des pouvoirs publics pour y répondre sont des tâches distinctes qu'il est difficile de mener simultanément. Certaines menaces relevant de la sécurité civile peuvent concerner l'intégralité du territoire. En l'absence d'anticipation, les pouvoirs publics en sont réduits à une logique de réaction, de sorte que leur action intervient toujours avec un temps de retard.

La planification est assez développée en France. Elle consiste à associer à chaque situation qui peut se présenter les conséquences attendues et les solutions à apporter. Ce travail est mené avec rigueur par le SGDSN, qui dispose de la capacité de conjoindre l'ensemble des domaines, dont celui du renseignement, qui est fondamental car il permet de se projeter et d'agir. C'est ce qui nous a manqué au début de la crise sanitaire, car nous ne savions pas à quoi nous devions faire face. Nous nous sommes posé la question de l'application du plan de gestion de crise pandémique. Toutefois, il était difficile de déterminer s'il s'appliquait bien à la situation.

Il est essentiel de demeurer attentif aux tentatives de déstabilisation. La société est de plus en plus complexe, donc de plus en plus fragile et exposée à des opérations malveillantes. Vous avez mentionné les crises cyber, qui peuvent provoquer des désorganisations. Nous avons connu en juin 2021 la « crise Orange ». Il s'agissait d'une panne, probablement due à un problème de maintenance, qui a induit un effet domino s'étendant à tous les services, y compris pour les particuliers. Cet épisode a conduit à des modifications législatives. La loi Matras prévoit désormais des obligations plus importantes pour les opérateurs.

Nous avions prévenu Orange de l'existence de cette crise : aucun service d'urgence n'était joignable. L'État s'est alors mis en ordre de bataille pour compenser ces défaillances, ce qui était d'autant plus nécessaire que nous ne disposons pas de réseau de communication alternatif. Nous devons veiller à trouver des solutions en amont et à les mettre en place dans des temps très courts.

Prenons le cas d'une tempête privant plusieurs communes de l'accès aux réseaux téléphoniques et de routes praticables, sans hélicoptère ou téléphone satellite. Ces zones seraient totalement isolées pendant plus de vingt-quatre heures. Selon moi, les services du Premier ministre, à commencer par le SGDSN, doivent avoir la haute main pour identifier les acteurs des crises. Au niveau local, le représentant du Gouvernement est le préfet. Celui-ci couvre l'intégralité des problématiques. Au niveau national, l'outil CIC – auquel il serait nécessaire d'intégrer les moyens de communication complémentaires –, qui est à la main du Premier ministre, facilite le travail entre les différents ministères. Lors de la tempête Irma, un problème logistique amoindrissait l'accès au terrain. Les services des armées étant les mieux outillés, le Premier ministre leur a demandé d'apporter leur concours. L'interministérialité demeure le principe de fonctionnement du dispositif de gestion de crise. Pour permettre une gestion détaillée, le ministère « menant » est responsable pendant au moins une partie de la crise, mais les ministères « concourants » peuvent varier dans le temps selon les problèmes qui se posent. L'organisation des acteurs doit rester fluide.

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Vous êtes habitué à gérer le temps court et à proposer des solutions dans l'immédiat, mais vous travaillez également sur le temps long en matière de prévention. L'absence de présence médicale sur nos territoires est-elle un sujet sur lequel vous réfléchissez ?

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Alain Thirion

Je suis convaincu que la gestion de l'urgence doit intégrer l'amont et l'aval. Cette problématique pose la question du périmètre. Le dispositif n'a-t-il pas vocation à être articulé au nôtre ? Plus nous disposons de la connaissance de l'amont, plus nous avons la capacité d'étudier l'évolution d'un point de vue cartographique, plus nous sommes prêts pour le temps présent tout en étant capables de préparer la suite. La préparation de l'aval et de la sortie de crise est l'un des enjeux au sujet desquels nous sommes le plus souvent interrogés. La fin de la mission correspond-elle à la fin de l'épisode de crise ou au retour à la normale ? Je suis convaincu que nous ne pouvons pas dissocier les deux. Il est nécessaire de disposer d'un continuum. Sur le terrain, il est assuré par les préfets et les maires. Nous devions également y participer.

Nous percevons les conséquences de la désertification médicale à travers le nombre de sollicitations des services d'incendie et de secours, dont 80 % de l'activité résulte de l'absence d'équipe médicale à proximité. Les hélicoptères de la sécurité civile interviennent 18 000 fois par an, soit une fois toutes les demi-heures. Il s'agit principalement d'hélitreuillage de personnes en détresse ou de déplacement vers des hôpitaux plus fonctionnels. Une intervention sur trois des hélicoptères de la sécurité civile est vitale, ce qui donne une idée du développement des déserts médicaux. Ce phénomène pose la question de la répartition territoriale de nos moyens. Devons-nous être plus présents ? Quelle doit être la nature de nos interventions ? Nous effectuons ce travail de réflexion annuellement afin d'avoir une idée précise de notre activité. Il existe entre 200 000 et 240 000 carences par an. Notre activité ne se confond pas avec celle des sapeurs-pompiers. Cependant, nous la remplissons, car nous nous appuyons sur la notion essentielle de service public de proximité. La sécurité civile se mobilise à chaque sollicitation. Nous avons toujours répondu présent pendant la crise sanitaire et nous continuerons à œuvrer de la sorte, car nous sommes un service de proximité fondamental. Nous ne raisonnons pas en termes de déserts médicaux, mais nous percevons les évolutions. La déprise démographique, la diminution de la population dans les zones les plus rurales engendre un problème en matière de débroussaillage, ou encore de diminution des surfaces de vignobles – sans vignes, un incendie se propage plus aisément. Un territoire peu entretenu, où la forêt se développe, n'est pas sans conséquence sur la nature du risque.

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Le ministre de l'intérieur indiquait, en mars 2018, que nous pouvions évacuer environ 500 000 personnes. Au-delà, cela poserait un problème. Comment un tel chiffre est-il évalué ? Quels sont les facteurs limitants ?

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Alain Thirion

Selon la typologie du risque, l'évacuation peut être contre-indiquée. Dans de nombreux cas, la logique est celle du confinement. La réaction à une peur primale peut être difficile à juguler. Le chiffre de 500 000 personnes correspond à la capacité des services d'incendie, de secours, de police et de gendarmerie à prendre en charge la population. Il demeure indicatif, car évacuer 500 000 personnes à Paris si nous devions faire face à une crue de la Seine diffère d'une évacuation dans l'ancienne région Midi-Pyrénées, par exemple. Ce type d'intervention nécessiterait un certain nombre de dispositions dérogatoires au droit commun. Le nombre de 500 000 correspond à ce que nous pouvons réaliser dans une durée limitée sur un territoire déterminé. Toutefois, la capacité d'évacuation en région parisienne n'est pas celle d'autres territoires. L'évacuation doit être mise en perspective en fonction du lieu. La prise en charge comprend également la nourriture et l'hébergement.

J'ai été préfet de l'Aude. En 2018, 32 000 personnes ont été sinistrées. Nous avons dû les reloger parfois pendant plusieurs mois. À cette occasion, j'ai été surpris par la solidarité entre les individus et par la résilience de la population. De plus, l'entraide entre les départements et la mobilisation de structures pour les victimes ont parfaitement fonctionné. Toutes les associations d'aide aux victimes de la région sont venues en renfort.

Face aux contraintes, nous devenons plus ingénieux : la nécessité fait loi. Cela requiert une certaine souplesse et la possibilité d'offrir aux acteurs locaux les conditions de cette souplesse. Globalement, la résilience existe et fonctionne de manière satisfaisante. Le risque nucléaire nous interroge plus particulièrement, car nous serions confrontés à des réactions irrationnelles de la part de la population. Nous serions obligés d'ajouter des interventions autres que celles de la sécurité civile. Comment intervenir dans le cadre d'un appel au calme ? Il demeure essentiel de penser la crise avant qu'elle ne se produise, à l'instar des pilotes d'avion qui vérifient chaque élément de leur liste.

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C'est ce que nous essayons de traduire en termes politiques.

Existe-t-il des contrats opérationnels, impliquant des objectifs de capacité, pour accueillir de manière exceptionnelle des personnes évacuées ? A-t-on évalué notre capacité à absorber ces personnes ? Avons-nous des contraintes opérationnelles d'accueil ? Vous avez mentionné la rationalisation des moyens de crise à l'échelle des régions. Il me semble que l'organisation pour la gestion quotidienne d'une crise récurrente peut différer de l'organisation en réponse à une crise majeure.

J'ai été maire d'une commune rurale. Ces dix dernières années, nous avons expliqué aux médecins généralistes qu'il existe des personnes plus performantes qu'eux pour traiter l'urgence, notamment le SAMU et les sapeurs-pompiers. Les permanences de soins ont été supprimées en conséquence. L'hélicoptère se déplace régulièrement, car ma commune est desservie par des routes de montagne qui ne sont pas toujours aisément praticables. De grands professionnels interviennent. Ils sont plus aptes à faire face à des situations complexes que les médecins généralistes. Ce système fonctionne bien. Cependant, si devions faire face à un nombre important d'interventions résultant d'une crise, nous ne disposerions pas de la masse nécessaire. Nous bénéficierons de la technicité de grands professionnels, mais pas d'une quantité suffisante de moyens. Nous devons nous interroger sur nos capacités techniques pour faire face à des situations ponctuelles et conduire une réflexion sur la masse des moyens disponibles. Concernant nos réserves, nous disposons d'associations agréées, des sapeurs-pompiers, des réserves communales de sécurité civile – dispositif trop peu exploité – et des forces armées. Ces forces de réserves sont-elles suffisamment dimensionnées ?

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Alain Thirion

Il est essentiel de distinguer les outils et les moyens. Nous disposons des outils, de la connaissance et de l'inventaire des moyens. La grande réponse demeure le pacte capacitaire. Demander à un département de faire face à une situation en temps de crise avec ses seuls moyens serait malhonnête et irresponsable. Si nous n'évaluons pas les besoins et ne prévoyons pas des ressources en conséquence, nous nous exposons à un écart entre l'identification des risques et le dimensionnement des réponses à apporter. Le pacte capacitaire au niveau zonal vise à ce que, pour chaque type de risque, nous soyons capables d'y remédier en regroupant un ensemble exceptionnel de moyens.

Dans les Alpes-Maritimes, pendant la tempête Alex, nous avons mobilisé vingt-neuf hélicoptères alors qu'il n'y a pas d'hélicoptère de la sécurité civile à Nice. Cet exemple montre que nous sommes capables de mutualiser des moyens pour faire face à une situation particulière : nous avons mobilisé des hélicoptères de la sécurité civile, des hélicoptères blancs, des hélicoptères de l'armée et des hélicoptères de location. Nous avons procédé de manière identique pour disposer de téléphones satellitaires. Il nous fallait donc disposer de dispositifs de type « boîte à outils » utilisables dans de bonnes conditions. Le dispositif militaire Héphaïstos permet de faire face à des besoins particuliers. Au titre des moyens nationaux, 2 500 personnes sont mobilisables. Nous disposons également de stocks et de possibilités de soutien offertes par les collectivités locales et par des associations agréées. À la Réunion, nous travaillons en étroite relation avec la Croix-Rouge, qui a la capacité d'apporter des tentes et de l'eau en cas de crise. Nous pouvons aussi affréter des avions. Toutes ces procédures bénéficient d'une logique de souplesse. S'il était nécessaire de tout gérer en régie, les coûts seraient insupportables pour l'État. Grâce au pacte capacitaire et à la complémentarité entre les acteurs de terrain au niveau zonal comme au niveau national, nous disposons d'une véritable force de frappe. S'il fonctionne bien, ce système présente toutefois une fragilité : il n'est efficace que pour les crises territoriales. En cas de crise nationale, sa mise en œuvre serait plus difficile. Par conséquent, il est essentiel de monter en puissance.

Nous ne pensons pas l'action publique en matière de crise comme nous pensons l'action publique hors crise. Dans le cadre de travaux parlementaires concernant les outre-mer, la logique des règles exorbitantes de droit commun a du sens. Prenons l'exemple des règles encadrant les marchés publics : dans le cas d'une crise rendant impossible le recours à un appel d'offres, nous devons pouvoir dire ce que nous sommes en mesure d'effectuer, de quels moyens nous disposons, et envisager d'éventuelles dérogations. Il ne faut bien sûr pas déroger aux règles générales en toutes circonstances. Cependant, face à certaines situations, l'urgence commande. Lors de la tempête Alex, nous avons procédé à la location d'hélicoptères lourds. Ces derniers sont polyvalents et disposent de modalités d'emploi rapide, sous quarante-huit heures. Ils permettent la projection d'équipements lourds, tout comme l'intervention en cas d'incendie.

La polyvalence et la souplesse de nos réponses sont un gage de réussite. Nous ne pourrons pas couvrir tous les champs. Dans certains domaines, il est peut-être préférable de recourir à des dispositions insuffisamment mises en œuvre en temps normal. Ce fut le cas pour la gestion des stocks de masques chirurgicaux au début de la pandémie de covid-19.

Les risques et les menaces évoluent, c'est pourquoi notre travail est dynamique. Quand le pacte capacitaire sera terminé, je suis convaincu que le travail complémentaire, dont l'encouragement des pratiques vertueuses, permettra de franchir un pas supplémentaire pour gagner en efficacité.

Le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC) dénombre les crises auxquelles nous sommes confrontés. Directeur général de la sécurité civile depuis deux ans et demi, j'ai déjà connu soixante-trois crises. Au terme de chacune d'entre elles, je ne peux m'empêcher de me demander si ma réaction était adaptée, ou s'il manquait quelque chose. Je fais face à ma sixième ou septième inondation, mais je suis toujours surpris devant l'évolution des caractéristiques de ces phénomènes. L'étude du risque doit être permanente. Face aux crises que nous subirons, s'agissant en particulier de risques naturels, notre travail d'adaptation en matière de sécurité civile et de gestion de crise doit être entrepris rapidement. L'accélération des phénomènes nous oblige à nous adapter. Nous menons un travail innovant d'anticipation avec Météo France et avec différents experts, qui offriront une visibilité plus grande quant à ce qui nous attend. Sans cette anticipation, nous en serions réduits à une réaction qui, par définition, intervient en retard.

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Votre exposé nous rassure sur la bonne anticipation des risques dans notre pays. J'étais en Allemagne à la mi-juillet ; les récentes inondations y ont causé près de deux cents morts. La gestion à l'échelle des Länder n'est pas des plus efficaces.

Il existe une marge de progression quant à l'association des citoyens. Nous avons la vision d'un État fort qui peut tout. Cette perception repose en particulier sur nos capacités de dissuasion, qui, dans l'esprit de nombreux Français, protègent notre pays des grands risques mondiaux. Nous devons échanger avec nos concitoyens à propos des risques auxquels ils sont exposés. Il ne faut pas considérer la population comme un élément passif sur lequel nous chercherions à produire des effets, mais comme un élément de résolution de la crise. Cela suppose de l'humilité sur le plan politique, car il faut expliquer que, dans certaines situations, les pouvoirs publics ne peuvent pas tout. Nous pouvons progresser en la matière. Le ministère de l'intérieur allemand a publié en 2016 un plan de défense civile recommandant aux citoyens de constituer des réserves de cinq jours d'eau potable. Ce type de discours risque d'être inaudible en France. Il me semble que la bonne résilience correspond à une organisation publique forte et réactive, mais également à l'association des citoyens à la résolution de la crise. Nous pouvons progresser davantage sur ce second point.

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Alain Thirion

La résilience pourrait paraître un sujet ardu. Les travaux parlementaires sont précieux, car ils permettent le développement de la culture autour de ces questions.

Je suis un préfet assez humble. Il me semble que la vision d'un État présent pour toutes les questions est dépassée. L'État est un chef d'orchestre : il peut combler des manques entre les territoires. Chaque personne, quelle que soit sa condition, a le droit à la même réponse en matière de secours. Il est clair que nous devons disposer de réponses appropriées. Le communiqué de presse de plus de trois pages n'est lu par personne. Considérer la population autrement que comme des citoyens actifs est dépassé. C'est la raison pour laquelle nous utilisons des modes opératoires innovants. Les éléments d'acculturation, telle la journée japonaise que j'ai mentionnée, paraissent essentiels. Des outils peuvent également être utiles, notamment VISOV. Il s'agit d'une association de bénévoles qui travaillent au repérage de publications sur les réseaux sociaux. Ils sont capables de chiffrer la sensibilité et la réactivité des internautes à chaque situation. Dans le cadre d'une convention avec VISOV, nous sommes ainsi en mesure de déterminer dans quelle zone se posent le plus de questions concernant un problème donné, et pouvons donc définir plus finement le type de réponse à apporter ainsi que l'échelle pertinente. Ce type d'action produit plusieurs effets : d'une part, c'est un processus concret et pratique ; d'autre part, il nous place, vis-à-vis des collectivités locales, dans une position où nous ne sommes pas donneurs de leçon ; enfin, VISOV permet de rassurer la population. Nous retrouvons les principes, extrêmement puissants au sein de la sécurité civile, de sécurité et d'engagement pour autrui.

Il faut être précis dans l'information, identifier le risque, déceler ce que nous savons et ce que nous ne maîtrisons pas. Certains acteurs considèrent que la parole publique doit répondre à toutes les questions. Or, nous ne sommes écoutés et entendus que lorsque nous sommes crédibles. La rumeur comme la mauvaise parole priment sur la bonne. Le message d'information est fondamental.

Notre société évolue bien par rapport aux risques naturels : pour conforter cette évolution, l'apprentissage des gestes qui sauvent devrait être imposé à l'école. Je suis plus inquiet quant aux risques industriels. Il est primordial d'effectuer un travail pédagogique avec des exercices en grandeur réelle. Nous demandons aux préfets de réaliser trois exercices par an. Or, certains territoires sont exposés à une vingtaine ou une trentaine de risques. En outre, aucune politique publique territorialisée ne peut être conduite sans l'implication des élus. Lorsque l'organisation est en osmose, les dynamiques créées fonctionnent. Lors de la crise sanitaire, la mécanique gouvernementale, la réactivité et l'intelligence des territoires l'ont emporté.

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Comme vous l'avez indiqué « l'étude du risque doit être permanente ». L'acculturation et l'éducation au risque sont essentielles pour pouvoir faire face.

La réunion se termine à dix-sept heures.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur la résilience nationale

Présents. - M. Alexandre Freschi, M. Thomas Gassilloud

Excusé. - Mme Anissa Khedher