Intervention de Nicolas Lerner

Réunion du mardi 26 octobre 2021 à 14h00
Mission d'information sur la résilience nationale

Nicolas Lerner, directeur général de la sécurité intérieure :

Un peu plus de la moitié de l'effectif de la DGSI travaille dans les services centraux ; pour le reste, même si nous ne sommes pas implantés dans chaque département, nous couvrons tout le territoire national. La DGSI, héritière en cela de la direction de la surveillance du territoire, a pour particularité historique que ses services territoriaux ne sont pas organiquement sous l'autorité des préfets. Néanmoins, l'émergence de la menace terroriste à partir de 2015 a conduit à des évolutions fonctionnelles très significatives. Les services territoriaux de la DGSI ne sont toujours pas sous l'autorité des préfets, mais ils participent désormais aux groupes départementaux d'évaluation de la menace que président ces derniers. Le travail interservices s'en est trouvé considérablement renforcé et il irrigue désormais tous nos champs de compétence. Hier soir encore, nous organisions, par exemple, la surveillance des déplacements d'un groupe potentiellement violent, dont les membres résident en zone gendarmerie et que nos services territoriaux connaissent également, parce que certains d'entre eux ont été condamnés pour des affaires impliquant des armes. J'ai moi-même des entretiens fréquents avec mes collègues directeurs généraux et avec les préfets.

Il y a eu un « avant » et un « après » 2015 dans la coopération entre les services pour prendre en compte la menace terroriste, dont la forme a évolué. Au cours des premières années d'existence de Daech et avant cela, le risque était essentiellement dû à des cellules organisées, suivies par des services spécialisés. Une mutation a eu lieu : la menace, devenue plus autonome, peut surgir partout, étant le fait de n'importe quel individu, y compris d'individus inconnus de la DGSI mais dont un trouble psychiatrique ou un comportement atypique peut avoir appelé l'attention d'un service de police ou de gendarmerie. Il est donc indispensable pour nous tous de travailler ensemble. C'est le cas aujourd'hui.

Ce qui est vrai sur le plan territorial l'est aussi au niveau central, où la coordination en matière de lutte contre le terrorisme est permanente. Les échanges d'informations entre services ont connu une révolution depuis 2015 et singulièrement depuis 2018. La DGSI héberge une cellule interservices réunissant les treize services de renseignement et de police judiciaire compétents en matière de terrorisme ; cette cellule, qui fonctionne sans interruption, permet des échanges d'informations très fluides.

J'en viens au risque que vous avez évoqué : qu'un acte terroriste menace la résilience de notre pays. J'ai décrit l'évolution de la menace. Dans un premier temps, nous avons eu à faire à une organisation terroriste contre laquelle la République, au sein d'une coalition, menait une lutte armée. C'était l'époque des menaces dites projetées, parce que conçues et élaborées depuis la zone syro-irakienne et menées à leur terme en France par des individus aguerris, aptes à recourir à des modes opératoires complexes et ayant un accès structuré à des armes. Même si l'État islamique n'a pas été entièrement défait, sa capacité à projeter ce type d'attaque a considérablement diminué, si bien que les menaces ont progressivement changé. D'abord, des individus tels que Rachid Kassim se sont fait les instigateurs d'attentats, incitant des sympathisants à passer à l'acte. Ensuite, des individus installés sur le territoire, inspirés par la propagande terroriste, sont passés à l'acte. Depuis trois ans environ, et sans que les menaces citées aient disparu, des actions terroristes ont été conduites en France par des individus isolés, sans lien direct ni affiliation à une organisation terroriste.

Gilles Kepel rend compte de cette évolution en utilisant l'expression de « djihadisme d'atmosphère », qui désigne la France comme un ennemi. Cela résulte d'une propagande terroriste restée vivace mais aussi d'un discours irresponsable qui fait de l'État un pseudo « ennemi de l'islam ». À l'autre bout de la chaîne, des effecteurs sensibles à ce magma idéologique passent à l'acte pour des raisons très différentes. Certains commettent un attentat en raison d'une forte imprégnation religieuse, d'autres agissent sur un terrain psychiatrique très fragilisé que caractérisent parfois des troubles dépressifs ou une volonté suicidaire. D'autres, des individus très jeunes, parfois âgés seulement de quinze ans, souvent en rupture familiale, trouvent dans cette propagande la manière de satisfaire leur fascination pour l'ultra-violence. La menace à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui est donc très diverse.

Néanmoins, la DGSI a le devoir de se préparer à tous les types de scénario. Nous restons ainsi attentifs à toutes les menaces susceptibles de provoquer une panique à une large échelle. Je pense aux menaces nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques, dites NRBC, qui continuent de faire l'objet d'une attention particulière, sous l'autorité du SGDSN. Deux autres types de menace appellent notre vigilance, comme celle concernant les transports. Cette menace est latente et nous y sommes très attentifs.

Enfin, nous avons une coopération très étroite avec le commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire (COSSEN). L'intervention de la DGSI est principalement axée sur la menace intérieure. Nous considérons en effet qu'aujourd'hui en tout cas, la capacité de frapper une centrale depuis l'extérieur est limitée. Des dispositifs spécifiques existent, dont ceux de la DGSI, qui exerce une vigilance particulière à ce sujet.

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