Vous évoquez le risque d'actions terroristes ou violentes contre les musulmans par mesure de rétorsion à des actions terroristes dont on les jugerait coupables du simple fait de leur religion. Il est en effet de notre responsabilité directe de mesurer l'impact que des discours de haine peuvent avoir sur des individus isolés ou sur des petits groupes susceptibles de concevoir des projets d'agression pour trouver la reconnaissance de leurs pairs. Le risque évoqué par M. Castaner n'est pas théorique : depuis 2017, la DGSI a déjoué cinq projets d'actions terroristes émanant de l'ultra-droite, et les gendarmes un sixième.
La dernière affaire, qui date de trois semaines à peine, concerne un jeune homme de dix-neuf ans, fasciné par la violence, qui explique qu'Hitler lui est apparu en rêve pour lui donner des ordres. Il projetait de s'en prendre à son ancienne école car il estimait y avoir été victime de brimades, et aussi à une mosquée de Seine-Maritime, département où il réside ; ses projets étaient assez élaborés et il avait choisi sa cible. En 2017-2018, alors que la menace terroriste était sans doute ressentie plus fortement par les Français, nous avons démantelé des cellules qui voulaient s'en prendre à la communauté musulmane ou à des imams dont ils avaient dressé la liste.
Au plan opérationnel, nous sommes particulièrement attentifs au passage à l'acte d'un individu isolé et exalté à la Brenton Tarrant, lequel, comme les auteurs d'autres tueries, fait l'objet d'un culte de la mouvance d'ultra-droite sur les réseaux sociaux. Des individus parfois très fragiles sur le plan psychologique et en quête de reconnaissance peuvent voir dans ce type de projets une manière de passer à la postérité et de devenir l'idole de tout un groupe. L'autre risque émane, on l'a vu dans nombre d'affaires récentes, de petites cellules constituées de deux ou trois personnes souvent réunies autour d'une personnalité charismatique, qui se détachent d'organisations ayant pignon sur rue dont ils estiment l'engagement insuffisant, jugeant qu'il faut passer à l'acte pour promouvoir les idées auxquelles ils croient.
La France n'utilise pas Pegasus. Pour le reste, l'affaire faisant l'objet d'une procédure judiciaire, je ne peux vous en dire plus, si ce n'est pour souligner que cette affaire a confirmé que notre pays doit pouvoir s'appuyer sur des outils qu'il maîtrise en propre. Ce qui garantira à la France une forme de résilience, c'est aussi sa capacité à pouvoir répondre aux besoins que j'évoquais à l'instant dans un cadre juridique très encadré – et je me réjouis qu'en 2015 le législateur ait donné un cadre légal à l'action de tous nos agents –, avec des outils dont nous pensons nécessaire qu'ils soient conçus et développés avec des technologies souveraines.
Ce qui se passe au Sahel appelle de notre part une vigilance permanente. L'histoire du terrorisme en France depuis les années 1980 montre qu'à partir de 2013 on s'est concentré sur la zone syro-irakienne parce que plus de 1 400 Français ou ressortissants étrangers partis de France ont rejoint cette zone, mais on sait aussi que ce qui s'est passé au cours des décennies précédentes en Afghanistan, en Algérie et dans les Balkans a eu des conséquences directes sur la sécurité nationale. À ce jour, notre engagement au Sahel n'a pas eu pour conséquence que des individus partent massivement de France pour aller combattre l'armée française aux côtés des groupes terroristes locaux. On ne note pas, à court terme, d'identification à ces groupes terroristes, ni donc de velléité de poursuivre leur combat sur le territoire national.
Néanmoins, nous suivons la situation avec une extrême vigilance, en liaison étroite avec la DGSE.