Intervention de Denis Beau

Réunion du mercredi 27 octobre 2021 à 15h15
Mission d'information sur la résilience nationale

Denis Beau, sous-gouverneur de la Banque de France :

En 2008, le secteur financier était à l'origine de la crise. Il a amplifié le choc initial et l'a transmis à l'économie réelle. À l'inverse, dans le cadre de la crise actuelle, le secteur financier fait partie de la solution. Par ailleurs, la réaction des pouvoirs publics au sens large a été rapide, coordonnée, massive et à la mesure de l'ampleur du choc qui était inédite.

La BCE publie des prévisions pour la zone euro tandis que nous en publions de manière indépendante pour l'économie française. D'un point de vue macroéconomique, nous retrouverons d'ici la fin de l'année 2021 le niveau d'activité qui prévalait avant la crise sanitaire et nous atteindrons à la fin de l'année 2022 un rythme de croissance analogue à celui que nous connaissions avant cette crise.

Le choc que celle-ci a engendré a été absorbé et traité. La reprise en cours est vigoureuse. De son côté, la crise de 2008 s'est prolongée et a engendré des répliques. Un certain nombre de sujets structurels n'ont d'ailleurs pas disparu.

Je parlerais de cryptoactifs plutôt que de cryptomonnaies. Du point de vue d'un banquier central, la monnaie a des attributs bien précis, à commencer par la volatilité de son cours. Les cryptoactifs sont un effet de l'innovation financière, celle-ci s'avérant positive pour le fonctionnement du système financier, notamment en termes d'efficacité. Cependant, toute innovation engendre à la fois des effets positifs et des risques.

En particulier, les cryptoactifs posent la question de leur encadrement. À ce stade, leur place dans le fonctionnement du système financier reste limitée, bien que l'on assiste à des phénomènes spectaculaires qui donnent lieu à une forte couverture médiatique. Ces développements peuvent devenir considérables, notamment s'ils sont portés en termes de cryptoactifs. Par exemple, des actifs d'investissement et de règlement comme les stablecoins s'accompagnent de dispositifs visant à limiter leur volatilité.

Quand ces actifs sont portés par des acteurs majeurs avec des centaines de millions de clients dès le démarrage, leur poids dans le système financier peut devenir très important. Ce phénomène pose le problème de l'ancrage de ce sous-ensemble qui pourrait se développer parallèlement au système financier traditionnel. Ce dernier bénéficie, lui, d'une stabilité significative et repose sur la monnaie émise par les banques centrales comme actifs de règlement ultimes.

À ce stade, différentes réponses peuvent être apportées à ce phénomène afin qu'il se développe sans menacer la stabilité du système financier. La première réponse est d'ordre réglementaire. Elle est en cours en Europe avec les projets DORA et MiCA – Markets in Crypto-Assets. Il existe une coordination et une réflexion importantes au niveau international. D'autres types de réponse peuvent également être apportées.

Ces cryptoactifs se développent en raison de nouvelles demandes insatisfaites exprimées par les consommateurs de services financiers. Pour répondre à ces demandes, les acteurs installés peuvent aussi prendre des initiatives régulées. En Europe, le projet EPI – European Payment Initiative – est porté par un consortium de banques européennes en vue de développer de nouveaux services. Une autre réponse possible consisterait en l'émission, par la Banque centrale, d'une forme digitale de sa monnaie. Le conseil des gouverneurs de la BCE a décidé d'entreprendre une investigation approfondie des modalités que pourrait prendre une telle émission.

Ces éléments fournissent une vue d'ensemble des différentes politiques publiques et privées qui peuvent être mises en œuvre pour que ces innovations enrichissent le système financier en termes d'efficacité sans l'affaiblir ou le déstabiliser.

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