Notre organisation, créée en 1902, représente l'ensemble des armateurs opérants sous pavillon français. Nous disposons d'une flotte de 400 navires très diversifiés, la moitié étant une flotte de transport, l'autre moitié une flotte de service. Nous avons également une flotte contrôlée extrêmement importante, qui ne bat pas pavillon français mais reste contrôlée par des armateurs français. Nous avons des champions mondiaux tels que la Compagnie maritime d'affrètement – Compagnie générale maritime (CMA-CGM), Louis Dreyfus Armateurs ou Bourbon Offshore ainsi que nos compagnies de ferries qui assurent une certaine continuité, y compris sur nos côtes, avec les îles du Ponant, la Corse et les outre-mer. Notre flotte océanique permet de poser les câbles sous-marins indispensables à la circulation de l'information. Il s'agit d'une spécialité française, avec une flotte d'environ dix câbliers.
Vos prédécesseurs ont toujours considéré notre marine marchande – privée certes –comme une flotte de commerce stratégique, car l'économie mondiale se réalise en grande partie sur les mers : 90 % des marchandises empruntent des navires durant leur parcours. Depuis une trentaine d'années, nous avons résisté et évité la disparition de la marine marchande. On aurait pu avoir une politique d'option zéro navire, zéro marin, zéro armateur et donc voir la marine marchande française disparaître, mais un certain nombre de mesures ont été prises depuis les années 80 pour éviter cette disparition. Pendant cette période, la flotte mondiale a crû de 4 à 5 % par an en moyenne et la flotte française s'est maintenue à un certain niveau. Notre ambition actuelle est de repartir à la conquête de cette économie mondiale par les mers. Nous disposons d'atouts considérables. Nous représentons la deuxième puissance océanique mondiale grâce à notre zone économique exclusive, principalement dans nos outre-mer. Nous avons la chance d'avoir encore une marine marchande et nous voulons la faire croître.
La loi sur l'économie bleue a acté, en 2016, la notion de flotte stratégique, mais nous devons lui donner davantage de sens. Nous avons énormément travaillé avec le ministère de la mer, qui est notre interlocuteur privilégié et dont nous saluons la création en juillet de l'année dernière. Nous avons fait preuve d'initiative en proposant un plan stratégique pour la marine marchande française. Il s'agit de quarante mesures très cohérentes visant à donner un souffle nouveau à notre marine de commerce. Une magnifique étape a déjà été réalisée avec ce travail coconstruit avec le ministère de la mer et les différents intervenants tels que les partenaires sociaux et les marins. Ce Fontenoy du maritime a déjà abouti à un accord entre l'armement français et son ministère de tutelle. Il constitue une étape importante. Nous avons voulu rendre concrète cette notion de flotte stratégique par la garantie de projets stratégiques applicables à la marine marchande et de mesures extrêmement importantes. Nous restons confrontés à de nombreux défis et devons repartir à la conquête de certains marchés. Aujourd'hui, malheureusement, la flotte sous pavillon français ne représente que 5 % des 350 millions de tonnes qui entrent et sortent de nos ports français, ce qui laisse imaginer ce que nous pourrions faire si nous donnions un peu plus de dynamisme à notre secteur. Nous voulons des navires sous pavillon français dans des ports français. Nous souhaitons aussi continuer de partir à la conquête de nouveaux marchés et le Fontenoy du maritime en est l'illustration.
Dans le même temps, nous sommes confrontés à l'énorme défi qu'est la transition éco-énergétique de notre économie mondiale, et particulièrement de la flotte de commerce. Environ 100 000 navires parcourent les mers du monde en permanence. Dans les années à venir, ces bâtiments devront être renouvelés moyennant des investissements colossaux. On estime à 1 000 milliards de dollars les investissements pour changer la flotte de commerce mondiale et réduire notre impact. Les objectifs mondiaux fixés par l'Organisation maritime internationale (OMI) s'avèrent extrêmement ambitieux pour une période extrêmement courte. Nous vivons dans un monde d'incertitudes et nous ne savons pas comment y arriver aujourd'hui, techniquement parlant, en dépit des pistes qui existent Néanmoins, nous avons la chance, en France, d'être très engagés sur le sujet du passage à une marine marchande plus verte. Nous avons actuellement la flotte propulsée au gaz liquéfié la plus importante au monde. Nous prenons également des initiatives importantes autour du transport de marchandises à la voile. Nous n'étions pas nombreux, il y a trente-cinq ans, à imaginer des paquebots à voile. Il s'agit d'une spécialité française et le Ponant, par exemple, a parcouru plus d'un million de milles à la voile pendant cette période.
Ainsi, la marine marchande résiste et participe à la résilience nationale. Nous travaillons en parfaite coopération avec nos partenaires techniques tels que le Groupement des industries de construction et activités navales (GICAN). Nous avons signé récemment un accord pour favoriser nos travaux communs. Nous participons, comme M. Christian de Tinguy l'a rappelé, à ce projet portuaire national et nous voulons y prendre notre part. Nous coopérons également avec nos partenaires commerciaux, les chargeurs. Trop souvent, nous n'avons pas joué le jeu entre Français et nous avons totalement disparu de certains secteurs. Aujourd'hui, nous avons des champions automobiles en France mais aucune voiture n'est transportée sous pavillon français. La recherche sismique, qui constituait une spécialité française, a été abandonnée. Nous devons, pour continuer à résister, mettre en œuvre cette résilience nationale, nous montrer davantage solidaires et capter toutes les opportunités qui s'offrent à nous. L'objectif est de continuer à croître en menant une stratégie de conquête.