L'union des ports de France a fêté ses cent ans en 2017. Nous sommes quarante-sept membres actifs, exploitants de ports de toute nature et de tout statut juridique. Il s'agit de grands ports maritimes ou fluvio-maritimes tel que le dernier-né, HAROPA (Le Havre-Rouen-Paris), ainsi que des ports concédés et délégués, des ports en métropole et en outre-mer, soit une large diversité de situations.
Le système de mesure des ports français se fonde très souvent sur le nombre de tonnes ou de conteneurs. Ce paramètre de nos activités est important, mais il ne suffit pas à nous caractériser. Les ports sont des infrastructures multimodales qui constituent des portes d'accès aux corridors de transport terrestre. Ils représentent des plateformes qui organisent des services pour leurs clients, avec des infrastructures au service du transport maritime de marchandises et de passagers. Nous avons également une vocation forte en matière de carrefour ou de hubs logistiques qui voient passer les marchandises de la mer vers la terre en empruntant parfois la route, le rail et les fleuves. Ces plateformes multimodales permettent d'organiser les flux logistiques avec un ensemble de partenaires qui vont bien au-delà du domaine portuaire traditionnel.
Les ports constituent également des carrefours énergétiques. Certains abritent des raffineries ou des espaces de stockage, en particulier en matière de stockage stratégique avec des enjeux extrêmement importants. Historiquement, il s'agit de flux extrêmement carbonés. L'évolution qui se dessine amènera des transitions et questionnements qui devraient affecter la solidité financière de nos ports.
Les ports sont également des carrefours industriels. La construction automobile et l'aéronautique constituent des paramètres importants des flux de nos ports et illustrent leur vocation industrielle.
De manière plus large, les ports sont des lieux de vie, certains se trouvant au cœur ou à proximité immédiate de villes. Ils s'inscrivent également dans des espaces sensibles en matière de biodiversité. Ils constituent des moteurs de croissance et d'emploi. Les ports français représentent environ 300 000 emplois directs. Une étude récente menée par l'État montre que les ports d'HAROPA, Marseille et Dunkerque représentent une valeur ajoutée de 13 milliards d'euros pour le territoire national.
Certains ports français relèvent de l'État. Ils sont au nombre de cinq en métropole, avec un grand port fluvio-maritime – HAROPA –, et quatre en outre-mer. D'autres relèvent de collectivités. La plupart sont des régions, mais il peut s'agir également de groupements de communes qui confient généralement l'exploitation de leur site à des tiers, par des contrats de concessions ou des délégations de service public.
Les missions de l'UGPM consistent à la fois en la réalisation, l'exploitation, l'entretien des accès maritimes et, plus largement, des infrastructures portuaires – avec des bassins, des terre-pleins, des voies et des terminaux, et même des voies ferroviaires, ce qui est assez ignoré du grand public. Nous avons aussi le devoir de commercialiser nos espaces. En effet, derrière nos missions de service public – puisque nos ports constituent des outils publics au service des politiques publiques –, les missions commerciales s'avèrent importantes et font vivre les structures portuaires. Nous assurons également l'aménagement et la gestion des zones industrielles et logistiques liées à l'activité portuaire, qui peuvent favoriser l'apport d'activité. Certains éléments en matière de gestion et de préservation des espaces naturels sont moins connus. Une part importante de nos fonciers est consacrée à ce type de missions. Les ports ne sont pas seulement des aménageurs ou des bétonneurs, comme on peut parfois le penser, mais également des acteurs du développement durable au service de la société. Les principaux investissements récemment réalisés portent plutôt sur les capacités d'accueil et les infrastructures en modernisant les digues, les quais et les accès maritimes. Nous avons également des missions de sécurité portuaire avec d'importantes opérations de réparation et restauration.
Les enjeux actuels des ports français portent sur la transition écologique et énergétique, qui les impactera fortement. Une réflexion est nécessaire autour des carburants alternatifs qui pourraient être commercialisés. L'électrification des quais est également un sujet évoqué par beaucoup de nos adhérents. Les investissements portent aussi sur les stratégies de gestion de la biodiversité, où sur la multimodalité et le report modal en matière de transition écologique.
Nous souhaitons nous montrer actifs dans la réindustrialisation de la France – enjeu majeur récemment réaffirmé par le gouvernement – et le développement des nouvelles filières. Beaucoup de nos ports se sont positionnés sur les énergies marines renouvelables, nouvelles activités qui créent de l'emploi sur l'ensemble de nos territoires.
S'agissant des enjeux du numérique, nombre d'éléments doivent être désormais interconnectés pour favoriser le flux de marchandises, avec en arrière-plan la question de la cybersécurité. Celle-ci doit nous concerner au premier chef compte tenu du nombre impressionnant d'attaques que subissent les différents acteurs économiques sur le territoire national.
La stratégie nationale portuaire a été adoptée en janvier 2021 lors du dernier comité interministériel de la mer (CIMer). Cette démarche a été construite pour la première fois par l'État, les régions – représentés par Régions de France – et les différentes parties prenantes après un vaste travail de concertation. L'objectif est la reconquête de parts de marché et le développement économique des ports à l'horizon 2050. Quatre ambitions – auxquelles nous souscrivons totalement – inscrivent les ports comme des maillons essentiels de la performance logistique, des outils de développement économique de nos territoires, des accélérateurs de la transition écologique et des moteurs de l'innovation et de la transition numérique.
Concernant les trafics, nous avons connu deux années perturbées – 2019 avec les mouvements sociaux autour des retraites et 2020 avec le covid – qui ont conduit à une baisse de trafic. La dynamique de 2021 semble plus positive. L'année 2020 a été marquée par des périodes de confinement, d'organisation du travail particulière. La réorganisation actuelle des services maritimes engendre des perturbations, mais aussi des opportunités. Nous avons nourri des inquiétudes pour les ports concernés par le Brexit, des Hauts-de-France jusqu'à la Bretagne en passant par la Normandie. Finalement, nous trouvons des points positifs avec la création de nouvelles lignes, notamment avec l'Irlande.
Le trafic des ports français représente 350 millions de tonnes, 5,8 millions d'équivalent vingt pieds (EVP) et 30 millions de passagers. Il est difficile d'établir une comparaison avec les autres ports européens, mais certaines spécificités expliquent les différences. Les cinq premiers ports à conteneurs sont actuellement chinois puisque l'essentiel de la production se situe en Asie.
L'objectif pour les ports en matière de résilience consiste à retrouver un fonctionnement normal après un choc ou en temps de crise. Les transitions constituent des chocs plus doux, mais plus insidieux. Nous devons nous préparer à des chocs ayant une forte brutalité comme le covid, mais aussi à des sujets comme la transition énergétique qui ne sont pas identifiés comme des chocs, mais qui nécessiteront une approche particulière. En ces temps de crise, nous pouvons penser aux actes de malveillance ou de terrorisme, aux risques naturels, technologiques ou sanitaires. Les ports s'inscrivent totalement dans l'objectif de résilience nationale par leur propre résilience et en tant qu'éléments de souveraineté nationale. Ils constituent des actifs stratégiques au service de nos territoires. L'adaptation à l'ensemble des difficultés qui se présentent s'inscrit dans l'ADN des ports. Les attentats de 2001 contre le World Trade Center ont eu des incidences extrêmement fortes en matière d'organisation de la sûreté et de la sécurité des installations. Le code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires (ISPS) a été mis en place et chacun s'est adapté en modernisant ses installations pour faire face à ce type de risque.
Cela pose la question de la cartographie des risques, qui est réalisée par la plupart de nos adhérents, et cela montre aussi que cette cartographie des risques ne suffit pas à les appréhender tous de manière directe. Nous avions identifié le sujet d'une éventuelle crise sanitaire et travaillé sur la grippe H1N1, qui n'a pas produit d'effets importants, mais le covid a remis en question certaines certitudes. Appréhender les risques implique de penser les plans de gestion de crise et de continuité de l'activité, ce qui a occupé beaucoup de ports en 2020 et a permis à tous de reconsidérer les moyens qui y sont consacrés.
Le changement climatique peut avoir un impact physique sur les infrastructures et des impacts fonctionnels sur l'organisation qui ne doivent pas être négligés. Certaines zones peuvent être inondées et la commercialisation peut être rendue compliquée au regard des plans de prévention des risques d'inondation (PPRI).
La cybersécurité est également au cœur des préoccupations, alors qu'elle ne l'était pas il y a cinq ans. Nous saluons le travail du comité France maritime avec France cybersécurité, créé récemment, qui réunit des acteurs du monde maritime et portuaire pour appréhender collectivement l'ensemble de ces risques.
Enfin, il ne faut pas sous-estimer les effets des transitions. Aujourd'hui, le modèle économique des ports repose sur le trafic lié à l'énergie. Or ce secteur évoluera fondamentalement. Nous avons un raisonnement de temps long. Nos infrastructures, construites pour plusieurs années, doivent évoluer en permanence au regard des différentes évolutions dans un monde qui change beaucoup plus vite. Nous devons anticiper l'ensemble des paramètres pouvant interagir avec nos économies portuaires et avoir les meilleures pratiques sur les plans technique, financier et social.