S'agissant des risques, il existe une directive européenne sur la sûreté dans les ports, l'ISPS, qui contraint d'identifier toute personne qui pénètre dans la zone de chargement-déchargement des navires. La douane a également renforcé ses règles. Pour travailler dans un port français, il faut être habilité « opérateur économique agréé » (OEA) par les douanes. Les procédures existantes s'améliorent d'année en année et sont mises en place.
D'autres risques peuvent affecter les ports tels que le risque d'inondation, avec le recul du trait de côte et l'augmentation de la hauteur de l'eau. Ce risque a été largement débattu lors des récentes journées du littoral à Pornic. Le sujet est à long terme, mais il doit être étudié dès maintenant.
S'agissant des affaires commerciales, les routes de la soie constituent un sujet enfin regardé au niveau français et européen, ce qui n'était pas le cas il y a dix ans. Lors d'une session à l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), je me suis aperçu que l'on s'intéressait davantage à la protection des sociétés d'armement qu'à celle des ports vis-à-vis de ce risque. La prise de contrôle des terminaux puis de l'autorité portuaire du Pirée par l'armateur chinois Cosco a éveillé quelques esprits européens et français, mais probablement trop tard. Le Pirée n'est pas devenu le premier port de Méditerranée en raison d'une explosion du fret pour la Grèce. Le trafic reste identique, mais il a été concentré par Cosco, un armateur d'État chinois qui contrôle toute la chaîne, de la construction du navire jusqu'au transport maritime. Les bateaux arrivent ensuite dans un port dont ils contrôlent les terminaux et les investissements d'infrastructure car ils sont aussi autorités portuaires. Le Pirée est ainsi devenu le premier port de Méditerranée avec plus de 5 millions d'EVP en l'espace de cinq ans. Le phénomène risque de se produire également à Zeebruges, dont les terminaux appartiennent également à Cosco désormais.
Pour les Chinois, les ports sont extrêmement stratégiques, ils les appellent « têtes de dragon » car une fois que la tête du dragon est passée, le corps du dragon passe Nous devons déterminer notre manière de réagir. Depuis 2017, une réflexion est menée au niveau européen avec le filtrage des investissements étrangers en Europe, et les ports y participent. Dorénavant, un investisseur non européen doit être contrôlé quand il souhaite investir dans un port européen. Cependant, le règlement européen a laissé beaucoup de latitude aux États membres dans la fixation de leurs règles pour filtrer et éventuellement refuser des investissements non européens. La réflexion a eu lieu, mais je considère qu'elle n'est pas aboutie au niveau européen. En France, les règles existaient déjà, mais cela ne supprime pas les risques. Aujourd'hui, les entreprises qui gèrent les terminaux portuaires européens ne sont plus, pour la plupart, européennes, en raison de la forte poussée des Chinois ces dix dernières années.
En revanche, sur le plan de l'armement, trois des quatre premiers armateurs mondiaux sont européens. Ces groupes mondiaux s'investissent désormais verticalement dans les ports et achètent des terminaux. On a appris récemment que CMA-CGM investissait 2 milliards de dollars dans un terminal à conteneurs à Long Beach, près de Los Angeles. Il est très important pour le groupe de contrôler toute la chaîne logistique ainsi que les terminaux dans lesquels leurs navires font escale. L'intégration verticale des armements vers les terminaux présente un risque moindre puisque les armateurs sont plutôt européens. En revanche, nous avons laissé des terminaux européens à des groupes non européens comme Dubaï Ports World ou Cosco. Le risque existe donc : le fret français peut très bien être concentré dans un port étranger et déserter les ports français malgré toute la bonne volonté des chargeurs français.