Intervention de Sébastien Leroy

Réunion du vendredi 5 novembre 2021 à 12h00
Mission d'information sur la résilience nationale

Sébastien Leroy, maire de Mandelieu-la-Napoule, représentant l'Association des maires de France :

Je suis très heureux de pouvoir apporter le témoignage des élus de terrain. Nos territoires sont aujourd'hui confrontés à des crises météorologiques majeures ou à des crises sanitaires qui nécessitent une véritable réflexion d'ensemble sur l'efficacité et la rapidité de nos interventions et moyens d'action. Je n'exprimerai pas la position officielle de l'AMF, puisque les instances ne se sont pas prononcées sur le sujet, mais ce que je ressens.

Le premier élément à prendre en compte est la grande diversité des communes dans leur configuration et leurs moyens, par leur taille et leur territoire. Aucune n'est soumise à la même situation, si bien qu'il est difficile de définir, par un texte unique ou un cadre général, les moyens ou les modalités précises d'intervention des uns et des autres. Notre problématique, en tant qu'élus sur le terrain, est de disposer d'outils et d'un cadre législatif qui puissent à la fois libérer les moyens d'action et optimiser les moyens de communication avec les citoyens et les services de l'État. Nous devons avoir face à nous des représentants de l'État disposant d'un véritable pouvoir d'autonomie pour nous permettre d'élaborer un audit précis et un plan d'action dans chaque ville. En cas de crise, nous devons pouvoir mettre en œuvre ce plan, qui doit se montrer performant.

Les communes disposent soit de beaucoup de moyens pour intervenir, soit d'aucun moyen. Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont à la fois une bonne et une mauvaise chose. Certaines communes n'ont pas les moyens de lutter et les EPCI constituent alors un moyen efficace pour apporter des moyens d'action. Cependant, ils ont pour effet néfaste d'éloigner la prise de décision du terrain. Or la cellule de gestion territoriale par excellence demeure la commune. Dès que l'on passe au niveau supérieur, la déconnexion avec les citoyens et les délais d'action deviennent néfastes ou problématiques. Sur cette question, je pense qu'il ne faut pas imposer, il faut avoir des boîtes à outils qui reposent sur la volonté et les besoins de chaque site.

Aujourd'hui, les communes disposent de moyens de communication pléthoriques. Il existe des documents essentiels tels que le DICRIM – document d'information communal sur les risques majeurs – ou les plans communaux de sauvegarde. En période de tension, la communication devient chaotique car le citoyen n'a plus de repère et il se tourne naturellement vers la commune. Or celle-ci doit se montrer à la hauteur de ses responsabilités en prévoyant les décisions et méthodes à appliquer en cas de crise ou de tensions : lorsque l'on doit agir, on n'a pas le temps de se poser pour réfléchir aux actions à mener et anticiper.

Toutefois, compte tenu de la diversité des villes, je doute que nous puissions imposer des procédures de manière unique au niveau de l'État. Nous devrions plutôt nous reposer sur le trio composé du maire, du préfet et de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) pour bâtir un fonctionnement cohérent. Une charte graphique pourrait être définie pour éviter le trop-plein de communication, mais ce fonctionnement doit rester piloté en local. Le trio maire-préfet-DDTM doit, par ailleurs, disposer des moyens de l'action, de la prévention, de la conception de la résilience et de la mise en résilience du territoire.

Enfin, les contradictions normatives existantes posent un réel problème. Le texte actuellement en discussion au Parlement est l'occasion d'évoquer cette contradiction profonde entre les règles sur la résilience – la communication, la préparation de la résilience, les documents d'urbanisme, la concertation élus de terrains-préfets-DDTM, etc. De nombreuses lois en vigueur viennent, par leur application, contredire la mise en résilience des territoires. L'une d'elles est la nouvelle mouture de la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU), que vous travaillerez prochainement dans le cadre de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS) et qui vient contredire le principe même de résilience des territoires. En effet, par ses objectifs, elle impose exactement l'inverse des mesures de protection face aux risques d'incendie ou d'inondation. Je n'aborde pas le cas de la crise sanitaire, qui est différent et a permis d'identifier certains problèmes.

La résolution de ces situations nécessite un cadre général posé par l'État, mais laissant des moyens d'action à la liberté de choix des élus en concertation avec le préfet et la DDTM. En étant trop dans la norme restrictive, les effets seront inverses, cela n'ajoutera que des procédures supplémentaires, du travail en plus, et cela ne favorisera ni la prise rapide de décisions essentielles, ni la prise de conscience des élus locaux et les services de l'État. Cependant, cette liberté ne doit pas non plus être un prétexte pour ne pas prendre ses responsabilités et ne pas agir.

Mon territoire a subi trois crues majeures en quatre ans. Il a affronté la crise sanitaire comme toutes les autres villes, mais il reste soumis aux risques naturels comme peu de villes en France. D'après notre expérience de terrain, la prévention s'est avérée insuffisante dans les rapports de l'élu de terrain avec les services de l'État. En temps de crise, les documents d'intervention ne constituent pas une référence pour le citoyen qui recherche de l'information instantanée auprès de la ville et non des autres entités.

S'agissant de l'avenir de la mise en résilience des territoires et de la communication, la prise de conscience du citoyen ne peut se faire que dans les décisions de gestion de la commune, mais celles-ci ne peuvent plus être contrariées par d'autres lois. Dans l'exemple des inondations, on ne peut pas demander de déconstruire d'un côté tout en demandant de construire de l'autre afin d'atteindre des objectifs de production de logements.

Les élus locaux demandent une certaine liberté d'action, une boîte à outils et une aide de l'État. Cette dernière doit être une aide positive, avec des moyens, éventuellement une charte graphique, une facilité d'accès à l'information et à des synthèses précises et non pléthoriques. Enfin, les maires souhaitent retrouver une liberté d'action sur le territoire. Il faut sortir d'un cadre législatif qui fait de la mise en résilience un projet quasiment utopique si l'on tient compte des nombreuses contradictions entre procédures, réglementations ou même positions des services déconcentrés de l'État, qui disent parfois l'inverse de ce que veut le niveau central.

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