Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du jeudi 18 novembre 2021 à 15h00
Mission d'information sur la résilience nationale

Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie :

Pour sélectionner les six secteurs stratégiques ciblés par le plan de relance, nous avons effectué un recensement à partir de trois sources. Premièrement, nous avons travaillé à l'échelle des filières ; je vous rappelle que, dans le cadre du conseil national de l'industrie, je pilote dix-neuf filières. Deuxièmement, nous avons interrogé les experts académiques et du secteur privé, notamment ceux issus de sociétés de conseil qui interviennent à l'international et peuvent, de ce fait, disposer d'un benchmark international. Troisièmement, nous avons analysé les données relatives aux importations et aux exportations, ainsi que celles liées à certaines problématiques, en parcourant la liste des produits et des sous-produits, afin d'identifier les impasses.

Nous souhaitons passer de l'échelle nationale à l'échelle européenne. Nous avons sollicité la Commission européenne, qui a rendu une première série de travaux, assez génériques. Nous estimons qu'il faut atteindre une granularité plus fine pour identifier des impasses ou, au contraire, des capacités de résilience plus larges qui s'appuieraient sur un certain nombre de sites en Europe.

Sur cette base, nous avons conduit une analyse assez fine des besoins de l'économie française et des risques d'impasse des filières de la santé, de la chimie et de l'électronique. Il s'agissait, d'une part, de déterminer les sources de vulnérabilité, intrant critique par intrant critique. Pour certaines matières chimiques, il n'existe qu'un site de production mondial. Les conséquences d'un événement tel qu'un incendie sont bien plus lourdes qu'on ne l'imagine, à plus forte raison s'il n'existe pas de produit de substitution ou si ce dernier nécessite des certifications et des homologations. En effet, s'il est parfois possible de trouver une autre solution technique, il faut prendre en compte le temps d'homologation requis pour passer tous les tests de sécurité, de santé, d'adaptation… C'est la situation que nous avons connue, s'agissant des produits de santé, pendant le confinement. Les masques ont été homologués et certains produits de santé ont fait l'objet de décisions de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui devait, à tout le moins, apporter une garantie de sécurité aux Français.

Nous avons établi une liste des produits de santé et des produits chimiques dont le niveau de granularité assez fin nous a permis de bâtir l'appel à projets « résilience ». Dans le domaine de l'agroalimentaire, par exemple, nous privilégions les protéines destinées à l'alimentation animale parce que nous nous sommes livrés à cet exercice d'identification des intrants critiques. Nous avons des points de faiblesse, sans doute plus structurels, liés au fait que les chaînes mondiales de production sont si éclatées que nos industriels ne connaissent souvent que leurs sous-traitants de premier ou de deuxième rang. Cela signifie qu'un composant peut manquer à l'appel faute d'avoir été repéré. Cela relève du niveau 2 de l'autonomie stratégique : c'est un blocage susceptible de paralyser une usine et d'avoir un impact économique, mais pas nécessairement d'arrêter un pays.

Les 624 projets de relocalisation que nous avons sélectionnés concernent la santé, l'agroalimentaire, les intrants critiques, l'électronique, la 5G et le nucléaire. Il ne s'agit pas de relocaliser pour relocaliser, car nous avons par ailleurs, au travers du dispositif Territoires d'industrie, des projets de relocalisation qui sont de bons projets économiques mais qui ne correspondent pas nécessairement à des fabrications susceptibles de manquer à l'appel lors d'une crise. Nous avons d'ailleurs fait glisser du compartiment « produits critiques » à la catégorie « bons projets économiques » des dossiers que nous avons envie d'accompagner dans le cadre d'une politique industrielle dynamique, mais pour lesquels le critère de criticité n'intervient pas dans la sélection du dossier.

Si l'on veut aller plus loin, il faut remonter encore d'un cran, c'est-à-dire revenir aux matières premières. Après en avoir discuté avec M. Alexandre Saubot, président de France Industrie, j'ai chargé M. Philippe Varin d'établir un diagnostic des besoins des filières industrielles en matières premières critiques, liés aux enjeux de la transition énergétique. Nous l'avons fait pour les batteries électriques et les éoliennes, pour lesquelles nous avons des besoins considérables. Nous le ferons également pour l'aéronautique, qui a besoin d'éléments particuliers, tels que le titane, pour ses alliages.

Il s'agit de repartir de la classification des éléments de Mendeleïev et d'étudier ce qui peut manquer à l'appel afin d'anticiper les besoins. Nous observons, à cet égard, deux phénomènes. Premièrement, des pays ou de grandes entreprises réservent des ressources en matières premières minières : je pense notamment à la Chine, qui en réserve au Chili, en Argentine et en Indonésie par des contrats à moyen terme. Deuxièmement, des pays commencent à instituer des barrières douanières sur les produits critiques, notamment ceux nécessaires à la construction de batteries électriques, comme le nickel, le lithium et le cobalt. Nous assistons au démarrage d'une course à l'approvisionnement en certaines matières premières, dont l'Europe ne doit pas être absente, car ses ressources minières ne correspondent pas à ses besoins – et encore faudrait-il qu'elle décide de les exploiter, ce qui est un autre sujet.

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