Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du jeudi 18 novembre 2021 à 15h00
Mission d'information sur la résilience nationale

Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie :

Nous avions diagnostiqué de manière anticipée les impasses de production s'agissant des produits de santé, sur la base du constat, sur lequel Agnès Buzyn avait travaillé, de la pénurie de médicaments. De fil en aiguille, notre diagnostic s'est étendu à la filière de la chimie, qui est souvent l'une des filières embarquées dans la production de produits de santé. Chemin faisant, nous avons relevé d'autres impasses. La crise sanitaire a accéléré le caractère systématique de cette approche.

L'interministériel fonctionne à plein en ce domaine. Par exemple, s'agissant des produits de santé, nous sommes en mesure de dire que telle molécule peut manquer, mais nous ne sommes pas capables d'affirmer qu'elle est critique. La liste des molécules d'intérêt thérapeutique majeur est établie par les services compétents du ministère de la santé, leur vision étant elle-même alimentée par leurs contacts directs avec les prescripteurs, les associations de patients et les fabricants de produits de santé. Ils ont une vision à 360 degrés de ces sujets ainsi que de la dynamique des maladies.

Il est important d'avoir à la fois une photographie de la situation à un instant t et une vision dynamique. Ainsi, en matière de produits de santé, les besoins pour faire face à l'enjeu central de l'antibiorésistance peuvent évoluer, et il faut l'anticiper. Il convient d'avoir toujours une double approche : celle des besoins critiques à un instant t, et de ceux qui pourraient le devenir.

En matière d'alimentation, nous engageons cette démarche en totale transparence avec le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, dont les experts sont associés à la sélection des dossiers.

S'agissant de la décarbonation, nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère de la transition écologique, qui dispose d'équipes spécifiques : il exerce la tutelle du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et de la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), qui sont les grands experts français sur ces sujets. Nous avons dressé les mêmes constats et avons additionné nos expertises pour définir une réponse complète.

Pour construire une action publique solide, il faut dresser un diagnostic précis. Objectivement, je pense que ce gouvernement a fait preuve d'anticipation, y compris en agissant comme un aiguillon du secteur privé, par exemple concernant la réflexion à mener sur les contrats à moyen terme pour nos batteries électriques. Nous avons interrogé les filières pour avoir une meilleure compréhension de toutes les chaînes de valeur.

Notre boîte à outils se compose, aujourd'hui, du plan de relance, et comprendra, demain, le plan d'investissement France 2030. Ce dernier traite de sujets tels que la santé, les métaux critiques ou encore l'agroalimentaire. Il faudra s'assurer, dans la durée, que les montants sont proportionnés aux sujets, et que les outils sont les bons. À cet égard, il faudra se poser les questions suivantes : convient-il d'intervenir sous forme de fonds propres, de subventions, de prêts, faut-il animer les acteurs privés afin qu'eux-mêmes se positionnent sur ces marchés ? S'agit-il, au travers de la taxonomie, d'apporter des financements et de l'épargne privée pour développer ces projets ?

Dans la conduite de France 2030, les enjeux, en termes de gouvernance, sont aussi l'interministérialité, l'anticipation des risques les plus prégnants et l'identification des filières critiques les plus importantes. Nous avons une idée de ce qui pourrait nous manquer pour consolider l'existant ; en revanche, s'agissant de l'avenir, nous n'avons pas encore forcément fait le tour de ce dont nous aurons besoin pour bâtir les nouvelles filières. Je ne peux pas vous dire que j'ai pris en compte tous les intrants critiques nécessaires pour bâtir la filière de l'hydrogène décarboné. Cela dépendra des techniques, de la façon dont ce plan est appliqué, du rythme de développement des projets, des échecs et des succès des uns et des autres. Il est donc nécessaire de refaire le point régulièrement et de faire preuve d'agilité dans la conduite des projets en intégrant le principe de résilience qui, à mon sens, est plus efficace que le principe de précaution. Le principe de précaution est probablement un frein dans le cadre de la réflexion sur le rapport bénéfice-risque.

Enfin, il ne faut pas uniquement réfléchir en termes de budgets et de problèmes, mais aussi penser aux autorités de validation. Il faut se demander si elles disposent d'effectifs suffisants, si elles suivent une méthode, si on peut les outiller pour qu'elles puissent traiter plus vite un plus grand nombre de dossiers et s'assurer plus rapidement de la sécurité des produits arrivant sur le marché. Les nombreuses mesures prises pendant le confinement mériteraient d'être examinées de plus près. Par exemple, comment l'ANSM a-t-elle été capable de valider certains produits aussi vite ? Quelles conclusions peut-on en tirer pour définir un mode de fonctionnement en temps normal ?

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