Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du jeudi 18 novembre 2021 à 15h00
Mission d'information sur la résilience nationale

Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie :

Je partage cette approche. C'est en tout cas la ligne de crête que nous essayons d'emprunter. Il convient d'objectiver les risques et les externalités.

Il faut d'abord se demander combien on est prêt à investir pour se prémunir contre le risque de rupture d'approvisionnement. S'agissant des biens et des équipements critiques, cet investissement est destiné à bâtir une stratégie à trois étages. Le premier étage consiste à diversifier l'approvisionnement. Le deuxième étage concerne la constitution de stocks, qui doivent être dynamiques – c'est probablement cette dimension qui a manqué s'agissant des masques. Le stock doit être partiellement rechargé chaque année, et sorti dans les mêmes proportions. Le troisième étage est la capacité à fabriquer. Cela peut se matérialiser soit par des lignes de production existantes, soit par la capacité à bâtir des lignes de production en cas de difficulté. Avoir des machines sous cocon – ce qui induit un coût d'entretien du matériel et, pour ainsi dire, des savoir-faire – est une façon de se prémunir contre les risques de rupture.

Lorsque le risque se matérialise, vous engagez vos dernières démarches d'approvisionnement. Si les frontières se ferment, vous puisez dans votre stock et, pendant ce temps, vous sortez les machines et redémarrez la production. Cette démarche s'entend pour des biens qu'il n'est pas très compliqué de produire, comme des équipements de protection ou des produits de santé. Nous avons – c'est probablement un point à étudier – des pharmacies internes aux hôpitaux qui, bien qu'ayant de petites capacités de production, disposent de savoir-faire et d'une expertise. Il faut veiller à maintenir leurs équipements dans la durée, à faire en sorte que leurs savoir‑faire ne se perdent pas et qu'ils soient capables de remédier aux conséquences des impasses de production sur de courtes périodes. Cela permettrait d'éviter les très fortes tensions que l'on a connues, par exemple, au sujet des curares.

Ce sont des réponses parmi d'autres ; il n'y a pas de réponse unique. C'est toute une construction qu'il faut concevoir.

Les externalités servent à maintenir dans la durée un système fonctionnant correctement. Elles représentent le coût de la destruction de notre industrie alors même qu'elle est compétitive, par exemple en raison du dumping pratiqué par certains pays. C'est tout le sens du règlement européen sur les subventions étrangères, que nous soutenons. Les externalités, c'est, par exemple, le coût de la tonne de carbone qui n'est pas correctement pris en compte aujourd'hui, ce qui nous incite à privilégier des exportations lointaines ou des productions au charbon alors que le prix serait bien plus élevé si l'on prenait en considération tous les effets et toutes les retombées sur notre économie et notre planète. Une des réponses consiste à mener une politique plus ambitieuse pour assurer la loyauté de la concurrence.

Il est plus facile de maintenir une production française si on paie le prix du risque de la rupture d'approvisionnement et si la production française et européenne n'est pas soumise à une concurrence déloyale liée au subventionnement massif de certains pays. Il faut pouvoir maintenir des équivalences d'échange avec des pays qui jouent avec les mêmes règles du jeu que nous, c'est-à-dire qui imposent des contraintes environnementales et sociales à leurs producteurs et se retrouvent dans nos valeurs. À ces conditions, le libre-échange peut participer utilement à la résilience.

S'agissant des stratégies d'achat, nous avons beaucoup travaillé, dans le secteur public, sur les clauses sociales et environnementales. J'ai poussé pour que le cahier des clauses administratives générales comporte une clause environnementale obligatoire et une clause sociale optionnelle, toutes deux ayant la vertu de protéger juridiquement l'acheteur public. Nous devrons accompagner les acheteurs publics quant à la façon de les utiliser et d'objectiver systématiquement les critères. Il faut se pencher, par exemple, sur la formation des acheteurs publics au sein du centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Il faut aussi se demander dans quelle mesure une direction pivot, comme la direction des affaires juridiques de Bercy, pourrait jouer un rôle d'expert. Autre question : comment les régions, qui ont la compétence économique et des équipes d'achat assez structurées, peuvent-elles jouer un rôle d'accompagnement et de conseil de leurs collectivités locales et partager les bonnes pratiques ?

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