La véritable résilience, en définitive, c'est la performance, la compétence, la capacité d'être devant et d'avoir des personnes motivées par leur travail. Aujourd'hui, alors que l'on évoque les relocalisations, on constate que nos entreprises rencontrent des difficultés pour recruter ; si nous ne sommes pas tous en mesure d'augmenter les volumes de travail, nous aurons du mal à atteindre nos objectifs.
Les règles de conformité peuvent inciter les entreprises à appréhender le risque, mais il faut bien définir ce dernier et déterminer s'il intéresse la nation. Nous avons récemment travaillé, au sein de la commission de la défense, sur les règles de conformité du secteur bancaire, dans le cadre du financement de la BITD. Ces normes ont pour conséquence de rendre de plus en plus de banques très frileuses lorsqu'il s'agit de financer les entreprises de défense. On pourrait imaginer que, demain, des banques ne souhaitent plus financer l'industrie agroalimentaire pour des raisons liées au bien-être animal. La prise en compte d'un risque par une entreprise n'est pas forcément bonne pour la nation. Il faut veiller à ce que la base industrielle ne soit pas trop focalisée sur la gestion des risques, de tous les risques, y compris de ceux qui ne sont pas forcément positifs pour nous.
J'en reviens au cas d'école des masques. Nous vivons dans un monde de plus en plus interconnecté, caractérisé par de nombreux déplacements et un nombre croissant de zoonoses. L'arme bactériologique peut même être utilisée – il suffit de suivre les débats sur le laboratoire P4 à Wuhan pour s'en convaincre. Vous avez parlé de l'action de l'État, du financement de la production de matières premières, de la commande de 1 milliard de masques pour « dérisquer » les entreprises productrices. Cette stratégie public-privé, dont nous vous sommes reconnaissants, a porté ses fruits, puisqu'elle a permis de faire passer la production de masques de 3 à 100 millions par semaine.
Il convient à présent de voir comment cette action peut être menée dans la durée. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) rembourse les masques lorsqu'ils sont prescrits sur ordonnance ou si l'on a été cas contact. Un pharmacien m'indiquait que le financement octroyé par la sécurité sociale ne lui permet pas d'acheter des masques français, car ils ont un coût légèrement supérieur aux masques vendus à l'étranger. Si nous avons su, temporairement, accroître les capacités de production, il est à craindre que nous ne sachions pas inscrire l'effort dans la durée, en raison de stratégies d'achat public qui visent à accroître la performance à moindre coût. Comment faire en sorte que la commande publique soit compatible avec l'achat de masques fabriqués en France ?
L'objectif de la commande publique est d'apporter un moyen de protection, mais elle est également source d'externalités à l'égard d'entreprises locales. Pourrait-on imaginer que les règles de financement des masques dépendent de leur lieu de production ou, à tout le moins, concevoir un système qui permette d'inscrire une forme de préférence nationale ou européenne de production ? Cela éviterait que, dans cinq, dix ou vingt ans, le secteur industriel ne soit, à nouveau, plus en mesure de faire face à nos besoins.