Intervention de Stéphane Bouillon

Réunion du mercredi 8 décembre 2021 à 17h00
Mission d'information sur la résilience nationale

Stéphane Bouillon, secrétaire général de la défense et la sécurité nationale :

Je ne pense pas non plus que la création d'un ministère de la gestion de crise soit une bonne solution. D'une part, on peut espérer que le ministre n'aurait pas tout le temps des choses à faire. D'autre part, sur le plan institutionnel, tout ministre doit être entièrement responsable devant vous de ce qu'il fait et de ce qu'il ne fait pas. Si, quand une crise se produit, il en venait à vous dire : « Ce n'est pas de mon ressort mais de celui de celle ou celui qui est installé auprès du Premier ministre », cela ne fonctionnerait pas sur le plan opérationnel, et ce jeu de taquin ne serait pas conforme à l'esprit de nos institutions démocratiques. Ce ne peut être non plus le rôle du Premier ministre, parce que s'il ne s'occupe que de la crise il ne s'occupe plus du reste et c'est inconcevable puisque nous ne sommes plus aux débuts de la IIIe République. Lorsqu'une coordination interministérielle sur une gestion de crise est nécessaire, elle doit avoir lieu sous l'autorité du Premier ministre, représenté par son directeur de cabinet, et qui doit pouvoir s'appuyer sur une administration qui l'aidera à préparer ses arbitrages et ses décisions : les services du Premier ministre, le secrétaire général des affaires étrangères, le secrétaire général à la mer pour les sujets maritimes, moi-même pour les sujets de défense et de sécurité nationale. Autrement dit, point n'est besoin d'un ministère permanent mais, le cas échéant, lorsqu'une crise se produit, le ministre « menant », sous l'autorité du Premier ministre, organise, coordonne et assume ce qu'il doit, met son administration à disposition du Premier ministre et de ses services pour pouvoir assurer sa mission et l'exécuter totalement.

En principe, le HFDS est le secrétaire général du ministère. Hier matin, j'ai reçu l'ensemble des HFDS pour faire le point avec eux ; je recevais donc les secrétaires généraux des ministères, chargés de veiller au bon fonctionnement de l'ensemble de leur administration. En général, ils ont un adjoint qui assure cette fonction. Il leur incombe donc de le choisir allant plutôt qu'amorti, et de ne pas donner ce poste comme lot de consolation ou parce que l'on ne peut mettre l'intéressé ailleurs. Cela a pu exister ; il faut donc veiller aux nominations de ces responsables. Il faut aussi que l'on soit assez mobilisé à ce sujet au sein du cabinet. Lors du dernier exercice interministériel organisé par le SGDSN, qui portait sur la sécurité nucléaire, le directeur de crise CIC était le directeur adjoint de cabinet du ministre de l'intérieur, qui assumait l'ensemble des responsabilités. Logiquement, il en a toujours été ainsi, puisque, en cas de crise, ce n'est ni le HFDS ni même le secrétaire général du ministère qui s'installera à la tête de la cellule de crise du ministère mais évidemment le ministre et le directeur ou le directeur adjoint de son cabinet, en tout cas quelqu'un qui a la responsabilité politique ou qui peut engager la responsabilité politique du ministre au moment de prendre une décision. Au-delà de l'incitation à la qualité dans le choix des personnes, étant donné le dispositif en vigueur, il convient de faire en sorte que le couple directeur de cabinet-secrétaire général fonctionne bien dans la gestion de crise.

La mobilité est indispensable mais elle doit commencer à tous les niveaux : au ministère des finances, un HFDS qui n'est pas issu de la maison aura peu de chances de parvenir à convaincre les grands barons de la direction générale du Trésor et de celle des finances publiques de s'investir dans telle ou telle situation. Il faudra donc maintenir une certaine homogénéité. Cela ne signifie pas qu'en amont n'ait pas eu lieu tout ce que la réforme voulue par le président de la République doit apporter : que les hauts fonctionnaires finances ne fassent pas toute leur carrière dans l'administration des finances ni les préfets au ministère de l'intérieur, qu'un colonel de pompiers puisse devenir directeur général de la direction générale de la prévention des risques du ministère de la transition écologique et que des fonctionnaires de ce ministère viennent faire un tour à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises au ministère de l'intérieur. Le fait qu'un préfet dirige actuellement le SGDSN me paraît intéressant et, je l'espère, enrichissant pour le service. Il faut encourager la mobilité et la faire progresser.

À propos de la rationalisation de la dépense publique et des commandes publiques en temps de crise, je suis d'accord avec vous, le code des marchés doit sans doute être modifié pour tenir compte des critères géographiques ou d'autres critères. Une des leçons que nous devons tirer de la pandémie, c'est de nous assurer de notre capacité à garantir notre souveraineté dans un certain nombre de domaines. Ainsi sommes-nous en train d'étudier la possibilité de clouds souverains pour ne pas dépendre des clouds américains ou chinois. Pourquoi n'y parviendrions-nous pas aussi dans d'autres domaines industriels aussi sensibles pour notre pays, en développant des industries spécialisées et, le cas échéant, en adaptant des industries existantes ? Après tout, des entreprises qui fabriquaient des caleçons et des chemises ont produit des masques fort bien faits. On doit pouvoir progresser, et sans doute aussi aborder les questions réglementaires de manière un peu plus intelligente.

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