Intervention de Nicolas Roussellier

Réunion du mercredi 15 décembre 2021 à 16h15
Mission d'information sur la résilience nationale

Nicolas Roussellier, chercheur au centre d'histoire de Sciences Po :

Depuis la Première République, la politique n'a pas été pensée comme une préparation du temps long. La pensée des Lumières, puis la pensée révolutionnaire et républicaine, se projettent dans la construction d'une législation, de codes, qui installent le plus vite possible et pour toujours une République et une politique idéales. Ce sont les guerres du XXe siècle qui ont contraint les démocraties à penser le temps long. La planification n'est pas une idée d'économistes, elle est liée au retour du militaire dans le politique. Ce sont les Prussiens qui ont inventé l'état-major en temps de paix pour élaborer des plans.

Comme vous le soulignez, la confrontation n'oppose pas seulement l'exécutif et le législatif. Ce jeu inclut trois, voire quatre acteurs. Les ministres, avec leur premier cercle qui est le cabinet, ont une nature et un rôle qui diffèrent de ceux des administrations. Ils devraient pouvoir porter un regard critique sur ce que l'appareil d'État leur transmet. Pour le faire, ils devraient s'appuyer davantage sur la force parlementaire qu'ils ne le font aujourd'hui. C'est ce que j'ai pu constater dans mon travail sur les archives, notamment en lisant les mémoires des Premiers ministres. Cette force parlementaire ne peut redevenir ce qu'elle était autrefois. Il revient pourtant au Parlement de réinventer cette capacité d'expertise, d'explication, de traduction et de vulgarisation auprès du public. Des propositions ont été émises pour réinventer cette force parlementaire, notamment par Mme Yaël Braun-Pivet. Ces propositions doivent être assez fortes. L'instauration d'une majorité qualifiée, obligeant par exemple les parlementaires à retrouver des majorités d'idées, pourrait être suggérée. Une articulation est nécessaire pour éviter que le Parlement ne soit doublé par des conventions citoyennes qui ne débouchent pas sur l'exécutif. Les conventions citoyennes amènent des personnes tirées au sort à réfléchir hors sol, sans se poser la question de l'exécution de leurs propositions. Elles vont à rebours du politique au sens de Machiavel. Il ne faut pas aller dans ce sens. Les élus peuvent, par le Parlement, bénéficier de cette capacité de contre-expertise. Le manque de moyens, notamment humains, dans le Parlement français est souvent avancé, en comparaison de l'Allemagne ou des États-Unis. C'est une piste de réflexion. Des propositions pour transformer l'une des deux chambres en assemblée du temps long ont été formulées. Il serait cependant dommage de s'en tenir à une seule des deux assemblées. Je plaide pour que le Parlement tire son épingle du jeu. Dans la période actuelle, des remises en cause considérables ont lieu. La crise des partis ou la situation de la gauche représentent d'immenses sujets de réflexion.

Je vois l'exécutif très actif sous la présidence Macron. Le grand débat et la convention citoyenne en sont des exemples. Le Parlement n'a pas suffisamment tiré profit de cette guerre de mouvement qui a succédé à une guerre de tranchées. Le Parlement a pourtant beaucoup d'atouts, car il représente une forme de magistrature.

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