Intervention de Michel Goya

Réunion du vendredi 17 décembre 2021 à 10h00
Mission d'information sur la résilience nationale

Michel Goya, historien :

Il est difficile de répondre, car la résilience est très changeante et dépend beaucoup du contexte. En 1930, à l'université d'Oxford, un débat a été mené avec les étudiants et il leur a été demandé s'ils accepteraient de mourir pour le roi et la patrie. Une forte majorité des étudiants s'y refusait. Neuf ans plus tard, au début de la guerre, ces mêmes étudiants se sont portés volontaires en masse auprès de la Royal Air Force à Oxford. Des changements assez rapides et considérables peuvent survenir. Je n'aurais jamais imaginé que des Français chantent la Marseillaise en boîte de nuit après les attentats de 2015.

La France des années 1930 était en plein pacifisme. Quelques années plus tard, après le désastre, beaucoup de Français ont fait preuve d'un courage incroyable auprès de la France libre. L'idée que nous serions une société affaiblie et décadente est un vieux fantasme, porté notamment par les djihadistes. Je pense que notre société peut encore être très forte et résistante. Le comportement de la France face à la pandémie le montre bien. Il aurait été difficile d'imaginer que les Français acceptent de rester confinés chez eux pendant plusieurs semaines. Il y a toujours un réflexe qui suscite la résistance et la mobilisation. Les populations sont souvent plus fortes collectivement que nous ne l'imaginons. Lorsque je me trouvais à Sarajevo, la situation m'évoquait celle de Londres pendant le Blitz. Des structures, notamment de soutien psychologique, avaient été mises en place pour accueillir une population dont l'affolement était pressenti. Or, cela n'a pas été le cas. Il apparaît que lorsqu'une population est sous pression, une partie est personnellement touchée, tuée, blessée, et l'autre – généralement la majorité de la population – rassemble les survivants, qui ne sont pas affectés. À Sarajevo, 10 % de la population a été personnellement touchée. De même, lors d'événements militaires, la majorité de la population vit bien le combat et ressent même une sorte de nostalgie de cette époque lorsque celle-ci arrive à son terme. L'homme n'est capable d'absorber qu'une certaine quantité de terreur. Cependant, sous l'effet de la pression, les populations sont généralement plus résistantes que ce qui pouvait être imaginé. Les phénomènes graves suscitent des réactions et transforment les individus.

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