Intervention de Michel Goya

Réunion du vendredi 17 décembre 2021 à 10h00
Mission d'information sur la résilience nationale

Michel Goya, historien :

Cette tradition a de grandes vertus mais aussi ses inconvénients opérationnels. Une deuxième tradition est celle du monopole de la force par l'État. En France, la guerre de Cent Ans a représenté un tournant. Le modèle féodal qui amenait la population à se réunir pour combattre a laissé la place à un nouveau contrat social. En échange de l'impôt, l'État assure seul la sécurité : il achète la force de professionnels pour garantir la sécurité. La conscription de masse et le service militaire universel ont ensuite été inventés pour impliquer toute la nation. L'article premier de la loi de 1798 dispose que tout Français est soldat. C'est donc un retour au premier modèle. Il existe en France une contradiction entre ces deux idées, notamment au sein de l'armée qui a plutôt tendance à être de type professionnel. Nous semblons avoir rebasculé dans ce modèle de sous-traitance à l'État de la sécurité. Cependant l'État rencontre de plus en plus de difficultés à assurer lui-même ses missions régaliennes de protection, par manque de ressources. La France n'est pas le seul pays dans cette situation. Aujourd'hui, les conflits opposent des États faibles à des organisations armées qui ont bénéficié de la mondialisation. Cela a été l'enjeu stratégique fondamental de ces trente dernières années.

La France est puissante par l'arme nucléaire, mais le nucléaire ne dissuade complètement que du nucléaire. Le nucléaire protège les intérêts vitaux de la nation, il n'empêche pas d'autres types d'attaque. Jusqu'à la chute du mur de Berlin, la France se préparait à affronter l'Union soviétique, avec la crainte de basculer dans un conflit paroxystique, qui causerait des dizaines de milliers de morts en quelques jours. Chacun imaginait une grande guerre conventionnelle, au moins en Allemagne, qui serait terrible.

Ce type de menace est pour l'instant exclu. Toutefois, au début du XXe siècle, personne n'anticipait une guerre mondiale. En 1910, Churchill disait rêver de gloire militaire et regretter d'être né à la mauvaise époque. La même année, Norman Angell utilise l'expression de « grande illusion » pour qualifier la guerre. Il pensait que les économies étaient tellement interpénétrées qu'il serait impossible de faire la guerre. En 1930, la guerre semblait hors-la-loi. Quelques années plus tard, la France était occupée. Il ne faut donc pas injurier l'avenir. La situation peut très vite basculer. L'armée pourrait devoir affronter des armées puissantes, comme en Irak en 1990. Que se passera-t-il si un seul combat occasionne plusieurs centaines de morts ? Depuis 1962, environ 600 soldats ont été tués lors d'opérations extérieures.

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