Intervention de Michel Goya

Réunion du vendredi 17 décembre 2021 à 10h00
Mission d'information sur la résilience nationale

Michel Goya, historien :

Les armées sont peut-être un peu victimes de leur succès. L'armée apparaît comme une organisation particulièrement réactive. Elle est destinée à réagir très vite à des événements importants. De plus, dans le cadre des institutions de la Ve République, il suffit d'une décision du Président de la République pour engager l'armée. Il existe donc sans doute la tentation d'y faire appel un peu trop souvent. À la suite de l'attentat de 1986, qui était d'origine iranienne, le Premier ministre avait décidé d'engager l'armée à la frontière luxembourgeoise. C'était assez inutile. Il s'agissait surtout d'une posture politique. La mission Sentinelle relève de la même logique. Engager la force armée est facile et visible. C'est la différence avec les autres ministères, qui sont dans une temporalité plutôt continue. Les militaires sont sur un temps alternatif. Ils se préparent et ils font la guerre. L'idée de rupture ne fait pas partie de l'ADN des autres ministères. Cette facilité de l'appel à l'armée montre d'ailleurs que l'armée ne fait plus peur et que son image est très positive. C'est aussi une limite. Les militaires servent fondamentalement à combattre. Sur le territoire national, ils en ont heureusement peu l'occasion. Cette situation révèle surtout la difficulté des autres ministères à s'adapter à des phénomènes nouveaux.

Je suis assez hostile à l'idée du service militaire. Son rétablissement est en effet très largement évoqué dans les débats, ce qui est l'indice d'une nouvelle situation. Lorsque le service militaire a été suspendu en 1996, personne ne s'y est opposé. Ce retour dans le débat est révélateur. Il relève cependant beaucoup du fantasme. Un service militaire n'aurait de sens que si les gens qui l'exécutent sont employés. Le service national tel qu'il est conçu est un service à la nation ; c'est un effet secondaire qui pourrait être induit par d'autres formes de cohésion sociale. Il relève davantage d'un projet éducatif. Détacher le service militaire de son objet, qui est d'envoyer des individus au combat, me paraît problématique. C'est en outre très coûteux. Le projet est passé d'un service pour adultes à un service pour adolescents. Il pourrait avoir des vertus, mais dépenser un milliard et demi d'euros par an me paraît extrêmement coûteux pour un résultat à attendre relativement faible. Avec ce budget, il serait possible de renforcer les réserves et les systèmes de volontariat.

La logique initiale du service militaire est d'impliquer toute la nation dans la défense nationale et de disposer d'un grand nombre de soldats sans dépenser trop d'argent, ce qui est une innovation sociale remarquable. Toutefois, un service universel public pourrait avoir davantage de sens. Engager 600 000 ou 800 000 jeunes dans les services publics serait appréciable, pour un coût relativement réduit. ; cela renforcerait l'idée d'un service à rendre à la nation. Le SNU ou le service militaire tel qu'il est conçu ne me paraissent pas réellement utiles mais plutôt contre-productifs. Il faut toutefois continuer de réfléchir à des solutions pour impliquer davantage les citoyens dans le service à la nation. Des réserves pourraient être mises en place dans d'autres ministères, par exemple dans le domaine de la santé.

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