La BRI est une unité créée sur le mode de la proaction. En 1964, le commissaire François Le Mouël, confronté à une vague importante de vols à main armée, propose d'inverser la logique. Il ne s'agira plus de travailler sur les auteurs des faits, mais sur des individus susceptibles de commettre des vols à main armée, des prises d'otages, des séquestrations et des demandes de rançon, de manière proactive. L'ADN de la BRI est sa capacité à anticiper et à réagir face à certaines situations. Ce fonctionnement a perduré dans le domaine judiciaire, principalement dans la lutte contre la criminalité. En 1972, après les attentats des Jeux olympiques de Munich, la préfecture de police a souhaité créer une réaction policière face à ce type d'événement. En effet, on s'est alors aperçu que les formations militaires n'étaient pas adaptées pour répondre à des prises d'otages par des commandos terroristes. Une unité est alors créée au sein de la préfecture de police, la brigade antigang, qui dispose de capacités à négocier avec les preneurs d'otages. Avec la compagnie des moniteurs sportifs de la préfecture de police, une compétence sportive lui est adjointe, donnant ainsi naissance à la brigade anti-commando, appellation consacrée à cette époque. Cette brigade a vocation à lutter contre les événements de nature terroriste. Elle est la première unité d'intervention créée en France. Peu après fut fondé le groupe d'intervention de la police nationale (GIPN) dont la création précède celle du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) en 1974 ; puis celle de l'unité de recherche, assistance, intervention, dissuasion (RAID) en 1985. Une partie importante des effectifs du RAID provient des membres de la BRI.
La BRI n'a cessé d'évoluer dans la prise en charge des deux aspects de son métier. Le premier aspect correspond à un volet judiciaire de proaction, comprenant la surveillance et l'interpellation de criminels organisés et de terroristes. Dans ce cadre, nous effectuons l'ensemble des filatures, des surveillances et des interpellations de terroristes sur la voie publique. Le volet intervention, dont le paroxysme fut l'opération menée au Bataclan en 2015, constitue le second aspect du métier de la BRI. Ces deux missions requièrent des valeurs communes en termes de discrétion, de rapidité et de capacité à intégrer une communication d'ensemble – si l'information ne circule pas au sein d'une colonne d'assaut, l'échec est possible. Ces deux missions se nourrissent entre elles. Elles constituent la particularité de la BRI et expliquent le succès de ses missions au cours de ces dernières années.
La BRI a été confrontée à de nombreuses situations que nous pourrions qualifier de « classiques » au regard de ses compétences : prises d'otages, forcenés et autres. L'intervention emblématique du Bataclan représente, avec l'attaque de l'Airbus à Marignane, la situation la plus complexe. Dans l'un et l'autre cas, il s'agissait de prise d'otages de longue durée menée par des individus extrêmement armés. Ces interventions présentaient un risque important de blessures pour les opérateurs et les otages. Elles furent des réussites. Au Bataclan, seul un fonctionnaire de la BRI a été grièvement blessé à la main, dont il a malheureusement en partie perdu l'usage. Aucun otage n'a été blessé, les deux terroristes ont été neutralisés.
Le debriefing et le retour d'expérience (RETEX) de cet attentat ont permis l'évolution de la BRI. À la suite des attentats de janvier 2015, les effectifs de la BRI ont doublé. La brigade a également bénéficié de l'agrégation de nouvelles compétences avec l'arrivée, parmi les effectifs, de piégeurs d'assauts et de démineurs sélectionnés au sein du laboratoire central de la préfecture de police. Ces derniers ont pour mission de neutraliser des engins explosifs et de permettre une progression des effectifs même en leur présence. Ils sont aussi chargés d'effractions chaudes, c'est-à-dire d'user d'explosifs pour permettre d'entrer dans certains endroits.
La BRI a également évolué sur le plan médical. Elle était déjà médicalisée à l'instar des autres groupes d'intervention, disposant de médecins qui avaient vocation à soutenir les opérateurs des colonnes. À la suite des attentats de 2015, nous avons intégré la nécessité de procéder simultanément à l'exfiltration des otages blessés. C'est d'ailleurs ainsi que nous avons procédé lors des attentats du Bataclan. Nous avons travaillé, théorisé et professionnalisé nos méthodes avec l'aide de la brigade des sapeurs-pompiers du général Jean Gontier et les groupes d'extraction professionnalisés. Ces derniers sont équipés d'éléments de protection balistique. Nous les entraînons à intervenir au plus près de l'action, sans se mettre en danger ni créer de difficultés supplémentaires, afin d'extraire les blessés et les otages.
Depuis 2015, nous bénéficions donc d'une augmentation des effectifs et d'équipements supplémentaires plus adaptés, tout en menant une réflexion sur les modalités tactiques. Nous avons aussi entrepris des réflexions sur le plan humain. Les mentalités ont évolué. L'ensemble des opérateurs de cette intervention très particulière ont été débriefés ; les risques de stress post-traumatique ont été évalués, accompagnés et suivis avec beaucoup d'attention et une volonté forte de la part des intéressés. Cette démarche est très satisfaisante, car, en dehors de mutations classiques en province, tous les fonctionnaires qui servaient au sein de la BRI lors de ces attentats demeurent dans nos effectifs et sont totalement opérationnels à ce jour. Certains ont bénéficié de promotions. Ces éléments démontrent que, confrontée à une situation particulière, la BRI a réussi à maintenir une résilience forte au sein de ses effectifs.