Cette audition me donne l'occasion de présenter les formations militaires de la sécurité civile (FORMISC). Ces dernières contribuent à la résilience de la sécurité civile française, de la nation et de l'Union européenne. Cette structure se trouve à la jonction du ministère des armées et du ministère de l'intérieur. Elle est également complémentaire des sapeurs-pompiers territoriaux. Elle possède un contrat opérationnel exigeant pour agir face à tous types de catastrophes.
Ces unités militaires trouvent leur origine dans l'une des plus grandes catastrophes du XXe siècle en France, la rupture du barrage de Malpasset à Fréjus, en 1959. À cette époque, le général de Gaulle, constatant la désorganisation des moyens de secours, a décidé que l'armée interviendrait dans ce type de secours à la population. Ainsi sont nées ces formations militaires qui ont pris corps officiellement en 1988. Elles sont mises à la disposition du ministre de l'intérieur dans le domaine de la sécurité civile, selon les dispositions du code de la défense. Ces jeunes unités militaires sont intégrées à la sécurité civile française depuis leur création. Elles ont vocation à intervenir dans l'urgence face aux catastrophes naturelles, technologiques et sanitaires, en appui et en complément des différents acteurs du secours territorial en France ou à l'étranger. Elles sont engagées sur ordre du directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC).
Comme l'a indiqué le général Patrick Poitou, que vous avez reçu le 20 octobre 2021, les FORMISC appartiennent au pilier divisionnaire Territoire national au même titre que nos camarades de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP). En revanche, elles présentent la particularité d'être composées de militaires employés sur tout le territoire, voire à l'étranger en cas de besoin. Fortes des 1 401 sapeurs-sauveteurs militaires de l'armée de terre, leur commandement s'organise autour d'un état-major et de trois unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC). Notre état-major est basé dans le XXe arrondissement de Paris. L'UIISC 1 se trouve à Nogent-le-Rotrou (Eure et Loire), l'UIISC 7 à Brignole (Var) et l'UIISC 5 à Corte (Haute-Corse). En outre, les sapeurs-sauveteurs participent à l'armement du centre opérationnel de gestion interministérielle de crise (COGIC) à Beauvau et aux neuf centres opérationnels nationaux, métropolitains et ultra-marins.
Avec les établissements de soutien opérationnel et logistique (ESOL), les établissements nord et sud et les soixante agents civils, les FORMISC constituent le groupement des moyens nationaux terrestres de la DGSCGC et représentent 56 % de ses effectifs. Le groupement d'intervention du déminage, le groupement des moyens aériens et le groupement des moyens nationaux terrestres (GMNT) appartiennent à la sous-direction des moyens nationaux de cette direction générale.
Cette organisation montre l'originalité et l'étendue des compétences de cet outil unique et polyvalent au sein de la DGSCGC. Elle permet aux FORMISC d'être présentes sur l'intégralité du spectre d'une crise. D'abord, elles participent à l'anticipation et à la planification avec des cadres expérimentés. Ces derniers arment les centres opérationnels zonaux. Le COGIC ainsi que certains experts nationaux en feux de forêt ou en risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC) participent également à cette phase de préparation. Les FORMISC participent aussi à la conduite des opérations avec l'apport essentiel de la force opérationnelle que constituent les sapeurs-sauveteurs et les UIISC. Enfin, lors de la phase de stabilisation, elles favorisent un retour à la vie normale, « le jour d'après », avec des moyens spécifiques et uniques au sein de la sécurité civile : engins de travaux publics, machines de production d'eau potable, pompes à grand débit au sein des ESOL.
Échelon national d'intervention d'urgence de la sécurité civile, les FORMISC sont en mesure d'intervenir en permanence, quels que soient le lieu et le type de catastrophe. Elles peuvent déployer partout en France et dans le monde jusqu'à 262 sapeurs-sauveteurs en moins de trois heures, soit 25 % de leur effectif opérationnel. Elles sont en mesure de déployer jusqu'à 600 sapeurs-sauveteurs en moins de 72 heures pour une durée d'un mois sans relève. Cette autonomie logistique est permise par la structure régimentaire de ces unités, qui intègrent le soutien en matière de ravitaillement sanitaire et mécanique au sein du détachement. Le statut militaire et l'organisation militaire de ces unités confèrent une grande souplesse d'emploi dans l'engagement. Il permet le déploiement de sauveteurs dans toutes zones d'emploi, y compris en zone de conflit, et leur maintien aussi longtemps que nécessaire.
Pour mener à bien ces missions et garantir un engagement optimum, l'état-major assure la gouvernance en liaison avec ses deux ministères d'appartenance : le ministère des armées et le ministère de l'intérieur. Ces derniers couvrent l'ensemble des tâches suivantes : le recrutement des personnels ; leur gestion ; les nombreuses formations ; la dotation en équipements ; la préparation opérationnelle ; la veille technologique et le déploiement des interventions programmées de manière inopinée. Ce contrat opérationnel s'adapte en fonction des saisons et des risques associés. En période estivale, plus de la moitié de la force opérationnelle est déployée en zone de défense et de sécurité sud pour lutter contre les feux de forêt, tout en conservant une réserve d'intervention et une soixantaine de sauveteurs engageables sur crise – ce fut le cas la nuit du 3 août 2020 à Beyrouth à la suite de l'explosion dans le port.
Au-delà de la lutte contre les feux de forêt, les FORMISC interviennent sur toutes les catastrophes naturelles et technologiques majeures : inondation, séisme, tempête, cyclone, pollution maritime industrielle, crise sanitaire et humanitaire. Nous procédons alors à la mise en œuvre de l'élément de sécurité civile rapide d'intervention médicale (ESCRIM). Il s'agit d'un hôpital de campagne de la sécurité civile armée en collaboration avec le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Gard. Dans le domaine de la gestion des crises, les FORMISC peuvent déployer un module d'appui à la gestion de crise (MAGEC) qui constitue un poste de commandement opérationnel inter-services. Elles mènent aussi régulièrement des missions d'appui en situation de crise et de conflit, au profit des préfectures ou des ambassades. Les sapeurs-sauveteurs prennent part au continuum sécurité-défense dans le domaine des risques NRBC. Ils peuvent mettre en œuvre des détachements spécialisés pour identifier et circonscrire une menace NRBC puis participer à la décontamination d'urgence des populations. Les FORMISC appartiennent également au détachement central interministériel d'intervention technologique (DCI-IT) du fait de leur capacité de détection, de prélèvement et d'analyse de matières biologiques, géologiques et chimiques.
Les FORMISC disposent également d'une expertise dans le domaine de l'intervention à l'étranger. Dès leur création, elles ont été engagées dans les plus grandes catastrophes à travers le monde : à Mexico, à Haïti, au Japon. Elles sont devenues un acteur majeur du mécanisme de protection civile de l'Union européenne. Aujourd'hui, sur les dix-huit modules d'intervention français certifiés, dix-sept sont armés par les FORMISC. Nous pouvons donc considérer que ces unités représentent le premier levier étatique en cas de crise internationale sous mandat européen. Avec ses deux modules lourds de recherche de victimes sous décombres certifiés par les standards de l'Organisation des Nations unies (ONU), elles peuvent travailler dans un contexte international. L'année 2022 verra la classification de notre hôpital de campagne selon les standards de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Compte tenu de leurs effectifs et du spectre élargi des missions qui leur sont confiées, les sapeurs-sauveteurs doivent être polyvalents. Leurs détachements d'intervention demeurent réversibles. Les FORMISC appliquent à la sécurité civile les principes chers au maréchal Foch. Elles garantissent la liberté d'action nécessaire au décideur pour agir n'importe où et n'importe quand selon les situations. Elles permettent de concentrer des efforts sur une crise particulière et contribuent à l'économie des moyens en sachant mettre en œuvre des équipements pointus, onéreux et uniques en France. Elles soulignent également le rôle de l'État face à tout type de crise.
De par leur statut militaire, leurs ressources humaines jeunes et aguerries, leur capacité de réaction, leur polyvalence et l'étendue de leurs domaines d'intervention, les FORMISC constituent un acteur majeur de la résilience nationale dans le domaine de la sécurité civile. Cette résilience peut s'entendre comme un cycle comprenant trois phases : l'anticipation- préparation, l'intervention et le retour aux conditions normales – « le jour d'après ». Les FORMISC peuvent agir sur ces trois éléments de la résilience et représentent par conséquent une capacité unique.
L'anticipation et la préparation se traduisent par un cycle important de formations pour chaque sapeur-sauveteur, à savoir une vingtaine de stages pour un officier polyvalent, malgré un système permanent d'astreinte et avec des matériaux conditionnés. Ces derniers sont aptes à la projection par voie terrestre, aérienne ou maritime avec les moyens de la réserve nationale des établissements de soutien opérationnel et logistique. Les FORMISC peuvent être déployées en tant que dispositif préventif. C'est notamment le cas tout l'été pendant la campagne de feux de forêt ou pour la sécurisation de grands événements, mais également en anticipation de phénomènes climatiques extrêmes en cas d'alerte météorologique de tempête et de cyclone.
Dernièrement, les FORMISC ont été employées dans des missions d'appui aux forces de sécurité intérieure dans le cadre du troisième référendum en Nouvelle-Calédonie en décembre 2021. Durant la phase d'intervention-adaptation, les sapeurs-sauveteurs permettent de pallier les structures locales impactées par les catastrophes en proposant, par exemple, une production d'eau potable ou des communications satellitaires. Ce fut le cas lors de la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes.
Enfin, dès le début de la crise du covid, les FORMISC ont été engagées depuis les évacuations des Français de Chine jusqu'à l'appui aux campagnes de vaccination en métropole et en outre-mer.
En cas de crise sur le territoire national, les FORMISC peuvent recourir à des matériaux modernes ou rustiques pour maintenir le dispositif de secours. L'inter-opérationnalité constitue une des forces majeures des FORMISC pour intégrer tout type de dispositif français opérationnel, national ou international. Cette double culture – ministère de l'intérieur et ministère des armées – leur permet d'être interopérables lors d'actions interministérielles. Les FORMISC participeront à l'exercice Coubertin piloté par l'état-major des armées en préparation des Jeux olympiques de 2024.
Au-delà de la protection des personnes et des biens, les FORMISC sont présentes sur l'ensemble du continuum de la crise et participent à l'accélération du retour à la normale. Lors des « jours d'après », elles contribuent au rétablissement des axes de circulation ; elles mettent en œuvre des moyens d'hébergement d'urgence ; proposent des sources d'énergie et d'éclairage ; produisent de l'eau potable et renforcent un système de santé déficient avec l'hôpital ESCRIM, comme ce fut le cas après l'incendie de l'hôpital de Pointe-à-Pitre en 2017.
Par ailleurs, les FORMISC contribuent, à leur niveau, à la cohésion nationale en portant auprès de la jeunesse un témoignage de solidarité, de service et de bien commun. Elles répondent aux aspirations de jeunes Français et sont complémentaires à l'offre offerte par les forces armées : servir sous les drapeaux pour sauver nos concitoyens. Chaque année, plus de 180 jeunes volontaires sont recrutés et formés au sein des unités. Au bout d'un an, pour la moitié d'entre eux, ils peuvent s'engager et poursuivre leur carrière dans l'institution. En tant que creuset de formation, les FORMISC irriguent également les organisations civiles de sécurité et plus particulièrement les sapeurs-pompiers territoriaux en apportant une ressource humaine qualifiée. Les sapeurs-sauveteurs sont impliqués dans différentes actions au profit de la jeunesse : contrat d'apprentissage, sécurité civile… Dans les outre-mer, nous participons à un nombre important de formations au profit des régiments de service militaire adaptés : secourisme, techniques de sauvetage et déblaiement…
J'espère avoir montré que les FORMISC, à leur juste niveau, sont pleinement impliquées dans la résilience de la sécurité nationale et civile française. Elles sont la parfaite illustration de la participation permanente de l'armée de terre à la protection et au secours de nos concitoyens.
Dans l'analyse des risques auxquels nous devrons faire face dans un futur proche, les outre-mer constituent un point d'attention opérationnel particulier. En effet, ces territoires sont exposés à des dangers spécifiques tels que les conséquences du dérèglement climatique et les risques extrêmes, cycloniques et sismiques principalement. Les acteurs locaux ainsi que les renforts nationaux pourraient être mobilisés de façon croissante sur des problématiques d'assistance aux populations. Les FORMISC cherchent en permanence à anticiper la modélisation de leurs moyens afin d'apporter la réponse la plus juste. Elles veillent à être complémentaires des moyens territoriaux en proposant des moyens robustes et spécialisés sur les enjeux critiques auxquels doivent faire face nos sociétés occidentales, tels que la hausse des risques pandémiques, la gestion des flux croissants de population… Les évolutions en termes d'innovation technique, de transformation numérique et de renforcement des moyens contre les risques NRBC sont aussi prises en compte. Cette modernisation devra être accompagnée d'investissements conséquents en matériels et en ressources humaines. Nous avons exprimé ce vœu dans le cadre de la préparation de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) prévue entre 2023 et 2027.
La jeunesse est notre public prioritaire. Nous souhaitons ainsi nous assurer de la résilience de la nation de demain. Les FORMISC poursuivront leurs efforts à destination des jeunes Français. Nous continuerons à mener des actions de formation et d'encadrement tant en métropole, à travers des stages en lien avec le service national universel, que dans les outre-mer, pour offrir des formations qualifiantes d'intérêt général. Nous souhaitons ainsi apporter une résilience des territoires face aux catastrophes potentielles.