Intervention de François Saint-Bonnet

Réunion du mercredi 12 janvier 2022 à 15h30
Mission d'information sur la résilience nationale

François Saint-Bonnet, professeur d'histoire du droit à l'université Paris II Panthéon-Assas :

La question est redoutable. Il y a quelque chose de l'ordre de la superposition qui est lié à des raisons historiques. Il existe des régimes législatifs et en partie constitutionnalisés. Je songe là à la loi sur l'état de siège de 1849, qui est constitutionnalisée dans l'article 36 de la Constitution. Vous avez un régime de type constitutionnel, qui est l'article 16. L'état d'urgence, quant à lui, est un régime seulement législatif qui peut être modifié par une simple loi, comme cela a déjà été fait. Il a été question, dès 2016, de constitutionnaliser la loi sur l'état d'urgence dans l'article 36. C'est aussi une suggestion qui a été faite dans le rapport du Conseil d'État présenté le 29 septembre dernier. À cette législation de crise s'ajoute la loi du 23 mars 2020, qui concerne l'état d'urgence sanitaire. L'ensemble forme les lois qui relèvent de l'état d'exception.

Lorsque l'on raisonne de manière plus large, on constate que, depuis 1986, trente-cinq lois concernant la lutte contre le terrorisme ont été adoptées. La plupart d'entre elles sont des lois pénales qui vont concerner et aménager l'article 421-1 du code pénal, lequel définit le régime de l'infraction terroriste. Ce ne sont pas des législations de crise, mais des législations ordinaires qui portent sur un sujet qui a trait à la notion de crise.

Prenons l'exemple de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, adoptée et ratifiée avant les attentats des terrasses et du Bataclan. C'est une loi ordinaire dont l'objet est la lutte contre le terrorisme. Si l'on examine une loi sur la sortie de l'état d'urgence sanitaire ou une loi de vigilance sanitaire, comment en analyser la nature ? Nous dirons que c'est une loi ordinaire et non une loi d'exception, car elle ne comporte pas les mots « état de siège », « urgence », « exception », mais nous espérons tous que c'est une loi qui ne sera pas utilisée et qu'elle tombera dans les oubliettes lorsque la crise sanitaire sera derrière nous.

Il y a des lois qui sont adoptées depuis fort longtemps et qui sont très bien installées dans l'ordre juridique et il y a des lois qui sont adoptées en temps de crise pour la crise. Je crois qu'il faut s'habituer à voir coexister des textes d'anticipation et des textes de réaction. Il me semble important – et c'est l'une des recommandations faites par le Conseil d'État, dans son rapport – que le législateur réalise un travail d'anticipation en temps de calme pour les types de crises auxquels nous pourrions être confrontés – une canicule particulièrement longue, une attaque cyber, etc. – et que les services de l'État travaillent au sujet de l'organisation de la nation pendant ces périodes. Si l'on anticipe par des mécanismes à la fois législatifs et opérationnels, je crois que nous aurons fait franchir un petit pas à la résilience.

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