Intervention de François Saint-Bonnet

Réunion du mercredi 12 janvier 2022 à 15h30
Mission d'information sur la résilience nationale

François Saint-Bonnet, professeur d'histoire du droit à l'université Paris II Panthéon-Assas :

En principe, ce n'est pas le cas, mais, dans les faits, cela pourrait vraisemblablement se produire. Il existe quatre hypothèses matérielles décrites de manière relativement large. Elles ont trait à l'intégrité du territoire, aux engagements internationaux, mais aussi à l'indépendance du pays. Il faut aussi – et c'est un critère cumulatif – constater l'impossibilité du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels – par exemple l'impossibilité matérielle, pour le Parlement, de se réunir. C'est ce qui explique qu'en 1961, le gouverneur d'Alger ait pu avoir recours à l'article 16.

En principe, donc, l'article 16 vise des hypothèses politiques majeures, mais, en réalité, l'idée que l'indépendance de la nation est mise en cause peut être interprétée de manière relativement large. Quoi qu'il en soit, bien qu'une consultation préalable du Conseil constitutionnel soit prévue, cela reste un pouvoir discrétionnaire du Président de la République. Il n'existe donc pas de contrôle de fond sur la décision du Président. Face à cela, il ne reste que l'opinion publique et l'article 68, c'est-à-dire l'éventuelle destitution du Président de la République en cas de manquement grave à sa fonction.

Ouvrir la possibilité de légiférer et de prendre des mesures du domaine de l'article 34 sans l'assentiment des représentants de la nation serait-il la bonne solution pour résoudre une crise ? Rien n'est moins sûr. Il existe certainement une vertu dans toutes les législations d'exception : c'est l'électrochoc qui se produit lorsque l'on constate que l'on n'est plus dans une situation normale. Vous vous souvenez certainement des discours émouvants prononcés par le Président Hollande après les attentats de Nice et des terrasses, du discours grave du Président Macron du 16 mars 2020, et du discours du 23 avril 1961, à l'occasion duquel le Président de Gaulle a remis son uniforme de général de brigade pour annoncer qu'il mettait en œuvre l'article 16. Il existe donc une dimension psychologique dans l'électrochoc, qui est très utile. La nation est-elle prête et les pouvoirs publics sont-ils capables de gérer cela ? C'est une question d'anticipation.

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