Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mardi 12 décembre 2017 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2017 — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, ce second projet de loi de finances rectificative est une nouvelle occasion manquée pour la majorité, qui n'a cette fois-ci plus le bénéfice du doute !

Encore une fois, monsieur le ministre, votre majorité a été intraitable avec les très nombreuses propositions formulées par les députés d'opposition – quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent.

À vrai dire, nous n'espérions pas que ce projet de loi de finances rectificative serait l'occasion, pour le Gouvernement, de corriger – au moins en partie – sa politique totalement déséquilibrée en faveur du grand capital et des plus riches. Nous espérions seulement qu'il ne l'aggraverait pas : c'est raté !

Vous avez aggravé ce déséquilibre en facilitant l'accès des entreprises au régime dérogatoire des fusions. Pour cela, vous avez adapté le droit français aux directives européennes en supprimant l'agrément ministériel préalable à l'exonération de l'impôt sur les sociétés en cas de fusion : cela ouvre encore plus largement les portes à l'optimisation fiscale.

Après les Paradise Papers et vos fortes déclarations sur ce sujet, nous espérions que ce projet de loi de finances rectificative durcirait la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale. Évidemment, il n'en a rien été : vous n'avez rien fait pour retirer leur licence aux banques ayant des liens avec les paradis fiscaux, et rien pour instituer un délit d'incitation à la fraude fiscale, comme nous vous l'avons proposé. Au contraire, vous avez affaibli l'esprit de la présomption d'évasion fiscale pour les contribuables qui placent leurs actifs dans des sociétés-écrans.

Ce projet de loi de finances rectificative aurait pu servir à renforcer le contrôle du budget alloué à l'organisation des Jeux olympiques, mais, là encore, malgré des arguments sérieux venus de tous les bancs de l'opposition, il n'en a rien été. Vous avez décidé de maintenir le fonds de garantie de 1,5 milliard d'euros qui pourra être sollicité en cas d'annulation totale ou partielle – sans définir ce que cela signifie – quel qu'en soit le responsable, qu'il s'agisse du pays organisateur, du mouvement sportif ou de ses sponsors.

Ce projet de loi de finances rectificative aurait pu être l'occasion d'améliorer la fiscalité au service de la transition écologique, mais, là aussi, vous avez échoué. L'objectif affiché de la loi hydrocarbures étant de sortir des énergies carbonées d'ici à 2040, il fallait agir en conséquence et taxer ces exploitations beaucoup plus fortement que vous ne l'avez fait.

Enfin – et c'est certainement le plus grave – , vous portez la responsabilité de faire voter une réforme structurelle au travers de ce projet de loi de finances rectificative. Je parle de l'imposition du revenu à la source contre laquelle, là encore, toutes vos oppositions ont apporté des arguments sérieux auxquels vous n'avez absolument pas répondu.

Vous n'avez rien entendu quand nous avons vanté l'efficacité de notre système fiscal – 99,4 % de recouvrement à N +1. Vous n'avez rien entendu quand nous avons pointé le danger de lever le secret sur les données fiscales des salariés. Vous n'avez rien entendu quand, nous fondant sur l'expérience allemande, nous vous avons alerté sur le coût, admis par tous, de cette imposition à la source, pour les sociétés comme pour la société tout entière ; rien sur les charges qui vont peser sur les PME et les associations.

« C'est moderne » : voilà votre seul argument en faveur du prélèvement à la source. C'est tellement moderne que cela a cours depuis plus d'un siècle dans des pays qui, lorsqu'ils l'ont mis en place, ne pouvaient se reposer sur la qualité d'une administration fiscale comme celle dont dispose aujourd'hui notre pays ! À vous entendre, ce serait plus pratique pour les salariés qui changent souvent d'emploi, alors que le système du prélèvement automatique mensuel s'est beaucoup amélioré. Si vous aviez écouté les agents de l'administration fiscale et leurs syndicats sur un sujet qui est pour le moins de leur compétence, vous sauriez qu'ils sont aujourd'hui capables d'assurer en très peu de temps la contemporanéité de l'impôt sans passer par le prélèvement à la source.

Mais vous préférez faire voter une mesure qui n'avantagera que des officines privées et qui fragilisera à terme l'administration fiscale. À n'en pas douter, vous arguerez bientôt de cette réforme pour proposer des suppressions d'emploi, fragilisant ainsi une administration qui fait la fierté de l'État français.

Vous l'aurez compris, chers collègues, le groupe la France Insoumise

votera contre ce PLFR pour 2017, de même qu'il s'est prononcé contre le projet de loi de finances initiale. Un jour, peut-être, la majorité écoutera les autres groupes parlementaires avec plus de sérieux.

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