Intervention de Daniel Labaronne

Réunion du mardi 16 juin 2020 à 17h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Labaronne, rapporteur :

Merci de m'accueillir dans votre commission pour parler des contrats de retraite supplémentaire en déshérence.

Ce travail prend sa source dans deux rapports : un premier, de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en 2018, et un autre de la Cour des comptes, qui nous expliquent que ces contrats d'assurance retraite supplémentaire connaissent des montants de déshérence – non réclamés par les assurés – à hauteur de 13 milliards d'euros. Je me suis donc intéressé à ces contrats, dans la mesure où je représente l'Assemblée nationale au sein du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), qui rassemble les assureurs, les banquiers, les associations de consommateurs, les associations d'épargnants, le MEDEF. Je me suis dit que le sujet devait être abordé dans le cadre des travaux du Comité consultatif.

Sur les droits des épargnants, il y a déjà eu des évolutions législatives notables. La « loi Eckert » de 2014, qui portait principalement sur les contrats d'assurance vie, s'est attaquée à la question de la déshérence en faisant obligation aux gestionnaires de rechercher les ayants droit, obligation qui s'accompagnait d'éventuelles sanctions, et 3,5 milliards d'euros ont ainsi pu être récupérés.

Une deuxième évolution législative a été la loi « PACTE », qui favorise la portabilité des différents contrats d'assurance retraite et oblige les assureurs à informer régulièrement leurs clients de tous les types de contrat dont ils sont bénéficiaires.

Troisième apport : une proposition de loi de Sophie Auconie abordait la question de la déshérence des contrats d'assurance supplémentaire mais n'a pas été adoptée. Je propose une approche qui, sans être diamétralement opposée, est néanmoins différente et a fait l'objet d'un consensus au sein du CCSF, dont elle reprend l'avis unanime du 20 janvier 2020 : il portait sur trois points qui se retrouvent dans la proposition de loi.

Le problème de ces contrats de retraite supplémentaire est celui de l'information : les gens ne savent pas toujours qu'ils en sont bénéficiaires parce qu'ils ont quitté, sans avoir été informés, l'entreprise qui a souscrit un tel contrat à leur profit. Par ailleurs, les gestionnaires perdent la trace des gens qui, ignorant être bénéficiaires, n'informent personne de leurs changements de situation.

La solution proposée se décline donc en trois idées. La première est de demander aux gestionnaires de pousser toutes les informations qu'ils possèdent sur leurs clients vers un tiers de confiance, le groupement d'intérêt public (GIP) Union Retraite qui administre la plateforme informatique « info-retraite ». Le GIP informe sur sa plateforme les retraités et les actifs de leurs droits en matière de retraite de base et de retraite complémentaire. Ma proposition consiste à faire figurer une troisième information, relative aux droits en matière de contrats d'assurance retraite supplémentaire.

Un accord unanime des gestionnaires est intervenu pour prendre à leur charge le financement de ce transfert d'information et de la maintenance du dispositif.

La deuxième idée est que le GIP mènera une campagne de communication pour indiquer que les retraités ont intérêt à aller sur le site « info-retraite » afin de voir s'ils sont bénéficiaires d'un contrat d'assurance retraite supplémentaire.

La troisième idée est qu'il faut que les entreprises informent leurs salariés qu'ils sont bénéficiaires d'un contrat. Dans le solde de tout compte, figurera donc une information indiquant au salarié que l'entreprise a souscrit, dans un package global, un contrat d'assurance retraite supplémentaire dont il est bénéficiaire. Cette idée a comme les deux autres fait l'objet d'un consensus : les représentants du MEDEF sont d'accord.

Cette proposition de loi comporte donc trois articles : le premier sur le transfert d'information vers le GIP Union Retraite avec financement à la charge des gestionnaires, le deuxième sur la communication à propos de ce dispositif, et le troisième sur l'information que devra communiquer l'entreprise au salarié.

Il y a aujourd'hui treize millions de bénéficiaires de contrats d'assurance retraite supplémentaire. En 2018, 13 milliards de cotisations et un peu plus de 6 milliards d'euros de prestations ont été versés. On sait que 2,4 millions d'assurés ont demandé à faire valoir leurs droits en rente, pour un montant moyen de 2 500 euros de rente annuelle, et 66 000 ont demandé une liquidation en capital, pour un montant moyen de 19 000 euros. Ce sont des clients qui savaient qu'ils étaient bénéficiaires d'un tel contrat. L'estimation de 13 milliards d'euros pour les montants de contrats en déshérence que j'ai citée est sans doute un plafond : on s'accorde à dire que le stock est en réalité entre 5 et 10 milliards.

Dans le contexte que nous vivons, cette proposition de loi participe à la relance de l'activité économique, mais elle est de façon plus générale une façon de renforcer les droits des épargnants, et je conclurai en redisant qu'elle a fait l'objet d'un consensus de l'ensemble des parties prenantes, notamment au sein du CCSF.

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