Intervention de Stéphane Viry

Réunion du mercredi 17 juin 2020 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Viry, rapporteur :

Avec le covid-19, la France a fait face à un fléau d'une ampleur inédite dans son histoire récente. Près de 30 000 personnes en sont décédées sur notre territoire.

Pour les hôpitaux, le choc a été considérable. Jamais les établissements n'ont eu à faire face à un tel afflux de malades en un temps aussi court. Le 7 avril, 30 000 personnes étaient hospitalisées, dont 7 000 en réanimation – un nombre supérieur de moitié à la capacité habituelle du pays. Au début du mois d'avril, les hôpitaux d'Île-de-France n'avaient que vingt-quatre heures avant la surcharge.

Pour affronter cette crise, les établissements de santé ont déployé des trésors d'adaptabilité. Ils ont mobilisé tout leur personnel pour faire face aux besoins ; ils ont déprogrammé toutes les interventions chirurgicales pour libérer du temps et des moyens humains ; ils ont procédé à des réorganisations massives afin de libérer des lits, et bien souvent d'en ouvrir.

Cette efficacité, nous la devons au dévouement des acteurs de terrain ; leur travail a permis à notre système de santé de tenir le coup. Mais, ils nous l'ont dit lors des auditions, cela ne s'est pas fait sans mal. De manière générale, l'organisation de la réponse à la crise a péché par trop de centralisme. Ce sujet fait l'objet de débats qui, je l'espère, aboutiront. La structuration du dispositif de réponse sanitaire sur une base exclusivement descendante, du ministère de la santé aux agences régionales de santé (ARS), mérite d'être interrogée.

Qu'il s'agisse des masques, des tests, de la mobilisation du personnel ou de tant d'autres sujets, les équipes hospitalières ont montré de très grandes qualités sans que les services de l'État aient eu besoin de leur dire quoi faire. Cette proposition de loi n'a d'autre objet que de mettre notre confiance en ceux qui ont montré leur compétence au niveau local.

En portant un regard distrait sur notre pays, on pourrait croire que ce n'est plus nécessaire ; que grâce au sérieux de nos concitoyens, nous n'avons pas observé de deuxième vague. Mais le danger est toujours là. Selon le professeur Jean-François Delfraissy, président du comité de scientifiques : « L'épidémie n'est pas finie et le virus continue à circuler. Laisser croire le contraire aux gens serait faux. Son intensité est moindre, mais il n'a pas disparu. » La deuxième vague peut arriver à tout moment. L'influence des conditions environnementales sur le virus, encore inconnue, ajoute aux incertitudes. La récente réapparition de foyers épidémiques en Chine n'est pas une bonne nouvelle.

Nous devons nous préparer au retour du virus, car, il ressort des propos du professeur Delfraissy que nous avons une chance sur deux d'affronter de nouveau l'épidémie, éventuellement dans des proportions similaires à celles de la première vague.

Toutefois, un autre phénomène pourrait être à l'origine de difficultés inattendues pour les professionnels de santé : le renoncement aux soins pendant la crise sanitaire. De nombreux Français atteints de maladies chroniques ne se sont pas rendus chez leur médecin traitant ou à l'hôpital, de peur de contracter le coronavirus. Selon un sondage d'IPSOS, 51 % des personnes souffrant de diabète, d'un cancer, d'une insuffisance rénale ou de maladies chroniques analogues ont renoncé à une consultation médicale en raison du covid-19. Pour 30 % des répondants, l'épidémie a eu un impact important sur la prise en charge de leur maladie. Souvent, ce renoncement aux soins entraîne des difficultés de santé supplémentaires – le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, a évoqué une « vague silencieuse ».

Pour préparer les hôpitaux à l'éventualité d'une deuxième vague ou à la vague silencieuse du renoncement aux soins, cette proposition de loi tend à laisser davantage de souplesse à tous les hôpitaux publics pour procéder aux réorganisations dont ils auront besoin.

L'autorisation de l'ARS est requise pour la création, le regroupement ou la conversion d'une activité de soins à l'hôpital. Pour les établissements, cela représente un temps pouvant aller jusqu'à cinq ans. En période de crise, un régime dérogatoire existe, mais encore sur autorisation de l'ARS. Autrement dit, quel que soit le degré d'urgence d'une crise sanitaire, une autorisation de l'ARS est nécessaire pour réorganiser les services. Je ne crois pas que l'on puisse se fier à un tel système.

Le dispositif que je vous présente y remédierait.

L'article 1er dispense les hôpitaux publics d'autorisations sanitaires pour une durée de douze mois. Pendant cette période, les établissements publics de santé pourront procéder à toutes les créations, regroupements ou conversions d'activités de soins qu'ils souhaiteront, sans solliciter l'ARS. Les créations d'activités en urgence seront ainsi grandement facilitées.

Le financement de ces activités nouvelles sera pris en charge par les fonds d'intervention régionaux, hors tarification à l'activité. Les chefs d'établissement n'auront ainsi pas à craindre pour la situation budgétaire de ceux-ci.

L'article 3 prévoit l'intégration d'office des modifications de l'offre de soins au schéma régional de santé à l'issue des douze mois. Là encore, il s'agit de sécuriser le dispositif en garantissant aux chefs d'établissement et au personnel médical et soignant que les adaptations ne seront pas annulées du jour au lendemain, au motif qu'elles seraient contraires aux objectifs inscrits dans le schéma régional.

L'article 2 prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur les mesures prises en application de la loi, dix mois après son entrée en vigueur, afin d'assurer un suivi attentif de leurs effets.

Cette proposition de loi ne donne aucun chèque en blanc aux chefs d'établissement. Une double concertation est prévue afin qu'aucune décision ne soit prise hâtivement et que tous les acteurs hospitaliers soient associés. Au niveau interhospitalier, une concertation avec le comité stratégique du groupement hospitalier de territoire (GHT) permettra de coordonner les efforts des différents hôpitaux en situation de crise et de s'assurer de la bonne information de chacun. Au sein de l'hôpital, le chef d'établissement devra obtenir l'avis conforme de la commission médicale d'établissement (CME). Ce point est important : aucune décision modifiant les services ne pourra être prise sans le plein accord du corps médical.

Les hôpitaux publics méritent notre confiance, la réactivité, la responsabilité et la capacité de décision dont ils ont fait preuve face à la crise l'ont démontré.

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