COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 17 juin 2020
La séance est ouverte à 9 heures 30.
La commission examine la proposition de loi de M. Stéphane Viry visant à élargir de manière provisoire le champ de compétences de la gouvernance des établissements publics de santé (n° 3041) (M. Stéphane Viry, rapporteur).
Avec le covid-19, la France a fait face à un fléau d'une ampleur inédite dans son histoire récente. Près de 30 000 personnes en sont décédées sur notre territoire.
Pour les hôpitaux, le choc a été considérable. Jamais les établissements n'ont eu à faire face à un tel afflux de malades en un temps aussi court. Le 7 avril, 30 000 personnes étaient hospitalisées, dont 7 000 en réanimation – un nombre supérieur de moitié à la capacité habituelle du pays. Au début du mois d'avril, les hôpitaux d'Île-de-France n'avaient que vingt-quatre heures avant la surcharge.
Pour affronter cette crise, les établissements de santé ont déployé des trésors d'adaptabilité. Ils ont mobilisé tout leur personnel pour faire face aux besoins ; ils ont déprogrammé toutes les interventions chirurgicales pour libérer du temps et des moyens humains ; ils ont procédé à des réorganisations massives afin de libérer des lits, et bien souvent d'en ouvrir.
Cette efficacité, nous la devons au dévouement des acteurs de terrain ; leur travail a permis à notre système de santé de tenir le coup. Mais, ils nous l'ont dit lors des auditions, cela ne s'est pas fait sans mal. De manière générale, l'organisation de la réponse à la crise a péché par trop de centralisme. Ce sujet fait l'objet de débats qui, je l'espère, aboutiront. La structuration du dispositif de réponse sanitaire sur une base exclusivement descendante, du ministère de la santé aux agences régionales de santé (ARS), mérite d'être interrogée.
Qu'il s'agisse des masques, des tests, de la mobilisation du personnel ou de tant d'autres sujets, les équipes hospitalières ont montré de très grandes qualités sans que les services de l'État aient eu besoin de leur dire quoi faire. Cette proposition de loi n'a d'autre objet que de mettre notre confiance en ceux qui ont montré leur compétence au niveau local.
En portant un regard distrait sur notre pays, on pourrait croire que ce n'est plus nécessaire ; que grâce au sérieux de nos concitoyens, nous n'avons pas observé de deuxième vague. Mais le danger est toujours là. Selon le professeur Jean-François Delfraissy, président du comité de scientifiques : « L'épidémie n'est pas finie et le virus continue à circuler. Laisser croire le contraire aux gens serait faux. Son intensité est moindre, mais il n'a pas disparu. » La deuxième vague peut arriver à tout moment. L'influence des conditions environnementales sur le virus, encore inconnue, ajoute aux incertitudes. La récente réapparition de foyers épidémiques en Chine n'est pas une bonne nouvelle.
Nous devons nous préparer au retour du virus, car, il ressort des propos du professeur Delfraissy que nous avons une chance sur deux d'affronter de nouveau l'épidémie, éventuellement dans des proportions similaires à celles de la première vague.
Toutefois, un autre phénomène pourrait être à l'origine de difficultés inattendues pour les professionnels de santé : le renoncement aux soins pendant la crise sanitaire. De nombreux Français atteints de maladies chroniques ne se sont pas rendus chez leur médecin traitant ou à l'hôpital, de peur de contracter le coronavirus. Selon un sondage d'IPSOS, 51 % des personnes souffrant de diabète, d'un cancer, d'une insuffisance rénale ou de maladies chroniques analogues ont renoncé à une consultation médicale en raison du covid-19. Pour 30 % des répondants, l'épidémie a eu un impact important sur la prise en charge de leur maladie. Souvent, ce renoncement aux soins entraîne des difficultés de santé supplémentaires – le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, a évoqué une « vague silencieuse ».
Pour préparer les hôpitaux à l'éventualité d'une deuxième vague ou à la vague silencieuse du renoncement aux soins, cette proposition de loi tend à laisser davantage de souplesse à tous les hôpitaux publics pour procéder aux réorganisations dont ils auront besoin.
L'autorisation de l'ARS est requise pour la création, le regroupement ou la conversion d'une activité de soins à l'hôpital. Pour les établissements, cela représente un temps pouvant aller jusqu'à cinq ans. En période de crise, un régime dérogatoire existe, mais encore sur autorisation de l'ARS. Autrement dit, quel que soit le degré d'urgence d'une crise sanitaire, une autorisation de l'ARS est nécessaire pour réorganiser les services. Je ne crois pas que l'on puisse se fier à un tel système.
Le dispositif que je vous présente y remédierait.
L'article 1er dispense les hôpitaux publics d'autorisations sanitaires pour une durée de douze mois. Pendant cette période, les établissements publics de santé pourront procéder à toutes les créations, regroupements ou conversions d'activités de soins qu'ils souhaiteront, sans solliciter l'ARS. Les créations d'activités en urgence seront ainsi grandement facilitées.
Le financement de ces activités nouvelles sera pris en charge par les fonds d'intervention régionaux, hors tarification à l'activité. Les chefs d'établissement n'auront ainsi pas à craindre pour la situation budgétaire de ceux-ci.
L'article 3 prévoit l'intégration d'office des modifications de l'offre de soins au schéma régional de santé à l'issue des douze mois. Là encore, il s'agit de sécuriser le dispositif en garantissant aux chefs d'établissement et au personnel médical et soignant que les adaptations ne seront pas annulées du jour au lendemain, au motif qu'elles seraient contraires aux objectifs inscrits dans le schéma régional.
L'article 2 prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur les mesures prises en application de la loi, dix mois après son entrée en vigueur, afin d'assurer un suivi attentif de leurs effets.
Cette proposition de loi ne donne aucun chèque en blanc aux chefs d'établissement. Une double concertation est prévue afin qu'aucune décision ne soit prise hâtivement et que tous les acteurs hospitaliers soient associés. Au niveau interhospitalier, une concertation avec le comité stratégique du groupement hospitalier de territoire (GHT) permettra de coordonner les efforts des différents hôpitaux en situation de crise et de s'assurer de la bonne information de chacun. Au sein de l'hôpital, le chef d'établissement devra obtenir l'avis conforme de la commission médicale d'établissement (CME). Ce point est important : aucune décision modifiant les services ne pourra être prise sans le plein accord du corps médical.
Les hôpitaux publics méritent notre confiance, la réactivité, la responsabilité et la capacité de décision dont ils ont fait preuve face à la crise l'ont démontré.
Pendant cette crise sanitaire, nous avons pu observer la forte mobilisation des acteurs au sein de nos hôpitaux, et la rapidité et l'efficacité des changements opérés dans les services pour faire face à cette situation exceptionnelle. Il a été possible de doubler le nombre de lits de réanimation en quelques semaines. L'administration, les dispositifs juridiques, et les protocoles de gestion interne ont permis cette réactivité.
Cette proposition de loi contient de nouvelles mesures de simplification pour répondre aux temps de crise. Il est ainsi proposé d'assouplir le régime d'autorisation des activités de soin afin que les établissements publics de santé puissent totalement s'affranchir de l'autorisation des ARS. Cette volonté de simplification, que notre groupe défend depuis 2017, est légitime.
Toutefois, le dispositif ne répond pas aux enjeux. L'exclusion des établissements de santé privés, acteurs essentiels au cours de cette crise, crée une rupture d'égalité potentiellement inconstitutionnelle. La mesure proposée fait doublon avec le droit existant, qui permet d'obtenir en vingt-quatre heures une autorisation exceptionnelle en cas d'état d'urgence sanitaire – plus de 150 autorisations à des hôpitaux publics et privés ont été octroyées au cours de cette crise. L'obligation de consultations et de rédaction d'avis s'oppose au besoin de rapidité, de souplesse et d'adaptation exprimé par les acteurs de terrain. L'éviction des ARS empêche toute coordination et régulation régionales, pourtant si nécessaires en ces temps de tension sanitaire.
Nous sommes convaincus que beaucoup reste à faire pour simplifier de nombreux processus administratifs, et nous attendons avec impatience le choc de simplification promis par le « Ségur de la santé ». Les solutions ici proposées posent des problèmes constitutionnels et pratiques et risquent d'entraîner une dérégulation de notre système de santé plutôt que la simplification attendue.
Le groupe La République en Marche s'y opposera.
Cette proposition de loi du groupe Les Républicains vise à permettre aux établissements publics de santé d'organiser leurs services pour faire face à une deuxième vague épidémique et à la reprise des soins habituels, en accord avec les GHT et les commissions médicales des établissements concernés.
La crise sanitaire a profondément modifié l'organisation des services au sein des établissements hospitaliers. L'engagement des établissements de santé a permis de tripler le nombre de lits de réanimation pour éviter la saturation. Les capacités d'adaptation et le grand professionnalisme de l'ensemble du personnel de santé doivent être salués. Nous devons retrouver cette liberté d'agir et nous défaire d'une technocratie paralysante ; nous devons faire confiance.
Parallèlement à l'accueil des malades du covid-19, les établissements ont continué à prendre en charge les patients en risque vital. Des réorganisations de grande ampleur ont eu lieu dans des délais très courts, grâce à la mobilisation des équipes. Lorsque l'hôpital retrouve des marges de manœuvre et que l'administration est volontaire, les équipes sont capables d'organiser son fonctionnement de manière fluide et efficace.
Cette proposition traduit également une forme de reconnaissance, en permettant à l'ensemble du personnel de décider des adaptations de son organisation pendant douze mois. Ces dispositions sont très attendues par les équipes. Elles ont parfaitement su s'adapter ; laissons-les s'organiser pendant douze mois encore, afin d'accueillir dans les meilleures conditions tous les patients qui ont différé leurs soins de peur d'être contaminés, et de préparer l'éventualité d'une nouvelle vague épidémique.
La crise du covid-19 produit des effets collatéraux dans la tête de nos collègues du groupe Les Républicains.
Les solutions issues du terrain sont évidemment les mieux adaptées ; il faut donner plus de liberté et de moyens. Or, tandis que tout le monde se plaint d'une suradministration des hôpitaux, il est proposé d'accroître les pouvoirs du directeur administratif plutôt que ceux des soignants, comme si, lors d'une bataille, le commandement était donné au génie et à l'intendance plutôt qu'aux combattants.
La loi « hôpital, patients, santé, territoires » (« HPST ») de 2009 a profondément modifié la gouvernance des hôpitaux, en excluant le personnel soignant et renforçant son sentiment de ne pas être écouté et d'être étouffé par une suradministration. Vous proposez d'assortir le pouvoir de décision des directeurs de l'avis des médecins : autant dire qu'à la fin, personne ne décide !
Les hôpitaux comptent de plus en plus de personnel administratif et de moins en moins de soignants. Pire, les directions chargent les soignants de tâches administratives. Il y a quelques années, les infirmières-cheffes, ou surveillantes, étaient habillées de blouses blanches et travaillaient au sein de leurs équipes. Elles exercent maintenant un travail de bureau, contraintes d'enchaîner des réunions qui produisent souvent de nouvelles contraintes. Les vraies infirmières consacrent de plus en plus de temps aux tâches administratives et de moins en moins au lit des malades. Ce sont les médecins et les infirmières des hôpitaux qui manquent d'oxygène ! Le problème ne se situe pas entre les directeurs d'hôpitaux et les ARS, qui partagent le même cursus et la même formation, mais entre les soignants et leur administration. C'est le sens des propositions que le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés soumettra dans le cadre du « Ségur de la santé ».
Donner plus de moyens aux directeurs et prévoir que leurs décisions seront obligatoirement financées par les ARS, c'est open bar !
Le groupe du MoDem ne soutiendra pas ce texte. Si la question de la gouvernance des établissements doit être soulevée, nos propositions vont dans la direction opposée aux vôtres.
Cette proposition soulève des questions qui se posaient avant la crise du covid-19, notamment celle des moyens. Si le groupe Socialistes et apparentés convient qu'il faut donner plus de moyens à l'hôpital, notamment en personnel, en lits et en investissements, la question de la gouvernance ne peut pas être dissociée de la lisibilité de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie et de la tarification.
Cette proposition se présente comme un dispositif d'urgence, mais sa pérennisation risquerait d'organiser la gouvernance sans tirer les leçons de la crise, notamment s'agissant de la participation des soignants. S'il faut laisser des libertés au terrain et revoir la gouvernance de l'hôpital, je me méfie des inégalités que l'autonomie des établissements pourrait produire dans l'accès aux soins.
Si je partage les préoccupations des auteurs de cette proposition, je ne peux soutenir cette dernière.
Le groupe Libertés et Territoires soutiendra cette proposition. Il s'agit d'une expérimentation, et ceux qui pensent tout savoir devraient se référer aux propos de Voltaire rappelés par Pr. Salomon devant la commission d'enquête : « Avant de savoir, on ne sait pas. »
Nous avons connu un désordre considérable, et il est heureux que nous ayons pu compter sur les initiatives locales. Le Président de la République a d'ailleurs rappelé que tout ne devait pas se décider à Paris. Cette proposition laisse l'initiative aux acteurs de terrain, et nous serions libres de retenir les meilleures initiatives. Certes, il est possible de changer les choses en vingt-quatre heures, mais peut-être était-ce plus simple à Orléans qu'à Chartres ? C'est le sens des conclusions de la commission d'enquête sur les conditions d'accès aux soins, dont j'étais rapporteur.
Les décisions, évaluées par l'Inspection générale des affaires sociales, ne seront pas l'apanage d'un directeur. Une concertation est prévue avec le groupement hospitalier, donc la communauté médicale sera associée aux décisions. Toutes les conditions d'une expérimentation sont réunies ; pourquoi nous priver de cette possibilité ?
L'intention est louable : s'adapter au contexte local et tirer profit des expérimentations prometteuses pour lutter contre le non-recours aux soins et éviter une deuxième vague épidémique. Toutefois, cet objectif ne doit pas s'opposer à une offre de soins juste et harmonisée sur l'ensemble du territoire.
Les directeurs d'établissement sont au service de notre politique de santé. S'ils doivent être étroitement associés aux prises de décisions concernant leurs hôpitaux et formuler des propositions, il revient à la direction générale de l'offre de soins du ministère de la santé de piloter nos hôpitaux.
Au niveau de l'établissement, c'est à l'ensemble des professionnels de santé et des usagers qu'il devrait revenir d'établir un diagnostic. Le directeur d'établissement ne devrait être qu'un chef d'orchestre.
Depuis la loi « HPST », les directeurs ont des pouvoirs très étendus qui s'opposent souvent à la logique médicale. Accentuer ce pouvoir pourrait entraîner des situations malvenues à l'heure ou la tarification à l'activité et les regroupements hospitaliers incitent les directeurs d'hôpitaux à faire le plus d'économies possible. Travailler plus étroitement avec les directeurs d'hôpitaux est une nécessité, mais leur laisser totalement les clefs fait courir le risque de dérives majeures, et d'une rupture d'égalité dans l'accès aux soins.
La gouvernance de l'hôpital devrait intégrer les patients et les syndicats. La structuration très bureaucratique de l'hôpital, autour des fonctions administratives déconnectées de la pratique des soignants, est problématique.
Le groupe La France insoumise votera contre cette proposition de loi.
Depuis le début de la crise sanitaire, les établissements publics de santé ont connu d'immenses difficultés pour gérer de nombreuses problématiques : manque de moyens, manque de lits, manque de personnel, manque d'équipement. Les soignants se sont battus corps et âme pour soigner et protéger notre population dans des conditions de travail parfois insoutenables. Après avoir reçu leur aide pendant près de trois mois, il est de notre devoir de leur rendre la pareille en changeant leur quotidien, en facilitant leurs activités, tout simplement en les respectant.
Cette crise a permis de nombreux constats concernant la gouvernance des établissements publics de santé. Lorsque certains services étaient surmenés, d'autres étaient presque vides. Alors que le manque de moyens était évident, chaque établissement a réorganisé ses services pour absorber le surplus de patients en réanimation. Cela démontre que l'organisation concrète de terrain peut être faite par les professionnels de santé, et notamment par les directeurs.
Ce constat ne doit pas rester sans suite ; une nouvelle organisation des établissements publics de santé est prioritaire. La crise a démontré avec cruauté la désuétude d'une organisation administrative pesante. Le système de santé a produit une organisation inefficace dans trop de territoires ; le trop-plein administratif a empêché d'agir concrètement et efficacement dans nos hôpitaux publics. Il est temps d'attribuer des prérogatives organisationnelles pleines à chaque établissement.
Nous devons aller plus loin. Cette solution dérogatoire courageuse doit être poursuivie afin de prendre en compte la voix des professionnels, et l'organisation territoriale de la santé doit être repensée en profondeur. Ce texte propose les fondations d'un système de santé renouvelé et plus proche des réalités de chaque établissement. Expérimentons ! Le fonctionnement actuel, trop lourd administrativement, s'est avéré insuffisant. Il ne faut pas nous en tenir à une mesure d'urgence, ce nouveau système décisionnel proche des réalités de terrain devra faire l'objet d'une évaluation.
Le groupe Écologie Démocratie Solidarité soutient cette proposition.
Ce débat sur la gestion de nos hôpitaux nous permet de rendre hommage aux structures hospitalières. Au cours de cette crise d'une ampleur sans précédent, tous les soignants et le personnel des hôpitaux ont fait preuve d'une capacité d'organisation remarquable. Nous leur devons admiration, mais surtout respect ; leurs capacités d'adaptation, leur courage et leur investissement ont permis à l'hôpital de tenir.
En assouplissant certaines procédures et en s'affranchissant de lourdeurs administratives, ils ont temporairement répondu à un problème inédit. Faut-il pour autant supprimer ces règles ? En bonne Normande, ma réponse balance entre un « oui » franc – permettant de libérer les initiatives – et un « non » prudent – car les règles administratives existent pour protéger, même si elles allongent parfois les délais.
Nous sommes tous d'accord pour réformer l'hôpital, et singulièrement les procédures administratives dont les effets sont délétères, mais prenons garde aux décisions sous le coup de l'émotion. Cette proposition présente des inconvénients. Elle ne concerne pas les hôpitaux privés, pourtant nécessaires à la coordination des soins. Elle octroie une place prépondérante aux directeurs, mais lors de la crise, ce sont les soignants qui se sont organisés de manière autonome.
Alors qu'une large concertation est en cours dans le cadre du « Ségur de la santé », il est urgent d'agir, mais avec précaution. Le groupe Agir ensemble ne votera pas cette proposition.
Cette proposition instaure un dispositif d'urgence temporaire pour adapter l'offre publique de soins à des catastrophes sanitaires.
Nous partageons les constats : l'engagement du personnel, grâce auquel l'hôpital a tenu debout, mais la reconnaissance n'est pas au rendez-vous ; l'affection comptable et managériale dont souffre la gouvernance du service public hospitalier, qui nécessite de replacer l'humain et le soin au cœur de son fonctionnement.
Toutefois, les solutions proposées passent sous silence les causes profondes de l'affaiblissement du service public. Avant même l'épidémie, les lits, le personnel, le matériel médical manquaient. La question des moyens affectés aux hôpitaux est donc primordiale. La résistance de ceux-ci s'est payée d'un épuisement important et du renoncement aux soins d'une part de nos concitoyens.
Les projets de réorganisation à marche forcée m'inquiètent ; les moments de crise ne sont pas toujours les plus adaptés. L'hôpital ne doit pas être géré comme une entreprise, et mettre les établissements en concurrence pourrait être délétère.
Plus qu'une nécessité, donner davantage d'autonomie et de souplesse à nos hôpitaux est une exigence. Nos hôpitaux ont retrouvé des marges de manœuvre dès lors que l'administration s'est montrée volontaire. Les équipes ont été capables d'organiser le fonctionnement de manière fluide et efficace. Outre le personnel soignant, les équipes de direction, les équipes techniques et les équipes administratives ont réalisé un travail admirable.
Dans ma circonscription, j'ai constaté l'agilité de l'hôpital et du GHT. Les recrutements indispensables à la gestion des patients ont été réalisés sans accroc. Le déploiement des outils numériques a permis des gains de temps et d'efficacité, améliorant le lien avec les patients et la médecine de ville. L'introduction de fonctions territorialisées a accéléré la déclinaison du projet médical partagé des établissements du GHT. La filière gériatrique a pu venir en aide aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), et l'établissement support du GHT a permis de déployer les moyens pour prendre en charge les patients atteints du covid-19, ainsi que ceux touchés par d'autres pathologies imposant une hospitalisation. La souplesse est donc essentielle, et nos hôpitaux en ont fait preuve.
Les mesures proposées sont essentielles, mais il faut aller plus loin encore. J'ai déposé une proposition de résolution invitant le Gouvernement à étudier les évolutions possibles de réorganisation du système de santé entre les différents échelons de décision stratégique, de responsabilité et d'application des politiques de santé. Notre réflexion doit dépasser les seuls aspects territoriaux, et inclure l'organisation des ARS. Souvent critiquées, elles ont aussi montré qu'elles pouvaient être efficaces. Monsieur le rapporteur, seriez-vous favorable à une cogouvernance incluant les régions, s'agissant des établissements de santé, et les départements s'agissant des EHPAD ?
L'hôpital public a répondu efficacement à l'urgence, malgré des conditions particulièrement difficiles. Les propositions de loi issues de la droite comme de la gauche excluent le secteur privé, dont l'intervention, en coordination avec l'hôpital public, a été déterminante pour recevoir des malades, notamment en réanimation.
Est-ce l'organisation du « Ségur de la santé », centrée sur l'hôpital public, qui explique que votre proposition de loi exclut le secteur privé, alors que vous recherchez l'efficacité ? Pourriez-vous nous expliquer la motivation de votre démarche ?
Je voterai cette proposition intelligente, qui vise à donner plus de souplesse à l'organisation de nos hôpitaux. Il s'agit d'améliorer le plan blanc renforcé mis en œuvre lors de cette crise et de transformer ou déplacer certains services en douceur, rapidement, et en accord avec la CME, les professionnels de santé et le personnel soignant.
Face à la crise, tout le personnel a réagi immédiatement sans chercher à entraver les décisions de l'administration. Les CME ont été actives. Au sein du centre hospitalier de ma circonscription, les contacts étaient permanents entre le GHT, la direction de l'établissement et le chef de pôle soins intensifs. Il faut pérenniser cette organisation, qui peut également être utile en d'autres circonstances, notamment en cas de terrorisme ou d'accident biologique.
La crise a démontré la capacité des équipes à s'organiser de manière efficace. Alors que nos hôpitaux souffrent de profondes rigidités d'organisation qui ne permettent pas une évolution rapide pour faire face à des tensions financières croissantes, le personnel des services a su s'adapter au plus fort de la crise.
Il est essentiel de moderniser le management des établissements de santé, ce qui implique de renouveler la gestion des ressources humaines hospitalières et la reconnaissance professionnelle. Les services doivent retrouver leur rôle collectif dans l'organisation des soins et le management des équipes soignantes. Moderniser le pilotage de l'hôpital nécessite d'élargir les compétences des commissions médicales d'établissement pour renforcer la participation des médecins au pilotage des hôpitaux.
Cette proposition apporte des solutions au risque d'une deuxième vague épidémique et au besoin urgent de procéder aux opérations qui ont été reportées pendant la crise. L'expérimentation proposée offre une marge de manœuvre plus importante aux directeurs d'établissement. Elle est essentielle pour le redressement de l'hôpital.
Dans de nombreux territoires, les ARS se sont avérées inefficaces. En revanche, des partenariats et des collaborations ont vu le jour entre médecine de ville, hôpitaux privés et services de soins infirmiers à domicile. Tentons cette expérimentation et évaluons-en les tenants et les aboutissants.
Cette expérimentation est indispensable, et doit être pérennisée pour élargir la gouvernance des hôpitaux aux directeurs et aux professionnels de santé, et ainsi améliorer la souplesse, la rapidité et l'efficacité des décisions.
La mainmise actuelle des ARS peut mettre en péril certains hôpitaux, notamment ruraux. Dans ma circonscription, un petit hôpital rural était en péril, car l'ARS bloquait l'acquisition d'un scanner dont tout le monde constatait la nécessité. Après un changement de l'ARS, l'installation du scanner a été autorisée et cet hôpital rural a retrouvé un avenir.
Je soutiendrai cette proposition de loi, et j'invite à ce que l'expérimentation permettant d'assouplir la gouvernance se pérennise au-delà des douze mois initiaux.
Cette proposition de loi, sur la base de constats empiriques récents, se veut promotrice de la confiance dans les pratiques locales qui ont montré leur efficacité pour trouver des solutions, et qu'il ne faudrait pas que la bureaucratie vienne entraver. Elle n'a pas vocation à préfigurer la réforme de l'hôpital, qui sortira plutôt du « Ségur de la santé » lancé par le Gouvernement. De façon bien plus modeste, elle entend surtout répondre à l'urgence que nous avons ressentie au contact de nos soignants depuis plusieurs semaines.
J'ai entendu que cette proposition produirait de la dérégulation. Or elle affirme bien la nécessité de passer par une concertation au niveau des GHT pour apporter une réponse proportionnée et adaptée aux territoires.
Elle introduirait une rupture d'égalité en n'incluant pas les établissements privés dans son périmètre : de jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel admet que l'on peut, en matière de santé, traiter différemment les établissements selon leur nature, et accepter sur un plan juridique les différences de gestion entre secteur public et secteur privé.
Quant à y voir une exclusion des ARS, cela me paraît excessif. Je souhaite qu'une autorité publique garantisse l'offre territoriale de soins et l'accès aux soins pour tous, car je considère que la puissance publique peut tout autant réguler et planifier que fluidifier, voire inciter à des réponses médicales territorialisées. Toutefois, en l'espèce, l'urgence commande de savoir s'écarter du principe d'organisation générale, dont les ARS sont effectivement chargées ; il ne s'agit en rien d'un procès d'intention à leur encontre.
D'ailleurs, anticipant sur le prochain travail de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur les ARS, je ferai valoir qu'elles ne sont pas à jeter, bien au contraire, car il faut des entités tutélaires organisatrices. Simplement, elles devraient s'attacher à donner à leur gouvernance un caractère plus territorial, en associant des élus à certaines décisions, et à éviter d'avoir une administration par trop bureaucratique.
L'idée de cette proposition de loi est, en effet, de répondre à des enjeux majeurs et immédiats, directement liés à l'intervention du directeur général de la santé, hier, dans nos murs, et à ce qui se passe actuellement en Chine. Le pays doit se réarmer pour être prêt à affronter une éventuelle deuxième vague, d'autant que la reprise des soins qui avaient été déprogrammés pourrait créer une embolie dans le système. Personne ne comprendrait que nous attendions pour prendre des décisions, après l'allocution du Président de la République de dimanche dernier, invitant à se préparer à une autre vague épidémique et à adapter les processus en les rendant plus agiles et plus souples, et en se tournant vers des solutions territoriales. Ma proposition de loi tient de cet esprit.
Il ne s'agit en aucun cas d'écarter les soignants puisque la CME aurait à donner un avis et que la décision du directeur ne serait prise que conformément à celui-ci. Les équipes médicales sont là au cœur du dispositif, et il ne saurait y avoir de réorganisation territoriale sans l'accord des soignants. Je ne comprends donc pas cette objection.
C'est la fonction même du chef d'établissement que de prendre des décisions et d'en assumer la responsabilité juridique en cas de faille ou de recours engagé par un patient. Cette responsabilité ne saurait être éparpillée ici et là. La cohérence veut que le chef d'établissement soit identifié comme celui qui la porte, mais cela n'écarte pas pour autant les personnels soignants du champ de la décision. Du reste, on a bien vu, au cours de cette crise, que ce sont les chefs d'établissement qui, au quotidien, sont allés chercher des solutions pour faire face à la vague épidémique, bien sûr en accord avec leur personnel soignant. L'adaptation de l'offre de soins s'est faite sous leur autorité, et je n'ai fait qu'en tirer la leçon dans ma proposition de loi.
Au sein de l'opposition de gauche, j'ai noté que Boris Vallaud partageait notre intention, et qu'il nous invitait à revoir la gouvernance pour laisser de la souplesse aux territoires. Nous n'avons pas de désaccord sur l'esprit. Caroline Fiat comprend nos intentions « louables » et partage nos objectifs, mais elle souhaite ajouter une strate qui produirait, selon moi, davantage de bureaucratie et ne serait pas adaptée à une situation d'urgence.
Je remercie mes autres collègues pour leur soutien à cette initiative parlementaire, qui cherche, en effet, à répondre immédiatement en partant des réalités du terrain et des constatations faites au cours de cette vague épidémique, notamment pour l'organisation des soins dans les établissements publics.
Je me suis doucement amusé de la réponse normande d'Agnès Firmin Le Bodo, qui tend à basculer dans le « en même temps »... L'avis conforme que je souhaite voir exprimer par la CME vous laisse penser qu'il y aurait un défaut de collégialité, mais il n'en est rien.
Enfin, je suis très favorable à optimiser et à massifier la coopération public-privé en matière de soins en général. L'expérimentation, hélas douloureuse, du Grand Est a servi de leçon dans les autres régions, où les établissements privés ont été associés à la réponse sanitaire. Il était tout à fait aberrant qu'à un certain moment, 70 000 réanimateurs soient disponibles dans les cliniques privées sans être mis à la disposition du public et que des lits soient vides au moment du pic épidémique. C'est donc légitimement qu'il faut donner une place au public et optimiser la coopération avec lui.
La proposition de loi distingue néanmoins entre le public et le privé, car les établissements privés disposent déjà de beaucoup plus d'autonomie. Ils n'ont pas besoin d'un dispositif législatif pour pouvoir déroger à certaines règles. De surcroît, j'ai constaté, dans le Grand Est comme ailleurs, que ce sont les hôpitaux publics qui ont été la première ligne de front, le ministre de la santé ayant décidé de leur donner un flux exclusif en écartant les solutions du privé qui pouvaient être directement réactives sur le terrain. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas intégré le privé dans cette proposition de loi, qui répond à une situation d'urgence et n'a pas vocation à réformer l'ensemble de notre système santé.
La commission aborde l'examen des articles de la proposition de loi.
Article 1er : Dispense d'autorisation pendant douze mois pour la création, la conversion et le regroupement d'activités de soins destinées à assurer la permanence des soins
La commission est saisie de l'amendement AS1 de Mme Caroline Fiat.
Il s'agit d'associer les soignants, les associations d'usagers et les partenaires sociaux aux décisions prises par le chef ou la cheffe de l'établissement, pour en permettre une meilleure compréhension et y faciliter l'adhésion de l'ensemble des personnes impliquées.
Avis défavorable, non pas sur le principe, mais parce que je souhaite que l'on s'en tienne à la version initiale du texte.
Je prévois déjà deux mécanismes de concertation avant chaque décision : l'une avec la CME, ce qui exclut que le directeur puisse agir sans le consentement du corps médical, et l'autre avec le GHT, pour assurer une coordination plus territoriale. Cela me semble une juste mesure s'agissant d'un dispositif d'urgence.
C'est dommage, car pendant la crise sanitaire, les directeurs ont su travailler avec les personnels dans l'urgence, par exemple pour créer des lits de réanimation. C'est tout à fait faisable.
Nous sommes contre l'amendement, car nous sommes contre l'article, même si nous sommes d'accord pour dire qu'il faut augmenter la confiance envers les acteurs et diminuer la bureaucratie.
Contrairement à ce que vous dites, votre proposition de loi entraînerait une vraie dérégulation, car le GHT, parce qu'il n'inclut pas le privé et la médecine de ville, ne régule pas l'ensemble du territoire.
Par ailleurs, je vous renvoie aux ordonnances du 3 janvier 2018, qui ont été mises en œuvre avec l'arrêté du 23 mars 2020, et qui permettent de valider des activités de soin de manière dérogatoire. L'objectif de votre proposition de loi est donc déjà atteint.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle rejette l'article 1er.
Article 2 : Rapport du Gouvernement sur les mesures prises en application de la loi
La commission rejette l'article 2.
Article 3 : Intégration d'office des modifications apportées à l'offre de soins au schéma régional de santé à l'issue des douze mois
La commission rejette l'article 3.
Article 4 : Gage
La commission rejette l'article 4.
Tous les articles de la proposition de loi ayant été rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.
Il est bien regrettable que le « Nouveau monde » fasse de l'obstruction sur une proposition de loi qui était tout à fait recevable et qui devait permettre d'aller le plus vite possible pour donner de la souplesse au système.
L'attention que vous avez porté à ce sujet manifeste une prise de conscience de la nécessité de disposer d'un système sanitaire très réactif. Puisse la discussion que nous aurons dans l'hémicycle être aussi vive et animée que celle de ce matin, comme le requiert un texte de cette nature !
La commission en vient à l'examen de la proposition de loi de M. Gilles Lurton visant à assurer le versement de la prime de naissance avant la naissance de l'enfant (n° 1160) (M. Gilles Lurton, rapporteur).
Le sujet de cette proposition de loi constitue un marqueur de mes mandats successifs.
Les semaines précédant l'arrivée d'un enfant dans une famille sont particulières. Ce sont des moments de joie, parfois d'angoisse ; ils sont en tout cas exceptionnels dans la vie d'un foyer, car consacrés aux derniers préparatifs avant la naissance de l'enfant.
Pendant les dernières semaines de grossesse, les futurs parents, soucieux d'accueillir leur enfant dans les meilleures conditions, doivent acheter tout ce qui est indispensable au nouveau-né dès ses premiers jours de vie : siège auto, couffin, poussette, baignoire adaptée, table à langer, vêtements et nombreux articles de puériculture. Parfois, ils déménagent dans un logement plus grand ou achètent une voiture plus adaptée à la situation de la famille. La naissance d'un enfant reste une richesse inestimable mais elle a un coût !
La prime de naissance, d'un montant de 947 euros, a pour objectif de permettre aux familles dont les revenus n'excèdent pas un certain seuil de faire face aux premières dépenses liées à l'arrivée de cet enfant. Les plafonds de ressources y ouvrant droit sont élevés, si bien qu'elle bénéficie également aux familles de la classe moyenne – il est, par exemple, de 49 000 euros par an pour un couple biactif avec deux enfants. Chaque mois, près de 45 000 allocataires bénéficient de cette prime, qui constitue un élément essentiel de notre politique familiale. Encore faut-il qu'elle puisse trouver sa pleine efficacité en étant versée au moment où les parents en ont le plus besoin.
Jusqu'en 2015, la prime de naissance était fort logiquement versée avant la naissance de l'enfant, au septième mois de grossesse. Or la précédente majorité a décidé, par décret, d'en décaler le versement après la naissance. Cette décision, je n'ai eu de cesse de la contester depuis 2015, car elle pénalise les familles qui ont besoin de cette aide pour préparer matériellement l'arrivée d'un nouvel enfant. C'est en dépit du bon sens qu'elle a été prise : c'est évidemment avant la naissance que les familles s'équipent.
Ce décalage du versement est également contraire à l'esprit de la loi, qui dispose que la prime est attribuée pour chaque enfant à naître avant sa naissance. En rétablissant son versement avant la naissance, nous redonnerons sa cohérence juridique au code de la sécurité sociale, qui n'a pas été changé lorsque le Gouvernement a pris le décret en 2015.
Qui plus est, ce report dans le temps ne saurait être justifié par la nécessité pour la branche famille de réaliser des économies budgétaires. Il ne procure pas de réelle économie puisque ni les critères d'attribution, ni le montant de la prime n'ont été modifiés. Il a seulement permis un gain de trésorerie pour les organismes de sécurité sociale, évalué par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) à 239 millions d'euros, et cela uniquement en 2015. Ce décalage n'a eu aucun impact financier les années suivantes, alors qu'il continue de pénaliser chaque mois des dizaines de milliers de familles.
Il est souvent avancé que les familles peuvent bénéficier d'un prêt ou d'une avance de la part de leur caisse d'allocations familiales (CAF), qu'elles devront rembourser lorsqu'elles percevront la prime. Mais ce prêt est loin d'égaler un versement anticipé de la prime. Il suppose que les familles soient informées de la possibilité de ce prêt et qu'elles effectuent une démarche volontariste en allant le réclamer, alors que le versement de la prime de naissance est automatique. Cette procédure fragilise encore davantage les ménages qui ne peuvent avancer l'ensemble des frais précédant la naissance de l'enfant. Certaines familles n'osent pas faire la démarche, par sentiment de culpabilité ; d'autres peuvent se sentir atteintes dans leur dignité en ayant à quémander leur droit.
Il est urgent de revenir sur la mauvaise décision prise en 2015 pour verser à nouveau la prime avant la naissance de l'enfant. C'est l'objet de l'article unique de cette proposition de loi. Cette mesure de bon sens fait l'unanimité parmi toutes les associations familiales – je tiens, d'ailleurs, à les remercier du soutien qu'elles m'ont apporté lorsque je l'ai déposée. Fort de ce soutien, je propose chaque année des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) afin de décaler le versement de la prime de naissance ; d'autres députés issus de différents groupes parlementaires en font de même. Ces amendements ont toujours été votés par l'ensemble des groupes de l'opposition, mais rejetés par le groupe majoritaire. Le moment est venu de passer outre nos divergences. Je compte sur tous pour faire preuve de bon sens, et pour donner aux familles de notre pays le signe que nous sommes attachés à une politique familiale dynamique et proactive, essentielle à la survie de notre système social.
Il s'agit d'un texte de bon sens : chacun comprend la nécessité de recevoir la prime de naissance avant que celle-ci ne se produise pour préparer l'arrivée d'un enfant. Néanmoins, il ne faut pas négliger le coût d'une telle mesure : 190 millions d'euros si le versement commence deux mois avant la naissance ; 130 millions si c'est un mois avant. Ce sont d'ailleurs des raisons d'économie budgétaire qui, en 2015, ont conduit à décaler son versement après la naissance.
Pour être efficace, votre mesure doit permettre d'éviter de recourir au dispositif d'avance de la prime par la CAF. Il faut donc trouver un équilibre entre le coût budgétaire de votre mesure et son efficacité dans la réponse réelle aux besoins des parents.
Vous présenterez un amendement tendant à fixer à la fin du sixième mois de grossesse la date de versement de la prime. Nous préférons que celle-ci soit définie par décret, après étude des répercussions budgétaires et de l'efficacité de la prime. Nous serons donc défavorables à cet amendement, mais soutiendrons votre proposition de loi.
La présente proposition de loi est un texte de bon sens et pragmatique. Son sujet, comme les questions familiales, a toujours fait l'objet d'un travail constant et d'une implication sans faille de la part de notre collègue Gilles Lurton. Il s'agit de rétablir avant la naissance de l'enfant le versement de la prime de naissance, qui avait été reporté par décret au dernier jour du second mois civil suivant la naissance de l'enfant. Cette décision incohérente fragilise incontestablement et inutilement les familles les plus modestes, qui engagent les frais nécessaires à l'arrivée d'un enfant bien avant la naissance de ce dernier.
La proposition de loi constituerait une mesure de protection pour toutes les familles, surtout les plus vulnérables et fragiles financièrement, qui n'auraient pas à s'endetter pour accueillir dignement et sans contrainte matérielle la naissance de leur enfant. S'il est vrai que les CAF peuvent effectuer des avances remboursables, cela représente pour les familles, qui doivent la demander, une contrainte supplémentaire bien inutile. Il convient donc de revenir au dispositif antérieur, ce qui n'altèrera en rien ni l'objectif de nos politiques familiales, ni le but poursuivi par l'attribution de la prime de naissance.
J'invite tous nos collègues à voter favorablement cette proposition de loi.
Au nom du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, je salue l'inscription, par nos collègues du groupe Les Républicains, de cette proposition à l'ordre du jour ; vous savez qu'elle m'est chère. Le versement de la prime de naissance – un nom d'ailleurs peu approprié pour une prime qui concerne aussi les enfants adoptés – est une mesure que notre groupe porte avec conviction depuis le début de ce quinquennat, et je regrette que le Gouvernement ait rejeté notre proposition trois années de suite. C'est pourquoi nous nous réjouissons qu'une nouvelle occasion nous soit donnée d'adopter enfin cette mesure de justice sociale pour les familles.
Depuis 2015, cette prime de naissance, dont le montant est proche de 1 000 euros, n'est plus versée avant mais après la naissance, ce qui fragilise les familles les plus modestes qui doivent parfois s'endetter pour financer l'arrivée de leur enfant. Cette décision a été prise exclusivement pour des raisons de trésorerie de court terme ; elle est de notre point de vue totalement dénuée de bon sens. L'adoption de la proposition de loi, qui n'entraînerait qu'un décalage de trésorerie, constituerait une première étape vers la politique familiale rénovée que nous appelons de nos vœux, et qui fait l'objet des travaux de la mission d'information sur l'adaptation de la politique familiale française aux défis du XXIe siècle, dont je suis rapporteure et qui rendra prochainement ses conclusions.
Nous voterons en faveur de cette proposition de loi.
La genèse de la décision de 2015 vient d'être rappelée ; la proposition de Gilles Lurton me paraît relever d'un parfait bon sens et de la justice la plus élémentaire. Je la soutiendrai donc sans réserve, sachant que nous avons d'autres sujets de désaccord en matière de politique familiale. Par exemple, si nous devions rechercher des financements, je proposerais le plafonnement du quotient conjugal – je ne suis pas certain que nous nous retrouverions sur ce point.
Je salue la constance de M. le rapporteur ; il a eu raison d'insister pour réparer une décision de circonstance, liée à des exigences de gestion de trésorerie, qui s'avère une erreur.
La prime de naissance, élargie en effet aux enfants adoptés, est utile pour préparer l'arrivée de l'enfant, pour s'équiper dans de bonnes conditions et pour éviter à certains de s'endetter. Les microcrédits que la CAF peut apporter, elle les récupère quand la prime est versée : il faut simplifier tout cela.
Le groupe Libertés et Territoires votera cette proposition de loi de bon sens, qui n'aurait d'incidence budgétaire qu'en termes de trésorerie. Rapportés aux sommes consacrées à l'ensemble de la sécurité sociale ou même à la branche famille, ces 200 millions d'euros ne vont pas changer la face du monde.
L'arrivée d'un enfant est toujours un bouleversement ; pour que celui-ci soit accueilli avec bonheur et sérénité, il est bon que les conditions matérielles minimales soient réunies. Comment être serein lorsque l'on n'a pas de quoi acheter couches, table à langer, berceau, siège auto, chauffe-biberon ou vêtements pour enfants ; lorsqu'il faut faire appel au « système D » pour satisfaire les besoins élémentaires d'un nourrisson ? Le versement de la prime de naissance après plutôt qu'avant l'arrivée de l'enfant est une absurdité !
Avant 2015, celle-ci était versée au septième mois de grossesse, qui correspond à la nidification. C'est sous le gouvernement de Manuel Valls qu'elle a été reportée au deuxième mois de l'enfant, malgré les protestations des familles et de la CNAF. De hauts fonctionnaires ont eu cette idée aberrante simplement pour différer un versement de 210 à 250 millions d'euros par la branche famille, pourtant excédentaire. C'est là la merveilleuse illustration de la déconnexion de nos élites d'avec la population.
L'an dernier, alors qu'il était rapporteur général de la commission des affaires sociales, Olivier Véran avait souligné l'existence d'un dispositif de prêt sans frais garanti par les CAF. C'est bien, là encore, méconnaître ce que vivent certaines familles au quotidien. Savez-vous que demander un prêt à la CAF nécessite parfois de poser une journée de congé pour s'y rendre ? Tout le monde ne maîtrise pas internet. De plus, ce droit à prêt n'est pas connu de tous, et certaines familles – dont j'ai fait partie –gagnent 5 ou 6 euros de trop pour pouvoir en bénéficier.
Ce report de versement était donc une grossière erreur, et si l'erreur est humaine, persister dans l'erreur par arrogance est diabolique.
Nous soutenons cette proposition de loi.
La mesure qui constitue cette proposition de loi figurait dans les préconisations formulées par la mission d'information sur la politique familiale ; c'était une demande unanime des associations familiales. La décision de décaler le versement de la prime de naissance après l'arrivée d'un enfant n'avait que pour seule motivation une économie de trésorerie budgétaire permettant de respecter la maîtrise de nos déficits publics. Elle était complètement décorrélée de la vie quotidienne des Françaises et des Français qui, depuis lors, doivent parfois solliciter un micro-crédit auprès des CAF pour préparer une naissance.
Le groupe Écologie Démocratie Solidarité soutiendra cette proposition de loi. C'est une mesure de bon sens et de justice sociale que de permettre à tous les parents de préparer le plus sereinement possible l'arrivée d'un enfant.
La proposition de loi vise à instaurer le versement de la prime de naissance avant la naissance de l'enfant, et non plus après, comme la précédente majorité l'avait décidé par décret en 2015. Notre groupe est favorable à cette mesure sociale, qui permettrait de soutenir les ménages les plus modestes. Les familles ont certes la possibilité de bénéficier, avant la naissance de leur enfant, d'un prêt accordé par leur caisse d'allocations familiales. Cependant, la mauvaise information et le sentiment de culpabilité peuvent les éloigner de cet emprunt, les fragilisant considérablement.
Certaines prestations sociales, comme l'allocation de rentrée scolaire, sont versées en amont de l'événement. Il semble donc injustifié que ce ne soit pas le cas de la prime de naissance, ce versement devant intervenir le plus tôt possible. Je salue votre constance sur ce sujet, monsieur le rapporteur, et souhaite que votre persévérance soit enfin récompensée. Notre groupe ayant défendu une mesure similaire par voie d'amendement dans le cadre du PLFSS 2020, il soutient votre proposition de loi.
Je salue à mon tour l'action parlementaire et la persévérance de Gilles Lurton. Je regrette que nous n'ayons pas pris cette décision plus tôt, alors que nous l'avons défendue à chaque examen du budget. Nous ne comprenons pas pourquoi cette mesquinerie budgétaire a été maintenue. On sait très bien comment cela fonctionne à Bercy : on ne réfléchit pas en fonction des nécessités de l'existence auxquelles il faut faire face, en l'espèce les familles. Un directeur d'hôpital m'a ainsi expliqué que la prime pour les personnels des hôpitaux était calculée sur la base des effectifs de 2018...
La prime est tout à fait utile pour accompagner les parents, qui doivent se préparer à accueillir l'enfant avant même sa naissance. Proposer aux familles d'aller quémander leurs droits relève d'une démarche vexatoire. Notre groupe soutient donc cette proposition de loi.
Je souligne la belle harmonie qui règne dans notre commission lorsqu'on ne se sent pas obligé, quelle que soit l'évolution du débat démocratique, de s'envoyer des anathèmes à la figure. Je salue, à mon tour, la persévérance de Gilles Lurton sur ce sujet et la pugnacité de Nathalie Elimas, qui a pris le relais.
« Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille applaudit à grands cris. Son doux regard qui brille fait briller tous les yeux » : chacun connaît cette célèbre citation de Victor Hugo. Mais avant que l'enfant paraisse, il faut savoir l'accueillir dans les meilleures conditions, préparer sa chambre, parfois changer de logement, de voiture... Cette proposition de loi a l'immense mérite d'aider les familles, notamment celles qui ont le plus de difficultés, à accueillir cet enfant.
Reste que je suis ennuyé par le mot « prime ». On parle de prime d'assurance, de prime à la construction, de prime à l'exportation, de prime à la casse ; n'y aurait-il pas un plus beau mot pour donner toute sa valeur à cette reconnaissance de la nation lors de la naissance d'un enfant ?
Les arguments financiers n'ont aucun sens, qui relèvent de la trésorerie. Il est vrai qu'on ne peut pas rallonger la grossesse de quelques mois... Nous devons prendre nos responsabilités et faire en sorte que nos finances publiques absorbent cette décision. Monsieur Gilles Lurton, c'est une très bonne mesure que vous nous proposez : la politique de l'accueil de l'enfant doit être une priorité.
Je suis absolument d'accord avec M. Perrut : le mot « prime » est dérangeant dans une démarche d'accompagnement. Bien sûr, l'aide pour l'arrivée d'un enfant dans une famille a un coût, mais elle est soumise à condition de ressources. Il est totalement aberrant de ne pas accompagner les familles, surtout celles qui sont en situation précaire, avant la naissance, alors même que c'est dans cette période que les frais sont importants, ce qui les oblige parfois à emprunter pour y faire face. Je m'étonne encore que des socialistes aient pu supprimer le versement de cette prime avant la naissance !
J'ose espérer, monsieur Lurton, que si l'enfant venait malheureusement à décéder avant, pendant ou après l'accouchement, vous avez prévu le maintien de la prime et pas de demande de remboursement.
Depuis 2015, la prime de naissance, censée aider à financer les dépenses liées à l'arrivée d'un nouveau-né dans une famille, est versée aux femmes par la CAF deux mois après la naissance de l'enfant, et non plus au septième mois de grossesse. Pour le budget de l'État, ce report de quelques mois de la dépense n'a pas grande incidence ; pour les familles, en revanche, en particulier les plus modestes, le différé de quatre mois de cette aide importante de 947 euros leur complique bien la vie. C'est avant la naissance que cette prime est nécessaire aux parents, d'autant plus que celle-ci est attribuée sous condition de ressources. Pour aider les familles les plus modestes, les CAF ont trouvé comme astuce d'accorder des prêts avant la naissance de l'enfant.
Depuis 2015, on constate une baisse de la natalité d'autant plus inquiétante qu'elle semble corrélée aux coupes budgétaires drastiques dont pâtit la politique familiale, qui se détériore. Cette proposition de loi est donc une mesure de bon sens, qui fait consensus. Notre système social repose entièrement sur le renouvellement des générations : les naissances d'aujourd'hui financeront les retraites de demain. Or tous les indicateurs sont au rouge : chute continue de la natalité depuis 2015, effondrement du congé parental, modulation des allocations, réduction du montant du quotient familial. Une mesure aussi simple que le versement de la prime avant la naissance de l'enfant constituerait une preuve de sagesse de la part du Gouvernement et un pas vers une politique familiale proactive essentielle à la survie de notre système social.
À mon tour, je remercie Gilles Lurton pour son acharnement. Sa voix résonne souvent dans l'hémicycle en faveur de la politique familiale qui a fait la fierté de la France. Même si la natalité a un peu baissé, notre pays demeure en tête en Europe grâce à une politique de natalité importante, qu'aujourd'hui encore nous soutenons.
Il arrive quelquefois que le Gouvernement se trompe ! Le chemin de la vertu est long, quelquefois tortueux, et l'expérience parlementaire montre qu'il faut s'y reprendre à plusieurs fois pour le trouver. Il aura fallu cinq ans pour revenir sur un petit décret au moyen d'une proposition de loi.
Un peu plus de 200 millions d'euros, cela peut paraître beaucoup, mais c'est l'épaisseur du trait rapporté aux 450 milliards que nous coûte le covid-19. J'appelle chacun à la réflexion.
La naissance d'un enfant est un événement heureux, mais c'est aussi un grand bouleversement dans la vie des familles, dont les plus modestes ont besoin d'un soutien sans faille de l'État. Depuis 2015, la prime à la naissance intervient au deuxième mois suivant la naissance de l'enfant et non plus au septième mois de grossesse. Ce versement différé a compliqué la vie des familles les plus modestes, qui doivent parfois recourir à des prêts, pas toujours faciles d'accès, pour financer les dépenses liées à l'accueil de l'enfant.
Cette proposition de loi prévoit un retour à la situation qui prévalait avant 2015. La crise du covid-19 a frappé de nombreuses familles, dont le pouvoir d'achat risque d'être profondément affaibli. Ces familles déjà modestes auront des difficultés supplémentaires à trouver les ressources nécessaires pour préparer la venue d'un enfant. La relance de la politique familiale apparaît plus que jamais nécessaire, et le versement de la prime avant la naissance de l'enfant constituerait une preuve de sagesse.
Cette proposition de loi devrait être votée à l'unanimité, ce dont nous nous réjouissons. Nous sommes très heureux qu'après avoir servi à régler un problème de trésorerie de l'État, la prime vienne maintenant soulager la trésorerie des familles. Je remercie Gilles Lurton et Nathalie Elimas pour leur travail : la politique familiale est une priorité de la famille centriste.
Je félicite Gilles Lurton, militant de la politique familiale, en passe d'atteindre son objectif concernant l'adoption de cette proposition de loi, et je lui souhaite le meilleur pour son second défi, plus personnel.
Il s'agit d'une mesure de bon sens, qui revient sur une erreur commise en 2015. La famille, c'est la démographie, et la démographie, c'est notre protection sociale. Tout doit être fait pour que les familles fassent des enfants, et l'aide financière qui leur est accordée constitue un appui très important.
Si l'on peut s'étonner de cette erreur de la part des socialistes, je regrette que la majorité ait refusé, à chacun des trois derniers PLFSS, de la corriger en adoptant la présente disposition.
Je remercie l'ensemble de mes collègues pour les positions qu'ils ont exprimées, laissant envisager un vote à l'unanimité. Je vous remercie également, madame la présidente, pour les mots que vous avez prononcés. L'atmosphère qui règne au sein de cette commission, sous ce mandat comme sous le précédent, sied davantage à la construction qu'à la polémique.
J'ai bien compris que la majorité voterait en faveur de cette proposition. En 2015, lorsque la ministre de la santé a fait le choix, par décret, de reporter le versement de la prime après la naissance de l'enfant, le gain de trésorerie pour l'État – ce n'était malheureusement que cela – s'est élevé à de 239 millions d'euros. Aujourd'hui, le coût pour revenir sur cette disposition ne serait que de 200 millions d'euros. Cette diminution est la conséquence de la baisse de la natalité, et c'est bien là le problème : nous devons nous mobiliser parce que les enfants d'aujourd'hui financeront les retraites de demain. Seule une véritable politique familiale permettra de maintenir un taux de natalité élevé.
Je sais, madame Elimas, que cette proposition vous est chère, et il est heureux que nous arrivions à apporter une solution à ce problème au moment où vous vous apprêtez à publier votre rapport sur la politique familiale. Ainsi, le travail que nous avons mené avec Guillaume Chiche sur cette question, et qui n'a pu aboutir, connaîtra un prolongement pour faire évoluer les choses.
J'ai tenu à proposer un amendement visant à fixer le versement de la prime à la fin du sixième mois de grossesse, comme c'était le cas avant 2015. Une telle disposition ne figurait pas dans la loi et c'est ce qui avait rendu possible de modifier les choses par un simple décret. Nous devons ancrer dans la loi que le versement de la prime intervient le septième mois avant la naissance de l'enfant.
Je partage entièrement l'avis exprimé sur le mot « prime ». Je vais réfléchir, d'ici à la séance, à un terme plus approprié. J'accepterai évidemment d'examiner vos idées et amendements sur ce point.
En cas de décès de l'enfant après que la prime de naissance a été versée, celle-ci doit évidemment être maintenue. Comment pourrait-on imaginer retirer cette prime aux parents alors qu'un grand malheur les frappe ? Cela me paraît complètement inenvisageable, d'autant qu'ils auront tout de même fait des dépenses, et cela mérite d'être précisé.
Je vous remercie tous pour vos interventions et pour l'approbation que vous portez à cette proposition de loi. Je poursuis, il est vrai, un autre objectif : sans préjuger du résultat du second tour des élections municipales le 28 juin prochain, je veux vous dire que si je dois quitter ces bancs, je le ferai avec beaucoup de regrets.
(Applaudissements)
La commission en vient à l'examen de l'article unique de la proposition de loi.
Elle examine l'amendement AS1 du rapporteur.
Cet amendement vise à préciser dans le code de la sécurité sociale que la prime à la naissance est versée au cours du septième mois de grossesse. En l'inscrivant dans la loi, l'erreur commise en 2015 ne pourra plus être réitérée, à moins de modifier la loi.
Nous ne voterons pas en faveur de cet amendement, car nous n'avons pas une visibilité suffisante sur le coût d'une telle mesure ni sur son efficacité. Si la prime doit effectivement être versée à temps pour aider les familles, nous aimerions en connaître les effets afin de mieux fixer cette date. Dans l'immédiat, nous préférons rester dans le cadre du décret. Nous pourrons en rediscuter en séance si nous disposons d'éléments un peu plus précis.
Je soutiens cet amendement précisément pour éviter d'entendre parler de coût et d'efficacité, et que l'on puisse, par un décret, supprimer ce que l'on a mis trois ans à obtenir. Le septième mois de grossesse correspond à la « nidification ». Verser la prime à ce moment relève du bon sens ! Il faut inscrire cette mesure dans la loi.
Le groupe du groupe du Mouvement Démocrate votera cet amendement, qui reprend quasiment la rédaction de celui que nous avons défendu ces trois dernières années dans l'hémicycle. Il est vraiment important de sécuriser cette date et de ne pas s'en remettre à un décret, qui est aléatoire.
Quant à l'efficacité de la prime, son montant n'est pas négligeable : près de 1 000 euros. L'arrivée d'un enfant représente beaucoup d'argent, en particulier pour les familles modestes, et c'est tout l'intérêt de verser la prime avant la naissance de l'enfant. Nous voterons pour, avec conviction !
Le groupe Libertés et Territoires soutient cet amendement. Nous devons tirer les enseignements de ce qu'il s'est passé en 2015 : les parlementaires n'ont pas été tenus informés de cette décision. Ne recommençons pas et assumons notre responsabilité législative. Cela évitera que l'initiative d'un fonctionnaire haut placé vienne détruire notre travail de réparation.
J'approuve également l'idée de présenter un amendement pour modifier le terme de « prime », sans oublier que celle-ci est versée également dans le cadre de l'adoption.
Le groupe Écologie Démocratie Solidarité soutiendra cet amendement. La décision prise en 2015 de verser la prime de naissance après l'arrivée d'un enfant répondait à des contingences artificielles : il s'agissait d'afficher notre maîtrise du déficit public. Quand la technocratie cherche à faire des économies budgétaires, cela a des effets néfastes sur le quotidien des Françaises et des Français. Il faut donc inscrire cette disposition dans la loi afin de ne pas revivre exactement la même mésaventure.
À l'époque où j'étais membre du groupe parlementaire de La République en Marche, nous avions pour habitude de dire que nous étions là pour créer des droits réels et non des droits formels : nous en avons ici l'occasion.
Sans surprise, je soutiendrai cet amendement. Il est utile d'inscrire dans la loi la plénitude de ce droit et de ne pas le soumettre à des aléas budgétaires – sinon, l'on met ces problèmes de trésorerie à la charge des familles. Le moment suggéré par Gilles Lurton pour verser la prime est le bon, celui où l'on commence à se préparer activement à l'accueil de l'enfant et où l'on engage des dépenses un peu plus importantes. Il s'agit d'établir un droit plein et entier, et non d'équilibrer un coût – d'ailleurs, qu'est-ce que cela signifie ?
Quand cette disposition s'appliquera-t-elle concrètement aux familles ? Nous devons veiller à ce qu'elle le soit le plus rapidement possible, et non dans plusieurs mois.
Si le Sénat adopte conforme cette proposition de loi, elle reviendra très vite à l'Assemblée nationale. J'aurai alors l'espoir, si je devais quitter ces lieux, de la faire adopter définitivement avant mon départ. Cela me paraît quand même difficile mais on peut toujours rêver !
La CNAF a évalué le coût de cette mesure à 200 millions d'euros : il n'y a pas de tergiversation possible. L'amendement me paraît extrêmement important, compte tenu de ce qu'il s'est passé en 2015 : ce serait vraiment un marqueur de notre politique familiale que de voter cette loi ainsi amendée.
Je confirme que nous allons réfléchir sur le terme de « prime » d'ici à la semaine prochaine.
Je propose à notre collègue Lurton, dont je salue la constance depuis le début du mandat, de reparler de cet amendement d'ici à la séance.
Pour s'assurer que cette proposition de loi ne se perde pas dans les méandres de la navette parlementaire, nous pourrions envisager d'adopter cette disposition par voie d'amendement dans le prochain PLFSS, si les choses n'étaient pas réglées d'ici là.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article unique.
En conséquence, la proposition de loi est adoptée.
La réunion s'achève à 11 heures 30.
Informations relatives à la commission
Mme Monique Limon et Mme Jeanine Dubié ont été nommées membres de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS).
Présences en réunion
Réunion du mercredi 17 juin 2020 à 9 heures 30
Présents. - M. Didier Baichère, M. Belkhir Belhaddad, M. Christophe Blanchet, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, M. Xavier Breton, M. Sébastien Chenu, M. Paul Christophe, Mme Josiane Corneloup, M. Olivier Damaisin, M. Dominique Da Silva, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Perrine Goulet, Mme Véronique Hammerer, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Charlotte Lecocq, Mme Monique Limon, M. Gilles Lurton, M. Thomas Mesnier, M. Bernard Perrut, M. Adrien Quatennens, M. Alain Ramadier, Mme Stéphanie Rist, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vanceunebrock, M. Philippe Vigier, M. Stéphane Viry, Mme Martine Wonner
Excusés. - M. Joël Aviragnet, Mme Justine Benin, Mme Gisèle Biémouret, M. Gérard Cherpion, M. Patrick Mignola, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Hélène Vainqueur-Christophe
Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Cordier, M. Fabien Di Filippo, M. Jean-Pierre Vigier