Intervention de Gilles Lurton

Réunion du mercredi 17 juin 2020 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton, rapporteur :

Le sujet de cette proposition de loi constitue un marqueur de mes mandats successifs.

Les semaines précédant l'arrivée d'un enfant dans une famille sont particulières. Ce sont des moments de joie, parfois d'angoisse ; ils sont en tout cas exceptionnels dans la vie d'un foyer, car consacrés aux derniers préparatifs avant la naissance de l'enfant.

Pendant les dernières semaines de grossesse, les futurs parents, soucieux d'accueillir leur enfant dans les meilleures conditions, doivent acheter tout ce qui est indispensable au nouveau-né dès ses premiers jours de vie : siège auto, couffin, poussette, baignoire adaptée, table à langer, vêtements et nombreux articles de puériculture. Parfois, ils déménagent dans un logement plus grand ou achètent une voiture plus adaptée à la situation de la famille. La naissance d'un enfant reste une richesse inestimable mais elle a un coût !

La prime de naissance, d'un montant de 947 euros, a pour objectif de permettre aux familles dont les revenus n'excèdent pas un certain seuil de faire face aux premières dépenses liées à l'arrivée de cet enfant. Les plafonds de ressources y ouvrant droit sont élevés, si bien qu'elle bénéficie également aux familles de la classe moyenne – il est, par exemple, de 49 000 euros par an pour un couple biactif avec deux enfants. Chaque mois, près de 45 000 allocataires bénéficient de cette prime, qui constitue un élément essentiel de notre politique familiale. Encore faut-il qu'elle puisse trouver sa pleine efficacité en étant versée au moment où les parents en ont le plus besoin.

Jusqu'en 2015, la prime de naissance était fort logiquement versée avant la naissance de l'enfant, au septième mois de grossesse. Or la précédente majorité a décidé, par décret, d'en décaler le versement après la naissance. Cette décision, je n'ai eu de cesse de la contester depuis 2015, car elle pénalise les familles qui ont besoin de cette aide pour préparer matériellement l'arrivée d'un nouvel enfant. C'est en dépit du bon sens qu'elle a été prise : c'est évidemment avant la naissance que les familles s'équipent.

Ce décalage du versement est également contraire à l'esprit de la loi, qui dispose que la prime est attribuée pour chaque enfant à naître avant sa naissance. En rétablissant son versement avant la naissance, nous redonnerons sa cohérence juridique au code de la sécurité sociale, qui n'a pas été changé lorsque le Gouvernement a pris le décret en 2015.

Qui plus est, ce report dans le temps ne saurait être justifié par la nécessité pour la branche famille de réaliser des économies budgétaires. Il ne procure pas de réelle économie puisque ni les critères d'attribution, ni le montant de la prime n'ont été modifiés. Il a seulement permis un gain de trésorerie pour les organismes de sécurité sociale, évalué par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) à 239 millions d'euros, et cela uniquement en 2015. Ce décalage n'a eu aucun impact financier les années suivantes, alors qu'il continue de pénaliser chaque mois des dizaines de milliers de familles.

Il est souvent avancé que les familles peuvent bénéficier d'un prêt ou d'une avance de la part de leur caisse d'allocations familiales (CAF), qu'elles devront rembourser lorsqu'elles percevront la prime. Mais ce prêt est loin d'égaler un versement anticipé de la prime. Il suppose que les familles soient informées de la possibilité de ce prêt et qu'elles effectuent une démarche volontariste en allant le réclamer, alors que le versement de la prime de naissance est automatique. Cette procédure fragilise encore davantage les ménages qui ne peuvent avancer l'ensemble des frais précédant la naissance de l'enfant. Certaines familles n'osent pas faire la démarche, par sentiment de culpabilité ; d'autres peuvent se sentir atteintes dans leur dignité en ayant à quémander leur droit.

Il est urgent de revenir sur la mauvaise décision prise en 2015 pour verser à nouveau la prime avant la naissance de l'enfant. C'est l'objet de l'article unique de cette proposition de loi. Cette mesure de bon sens fait l'unanimité parmi toutes les associations familiales – je tiens, d'ailleurs, à les remercier du soutien qu'elles m'ont apporté lorsque je l'ai déposée. Fort de ce soutien, je propose chaque année des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) afin de décaler le versement de la prime de naissance ; d'autres députés issus de différents groupes parlementaires en font de même. Ces amendements ont toujours été votés par l'ensemble des groupes de l'opposition, mais rejetés par le groupe majoritaire. Le moment est venu de passer outre nos divergences. Je compte sur tous pour faire preuve de bon sens, et pour donner aux familles de notre pays le signe que nous sommes attachés à une politique familiale dynamique et proactive, essentielle à la survie de notre système social.

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