Intervention de Frédérique Vidal

Séance en hémicycle du mardi 12 décembre 2017 à 15h00
Orientation et réussite des étudiants — Présentation

Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation :

… dont l'algorithme APB était le symbole, à une procédure d'entrée qui, à chaque étape, redonne un pouvoir de décision au futur étudiant, et qui repose sur le principe de la personnalisation. Ce pouvoir de décision se nourrit d'abord d'une information enfin complète, et rendue accessible à chacun. Il ne peut y avoir de décision éclairée sans une pleine information. C'est tout le sens des attendus qui seront désormais publics pour chaque formation du supérieur, afin de permettre à chacun des futurs étudiants d'avoir accès à la réalité des cursus, c'est-à-dire d'en connaître précisément le contenu et les exigences, non pas pour le dissuader, mais pour lui permettre de décider en toute connaissance de cause.

Je veux y insister, car c'est un point déterminant à mes yeux : ce qui rend l'orientation de nos jeunes si difficile aujourd'hui, c'est qu'elle se fait trop souvent dans une sorte de brouillard, faute d'une information claire et fiable sur les formations elles-mêmes et sur leurs débouchés. Le résultat, ce sont des choix qui sont parfois fondés sur des malentendus et des idées reçues. Ainsi, nombreux sont encore les futurs étudiants qui rejoignent une licence de STAPS – sciences et techniques des activités physiques et sportives – parce qu'ils veulent exercer un métier dans le domaine de l'activité physique et sportive, tout en ignorant qu'ils devront y étudier l'anatomie et la physiologie. C'est seulement au cours des premières semaines de cours qu'ils découvrent que la formation qu'ils ont choisie n'a rien à voir avec ce qu'ils imaginaient. Beaucoup se découragent avec, à la clé, l'abandon ou l'échec.

Près d'un tiers des étudiants, en effet, abandonne dès les premières semaines de licence. Dans l'immense majorité des cas, ces abandons sont la conséquence de voeux qui n'ont pas pu être mûris et qui n'ont pas été suffisamment informés. La première de nos responsabilités, c'est donc de donner à chacun l'information qui lui permettra de prendre une décision éclairée. Ce faisant, nous lutterons contre ces inégalités masquées qui séparent insidieusement ceux qui savent de ceux qui ne savent pas, l'accès à l'information étant l'un des marqueurs sociaux les plus puissants.

En faisant figurer ces attendus sur la plate-forme « Parcoursup », tout comme les statistiques de réussite, les taux d'insertion professionnelle ou de poursuite d'études, nous rétablirons ainsi l'égalité, ce qui était indispensable. Ces attendus doivent évidemment avoir une vraie cohérence à l'échelle nationale, de manière que les lycéens aient une vue globale des attentes de chaque formation. C'est la raison pour laquelle votre rapporteur a souhaité que soit inscrit dans la loi le principe d'un cadrage national des attendus. C'est une excellente chose, et c'est tout le sens des travaux que nous avions engagés avec la Conférence des présidents d'université, les conférences de chefs d'établissement et les différentes conférences de doyens.

Le résultat, c'est non seulement une charte des attendus qui reconnaît leur pleine portée pédagogique, et que nous avons signée la semaine dernière avec le ministre de l'éducation nationale, mais c'est aussi la définition, pour chacune des formations de premier cycle, des attendus de référence à l'échelle nationale, que chaque établissement pourra compléter, préciser et adapter dès cette semaine, pour tenir pleinement compte des particularités du cursus qu'il propose.

Redonner un pouvoir de décision aux futurs étudiants, cela signifie également les accompagner dans la durée, parce que, au-delà des quelques mois que dure la procédure d'entrée dans l'enseignement supérieur, notre objectif est bien de permettre à chaque lycéen de construire progressivement son orientation. Cela veut dire passer peu à peu d'une envie, tantôt vague, tantôt plus précise, à un projet personnel qui conduit à une orientation. C'est un chemin que chaque jeune parcourt à son rythme. Ce rythme, il faut évidemment le respecter, mais notre responsabilité collective, c'est de définir des étapes, qui permettront à chacun de mûrir ses choix, d'affirmer progressivement des envies et d'identifier des perspectives. C'est tout le sens des deux semaines de l'orientation qui ont été mises en place dès cette année. C'est tout le sens, aussi, de la désignation de deux professeurs principaux qui accompagneront ce cheminement dans chaque classe, pour que davantage de temps soit consacré à chacun.

Construire une orientation plus progressive, cela signifie aussi faire le choix de la cohésion entre l'enseignement supérieur et l'enseignement secondaire. Cela passe par une meilleure connaissance et une meilleure compréhension des enjeux et des contraintes de chaque cursus. Cette cohésion – je dirais même cette cohérence – , elle ne se décrète pas, elle passe par les équipes pédagogiques elles-mêmes. C'est en multipliant les occasions de rencontres et en renforçant les liens que nous parviendrons à créer la continuité nécessaire pour accompagner nos jeunes du secondaire au premier cycle.

Avec Jean-Michel Blanquer, nous en avons fait une priorité absolue, en construisant ensemble cette charte qui renforce les articulations entre le secondaire et le supérieur. Ainsi, les futurs bacheliers pourront systématiquement bénéficier de l'éclairage de leur conseil de classe, au travers de l'avis porté sur leur fiche Avenir. Cet avis, qui était jusqu'ici réservé à certaines formations, sera désormais étendu à l'ensemble des voeux d'orientation. Il s'adresse avant tout aux élèves eux-mêmes : il doit leur permettre de mieux définir leur projet et de faire des choix qui leur donnent toutes les chances de réussir.

J'ai entendu ici et là s'exprimer des inquiétudes sur ces différents sujets, comme si le fait de donner toutes les informations, tous les conseils et tous les avis nécessaires risquait de restreindre la liberté de choix des futurs étudiants. Penser ainsi, je le dis très clairement et très franchement, c'est ne pas respecter notre jeunesse, et ne pas la prendre au sérieux. Rendre l'information pleinement accessible, dire à chaque futur étudiant où il se situe, ce n'est en aucun cas une manière de limiter sa liberté. C'est, au contraire, une façon de lui permettre d'exercer pleinement cette liberté et de le rendre pleinement acteur, capable de dessiner le chemin sur lequel les établissements s'engagent à l'accompagner.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.