Et tel est bien l'esprit de ce projet de loi : replacer l'étudiant au centre. Jusqu'ici, c'était à nos jeunes de s'adapter aux formations. Désormais, ce seront les formations qui s'adapteront à eux, grâce à la personnalisation des cursus. Notre objectif est en effet de donner à chaque jeune la possibilité de réaliser son projet. Et cela veut dire deux choses : tout d'abord, réaffirmer le principe de la liberté d'inscription et de choix dans l'enseignement supérieur, car la première des conditions pour réussir, c'est de faire les études que l'on a choisi de faire ; ensuite, offrir à chaque étudiant l'accompagnement personnalisé dont il a besoin pour mettre toutes les chances de son côté.
Il s'agit bien là d'une démarche pédagogique, car, si le baccalauréat est et demeure le seul passeport pour l'enseignement supérieur, les bacheliers n'en sont pas moins profondément différents. Tous les enseignants et tous les enseignants-chercheurs le savent : si nous voulons accompagner chacun vers la réussite, nous avons l'obligation de tenir compte de cette diversité et de proposer à chacun un parcours personnalisé au sein de la formation qu'il a choisie.
C'est pourquoi nous avons choisi d'enrichir profondément le dialogue entre le futur étudiant et sa future formation. En effet, notre objectif n'est pas seulement d'attribuer une place à chacun, mais de construire un contrat de réussite pédagogique avec chaque étudiant, qui pourra prendre la forme d'un « Oui, si », proposé sur « Parcoursup ». À un bachelier qui se porte candidat dans une filière, mais qui a besoin de consolider certaines connaissances ou d'apprendre à s'organiser, les équipes pédagogiques proposeront des modules de méthodologie ou des enseignements leur permettant de se renforcer.
Permettez-moi, mesdames et messieurs les députés, d'insister sur le fait que cette réponse en forme de « Oui, si » dessine un équilibre pédagogique indispensable. D'un côté, c'est au futur étudiant, et à lui seul, de choisir la formation qu'il souhaite rejoindre – et ce choix nous engage. Mais, de l'autre, c'est aux équipes pédagogiques de définir les modalités qui lui permettront de mettre toutes les chances de son côté pour atteindre cet objectif. Ce qui se scelle au travers de ce contrat de réussite pédagogique, c'est donc un pacte de confiance : confiance de l'institution universitaire dans le projet du futur étudiant, et confiance du futur étudiant dans l'institution universitaire, capable de l'accompagner vers la réussite.
Ce pacte de confiance traduit également notre volonté de remettre de l'humain au coeur de la procédure d'entrée en premier cycle. C'était indispensable, car le recours même à l'algorithme avait fini par rendre le système aussi inintelligible qu'inégalitaire. Il suffit, pour s'en convaincre, de parcourir le rapport de la Cour des comptes sur APB, qui reconnaît tout à la fois la grande qualité technique de l'algorithme et les difficultés qu'il pose, dès lors que son fonctionnement est insaisissable pour la grande majorité des familles. Le résultat, c'étaient des modes d'emploi qui fleurissaient sur internet et qui donnaient des conseils totalement erronés aux futurs étudiants et à leurs parents.
Ainsi, alors même qu'APB était entièrement construit autour d'une hiérarchisation des voeux, qui conduisait à donner une priorité absolue aux candidats ayant formulé comme premier voeu une formation située au sein de leurs académies, on a vu apparaître en ligne des martingales absurdes, conseillant aux familles de ne formuler leur vrai voeu qu'en deuxième, troisième ou quatrième position, afin de conserver des marges de manoeuvre. Les candidats qui ont suivi ces règles n'avaient aucune chance d'obtenir la formation de leur choix.
Quant au rôle de l'algorithme lui-même, il était simplement mal compris. Nous avons tous entendu ou lu des récits de lycéens qui auraient été affectés par APB dans une formation qui n'avait rien à voir avec leur projet et leur formation. Or nous savons que c'est rigoureusement impossible, puisque APB ne pouvait en aucun cas proposer des formations qui ne figuraient pas dans la liste de voeux des étudiants. Cela signifie, mesdames et messieurs les députés, que figer la procédure autour de voeux arrêtés en mars, c'était en vérité commettre une erreur d'analyse. En effet, les futurs étudiants étaient nombreux à formuler sur la plateforme des voeux qui ne correspondaient à aucun projet, à formuler des voeux « pour voir », ou simplement pour compléter leur liste.
Aussi séduisante puisse-t-elle paraître en théorie, l'idée de hiérarchiser les voeux passait en pratique à côté de la réalité des choix faits par les candidats, choix souvent bouleversés jusqu'à la dernière minute. C'est la raison pour laquelle il nous fallait construire une nouvelle plateforme, « Parcoursup », qui non seulement soit cohérente avec les contraintes légales et réglementaires identifiés par la Commission nationale de l'informatique et des libertés et par la Cour des comptes, mais qui réponde aussi à notre volonté de remettre de l'humain dans une procédure qui, à force d'être automatisée, était abstraite et illisible.
J'assume et je revendique ce choix de réintroduire de l'humain. Le débat sur la plateforme n'est pas technique, mais politique. Nous l'avons constaté avec la procédure APB : un système peut être techniquement parfait, mais politiquement inacceptable. C'est pourquoi le Gouvernement vous propose aujourd'hui d'inverser les choses en définissant ensemble, dans le cadre du débat parlementaire, les grandes règles qui ordonneront le fonctionnement de la procédure d'entrée en premier cycle.
Ces règles échappaient jusqu'ici à tout débat et à toute formalisation juridique. Elles étaient embarquées dans la plateforme, et ce sont les règles de fonctionnement de la plateforme qui faisaient loi. Tel ne sera plus le cas, et nous aurons l'occasion d'examiner de nombreux amendements qui permettront de fixer un cadre clair répondant aux situations particulières, notamment à celle des étudiants en situation de handicap, comme l'a souhaité la commission des affaires culturelles et de l'éducation, ou encore à celle des bacheliers issus des lycées français de l'étranger ou résidant dans des territoires ne disposant pas d'une offre de formation complète.
C'est le législateur et lui seul qui veillera ainsi aux grands équilibres de la procédure et qui garantira l'égalité des chances entre les étudiants. C'est une bonne nouvelle pour le débat démocratique comme pour les bacheliers et leurs familles. Nous devons aller vers une plus grande transparence des règles, et c'est pourquoi j'ai souhaité, vous le savez, que « Parcoursup » soit adossée à un comité éthique et scientifique, qui garantira à l'ensemble des candidats et à la communauté universitaire que la loi sera pleinement appliquée.
Mesdames, messieurs les députés, il revient à la loi de régler de manière aussi claire que transparente toutes les situations, y compris celle où il y aurait plus de candidats que de places dans une formation. Nous ferons tout, je le dis très clairement, pour éviter cette situation : comme l'a annoncé le Premier ministre, 500 millions d'euros de crédits budgétaires supplémentaires seront mobilisés d'ici à la fin du quinquennat afin d'augmenter les capacités d'accueil des formations actuellement soumises à une forte pression. Ils s'ajouteront aux 450 millions d'euros dégagés dans le cadre du Grand plan d'investissement et aux 100 millions d'euros de pouvoir d'achat rendus aux étudiants. Au total, nous consacrerons plus de 1 milliard d'euros au financement de la réforme ; c'est un investissement exceptionnel que nous engageons ainsi.
D'ores et déjà, à ma demande, les recteurs d'académie se sont rapprochés des présidents d'université et des chefs d'établissement pour travailler avec eux à l'augmentation des capacités d'accueil sur la base de ces moyens supplémentaires. Ce dialogue se poursuivra tout au long des semaines qui viennent. Il est essentiel, car notre pays a besoin – telle est la conviction profonde du Gouvernement – de poursuivre l'élévation du niveau de qualification de sa jeunesse. C'est la clef du progrès social et individuel.
Nous avons placé cette transformation profonde du premier cycle sous le signe de la lutte contre l'échec, celui-ci restant encore trop souvent la règle : seuls 30 % des étudiants obtiennent leur licence en trois ans. Nous connaissons tous le coût individuel de cet échec, et je ne crois pas un instant que l'on puisse dire qu'un système d'enseignement supérieur qui repose sur une réorientation massive des étudiants qui abandonnent ou qui échouent dans la première formation qu'ils ont choisie soit un système qui fonctionne. Bien entendu, l'échec peut être formateur et nous devons accompagner les parcours de réorientation, mais en faire un principe pédagogique, c'est se payer de mots et c'est oublier que ce sont les plus fragiles qui risquent le plus, au fil des réorientations, d'abandonner purement et simplement leurs études. La réussite est donc notre priorité absolue.
Agir pour accompagner les étudiants vers la réussite suppose aussi de faire preuve de pragmatisme. Il arrive et il arrivera sans doute encore parfois, malgré tous les efforts du Gouvernement et de la communauté universitaire, que les candidats soient plus nombreux que les capacités d'accueil.