Intervention de élisabeth Borne

Réunion du mardi 8 septembre 2020 à 17h00
Commission des affaires sociales

élisabeth Borne, ministre :

Nous sommes très attentifs à l'application du protocole sanitaire dans le domaine de l'apprentissage, identique à celui des activités de cours dans l'éducation nationale. Nous n'avons pas encore les chiffres consolidés en cette fin d'année, mais je suis convaincue que l'objectif de maintien du nombre d'apprentis atteint en 2019 est à notre portée. Nous avons des retours positifs de la part des maisons rurales, qui enregistrent une hausse du nombre d'apprentis.

Nous avons mis en place des dispositifs dédiés. D'une part, la possibilité offerte de rester en formation durant six mois au lieu de trois en attente de la conclusion d'un contrat d'apprentissage va faciliter l'accueil des apprentis dans les CFA, et, d'autre part, les primes de 5 000 euros pour les mineurs et de 8 000 euros pour les majeurs sont stimulantes pour les entreprises – la première année est quasiment intégralement prise en charge par la subvention. Il faut rester déterminé à atteindre en 2020 le même niveau d'apprentissage qu'en 2019.

La remise en place d'un haut-commissariat général au plan est pertinente à la lumière du constat des erreurs commises dans le passé, notamment l'insuffisante anticipation de l'évolution des secteurs économiques. Nous sommes un des pays ayant le plus délocalisé son industrie. Dans mes fonctions précédentes, j'avais constaté, dans le domaine d'avenir des énergies renouvelables, que ni les batteries, ni les panneaux photovoltaïques, ni l'éolien terrestre n'avaient plus d'opérateurs industriels français. Savoir où on veut aller est la meilleure façon d'arriver à bon port. La question des compétences est liée à la définition des secteurs dans lesquels on souhaite positionner l'économie. Des travaux engagés entre les services de mon ministère, notamment la DARES, et France Stratégie visent à anticiper les besoins en compétences pour orienter les jeunes et les moins jeunes vers les emplois d'avenir. Pour armer de compétences notre économie, il est indispensable d'avoir une vision de long terme.

Le marché de l'emploi enregistre une forte croissance de la catégorie A, liée à une bascule des catégories B et C. Je ne me prononcerai pas sur l'évolution des chiffres d'ici à la fin de l'année. Nous avons déjà beaucoup d'incertitudes sur la situation sanitaire et, par conséquent, sur les prévisions de croissance économique, mais nous relevons des éléments favorables. Le plan de relance vise moins au commentaire des chiffres qu'à agir pour défendre le maximum d'emplois.

La réforme de l'assurance chômage aurait dû être mise en œuvre durant la crise. Nous avons fait le choix de reporter certaines mesures, telles que la dégressivité de l'allocation chômage, la mise en place d'un bonus-malus pour encourager les entreprises à la qualité des emplois et à ne pas recourir à des CDD courts, et la réforme du calcul de l'allocation chômage, afin de privilégier l'activité. Dès le mois de septembre, des concertations auront lieu avec les partenaires sociaux, afin de caler les paramètres, notamment le bonus-malus et le salaire journalier de référence. Les discussions devront aboutir avant le mois de décembre pour une mise en œuvre au 1er janvier 2021.

J'entends la préoccupation exprimée au sujet des dérogations permettant au propriétaire d'une entreprise d'être son propre repreneur. Cette disposition est prévue à titre transitoire jusqu'à la fin de l'année. Je partage vos interrogations sur son utilisation pour opérer des choix parmi des sites, au risque de laisser des sites orphelins, sans interlocuteur ni PSE. Cela confirme le bien-fondé de la règle de droit commun et la nécessité de limiter dans le temps une dérogation qui peut aboutir à des résultats difficiles pour certains sites.

Nous avons plus que jamais besoin des entreprises intervenant dans le domaine de l'insertion par l'activité économique. J'ai mentionné les 300 millions d'euros qui permettront à nos entreprises, grâce à l'insertion par l'activité économique et le travail adapté, de surmonter la crise et, sur la base des projets qui nous seront présentés, de soutenir leur développement. Nous avons l'ambition, pour 2021, de nous porter sur une trajectoire d'augmentation de 100 000 places d'insertion par l'activité économique, mais vous avez raison de souligner qu'il faut, pour cela, que les entreprises aient de l'activité. Nous examinons, avec plusieurs collègues du Gouvernement, comment faire en sorte que les marchés passés en application du plan de relance donnent toute leur place à l'insertion, aux clauses sociales, à l'embauche d'apprentis et aillent dans le sens des politiques de l'emploi et de l'insertion portées par le Gouvernement. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

S'agissant des accords de performance collective, je vous renvoie à mon propos introductif. Il faut être attentif aux conditions dans lesquelles de tels accords sont proposés aux salariés et signés.

Je rencontrerai dans les prochains jours les rapporteurs de la mission d'évaluation des ordonnances « travail » afin de tirer les enseignements de ce pré-rapport. Vous en avez pointé les sujets de vigilance, mais je remarque aussi qu'un véritable essor du dialogue social en entreprise y est constaté. Par exemple, hors textes relatifs à l'épargne salariale, le nombre d'accords dans les entreprises a augmenté de 87 %.

Nous souhaitons travailler avec les partenaires sociaux sur la gouvernance de l'assurance chômage, un des thèmes figurant à l'agenda social. Une concertation est engagée avec les partenaires sociaux au sujet de la santé au travail.

Concernant les territoires zéro chômeur de longue durée, le Gouvernement exprimera sa position lors du débat prévu en séance, la semaine prochaine. Ce dispositif, complémentaire des dispositifs d'insertion par l'activité économique, mérite d'être soutenu.

Des simplifications apportées pour répondre au contexte très particulier de crise sanitaire n'ont pas vocation à être prolongées. Il importe de donner le temps nécessaire au dialogue social, les partenaires sociaux ayant montré dans la crise qu'ils savaient faire preuve de réactivité. A contrario, certaines dispositions, comme la possibilité de réunir les comités économiques et sociaux en visioconférence, méritent d'être prolongées.

Nous aurons l'occasion de revenir sur les retraites.

Quant à l'OPA de Veolia sur Suez, je m'attacherai à la préservation des emplois. En cas de risque de monopole, le droit de la concurrence s'appliquera, mais dès lors que Suez souhaite se séparer de ses activités, la préférence du Gouvernement va à la reprise par une entreprise française plutôt que par un fonds d'investissement chinois.

La mobilisation du service public de l'emploi représente un enjeu important pour la mise en œuvre du plan Jeunes. Les missions locales auront un rôle important à jouer. Nous travaillons à la bonne articulation entre Pôle emploi et celles-ci ; leurs actions doivent être complémentaires et non concurrentes. Nous souhaitons définir des objectifs collectifs pour le service public de l'emploi, dans lequel les maisons de l'emploi ont aussi leur rôle à jouer. Je compte beaucoup sur les missions locales. Ma rencontre récente avec le président de l'Union des missions locales m'a confirmé qu'elles étaient dans les starting-blocks pour la mise en œuvre du plan Jeunes. Notre jeunesse le mérite.

Une première rencontre avec les partenaires sociaux a permis d'envisager la prise en compte de la situation des saisonniers dont l'activité a été tronquée par le confinement et les restrictions liées à la crise. Nous poursuivrons le dialogue pour bien cerner les secteurs concernés. Vous avez mentionné les activités touristiques, c'est aussi le cas du secteur agricole. Il ne faut pas mettre en difficulté les travailleurs saisonniers.

Il ne vous étonnera pas que je ne partage pas le point de vue de M. Quatennens, selon lequel notre plan de relance ne serait pas bien dimensionné. On ne peut pas dire qu'il est moins important que ceux de nos voisins, puisque c'est exactement le contraire. Rapporté aux PIB, nous avons le plan de relance le plus ambitieux en Europe.

Concernant les 40 milliards d'euros de l'Union européenne, je ne vois pas comment vous pouvez dire que la France serait perdante dans ses contributions.

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