COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mardi 8 septembre 2020
La séance est ouverte à dix-sept heures.
La commission procède à l'audition de Mme Elisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Le plan de relance, que sont venus nous présenter, lors d'une audition conjointe avec les commissions des finances et des affaires économiques, le ministre de l'économie et le ministre délégué chargé des comptes publics, comporte un important volet social. Durant les prochains mois, nous serons amenés à suivre le déploiement et la bonne application des mesures sociales et économiques annoncées.
L'emploi, et surtout la lutte contre le chômage que le Premier ministre définit comme la priorité absolue, sont au cœur du plan de relance, et l'on ne peut que s'en réjouir. Il était indispensable que nous puissions échanger avec vous, madame la ministre, sur les sujets dont vous avez la responsabilité, dont certains sont essentiels, comme le déploiement de l'activité partielle de longue durée, le renforcement des moyens consacrés à la formation des actifs, la préservation des compétences, le soutien à l'emploi des jeunes ou encore l'émergence des métiers dits d'avenir.
Compte tenu des mutations en cours et face à la crise à venir, il nous faut changer de paradigme et intensifier la transition écologique de notre économie. Les mesures contenues dans le plan de relance n'auront de portée optimale que si elles s'inscrivent dans une dimension territoriale. Il faudra non seulement dépenser vite et bien, mais appliquer le plan dans un esprit résolu de territorialisation, en impliquant en particulier les régions, qui ont compétence à la fois en matière économique et de formation, mais aussi les métropoles.
Cette audition sera sans doute aussi l'occasion de revenir sur des sujets qui nous ont occupés ces derniers mois, comme la mise en place du dispositif d'activité partielle, la santé au travail, le télétravail, l'intégration de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le soutien aux entreprises, ou encore le travail des seniors, enjeu majeur.
Je n'oublie pas non plus que nous sommes à la veille de l'examen en commission de la proposition de loi de Marie-Christine Verdier-Jouclas relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».
Pour ma part, je suis très attachée au sujet de l'apprentissage. En tant que ministre des apprentis, disposez-vous d'éléments sur les conditions de cette rentrée très particulière, pour nos apprentis comme pour les centres de formation d'apprentis (CFA) qui les accueillent ?
La crise sanitaire que nous traversons a d'ores et déjà des conséquences économiques et sociales profondes pour notre pays, et dans beaucoup de vos circonscriptions. Dès le mois de mars, le Gouvernement s'est mobilisé pour faire face à l'urgence sanitaire et pour protéger l'emploi et les compétences de nos concitoyens. Des dispositifs de protection sans précédent ont été mis en œuvre.
En tant que parlementaires, vous avez déjà entrepris des actions de contrôle sur la réponse du Gouvernement à l'épidémie de covid-19, telle la mission sur l'effet de la crise sur l'emploi que vous avez effectuée, madame la présidente, avec Stéphane Viry pendant le confinement. Le ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion répondra toujours présent pour expliquer quelle a été son action, tant au niveau des services centraux que déconcentrés, mais aussi des opérateurs. Attachée comme vous à la transparence, je profiterai de cette audition, qui en appellera d'autres, pour préciser quelles sont les priorités de mon ministère pour les six cents prochains jours.
La première urgence est de protéger la santé de nos concitoyens face aux risques de l'épidémie de covid-19. Je voudrais saluer l'implication des entreprises pour protéger leurs salariés. Depuis le 1er septembre, un nouveau protocole sanitaire s'applique pour assurer la continuité de la vie de notre pays et la relance, malgré le virus. Le port du masque dans les espaces de travail partagés et clos est la règle générale. Elle est comprise par nos concitoyens.
En lien avec les partenaires sociaux, nous avons aménagé des cas de dérogation au port du masque, s'appliquant notamment aux salariés qui travaillent seuls dans leur bureau ou en atelier où l'on est amené à effectuer des efforts physiques plus intenses que la moyenne, sous réserve de respecter des conditions de ventilation, de densité et de distanciation. Nous avons identifié les activités difficilement compatibles avec le port du masque. Si vous constatez des difficultés dans vos territoires, je suis preneuse de vos retours.
Les choses se sont globalement bien déroulées jusqu'à présent, pour une large part grâce à l'esprit de responsabilité des partenaires sociaux, tant au niveau national que local. Depuis le déconfinement, de nombreuses entreprises ont fixé les règles pratiques de protection par un processus de dialogue social. Plus de 9 000 accords ont été signés. Pendant la crise, le dialogue social a joué à plein et a permis d'inventer des solutions agiles et nouvelles au cœur de la vie des entreprises.
Au-delà de l'urgence sanitaire qui mobilise tout le Gouvernement, la priorité est claire : tout faire pour préserver et développer l'emploi.
Nous faisons face à une situation économique sans précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a évalué la contraction du produit intérieur brut (PIB) au deuxième trimestre 2020 à 13,8 % du fait du confinement et de l'arrêt complet de pans entiers de notre activité économique. L'Institut resserre ses prévisions d'ici à la fin de l'année, en fonction d'un scénario central positionné sur une perte de 4 % du PIB entre le quatrième trimestre 2019 et le quatrième trimestre 2020, dans une fourchette qui s'établit entre – 2% et – 6 %.
Ce coup d'arrêt économique s'est traduit par une augmentation rapide et massive du nombre de demandeurs d'emploi : plus 373 000 chômeurs, toutes catégories confondues pour le deuxième trimestre, soit une hausse de 6,5 %. Le nombre de demandeurs d'emploi sans aucune activité a augmenté de plus d'un million, au plus fort de la crise. Cela s'explique notamment par le fait que l'activité de secteurs qui emploient le plus de contrats à durée déterminée (CDD) et d'intérimaires a été interrompue pendant le confinement. Certains secteurs sont davantage percutés que d'autres. Je pense au tourisme, à l'hôtellerie et à la restauration, confrontés à la réduction du nombre de touristes étrangers et nationaux.
Depuis le mois de juin, on observe néanmoins une reprise encourageante des recrutements en intérim. Les derniers chiffres publiés montrent que nous avons rattrapé les deux tiers de la baisse des missions d'intérim observée pendant la crise. Nous assistons à un reflux de 500 000 personnes inscrites en catégorie A, soit environ la moitié de la croissance observée au plus fort de la crise.
En tout état de cause, ces chiffres alarmants ont justifié une mobilisation sans précédent de tout le Gouvernement sur le front de l'emploi pour être à la hauteur de la situation.
Parce que le contexte économique et social a changé du tout au tout, nous avons fait le choix de suspendre en partie la réforme de l'assurance chômage, par le report de certaines mesures au 1er janvier 2021. Le dialogue social va jouer tout son rôle, puisque c'est avec les partenaires sociaux, dans le cadre de notre agenda social, que nous calerons les dispositifs de bonus-malus visant à améliorer la qualité de l'emploi dans les entreprises et les modalités de calcul du salaire journalier de référence, dans la perspective que l'activité soit toujours valorisée.
Depuis le début de la crise, nous avons déployé un bouclier anti-licenciements par la mise en place, à très grande échelle, de l'activité partielle, puis, dans le cadre de la relance, de l'activité partielle de longue durée. Nous voulons limiter au maximum l'effet des restructurations en permettant aux entreprises de garder les salariés et compétences, et même de les renforcer. On constate actuellement une remontée du nombre des procédures collectives, avec 345 plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) depuis le 1er mars, contre 231 pour la même période l'an dernier.
J'ai demandé aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de se mobiliser pour étudier avec les entreprises les moyens d'actionner tous les outils qu'elles ont à leur disposition, qu'il s'agisse de l'activité partielle, de l'activité partielle de longue durée ou des accords de performance collective qui sont possibles depuis 2018.
S'agissant de l'activité partielle, j'en rappelle le rôle massif d'amortisseur social pendant le confinement. L'État a d'ores et déjà consacré pas moins de 21 milliards d'euros pour financer ce dispositif, qui a concerné près de 9 millions de Français au plus fort de la crise. L'État a aidé particulièrement les secteurs les plus sévèrement touchés : les services aux entreprises, l'hébergement et la restauration, le commerce de détail. En juillet, 2,4 millions de salariés en bénéficiaient encore pour une partie de leur activité, représentant l'équivalent de 900 000 salariés à temps plein. Le Gouvernement a choisi de prolonger l'activité partielle aux conditions actuelles jusqu'au 1er novembre, et non au 1er octobre comme prévu initialement. En outre, nous maintiendrons des conditions favorables jusqu'à fin 2020 pour les secteurs protégés, comme certaines professions l'avaient demandé. Concrètement, pour ces secteurs, jusqu'au 1er novembre, 84 % de la rémunération nette du salarié est assuré, avec zéro reste à charge pour l'entreprise.
Nous souhaitions notamment permettre aux entreprises de s'emparer de l'activité partielle de longue durée (APLD), dispositif pérenne. L'APLD permet le maintien dans l'emploi des salariés en cas de baisse de l'activité et invite à ce que le temps non travaillé soit un temps utile pour former les salariés et renforcer le capital humain de l'entreprise. Elle est accordée s'il existe un accord, donc une vraie négociation entre les partenaires au niveau de la branche ou de l'entreprise, pour définir les conditions de maintien dans l'emploi et d'adaptation des compétences. N'hésitez pas à faire la promotion de ce dispositif auprès des chefs d'entreprise de votre territoire qui font face à une baisse durable de leur carnet de commandes.
Les accords de performance collective sont aussi un outil pertinent pour adapter les rémunérations, augmenter temporairement le temps de travail ou prévoir des mobilités géographiques, éviter la fermeture d'un site ou une réduction des effectifs. Ils doivent être mobilisés plus et mieux. Plus, parce que lorsque le modèle économique de l'entreprise est durablement perturbé, l'activité partielle peut ne pas suffire. Il faut parfois, même momentanément, modifier les grands équilibres de fonctionnement de l'entreprise, qu'il s'agisse du temps de travail ou des rémunérations. Mais ils doivent aussi être mieux utilisés, car ce dispositif ne doit plus être perçu comme une pression à la baisse des droits sociaux. En particulier, il ne saurait être mobilisé qu'après que les autres solutions ont été épuisées, par exemple, en matière de versement de dividendes ou de réduction des autres dépenses de fonctionnement. Les services de mon ministère veilleront à ce que ce type d'accord soit négocié dans des conditions équitables entre les parties prenantes et dans le respect des règles du dialogue social. Évidemment, la conclusion de tels accords ne sera possible que si les entreprises envisagent parallèlement une meilleure répartition de la valeur ajoutée lorsque la situation sera rétablie.
Par ailleurs, il est indispensable de disposer des moyens humains et financiers à la hauteur du choc économique et social. C'est pourquoi j'ai défendu le recrutement de 2 800 personnes à Pôle emploi, dans le cadre du plan de relance, pour offrir aux demandeurs d'emploi, en particulier aux jeunes, un accompagnement de qualité. Pôle emploi a un rôle-clef à jouer pour orienter les demandeurs vers les secteurs porteurs pour l'emploi, qu'il s'agisse de la rénovation thermique des bâtiments, secteur qui sera très soutenu dans le cadre du plan de relance, des métiers techniques de l'industrie, des métiers du digital ou des secteurs du soin.
S'agissant des personnes les plus éloignées de l'emploi, nous renforçons les solutions d'insertion, notamment par un dispositif de soutien au développement du secteur de l'insertion par l'activité économique, en lien avec Brigitte Klinkert, ministre déléguée. C'est pourquoi nous mobilisons 300 millions d'euros pour soutenir les structures de l'insertion par l'activité économique et les entreprises adaptées, pour faire face à la crise. Par ailleurs, nous poursuivrons le développement de ces secteurs en 2021.
Je sais aussi que Pôle emploi doit continuer à progresser dans ses modes d'organisation pour satisfaire pleinement ses utilisateurs et ses partenaires. Je veillerai à ce qu'il poursuive ses réformes internes pour améliorer ses performances.
Au-delà, je souhaite être la ministre des compétences et les placer au cœur de la relance, en particulier en accompagnant les jeunes. C'est l'ambition que je nourris au sein du plan France Relance pour préparer les compétences de demain. Mon ministère est au cœur du plan de relance présenté jeudi dernier car, si l'on regarde bien, ce sont 100 milliards d'euros pour l'emploi dont, plus spécifiquement, 15 milliards d'euros, qui en constituent le volet « emploi-formation-compétences ». J'ajoute que la moitié d'entre eux a vocation à être financée par des fonds européens.
Ce volet « emploi-formation-compétences » comporte une palette de solutions qui sont des tremplins vers l'emploi. Il se décline en quatre grandes priorités.
La première priorité, c'est d'apporter sans délai une solution à chacun des 750 000 jeunes arrivant sur le marché du travail, sans oublier ceux qui sont aujourd'hui sans formation et sans activité. C'est le plan « 1 jeune, 1 solution ». Dès la fin du mois de juillet, des mesures fortes ont été rendues publiques et sont d'ores et déjà mobilisables par les entreprises. C'est le cas de l'aide à l'embauche de 4 000 euros pour des jeunes de moins de 26 ans, pour les contrats conclus entre le 1er août 2020 et le 31 janvier 2021. Notre objectif est clairement d'accélérer les embauches des jeunes. Cette ambition, nous l'avons également pour les apprentis et les jeunes en contrat de professionnalisation.
La deuxième priorité, c'est d'investir dans la formation des jeunes dans les secteurs stratégiques et porteurs. C'est pourquoi nous allons financer 100 000 formations qualifiantes supplémentaires au titre du plan d'investissement dans les compétences et 15 000 actions d'évaluation et de formation aux savoirs numériques. L'enjeu est de former dès maintenant les jeunes aux compétences attendues sur le marché du travail.
La troisième priorité, c'est de faciliter l'insertion des jeunes éloignés de l'emploi. Personne ne doit rester au bord du chemin. C'est pourquoi nous consacrons plus de 1 milliard d'euros pour donner une chance à ces jeunes. Cela se traduira, par exemple, par l'entrée de 35 000 jeunes dans les structures d'insertion par l'activité économique, ce qui est totalement en ligne avec l'ambition du Président de la République. Nous souhaitons investir dans l'accompagnement global des jeunes vers l'emploi par les missions locales, au moyen de 80 000 parcours d'accompagnement contractualisés vers l'emploi et l'autonomie (PACEA) et 50 000 garanties jeunes supplémentaires. Cette action est complémentaire du déploiement de l'accompagnement intensif des jeunes, mis en œuvre par Pôle emploi, que nous avons encore boosté dans le cadre du plan Jeunes.
La quatrième priorité, c'est d'investir dans les compétences des actifs et de faire de cette crise une opportunité pour moderniser notre formation professionnelle, notamment en la digitalisant. Il s'agit de donner à chaque salarié la possibilité de choisir son destin professionnel et d'envisager des évolutions de carrière grâce à la formation, mais aussi de renforcer la compétitivité de nos entreprises en leur permettant de trouver, aujourd'hui comme demain, les compétences dont elles ont besoin. Cela passe par un renforcement des dispositifs de reconversion, tels que le compte personnel de formation de transition ou le dispositif PRO‑A, qui permet à une branche professionnelle de financer des formations qualifiantes sur des sujets clés d'adaptation aux métiers du secteur. À l'écoute des partenaires sociaux, nous allons faire évoluer ces dispositifs afin de permettre aux salariés de voir leur reconversion financée, le cas échéant, d'une branche à l'autre.
Cet investissement dans les compétences passe également par le dispositif FNE‑formation. Destiné aux salariés placés en activité partielle ou en activité partielle de longue durée, il permet de se former pendant le temps non travaillé. En contrepartie de l'aide, les entreprises s'engagent à maintenir dans l'emploi ces salariés pendant la durée de leur formation. Ainsi, 250 000 salariés pourront bénéficier de ces actions de formation l'an prochain.
J'en suis convaincue, le rebond économique passera par les compétences. Les entreprises, dans vos circonscriptions, sortiront plus fortes de la crise grâce à cet effort pour la formation, qui demeure la meilleure protection contre les retournements de l'activité économique. Ce sont des sujets à faire vivre dans les entreprises et dans les branches. Ce sont de vraies opportunités pour stimuler le dialogue social.
La transformation par le dialogue social de notre modèle social et écologique est au cœur de notre agenda social. Élaboré à la suite de la conférence du dialogue social du 17 juillet dernier, il est le fil directeur de mon action ministérielle. Cette action ne se limite pas à réagir à la crise, mais ouvre des perspectives d'évolution sur les modes de travail et de reconnaissance des salariés dans l'entreprise, la lutte contre la précarisation de l'emploi et l'adaptation de notre système de protection et de démocratie sociale. Je sais que votre commission est active sur de nombreux sujets de l'agenda social. C'est le cas de la santé au travail qui fait l'objet d'une concertation entre les partenaires sociaux, dont les résultats sont attendus d'ici à la fin de l'année. Je remercie Carole Grandjean, Charlotte Lecocq et Cendra Motin pour leur mobilisation sur ce sujet.
Concernant la question très actuelle du télétravail, une concertation est en cours et une nouvelle rencontre est prévue cette semaine. Le sujet a suscité beaucoup de réflexions pendant le confinement et depuis. Cela se retrouve dans les travaux de la convention citoyenne pour le climat. Nous devons faire confiance au dialogue social dans les entreprises et dans les branches pour permettre le bon déploiement du télétravail, mais je souhaite que la concertation des partenaires sociaux en cours débouche a minima sur l'élaboration de guides de bonnes pratiques afin que toutes les entreprises, quelle que soit leur taille ou leur activité, puissent tirer profit de l'expérience de celles qui ont réfléchi, travaillé sur ce sujet et avancé dans la mise en place du télétravail.
Je souhaite également orienter cet agenda vers la lutte contre la précarisation de certains travailleurs. C'est le cas des travailleurs des plateformes, toujours en quête de protection, mais aussi du recours au travail détaché. J'ai eu l'occasion de dire que la relance ne doit pas se faire par le travail détaché et je le redis devant vous.
S'agissant de l'évolution du système de retraite et des conditions de travail des seniors, sujets qui restent plus que jamais d'actualité, une concertation tripartite va être lancée sur le second sujet. Je me félicite d'avoir à mes côtés le secrétaire d'État Laurent Pietraszewski, dont le périmètre comprend non seulement les retraites, mais aussi la santé au travail, parce qu'on ne peut correctement poser la question du système de retraite sans se préoccuper des conditions de travail tout au long de la vie professionnelle du salarié. En accord avec les partenaires sociaux, nous avons fait le choix de séparer les sujets de fond entre le système de retraite et son financement qui fait l'objet d'une concertation ad hoc, et la réflexion sur l'usure professionnelle et le travail des seniors, les deux étant indissociables, et de donner plus de temps au débat parlementaire sur ce sujet.
Je reste convaincue que la réforme du système de retraite est un chantier stratégique de la rénovation de notre modèle social. Nos compatriotes méritent un système universel et plus juste. Le système actuel pénalise les femmes, les carrières hachées, les salariés qui ont souvent été en première ligne pendant l'épidémie.
Outre ces réformes de fond de notre système social, la crise actuelle invite plus que jamais à regarder en face la situation pour assurer le financement pérenne de notre protection sociale. L'ensemble de notre système de protection sociale a été percuté par la crise. Il convient désormais de nous entendre sur un diagnostic partagé pour prendre ensuite nos responsabilités. Sous le contrôle du rapporteur général de la commission, je crois pouvoir dire que l'équilibre des comptes sociaux reste un horizon collectif. À nous de trouver la trajectoire la plus réaliste et la plus juste de retour à l'équilibre en distinguant clairement l'effet de la crise du covid-19 et les déséquilibres structurels.
Cette exigence d'équilibre de long terme m'anime également sur le dossier de la gouvernance de l'assurance chômage, qui est inscrit à l'agenda social. Mon ministère est celui de l'emploi et des compétences, mais aussi celui du dialogue social et de l'expérimentation.
Je suis ouverte aux expérimentations. Les politiques de l'emploi y sont propices, parce qu'elles réclament une réponse toujours plus fine, au plus près du terrain pour créer les conditions de la meilleure rencontre possible entre celles et ceux qui demandent et celles et ceux qui offrent de l'emploi. C'est le cas du service public de l'insertion dans l'emploi, que nous soutenons avec Brigitte Klinkert et qui a d'ores et déjà fait l'objet d'expérimentations dans certains territoires, mais également des initiatives « territoires zéro chômeur de longue durée » qui vont occuper les débats de votre commission. Nous devrons trouver ensemble la meilleure gouvernance possible pour proposer un système efficace et lisible.
Je suis également ouverte à l'évaluation, y compris des mesures qui ont été votées au cours de ce quinquennat. Vous avez été nombreux à vous investir sur le texte « avenir professionnel », qui est un vrai marqueur social du quinquennat. À l'agenda social, nous avons prévu, avec les partenaires sociaux, un retour d'expérience pour éclairer les ajustements nécessaires, sans revenir bien sûr sur la philosophie du texte ou ses acquis. Là encore, toutes vos contributions, tous vos témoignages sont les bienvenus.
Mesdames et messieurs les députés, j'ai besoin de vous. Avant d'être ministre, j'exerçais des fonctions de préfète et je sais le rôle déterminant qui est le vôtre pour accompagner les politiques publiques dans vos territoires. L'enjeu, c'est que démocratie sociale et démocratie parlementaire se nourrissent et se renforcent mutuellement dans les mois à venir. Tous les dispositifs que j'ai évoqués doivent être davantage que des acronymes, ce sont des trajectoires professionnelles, de la mission locale à l'entreprise, petite ou grande. C'est de personnes, de parcours de vie que nous parlons.
En résumé, faire face à la crise, protéger notre jeunesse en investissant dans ses compétences, transformer notre modèle social, garantir la pérennité de notre protection sociale, tels sont quatre les points cardinaux de la feuille de route de mon ministère. Plus que jamais et malgré les difficultés, je suis intimement convaincue que la relance passe et passera par le social.
La crise sanitaire du covid-19 a entraîné une crise économique sans précédent qui nous expose au risque d'un grand nombre de destructions d'emplois, autant de compétences dont notre économie a besoin. Le plan France Relance inclut des dispositifs ambitieux, de nature à préserver les emplois. Le plan Jeunes et les 6,5 milliards d'euros qui lui sont consacrés sont un atout pour la professionnalisation des jeunes, notamment au travers des primes pour l'apprentissage. Associées aux primes à l'embauche et aux parcours d'insertion, ces mesures permettront de former et d'intégrer dans l'emploi les jeunes d'aujourd'hui pour favoriser la production et l'innovation de demain.
La relance des compétences passe aussi par le financement de formations dans des secteurs prioritaires, tels que l'industrie, le numérique, la santé et le grand âge. Un effort supplémentaire de 1,6 milliard d'euros renforcera l'accès à ces formations d'avenir.
Enfin, le plan France Relance comporte un bouclier anti-licenciements doté de près de 8 milliards d'euros. Matérialisé par le dispositif d'activité partielle de longue durée, il permet aux entreprises de réduire le temps de travail pour une durée maximale de deux ans, en échange de garanties sur la préservation des emplois. Il prendra le relais du mécanisme d'activité partielle, qui a très bien fonctionné au plus fort de la crise sanitaire.
Comment créer les conditions favorables au développement des futures compétences ? Comment s'assurer que l'investissement dans les compétences des jeunes Français ne débouche pas sur une fuite de nos diplômés attirés par des conditions d'emploi attractives à l'international ? Je pense notamment aux jeunes de nos zones frontalières.
Enfin, le Président de la République a souhaité voir l'État se projeter sur le long terme par la réinstallation d'un haut-commissariat au plan. France Relance nous incite, de la même façon, à penser la France de 2030. Comment comptez-vous travailler avec le nouveau haut-commissaire au plan sur les compétences et la formation ?
Si toutes ces mesures sont appliquées efficacement, la bataille des compétences sera gagnée. L'emploi, notre industrie, nos entreprises et tous les citoyens en seront les grands gagnants. Vous avez notre entier soutien et notre vigilance pour y parvenir.
Si une note publiée en juillet par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) indique que le niveau du chômage a augmenté de 22,7 % en un an, en revanche, quelque 500 000 personnes ont retrouvé le chemin de l'emploi dans les trois derniers mois. Nous le devons au passage à l'activité réduite et à toutes les mesures prises par le Gouvernement. Ajoutons les demandeurs d'emploi passés en formation et une augmentation des effectifs de la catégorie B, c'est-à-dire de personnes exerçant une activité partielle, ainsi qu'une augmentation de l'intérim, signe de reprise de l'activité économique. Cette diminution est également liée à une reprise de fabrication et au chômage partiel – une bonne mesure.
Vous avez indiqué le report au mois de novembre de certaines mesures d'indemnisation relatives à l'activité partielle, mais quid de celles, pour le 1er janvier 2021, concernant les demandeurs d'emploi de façon générale ?
L'article 7 de l'ordonnance du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises prévoit qu'un groupe ayant déposé le bilan peut le reprendre à la barre du tribunal. Cette possibilité pourrait s'offrir au groupe américain Inteva, dans les Vosges. Les salariés sont inquiets dans la mesure où, s'agissant d'une liquidation, il n'y a pas de plan de sauvegarde de l'emploi.
Au nom du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, je saluerai de nouveau l'action du Gouvernement en matière d'emploi. À la faveur du dynamisme économique et des mesures législatives adoptées, notre pays a enregistré, fin 2019, une augmentation de 18 % du nombre des créations d'entreprises, de 16 % du nombre des apprentis et un taux de chômage de 8,1 %, à son plus bas niveau depuis 2008, hors Mayotte.
Grâce au chômage partiel, nous avons préservé l'emploi, mais la crise sanitaire nous a placés sur une trajectoire de repli du PIB de 11 points, et le taux de chômage pourrait atteindre près de 11 % dans les mois à venir. Le plan de relance devrait permettre la création de 160 000 emplois, ce qui devrait amortir les conséquences sociales des destructions massives d'emplois attendues en fin d'année, dont le nombre est estimé à 900 000.
Toutefois, il est probable que les emplois créés bénéficieront principalement aux personnes sorties depuis peu du marché du travail. Avec 136 000 emplois en 2019, les structures d'insertion par l'activité économique (SIAE) sont volontaires pour accompagner un nombre croissant de salariés plus éloignés de l'emploi. Pour atteindre cet objectif, les SIAE ont besoin de la mise en œuvre rapide des mesures du pacte ambition IAE, notamment la mesure n° 20 visant au développement des clauses d'insertion dans la commande publique et les achats privés. Neuf actions complémentaires sont proposées, qui devraient contribuer à atteindre l'objectif des 25 % de commandes de l'État comportant des clauses d'insertion. Quels moyens humains, réglementaires ou législatifs prévoyez-vous d'allouer au développement des clauses sociales, afin de permettre aux SIAE de prendre toute leur part à l'amortissement de la crise et à la reprise économique ?
Quelles conclusions tirez-vous du bilan fait par le comité d'évaluation des ordonnances travail du 22 septembre 2017, concluant à un affaiblissement du dialogue social et redoutant que les accords de performance collective ne conduisent à du moins-disant social ?
Vous avez évoqué l'adaptation des rémunérations. Le patron de Carrefour gagne 300 fois plus qu'une caissière. Comment entendez-vous faire en sorte que l'écart des rémunérations dans les entreprises intègre les performances collectives ? Comment prendre en compte la volonté de révision de la hiérarchie des utilités qui s'est manifestée dans la crise ?
Quelles conclusions tirez-vous de la suppression, à la faveur de l'épidémie, des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, dont on voit l'utilité dans les crises pandémiques ou dans la préparation de crises ?
Pourquoi n'avez-vous pas engagé dès le confinement la réforme de l'assurance chômage, au lieu de vous contenter de la suspendre ? Il aurait été bon de confier aux partenaires sociaux le soin de négocier une assurance chômage conforme aux nécessités de notre temps. Votre réforme, qui retrouvera son application au 1er janvier prochain, fait 40 % de perdants.
Même si des concertations sont en cours, quelle est la position de votre ministère s'agissant de la santé au travail et de la médecine du travail ?
Comment entendez-vous conditionner les aides aux entreprises ?
Pourquoi plafonner le nombre des territoires zéro chômeur de longue durée et quels financements le Gouvernement est-il prêt à accorder à cette expérimentation ?
Pouvez-vous prendre l'engagement que le choc de simplification ne portera pas atteinte aux droits sociaux ?
Quelles conclusions tirez-vous de l'arrêt de la Cour de cassation relatif à la requalification salariale de certains contrats de travailleurs des plateformes, que vous avez évoqués ?
S'agissant des retraites, où en est la prise en compte de la pénibilité, de la suppression des catégories actives qui feront parmi les infirmières de nombreuses perdantes ou de l'âge pivot, pour ceux qui ont commencé leur carrière tôt ?
Enfin, l'offre publique d'achat (OPA) de Veolia sur Suez, mettant en cause plusieurs milliers d'emplois, suscite l'inquiétude. Quelle est la position du Gouvernement au sujet de la constitution d'un monopole ?
Je salue l'augmentation de 100 millions d'euros des aides allouées aux missions locales pour accompagner la hausse du nombre des entrées en parcours renforcés PACEA et garantie jeunes, ainsi que le recrutement de 1 500 postes pour Pôle emploi. Il est légitime d'accompagner ces structures et de les encourager à travailler en concertation et en transversalité.
Dans la métropole lilloise, les acteurs locaux ont, à titre expérimental, signé des conventions visant à apporter une plus-value à l'objectif de retour à l'emploi. Comment le plan de relance peut-il faciliter l'articulation de ces structures en partant des besoins des usagers et de la pratique des conseillers ?
Les maisons de l'emploi, très ancrées sur leurs territoires, assurent la convergence des politiques publiques de l'emploi et de la formation professionnelle. Ne pas les soutenir pénaliserait les territoires les plus touchés par le chômage et la désindustrialisation. Les communes ne pourront plus subvenir seules à leurs besoins de financement. Quel effort est prévu dans le projet de loi de finances pour 2021 pour le financement des maisons de l'emploi ? Les crédits sont en baisse depuis plusieurs années mais, dans le contexte actuel, l'État doit les soutenir.
Enfin, vous annoncez une augmentation de 100 000 à 150 000 du nombre de jeunes bénéficiaires de l'allocation au titre de la garantie jeunes. Serait-il possible d'associer ce dispositif à l'accomplissement d'un stage obligatoire d'une quinzaine de jours en entreprise dans le cadre d'une convention prise en charge par les missions locales ?
À cause du confinement, des travailleurs saisonniers n'ont pas pu signer de contrat de travail. Dans certaines zones touristiques, dont l'économie est liée à une clientèle internationale, les commerces et les hôtels sont restés fermés. C'est le cas à Lourdes dont la situation a été prise en compte par la déclinaison territoriale du plan tourisme. Les saisonniers qui épuisent leurs droits au chômage acquis au titre de la saison 2019 ne percevront plus d'allocation dans les jours ou les semaines qui viennent. En mai dernier, votre prédécesseure, Mme Pénicaud, m'avait assuré que des aménagements seraient apportés aux règles de l'assurance chômage, en fonction de la situation de l'emploi, et annoncé des discussions avec les partenaires sociaux en vue de prendre des mesures spécifiques pour les saisonniers. Ce cas est-il bien pris en compte ? À l'instar du dispositif prévu pour les intermittents du spectacle, envisagez-vous de proroger les droits aux allocations chômage des travailleurs saisonniers qui n'ont pas suffisamment travaillé ou qui n'ont pu signer de contrat de travail ? Si la mesure ne peut être généralisée, peut-elle être envisagée dans le cadre de la feuille de route territoriale en faveur de Lourdes ?
Notre économie subit un choc sans précédent et, en cette rentrée, les Français s'inquiètent pour leurs fins de mois et leur emploi. La France est entrée en récession et son prétendu plan de relance est lourdement sous-évalué en comparaison de celui de l'Allemagne et du recul de la richesse dans ce pays. Nous ne sommes pas près de voir la couleur des 40 milliards d'euros promis par l'Union européenne, d'une part, parce que la contribution de la France sera supérieure à ce qu'elle recevra, et, d'autre part, parce que le déblocage de cette somme est conditionné à des réformes structurelles, dont celle des retraites.
C'est M. Roux de Bézieux qui a le mieux parlé du plan de relance, affirmant qu'il correspondait globalement à ce qu'il avait demandé. Sa philosophie est anachronique. Il suffit de voir le nombre de postes supprimés par des entreprises qui ont bénéficié à plein régime d'aides publiques sans contrepartie pour voir que cela ne fonctionne pas. Catapulter des milliards sans contreparties écologiques et sociales vers les grandes entreprises ne créera pas d'activité. On se souvient de la promesse de millions d'emplois grâce au crédit impôt pour la compétitivité et l'emploi, dont nous n'avons jamais vu la couleur.
Il n'y a rien dans ce plan pour soutenir celles et ceux qui en ont le plus besoin, les plus fragiles, ou pour relancer la consommation populaire et la demande. Il n'y a rien pour mettre à contribution celles et ceux qui ont le plus et qui signent parfois des tribunes pour le demander. Autant de cadeaux pour seulement 160 000 emplois visés à l'horizon 2021 ! Comme je l'ai fait pour votre collègue Bruno Le Maire, je vous remettrai le plan de relance proposé par La France insoumise, qui conjugue l'objectif de plein-emploi par le partage du temps de travail et une planification écologique passant par la transition énergétique, la transition agricole et l'économie de la mer qui, cumulées, créeraient plus de 1,5 million d'emplois net.
Alors que vous mettez en place des protocoles de protection au travail insistant sur le port du masque, j'exprimerai la colère ressentie par beaucoup et ma vive désapprobation de la sanction honteuse que vous avez prise à l'encontre de l'inspecteur du travail Anthony Smith, en l'envoyant travailler à plus de 200 kilomètres de son domicile, parce que pendant le confinement, il a fait son travail d'inspecteur en exigeant la mise en place de mesures de protection. Madame la ministre, je vous demande solennellement de renoncer à cette sanction.
Selon les données publiées par l'INSEE le 7 août, le nombre de personnes souhaitant travailler a bondi de 767 000 au deuxième trimestre. Depuis le 1er janvier, 600 000 postes ont été détruits, le taux d'emploi des jeunes atteint un niveau historiquement bas, ce qui confirme que les moins de 25 ans sont particulièrement touchés par la crise. De plus, 750 000 jeunes arrivent sur le marché du travail en ce moment même.
Les difficultés financières engendrées par la perte d'un emploi ou une situation de chômage de longue durée augmentent le risque de dépression ou de troubles anxieux. L'état psychique des Français, déjà fragilisé par le confinement, la distanciation et, pour certains, la maladie, se dégrade. Je souhaite vous alerter sur l'accompagnement et la prise en charge de ces personnes, notamment les jeunes, alors que notre système de santé est au plus mal. Vous avez évoqué des dispositifs, mais ces jeunes ne font plus confiance au Gouvernement. Comment mettrez-vous en place efficacement ces dispositifs ?
Un rapport de l'ONU publié le 2 septembre dernier, relatif à l'effet du covid sur les inégalités entre les femmes et les hommes, démontre que des secteurs fortement touchés par la pandémie sont féminisés. Les femmes ont 19 % de risque de plus que les hommes de perdre leur emploi. L'ONU cite le travail domestique exercé à 80 % par des femmes, pour lequel 80 % des postes ont été supprimés par la crise. N'oublions pas que ces femmes sont parfois des mères tiraillées entre l'injonction de retourner au travail et l'incapacité de faire garder leurs enfants lorsque les établissements scolaires sont fermés. Or, depuis la rentrée, nombre de classes ferment tous les jours. Vendredi 6 septembre, vous déclariez qu'un dispositif d'indemnités journalières ou d'activité partielle serait mis en place pour les parents se trouvant dans cette situation. Pouvez-vous le détailler et garantir que les femmes ne seront pas les victimes collatérales de cette crise ?
Le nouveau plan de relance vise à développer les compétences par la formation professionnelle pour trouver ou retrouver un emploi et orienter les formations vers un métier d'avenir. En 2016, le ministère de l'enseignement supérieur précisait que seulement 41 % des nouveaux bacheliers inscrits en licence étaient passés en deuxième année. Ces 60 % d'échec sont régulièrement dénoncés alors que différents secteurs professionnels peinent à recruter, faute de candidats. Sans empiéter sur le domaine du ministre chargé de l'éducation nationale, pourquoi ne pas insérer au sein de l'école une formation professionnalisante pour enrayer cette dynamique ? Pourquoi ne pas proposer, parallèlement à la formation académique, une formation professionnelle diplômante ? Par l'obtention d'un diplôme professionnel, les élèves auraient une connaissance plus approfondie de l'entreprise que par la semaine de stage de découverte proposée actuellement et un sésame pour intégrer le monde du travail.
Le renforcement de la coopération entre l'école et l'entreprise est une clef de réussite de l'insertion professionnelle. Trop de jeunes sont perdus et démunis face à l'offre professionnelle, faute d'avoir acquis les moyens suffisants pour se confronter au monde du travail. Comment l'entreprise peut-elle s'insérer plus facilement dans la sphère académique afin de garantir une insertion professionnelle plus efficace ?
Le plan de relance prévoit de nombreuses aides aux entreprises sans véritables exigences de contreparties, telles que des baisses d'impôt ou des primes à l'embauche. C'est pourquoi nous ne croyons pas que l'ambition sociale soit le moteur et le cœur de ce plan. Comment s'assurer que cet argent servira à créer des emplois dans les secteurs où existent de forts besoins ?
Vous avez évoqué les nouveaux accords de compétitivité qui, à nos yeux, n'apportent aucune garantie supplémentaire et peuvent même être à contre-courant d'une économie fragilisée.
Quelles sont vos intentions au sujet de la prorogation des ordonnances de flexibilisation du droit du travail édictées pendant le confinement ? Les mesures positives d'activité partielle appellent une prolongation plus appropriée, afin que le temps de chômage contribue à l'élévation du niveau de qualification pour accompagner les transformations des entreprises. Quels sont vos objectifs et quels moyens entendez-vous vous donner pour y parvenir ?
Que comptez-vous faire lorsque les entreprises versent des dividendes, alors qu'elles perçoivent des aides pour l'activité partielle ?
Il y a urgence à élargir les droits à l'indemnisation du chômage. On ne peut se contenter d'une suspension de la réforme. Quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ?
Quel rôle souhaitez-vous voir jouer par l'inspection du travail, qui semble souffrir d'un certain malaise ? Je pense au cas d'Anthony Smith qui vient d'être évoqué, mais pas seulement. Quelles sont vos orientations générales en la matière ?
Avez-vous des indications sur l'avancée du tableau de reconnaissance du covid-19 comme maladie professionnelle ?
Enfin, puisque vous avez évoqué la réforme des retraites, pour nous, la perspective de revenir sur cette réforme nous apparaît lunaire.
Nous sommes très attentifs à l'application du protocole sanitaire dans le domaine de l'apprentissage, identique à celui des activités de cours dans l'éducation nationale. Nous n'avons pas encore les chiffres consolidés en cette fin d'année, mais je suis convaincue que l'objectif de maintien du nombre d'apprentis atteint en 2019 est à notre portée. Nous avons des retours positifs de la part des maisons rurales, qui enregistrent une hausse du nombre d'apprentis.
Nous avons mis en place des dispositifs dédiés. D'une part, la possibilité offerte de rester en formation durant six mois au lieu de trois en attente de la conclusion d'un contrat d'apprentissage va faciliter l'accueil des apprentis dans les CFA, et, d'autre part, les primes de 5 000 euros pour les mineurs et de 8 000 euros pour les majeurs sont stimulantes pour les entreprises – la première année est quasiment intégralement prise en charge par la subvention. Il faut rester déterminé à atteindre en 2020 le même niveau d'apprentissage qu'en 2019.
La remise en place d'un haut-commissariat général au plan est pertinente à la lumière du constat des erreurs commises dans le passé, notamment l'insuffisante anticipation de l'évolution des secteurs économiques. Nous sommes un des pays ayant le plus délocalisé son industrie. Dans mes fonctions précédentes, j'avais constaté, dans le domaine d'avenir des énergies renouvelables, que ni les batteries, ni les panneaux photovoltaïques, ni l'éolien terrestre n'avaient plus d'opérateurs industriels français. Savoir où on veut aller est la meilleure façon d'arriver à bon port. La question des compétences est liée à la définition des secteurs dans lesquels on souhaite positionner l'économie. Des travaux engagés entre les services de mon ministère, notamment la DARES, et France Stratégie visent à anticiper les besoins en compétences pour orienter les jeunes et les moins jeunes vers les emplois d'avenir. Pour armer de compétences notre économie, il est indispensable d'avoir une vision de long terme.
Le marché de l'emploi enregistre une forte croissance de la catégorie A, liée à une bascule des catégories B et C. Je ne me prononcerai pas sur l'évolution des chiffres d'ici à la fin de l'année. Nous avons déjà beaucoup d'incertitudes sur la situation sanitaire et, par conséquent, sur les prévisions de croissance économique, mais nous relevons des éléments favorables. Le plan de relance vise moins au commentaire des chiffres qu'à agir pour défendre le maximum d'emplois.
La réforme de l'assurance chômage aurait dû être mise en œuvre durant la crise. Nous avons fait le choix de reporter certaines mesures, telles que la dégressivité de l'allocation chômage, la mise en place d'un bonus-malus pour encourager les entreprises à la qualité des emplois et à ne pas recourir à des CDD courts, et la réforme du calcul de l'allocation chômage, afin de privilégier l'activité. Dès le mois de septembre, des concertations auront lieu avec les partenaires sociaux, afin de caler les paramètres, notamment le bonus-malus et le salaire journalier de référence. Les discussions devront aboutir avant le mois de décembre pour une mise en œuvre au 1er janvier 2021.
J'entends la préoccupation exprimée au sujet des dérogations permettant au propriétaire d'une entreprise d'être son propre repreneur. Cette disposition est prévue à titre transitoire jusqu'à la fin de l'année. Je partage vos interrogations sur son utilisation pour opérer des choix parmi des sites, au risque de laisser des sites orphelins, sans interlocuteur ni PSE. Cela confirme le bien-fondé de la règle de droit commun et la nécessité de limiter dans le temps une dérogation qui peut aboutir à des résultats difficiles pour certains sites.
Nous avons plus que jamais besoin des entreprises intervenant dans le domaine de l'insertion par l'activité économique. J'ai mentionné les 300 millions d'euros qui permettront à nos entreprises, grâce à l'insertion par l'activité économique et le travail adapté, de surmonter la crise et, sur la base des projets qui nous seront présentés, de soutenir leur développement. Nous avons l'ambition, pour 2021, de nous porter sur une trajectoire d'augmentation de 100 000 places d'insertion par l'activité économique, mais vous avez raison de souligner qu'il faut, pour cela, que les entreprises aient de l'activité. Nous examinons, avec plusieurs collègues du Gouvernement, comment faire en sorte que les marchés passés en application du plan de relance donnent toute leur place à l'insertion, aux clauses sociales, à l'embauche d'apprentis et aillent dans le sens des politiques de l'emploi et de l'insertion portées par le Gouvernement. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
S'agissant des accords de performance collective, je vous renvoie à mon propos introductif. Il faut être attentif aux conditions dans lesquelles de tels accords sont proposés aux salariés et signés.
Je rencontrerai dans les prochains jours les rapporteurs de la mission d'évaluation des ordonnances « travail » afin de tirer les enseignements de ce pré-rapport. Vous en avez pointé les sujets de vigilance, mais je remarque aussi qu'un véritable essor du dialogue social en entreprise y est constaté. Par exemple, hors textes relatifs à l'épargne salariale, le nombre d'accords dans les entreprises a augmenté de 87 %.
Nous souhaitons travailler avec les partenaires sociaux sur la gouvernance de l'assurance chômage, un des thèmes figurant à l'agenda social. Une concertation est engagée avec les partenaires sociaux au sujet de la santé au travail.
Concernant les territoires zéro chômeur de longue durée, le Gouvernement exprimera sa position lors du débat prévu en séance, la semaine prochaine. Ce dispositif, complémentaire des dispositifs d'insertion par l'activité économique, mérite d'être soutenu.
Des simplifications apportées pour répondre au contexte très particulier de crise sanitaire n'ont pas vocation à être prolongées. Il importe de donner le temps nécessaire au dialogue social, les partenaires sociaux ayant montré dans la crise qu'ils savaient faire preuve de réactivité. A contrario, certaines dispositions, comme la possibilité de réunir les comités économiques et sociaux en visioconférence, méritent d'être prolongées.
Nous aurons l'occasion de revenir sur les retraites.
Quant à l'OPA de Veolia sur Suez, je m'attacherai à la préservation des emplois. En cas de risque de monopole, le droit de la concurrence s'appliquera, mais dès lors que Suez souhaite se séparer de ses activités, la préférence du Gouvernement va à la reprise par une entreprise française plutôt que par un fonds d'investissement chinois.
La mobilisation du service public de l'emploi représente un enjeu important pour la mise en œuvre du plan Jeunes. Les missions locales auront un rôle important à jouer. Nous travaillons à la bonne articulation entre Pôle emploi et celles-ci ; leurs actions doivent être complémentaires et non concurrentes. Nous souhaitons définir des objectifs collectifs pour le service public de l'emploi, dans lequel les maisons de l'emploi ont aussi leur rôle à jouer. Je compte beaucoup sur les missions locales. Ma rencontre récente avec le président de l'Union des missions locales m'a confirmé qu'elles étaient dans les starting-blocks pour la mise en œuvre du plan Jeunes. Notre jeunesse le mérite.
Une première rencontre avec les partenaires sociaux a permis d'envisager la prise en compte de la situation des saisonniers dont l'activité a été tronquée par le confinement et les restrictions liées à la crise. Nous poursuivrons le dialogue pour bien cerner les secteurs concernés. Vous avez mentionné les activités touristiques, c'est aussi le cas du secteur agricole. Il ne faut pas mettre en difficulté les travailleurs saisonniers.
Il ne vous étonnera pas que je ne partage pas le point de vue de M. Quatennens, selon lequel notre plan de relance ne serait pas bien dimensionné. On ne peut pas dire qu'il est moins important que ceux de nos voisins, puisque c'est exactement le contraire. Rapporté aux PIB, nous avons le plan de relance le plus ambitieux en Europe.
Concernant les 40 milliards d'euros de l'Union européenne, je ne vois pas comment vous pouvez dire que la France serait perdante dans ses contributions.
Vous avancez une hypothèse de contribution de la France dans les quinze prochaines années, alors que rien ne permet de dire qu'elle serait plus forte, a fortiori s'agissant d'une dette remboursée à partir de 2037. Je vous mets au défi de dire quelle sera la contribution de la France au budget de l'Union européenne dans les années 2030 ! Pour la première fois, dans le cadre d'un emprunt mutualisé à l'échelle des Vingt‑sept, l'Europe s'implique dans les plans de relance nationaux. La France est un des pays qui reçoit la plus forte contribution, à la hauteur de la crise que nous avons rencontrée.
Il est légitime que les Français se demandent comment ce plan de relance va leur bénéficier. En réponse aux questions sur le soutien de la demande ou la relance de la consommation, je rappellerai que 21 milliards d'euros ont d'ores et déjà été mis sur la table pour les rémunérations de près de neuf millions de Français, au cœur de la crise. Si ce n'est pas du soutien au pouvoir d'achat, je ne sais pas ce que c'est ! Or nous constatons une hausse de l'épargne des Français, si bien que nous souhaitons les voir se remettre à consommer. Nous sommes un des pays qui a le mieux protégé le pouvoir d'achat de ses citoyens.
La question des contreparties est légitime. Si 100 milliards d'euros sont consacrés à l'emploi, c'est parce que, pour le volet emploi et compétences, vous pouvez bénéficier des aides prévues dès lors que vous embauchez et que vous défendez l'emploi. Pour les autres volets, nous serons attentifs à ce que des marchés comme ceux de la rénovation thermique ou des mobilités propres comportent bien des clauses d'insertion et d'embauche des apprentis et à ce que les secteurs ayant bénéficié de soutien dans le cadre du plan de relance ou précédemment indiquent les emplois qui ont été défendus puisque, par construction, nous avons aidé des secteurs qui rencontraient des difficultés. Dans les mois qui viennent, nous allons peut-être accepter que l'aéronautique ne maintienne pas la totalité des emplois. Notre objectif, c'est qu'elle en maintienne le maximum. Je rencontrerai régulièrement les représentants des branches, en particulier dans les secteurs fortement soutenus dans le cadre du plan de relance, pour m'assurer que le maximum d'emplois a été protégé.
Vous avez raison de rappeler que lorsque la situation économique se dégrade, les jeunes sont souvent les premières victimes. Cela ne s'est pas démenti lors de cette crise puisque, si le nombre des demandeurs d'emploi a augmenté de 6,5 %, il s'est accru de 15 % pour les 18‑25 ans. C'est pourquoi, dès le mois de juillet, nous avons présenté le plan Jeunes afin d'accueillir les jeunes qui vont se présenter sur le marché de l'emploi, sans oublier ceux qui sont d'ores et déjà dépourvus de formation ou d'activité.
Vous évoquiez la confiance envers le Gouvernement. Je ne sais pas si c'est vraiment le sujet. Il faut donner confiance aux jeunes dans l'avenir, et c'est bien le sens du plan de relance. Dans leur recherche d'emploi, ils accordent une grande importance à la mission de l'entreprise vers laquelle ils vont. Nous devons entendre cette demande de sens, et beaucoup de chefs d'entreprise l'entendent. C'est pourquoi, parmi les mesures du plan de relance et du plan Jeunes, nous avons souhaité développer les services civiques, car de nombreux jeunes veulent s'engager dans des missions d'intérêt commun. Je suis attentive à l'accompagnement de cette attente d'un travail qui a un sens. C'est un sujet dont nous reparlerons avec les partenaires sociaux.
S'agissant des fermetures d'écoles, je me suis mal fait comprendre. L'objectif prioritaire du Gouvernement, c'est que les parents puissent continuer à aller travailler et que soient mis en place des systèmes de garde. Je ne les décrirai pas depuis Paris, car le sujet renvoie à des initiatives locales. C'est grâce au dialogue entre le directeur ou la directrice d'école et la collectivité que peuvent être mis en place des systèmes adaptés. À défaut, il faudra prévoir un filet de sécurité pour les parents qui ne pourraient plus aller au travail.
Concernant la professionnalisation, sans me prononcer sur la réforme de l'éducation nationale, je soutiens l'apprentissage avec autant de conviction que ma prédécesseure. Il y a une diversité de talents. Certains jeunes ont plus d'appétit pour les savoirs académiques, d'autres ont envie de savoirs pratiques. Les jeunes doivent acquérir rapidement une expérience en entreprise. Le soutien à l'apprentissage permet à la fois de découvrir le monde professionnel et de se former aux métiers dont nos entreprises ont besoin. C'est une très bonne voie que nous continuerons à suivre.
L'inspection du travail a joué un rôle important dans la crise. Elle a réalisé plus de 45 000 interventions en entreprise, essentiellement dans un rôle d'accompagnement, au moment où nombre de chefs d'entreprise avaient besoin de conseils pour prendre les bonnes mesures sanitaires. Je veux rendre hommage aux inspecteurs du travail, qui ont été très mobilisés, ainsi qu'aux services du ministère du travail qui ont réussi la prouesse de passer d'un dispositif concernant quelques entreprises au déploiement massif de l'activité partielle.
Il est compliqué de débattre publiquement d'un cas personnel, s'agissant d'une sanction qui a fait l'objet d'une procédure contradictoire et dont la publication de la décision est strictement encadrée. En tout cas, je ne peux pas laisser dire qu'un inspecteur du travail serait sanctionné pour avoir voulu protéger la santé des salariés, car c'est faux !
Je le répète, il est difficile de débattre d'une sanction individuelle, qui plus est quand elle fait l'objet d'un recours. Je suis très respectueuse de l'indépendance de l'inspection du travail, mais, comme tout agent public, l'inspecteur du travail est soumis à un devoir de neutralité, de continuité et de loyauté vis-à-vis de ses collègues.
Je refuse qu'on la considère comme un symbole. Je respecte le travail de l'inspection du travail, mais cela ne dispense pas du respect des obligations de base de continuité, de neutralité et de loyauté qui s'imposent à tout agent du service public.
Les 2 600 recrutements à Pôle emploi annoncés viennent-ils compléter ceux annoncés par Mme Pénicaud. S'agit-il de contrats à durée indéterminée (CDI) ou de CDD ?
Vous avez à juste titre souligné la nécessité de veiller à la protection de celles et ceux qui s'engagent dans le travail indépendant. Prévoyez-vous d'adresser un message de nature à inciter au développement de l'entreprenariat ?
Je ne vous ai pas entendue au sujet des emplois à domicile, de l'accompagnement et des services à la personne, secteurs dans lesquels des besoins importants ne sont pas pourvus et vont se développer.
J'ai entendu vos propos sur l'expérimentation. Des hommes et des femmes ont perdu leur emploi et certains ne le retrouveront pas. Au-delà des services civiques, notamment en direction des jeunes, envisagez-vous de recréer temporairement des emplois passerelles pour les associations qui ont besoin de structurer leur fonctionnement ?
Enfin, s'agissant des maisons de l'emploi évoquées par notre collègue Valérie Six, vous avez dit que la réponse viendrait des territoires. Les maisons de l'emploi étaient parfois une réussite. Envisagez-vous d'y consacrer des crédits dans le prochain projet de loi de finances ?
Début 2019, près de 60 % des chômeurs de plus de 50 ans étaient en recherche d'emploi depuis plus d'un an et 38 % depuis plus de deux ans. Après l'arrivée de nouveaux chômeurs, en concurrence avec des personnes plus « employables », la période d'inactivité des chômeurs de longue est vouée à se prolonger. Au regard de ces constats, alors que le Gouvernement met en place un plan de relance de 100 milliards d'euros et vise un objectif de 160 000 créations d'emplois, pourquoi limiter l'extension de l'expérimentation territoires zéro chômeur de longue durée à une trentaine de territoires, alors que près de cent vingt territoires sont porteurs d'un projet ? Pourquoi ne pas associer les territoires à la définition des périmètres de 10 000 habitants, trop restrictifs dans certains bassins de vie ?
L'investissement du plan de relance dans les compétences s'inscrit dans une démarche de financement des formations pour les secteurs prioritaires. Vous annoncez la création de 2 800 emplois à Pôle emploi. S'agit-il d'emplois supplémentaires ? Quel est le calendrier de recrutement compte tenu des besoins immédiats, puisque la crise frappe déjà un certain nombre d'entreprises ?
L'emploi des seniors est peu évoqué dans le plan de relance, notamment dans la perspective du réexamen du projet de loi sur les retraites. J'approuve l'impulsion donnée aux actions pour nos jeunes, mais nos seniors ne doivent pas être les oubliés du plan.
Vous dites : « 1 jeune, 1 solution ». Puissions-nous y parvenir tous ensemble, compte tenu du nombre de ceux qui ont perdu leur emploi pendant le confinement ou qui ont dû interrompre leur formation et des 700 000 qui arrivent sur le marché de l'emploi, certains qualifiés, d'autres décrocheurs fragilisés ou précarisés par la crise !
Depuis le début de la crise, les 436 missions locales sont plus que jamais engagées aux côtés des jeunes. Elles accueillent favorablement les mesures proposées en matière de formation, d'accompagnement et d'aide à l'embauche, mais elles s'interrogent sur leur mission lorsqu'il n'y a pas d'emploi vers lequel accompagner les jeunes. Les missions locales demandent que l'obligation de formation des jeunes de 16 à 18 ans soit érigée en priorité nationale et le doublement du budget qui lui est consacré, sachant qu'une partie a été utilisée pour créer un outil informatique non encore opérationnel.
Elles souhaitent aussi l'augmentation du plafond du parcours d'accompagnement : 1 400 euros par an et par jeune pour aider les jeunes en situation de grande précarité. Nous savons combien ces mesures – garantie jeunes, contrats aidés, accompagnement – sont essentielles.
Elles s'interrogent sur l'annonce de la création de 2 800 postes à Pôle emploi pour accompagner les jeunes vers l'emploi, alors que cette action est confiée à des missions locales.
L'attribution des aides selon le critère d'âge risque de repousser vers le chômage les jeunes de plus de 26 ans les moins qualifiés. Ne pourrions-nous pas prévoir plus de souplesse afin que ces mesures permettent d'aider plus de jeunes ?
Enfin, un certain nombre de mesures avaient été annoncées en faveur de l'emploi des personnes handicapées dans des entreprises adaptées. Les 800 entreprises adaptées, de toutes tailles, représentent près de 40 000 emplois. La mise en œuvre d'un fonds de soutien a été repoussée. Quel est son calendrier d'application ?
Vous avez cité de nombreuses mesures du plan Jeunes, certaines nouvelles, d'autres renforcées. Cependant, tous les territoires ne sont pas égaux face au chômage. Je pense notamment aux quartiers difficiles dans les métropoles.
Il y a trois ans, nous votions le dispositif des emplois francs dans ces quartiers. Dans le cadre de la mission d'information parlementaire sur la concrétisation des lois, avec mon collègue de la commission des finances Frédéric Descrozaille, nous sommes en train d'évaluer ce dispositif. Nous réalisons des auditions et nous allons sur le terrain. Dans quelques semaines, nous rendrons notre rapport assorti de propositions de modifications du dispositif. Après évaluation de sa pertinence, son déploiement pourrait-il être confirmé ?
Le télétravail a connu un essor à l'occasion de la crise sanitaire et répondu à une demande sociale, économique et environnementale. Le taux de télétravailleurs en France varie seulement entre 8 et 17 %, selon les sources, alors que le taux moyen en matière de télétravail en Europe est de 20 à 35 %, et il est le plus élevé dans les pays du Nord. Vous avez parlé d'un guide de bonnes pratiques. Envisagez-vous d'autres modes d'encouragement du télétravail ?
Une nouvelle étape de la décentralisation sera prochainement franchie grâce au projet de loi dit « 3D ». La nécessité pour l'État et les régions de travailler ensemble et de partager les responsabilités n'aura jamais été aussi grande. Pourquoi avoir choisi de nommer un haut-commissaire au plan et des sous-préfets à la relance afin de gérer le plan de relance, plutôt que de faire confiance aux régions, compétentes en matière de formation professionnelle et de développement économique ?
Vous avez parlé de la réforme des retraites, notamment des inégalités entre les hommes et les femmes. Comptez-vous présenter un texte profondément remanié ?
La réforme des retraites, visant à harmoniser les systèmes tout en augmentant substantiellement les pensions des travailleurs de la première ligne, ceux qui ont permis aux Français de se nourrir pendant le confinement et qui ont fait marcher le pays, est indissociable de la question de l'usure professionnelle. Améliorons les conditions de travail tout au long de la vie ! Merci pour cet engagement. Nous serons à vos côtés.
Il y a deux ans, nous avons voté la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Le pari de bousculer un système jugé trop complexe afin que chacun puisse exercer plus facilement ses droits à la formation est gagné. En 2019, 1,3 million de comptes personnels de formation ont été débloqués, le nombre des apprentis a augmenté de 16 %, un tiers supplémentaire de CFA a été créé. Nous pouvons nous en réjouir, car la formation a de fortes retombées économiques et sociales, pour l'emploi, pour la croissance.
Un audit de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) réalisé avant le confinement et publié dans Les Échos confirme le succès de la réforme de l'accompagnement financier de la formation et la nécessité d'y consacrer un financement de 5 milliards d'euros pour la période 2020-2023. Cet audit semble s'en inquiéter, envisageant de mettre en place des tickets modérateurs pour l'utilisation du compte personnel de formation, alors même que l'envolée de la formation est la preuve de la réussite de la réforme. La formation, investissement nécessaire à la compétence à l'emploi pour nos jeunes, va dans le sens du plan de relance. Le financement nécessaire accompagnera-t-il le succès de cette réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage, indispensable dans le contexte actuel ?
Nous connaissons tous la litanie d'acronymes, C3S, CVAE et TICPE, qui correspond à la fiscalité de production. Sept fois plus élevée en France qu'en Allemagne et deux fois plus qu'en Europe, elle frappe les entreprises avant même la constitution du moindre chiffre d'affaires ou bénéfice. Les impôts de production représentent 72 milliards d'euros, contre 10 milliards d'euros en Allemagne. Ce frein à l'investissement et à la compétitivité de notre industrie a largement favorisé les délocalisations. Dans le plan de relance, vous annoncez un abaissement des impôts de production de 10 milliards d'euros en 2021 et 2022. Au regard de l'écart très important entre l'Allemagne et la France, au regard de l'effort que va réaliser l'Allemagne dans son plan de relance, ne craignez-vous pas que cette baisse soit insuffisante pour que nos entreprises retrouvent une vraie compétitivité ?
Votre plan global de relance comporte un volet jeunes important, mais au-delà des aides financières allouées par le Gouvernement, des entreprises seront dans l'incapacité d'embaucher à cause d'un manque de visibilité en matière d'apprentissage, notamment dans les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration et du bâtiment. J'émets des craintes quant à la pérennité des CFA, en particulier en milieu rural. Un jeune ne pourrait-il signer un contrat d'apprentissage sans avoir un maître d'apprentissage ? Cette année ne pourrait-elle pas être purement théorique et la partie pratique reprogrammée l'année suivante ?
J'ai annoncé le recrutement de 2 800 effectifs supplémentaires à Pôle emploi, dont 1 300 dans le cadre du plan Jeunes, pour la mise en œuvre du dispositif renforcé d'accompagnement des jeunes, en complément de celui développé par les missions locales, dont 650 dès le mois de septembre. Les suivants interviendront très rapidement. En outre, 1 500 emplois seront recrutés dès le mois de septembre pour répondre à l'afflux de demandeurs d'emploi supplémentaires. Nous sommes convenus avec Pôle emploi de rendez‑vous réguliers pour ajuster les effectifs à l'évolution du nombre de demandeurs d'emploi. Il s'agit de maintenir un nombre raisonnable de demandeurs d'emploi par conseiller, gage de la qualité de l'accompagnement. Ce sont donc bien des emplois supplémentaires.
La répartition entre CDD et CDI renvoie au dialogue social au sein de Pôle emploi. Il y a des CDI et il est normal qu'il y ait des CDD, dans la mesure où personne ne souhaite un accroissement pérenne du nombre de demandeurs d'emploi.
En tant que ministre du travail, je m'occupe du travail salarié mais aussi des autres formes de travail. À l'époque où j'étais présidente-directrice générale de la RATP, quand j'invitais des jeunes qui avaient choisi de devenir VTC à venir travailler dans mon entreprise formidable, ils me répondaient qu'ils préféraient être leur patron et qu'ils étaient attachés à la liberté de l'auto-entreprenariat. Il faut l'entendre et ouvrir cette possibilité. En matière d'insertion par l'activité économique, il faut soutenir les personnes qui souhaitent créer leur entreprise, s'engager comme indépendants, et respecter la diversité des modes de travail. Cela renvoie aux relations entre les plateformes et les travailleurs qui ont en partie été traitées dans la loi d'orientation des mobilités que j'ai eu l'honneur de soutenir. Cela suppose que ces travailleurs aient des protections, sujet sur lequel des discussions restent à mener avec les plateformes et les partenaires sociaux.
Certes, il y a les emplois de la transition écologique, et il ne vous étonnera pas que je considère ce secteur comme porteur. Certes, il y a les emplois du digital, mais il y a aussi les emplois importants du secteur des soins et de la santé, sur lesquels j'aurai prochainement des échanges avec ma collègue Brigitte Bourguignon, car il faut les faire connaître et les rendre attractifs. Le secteur soins et santé fait partie des gisements d'emplois, ce qui justifie qu'on s'occupe des formations y conduisant.
J'ai mis l'accent sur les jeunes, car c'est notre défi collectif – quand on rate son entrée sur le marché du travail, on le porte souvent tout au long de sa vie professionnelle –, mais cela n'empêche pas de s'occuper des chômeurs de longue durée, qui peuvent être aussi des jeunes. Nous aurons ce débat dans le cadre de la proposition de loi examinée demain en commission.
Toutefois, les promoteurs des territoires zéro chômeur de longue durée eux-mêmes ne mettent pas l'accent sur la quantité. Ils nous disent qu'il faut un certain temps pour développer un tel projet, en sorte que ce dispositif ne saurait être la réponse immédiate à la crise. Leur propos n'est pas de s'occuper de tout le monde. Toute initiative est bonne à prendre pour ramener vers l'emploi ceux qui en sont très éloignés, mais il faut laisser aux territoires le temps de définir leurs projets et s'assurer dans l'urgence du recours à d'autres solutions pour l'insertion par l'activité économique.
Vous avez pointé le défi de l'exécution du plan de relance, et notre capacité à dépasser les milliards virtuels pour réaliser des projets conçus dans les territoires. C'est bien tout l'enjeu de la territorialisation du plan de relance que de soutenir les initiatives locales, y compris dans les domaines de l'emploi et des compétences qui lui sont liées. Il faut un certain temps pour développer les bonnes compétences. Nous avons besoin d'une mobilisation forte dans les territoires. Quand on met en place un haut-commissaire au plan et des sous-préfets à la relance, ce n'est pas pour voir l'État engager seul le plan de relance. De mon expérience passionnante de préfète, j'ai retenu l'utilité, pour faire émerger rapidement les projets, de rassembler tous les acteurs, de faire travailler ensemble toutes les bonnes volontés.
Je n'ai pas mentionné les jeunes de 16-18 ans. Le plan de relance inclut l'enjeu des décrocheurs. Chaque année, des jeunes sortent du système sans qualification et, avant d'avoir connaissance du recensement par le ministère de l'éducation nationale, on peut craindre que leur nombre n'ait augmenté. Dans le cadre du plan Jeunes, une prise en charge de quatre mois sera organisée pour les décrocheurs de 16-18 ans par l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), afin de leur permettre de découvrir différents métiers avant une orientation vers une formation professionnelle. Tous les opérateurs de formation et, en premier lieu, l'AFPA le disent : quand on engage un jeune ou un moins jeune dans une formation professionnelle, il convient de s'assurer qu'elle réponde à ses aspirations.
Concernant les effets de seuil, seule la prime à l'embauche s'arrête à 25 ans, tous les dispositifs de soutien à l'apprentissage et aux contrats de professionnalisation allant au-delà. Nous constatons, dans la tranche des 18-25 ans, un doublement du nombre de demandeurs d'emplois, tandis que des jeunes arrivent sur le marché du travail. Il faut proposer des aides ciblées pour les uns tout en s'assurant qu'il n'y ait pas un effet d'éviction des autres.
Le dispositif des emplois francs semblait décoller avant la crise, mais nous avons été handicapés dans son évaluation. Puisque le Parlement s'est saisi du sujet, j'aimerais voir comment l'ajuster. Parmi les mesures que nous allons développer dans le volet emploi et compétences du plan de relance, nous serons particulièrement attentifs aux jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville et nous veillerons à prendre appui sur ce dispositif.
Ce n'est pas à l'État de choisir l'organisation du travail à la place des salariés et des employeurs. Je fais pour cela confiance au dialogue social. Je le répète, si le télétravail est de nature à réduire la fatigue liée aux transports et à assurer un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle, a fortiori dans des secteurs nécessitant de longs temps de trajet, le risque existe de casser le collectif de travail. Certaines entreprises ont su y répondre. J'étais dans une grande entreprise qui, dès le début de la crise, avait organisé tous les matins une visioconférence par équipe tout en veillant à ce que les salariés en télétravail se retrouvent une fois par semaine en présentiel. Ces bonnes pratiques doivent être partagées. Je ne doute pas que les partenaires sociaux qui se penchent sur le diagnostic et qui décideront de la suite à lui donner auront à cœur de les faire connaître.
Concernant la mission conjointe des inspections générales des affaires sociales et des finances, nous reviendrons vers le Parlement pour proposer des ajustements au dispositif, afin de ne pas freiner l'essor de la formation professionnelle et de l'apprentissage, et de ne pas revenir sur la capacité offerte à chaque salarié de choisir son avenir professionnel. Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous vous proposerons des modalités de régulation, sans revenir sur l'avancée majeure du compte personnel de formation.
Je ne répondrai pas sur les impôts de production, qui ne relèvent pas de la compétence du ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion. Dans le cadre du plan de relance, il importait d'assurer un équilibre entre les mesures portant sur l'emploi, celles relatives à la transition écologique et le soutien à nos entreprises.
Nous avons pris en compte la difficulté à signer un contrat par un apprenti en portant le délai de trois à six mois. Je ne crois pas souhaitable d'aller plus loin, parce qu'en se passant pendant toute une année d'une activité, on finirait par perdre l'apport majeur du travail en entreprise et par dénaturer l'apprentissage. Je suis confiante dans le fait que les entreprises comprendront que ce n'est pas parce qu'une activité est momentanément en baisse que l'on doit se priver de former les apprentis dont on aura besoin dans deux et trois ans, a fortiori quand les aides proposées permettent de couvrir la quasi-totalité de leur rémunération. Mon message à toutes les entreprises, c'est de préparer l'avenir en donnant à nos jeunes les compétences dont on aura besoin dans deux ans et dans trois ans. Je les invite à embaucher des jeunes en profitant des primes prévues pour les contrats en apprentissage et les contrats de professionnalisation.
Le plan « 1 jeune, 1 solution », doté de 6,5 milliards d'euros, peut paraître prometteur pour l'avenir de nos jeunes, mais certaines problématiques nécessitent une attention particulière. Vous proposez d'accompagner un million de jeunes grâce à des aides aux entreprises et à des formations. Dans les outre-mer, à La Réunion, l'INSEE constate que le taux d'activité des jeunes est en baisse. Depuis 2019, ceux-ci quittent massivement le marché du travail. Le taux de jeunes femmes réunionnaises actives a chuté pour la première fois depuis dix ans. Les politiques publiques n'ont pas su insérer notre jeunesse. Beaucoup perdent espoir et abandonnent. Il est essentiel de définir des mesures spécifiques pour les territoires les plus en difficulté.
Votre gouvernement est-il prêt à renforcer l'aide à l'embauche pour qu'elle corresponde aux besoins ? Est-il prêt à entendre ces jeunes abandonnés dans la jungle des alternances et des formations ? La création d'un dispositif de coordination est devenue indispensable sur nos territoires.
Alors que vous dites « 1 jeune, 1 solution », votre plan laissera des milliers de jeunes sans solution. Beaucoup de jeunes cherchent un travail et n'en trouvent pas. Dans les outre-mer, ils sont des dizaines de milliers. Votre gouvernement est-il conscient que votre devise risque de n'être qu'un slogan ?
Nos territoires ont aussi des besoins majeurs en matière d'aide à la personne. Dès 1997, sur le seul territoire de La Réunion, le dispositif emplois-jeunes a créé 10 000 emplois. Si nous voulons vraiment sauver l'emploi de nos jeunes, pourquoi ne pas réinstaurer ce dispositif dans le secteur non marchand et dans le secteur semi-marchand, en plus de votre plan Jeunes ? Alors, « 1 jeune, 1 solution » sera peut-être une réalité.
La crise sanitaire a mis en lumière la question de la santé au travail, parent pauvre des politiques publiques. Les parlementaires, conscients des enjeux humains et économiques, puisque cela entame fortement la performance de nos entreprises, appellent à une réforme ambitieuse. Nous l'avons fait formellement au travers du vote d'une résolution invitant à légiférer sur ce champ. Je vous remercie d'avoir souligné notre engagement sur ce sujet.
De leur côté, les partenaires sociaux ont rouvert la négociation. La nomination, à vos côtés, d'un secrétaire d'État dédié réaffirme l'engagement du Gouvernement.
Quelle est votre feuille de route en matière de santé au travail ? Prévoyez-vous le décloisonnement de la santé publique et de la santé au travail pour que l'entreprise devienne un lieu de diffusion de messages de prévention ? Comment entendez-vous faire face à la pénurie des médecins du travail qui a déjà commencé, mieux anticiper le risque de désinsertion professionnelle et favoriser le maintien dans l'emploi de nos seniors ?
Un an jour pour jour après la présentation du pacte d'ambition pour l'insertion par l'activité économique (IAE), nous présenterons demain, en commission, un texte permettant le renforcement de l'IAE et de répondre à certains des engagements de ce pacte. Vous l'avez souligné dans votre introduction, vous avez permis le déclenchement d'un plan de soutien sans précédent de 300 millions d'euros pour les acteurs de l'insertion. Il est vrai que les entreprises d'insertion sont des entreprises comme les autres, et ce plan était très attendu. Par ces actions, nous montrons notre soutien aux personnes les plus vulnérables, pour que l'accès à l'emploi soit pour elles une réalité.
La question de la commande publique, qui représente 10 % du PIB, soit quelque 200 milliards d'euros par an, reste cependant ouverte pour atteindre les 100 000 bénéficiaires supplémentaires, car les clauses sociales d'insertion sont insuffisamment développées. En outre, elles répondraient parfaitement aux objectifs de développement durable de l'Agenda 2030 dans lequel la France est engagée.
Quelles simplifications envisager pour que la commande publique remplisse totalement sa mission de valorisation des actions et de développement des territoires pour toutes les personnes privées durablement d'emploi ?
Les associations en faveur de la solidarité ont un rôle crucial à jouer dans la cohésion sociale et le soutien aux publics fragiles et isolés. Elles représentent un vivier d'emplois, notamment dans le secteur de l'économie sociale et solidaire, et s'inscrivent dans les orientations sociales que le plan de relance ambitieux veut donner à notre économie. Mais en dehors des 200 millions d'euros de soutien aux associations qui viennent en aide aux personnes vulnérables ainsi qu'au développement de l'hébergement d'urgence, quelles sont les mesures concrètes de soutien de ces structures ?
Les travailleurs handicapés sont parmi les demandeurs d'emploi le plus victimes de discriminations. Ils subissent un taux de chômage deux fois plus élevé que la moyenne. Encore ce taux est-il minoré puisque beaucoup ne font même plus la démarche de s'inscrire et d'engager des recherches d'emploi. Pourtant, ils ont une envie forte de travailler avant que de bénéficier de prestations ou d'accompagnement social.
Dans la continuité des actions entreprises depuis trois ans pour l'inclusion professionnelle, grâce au volontarisme de Sophie Cluzel, tels que la création du CDD tremplin ou la réforme de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, comment comptez‑vous vous mettre en œuvre les 100 millions d'euros prévus dans le plan de relance pour les travailleurs handicapés ? Quelles mesures seront financées par cette enveloppe importante qui ouvre à un certain nombre de travailleurs handicapés des perspectives plus positives que la pandémie ne le laissait envisager ?
Le plan de relance a pour objectif la création de 160 000 emplois en 2021. Il s'agit d'investir massivement dans les compétences par des moyens dédiés. Le secteur du grand âge est très demandeur d'emplois et de formations. Ces métiers sont mal connus, peu considérés, leurs conditions d'exercice sont parfois difficiles, en particulier à cause du manque d'effectifs. Le secteur reste peu attractif à cause de rémunérations basses et de perspectives d'évolution de carrière faibles.
Le rapport El Khomri, publié en octobre 2019, souligne les défis à relever pour faire face au choc démographique amorcé dans notre pays. Il y a au moins un poste non pourvu dans chaque établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes et, d'ici à 2030, il faudra recruter 140 000 équivalents temps plein, aussi bien en établissement qu'à domicile. En outre, la crise sanitaire a mis en exergue des besoins plus importants que jamais.
Comment pensez-vous mettre à profit le plan de relance pour ce secteur, afin que celle-ci soit aussi une relance sociale ?
Vous avez évoqué le dialogue social et la santé au travail, fers de lance de la qualité de vie au travail, et la capacité à opérer la transition la plus sereine possible dans un contexte inédit et compliqué pour les salariés et les entreprises. Vous avez mis mettre en œuvre des moyens considérables pour soutenir l'emploi, les reconversions et l'insertion professionnelle autour d'un plan de relance ambitieux, articulé autour de trois axes : l'écologie, l'économie et la cohésion sociale et territoriale.
De nombreux dispositifs de soutien ont été proposés dans le cadre du plan de relance. Le dispositif des tiers-lieux allie opportunités professionnelles, capacité à se réinsérer et vitalité des territoires. Comment envisagez-vous le financement de tiers-lieux et leur articulation avec les autres dispositifs de soutien à l'emploi ?
Je suis consciente des situations difficiles existant dans les outre‑mer. Tous les dispositifs que j'ai mentionnés ont vocation à s'y appliquer, mais des dispositifs spécifiques comme le « projet initiative-jeune » viennent compléter la palette des solutions.
Pour moi, « 1 jeune, 1 solution » n'est pas un slogan. Il y a déjà eu des plans jeunes, mais celui-ci se distingue par son ambition : 6,7 milliards d'euros, ce n'est pas rien, c'est un triplement des financements dédiés à nos jeunes, dans une période inédite. Au risque de compliquer la visibilité, nous avons voulu mobiliser des solutions adaptées à la situation de chaque jeune. Vous avez mentionné les emplois-jeunes. Nous n'avons pas voulu faire un traitement massif, statistique, du chômage. Les emplois ont parfois été décevants quand ils ne débouchaient pas sur des parcours d'insertion professionnelle. Cependant, ce plan Jeunes prévoit une augmentation de 60 000 des emplois aidés destinés aux structures publiques, les contrats parcours emploi compétences (PEC), et de 60 000 contrats initiative emploi (CIE), destinés au secteur concurrentiel. Nous allons mobiliser cet outil, soucieux de garder la marque de fabrique du plan Jeunes et de cette majorité depuis le début du quinquennat, d'en faire un tremplin vers un emploi durable. Nous étudierons de façon plus approfondie dans les outre-mer la façon dont ces différents dispositifs seront mis en place.
Je prends connaissance du travail que vous avez accompli sur la santé au travail. La crise a montré à quel point c'était important. C'est même devenu un thème central du dialogue social en entreprise. Cela rend d'autant plus nécessaire l'aboutissement de la concertation engagée entre les partenaires sociaux en vue d'une organisation garantissant l'efficacité du dispositif et que chacun puisse en bénéficier. La politique de santé conduite depuis le début du quinquennat vise à insister sur la prévention, notamment de l'usure au travail, ce qui est lié aux réflexions qu'on peut mener sur la question des retraites. C'est un axe fort du Gouvernement. Je pense que les partenaires sociaux sont conscients que nous souhaitons nous saisir de ces sujets. Cela fait partie des thèmes sur lesquels une concertation tripartite pourra être engagée rapidement pour avancer sur le sujet majeur de la prévention de l'usure au travail.
J'en suis convaincue, la commande publique est un levier de soutien à l'insertion par l'activité économique. Nous y réfléchissons avec nos collègues du Gouvernement qui sont concernés. La proposition de loi en discussion peut être l'occasion d'introduire des dispositifs de nature à s'assurer de la présence de clauses d'insertion dans les marchés issus du plan de relance. Je n'y verrais que des avantages. Il est important de soutenir ce secteur, non seulement comme nous le faisons au travers du fonds d'accompagnement à la transformation des entreprises adaptées et du fonds de développement de l'inclusion, mais aussi de s'assurer qu'il y aura de l'activité pour ces entreprises, ce qui renvoie au sujet que vous pointez sur la commande publique.
Je ne pourrai répondre précisément sur l'aide à l'économie sociale et solidaire (ESS), qui relève directement d'Olivia Grégoire, mais beaucoup d'entreprise de l'ESS sont dans l'IAE. Les modes de soutien mis en place et les 300 millions d'euros du dispositif visent à consolider le modèle des entreprises fragilisées par la crise et à aider à se projeter dans l'avenir. Une partie des fonds est dédiée au soutien des projets qui pourront être présentés.
Nous en parlions ce matin avec Brigitte Klinkert, on a l'impression que l'information n'est pas parvenue à l'ensemble des structures de l'insertion par l'activité économique. Comme les délais sont courts pour mobiliser ces fonds, y compris pour répondre à l'appel à projets qui va débuter ce mois-ci, n'hésitez pas à faire connaître le dispositif dans vos territoires.
Dans la période que nous connaissons, il existe un risque de renforcement des discriminations à l'encontre de toutes les personnes qui en sont généralement victimes. Nous serons attentives, avec Sophie Cluzel, à l'insertion des personnes handicapées. Le fonds que je mentionnais bénéficie aux entreprises d'IAE et aux entreprises adaptées. Comme c'est le cas depuis le début du quinquennat, nous avons veillé à ce que toutes les mesures de soutien prévues dans le cadre du plan Jeunes s'appliquent aussi aux personnes handicapées, sans limite d'âge. Les 100 millions d'euros anticipés pour l'aide à l'embauche des travailleurs handicapés, sans limite d'âge, et l'aide de 4 000 euros s'appliqueront bien pour encourager l'embauche de travailleurs handicapés.
Je partage pleinement votre propos sur les besoins d'accompagnement des personnes âgées. Dans les formations prioritaires, on pointe souvent la transition écologique et la transition digitale, mais les besoins sont importants dans le secteur soins et santé. Avec Brigitte Bourguignon, je souhaite développer ces filières en soutenant des métiers attractifs et des parcours professionnels motivants.
On est loin d'avoir mesuré tous les effets positifs du télétravail. Bénéfique pour l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle, il présente aussi un intérêt pour l'équilibre du développement de nos territoires. La concentration de l'activité économique dans les métropoles a eu un effet d'entraînement négatif, dans la mesure où les couples dont les deux membres exercent des emplois qualifiés sont obligés de s'y implanter. C'est un cercle vicieux dont on peut sortir par le télétravail. Je crois à l'avantage des tiers lieux pour maintenir l'intérêt de la proximité et de ne pas passer sa vie à travailler chez soi. Il est parfois bon de distinguer le lieu de vie et le lieu de travail. Ces programmes sont de la responsabilité du ministère de la cohésion des territoires mais, dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences, nous soutenons le développement des tiers lieux, par le biais des formations qui peuvent y être développées. Nous continuerons à soutenir conjointement le développement des tiers lieux qui peuvent être boostés par le télétravail.
Merci d'avoir pris le temps de répondre à nos questions. Nous aurons l'occasion de revenir sur ces nombreux sujets.
La réunion s'achève à dix-neuf heures dix
Présences en réunion
Réunion du mardi 8 septembre 2020 à 17 heures
Présents. – Mme Stéphanie Atger, M. Joël Aviragnet, M. Didier Baichère, M. Belkhir Belhaddad, Mme Marine Brenier, M. Gérard Cherpion, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, Mme Josiane Corneloup, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Catherine Fabre, Mme Carole Grandjean, M. Jean-Carles Grelier, Mme Monique Iborra, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, Mme Fiona Lazaar, Mme Charlotte Lecocq, Mme Monique Limon, M. Thierry Michels, M. Bernard Perrut, Mme Bénédicte Pételle, Mme Michèle Peyron, M. Adrien Quatennens, M. Alain Ramadier, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Mireille Robert, Mme Valérie Six, M. Boris Vallaud, Mme Michèle de Vaucouleurs, Mme Annie Vidal, M. Stéphane Viry, Mme Martine Wonner
Excusés. – Mme Justine Benin, Mme Claire Guion-Firmin, M. Thomas Mesnier, M. Patrick Mignola, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, Mme Corinne Vignon