Intervention de élisabeth Borne

Réunion du mardi 8 septembre 2020 à 17h00
Commission des affaires sociales

élisabeth Borne, ministre :

J'ai annoncé le recrutement de 2 800 effectifs supplémentaires à Pôle emploi, dont 1 300 dans le cadre du plan Jeunes, pour la mise en œuvre du dispositif renforcé d'accompagnement des jeunes, en complément de celui développé par les missions locales, dont 650 dès le mois de septembre. Les suivants interviendront très rapidement. En outre, 1 500 emplois seront recrutés dès le mois de septembre pour répondre à l'afflux de demandeurs d'emploi supplémentaires. Nous sommes convenus avec Pôle emploi de rendez‑vous réguliers pour ajuster les effectifs à l'évolution du nombre de demandeurs d'emploi. Il s'agit de maintenir un nombre raisonnable de demandeurs d'emploi par conseiller, gage de la qualité de l'accompagnement. Ce sont donc bien des emplois supplémentaires.

La répartition entre CDD et CDI renvoie au dialogue social au sein de Pôle emploi. Il y a des CDI et il est normal qu'il y ait des CDD, dans la mesure où personne ne souhaite un accroissement pérenne du nombre de demandeurs d'emploi.

En tant que ministre du travail, je m'occupe du travail salarié mais aussi des autres formes de travail. À l'époque où j'étais présidente-directrice générale de la RATP, quand j'invitais des jeunes qui avaient choisi de devenir VTC à venir travailler dans mon entreprise formidable, ils me répondaient qu'ils préféraient être leur patron et qu'ils étaient attachés à la liberté de l'auto-entreprenariat. Il faut l'entendre et ouvrir cette possibilité. En matière d'insertion par l'activité économique, il faut soutenir les personnes qui souhaitent créer leur entreprise, s'engager comme indépendants, et respecter la diversité des modes de travail. Cela renvoie aux relations entre les plateformes et les travailleurs qui ont en partie été traitées dans la loi d'orientation des mobilités que j'ai eu l'honneur de soutenir. Cela suppose que ces travailleurs aient des protections, sujet sur lequel des discussions restent à mener avec les plateformes et les partenaires sociaux.

Certes, il y a les emplois de la transition écologique, et il ne vous étonnera pas que je considère ce secteur comme porteur. Certes, il y a les emplois du digital, mais il y a aussi les emplois importants du secteur des soins et de la santé, sur lesquels j'aurai prochainement des échanges avec ma collègue Brigitte Bourguignon, car il faut les faire connaître et les rendre attractifs. Le secteur soins et santé fait partie des gisements d'emplois, ce qui justifie qu'on s'occupe des formations y conduisant.

J'ai mis l'accent sur les jeunes, car c'est notre défi collectif – quand on rate son entrée sur le marché du travail, on le porte souvent tout au long de sa vie professionnelle –, mais cela n'empêche pas de s'occuper des chômeurs de longue durée, qui peuvent être aussi des jeunes. Nous aurons ce débat dans le cadre de la proposition de loi examinée demain en commission.

Toutefois, les promoteurs des territoires zéro chômeur de longue durée eux-mêmes ne mettent pas l'accent sur la quantité. Ils nous disent qu'il faut un certain temps pour développer un tel projet, en sorte que ce dispositif ne saurait être la réponse immédiate à la crise. Leur propos n'est pas de s'occuper de tout le monde. Toute initiative est bonne à prendre pour ramener vers l'emploi ceux qui en sont très éloignés, mais il faut laisser aux territoires le temps de définir leurs projets et s'assurer dans l'urgence du recours à d'autres solutions pour l'insertion par l'activité économique.

Vous avez pointé le défi de l'exécution du plan de relance, et notre capacité à dépasser les milliards virtuels pour réaliser des projets conçus dans les territoires. C'est bien tout l'enjeu de la territorialisation du plan de relance que de soutenir les initiatives locales, y compris dans les domaines de l'emploi et des compétences qui lui sont liées. Il faut un certain temps pour développer les bonnes compétences. Nous avons besoin d'une mobilisation forte dans les territoires. Quand on met en place un haut-commissaire au plan et des sous-préfets à la relance, ce n'est pas pour voir l'État engager seul le plan de relance. De mon expérience passionnante de préfète, j'ai retenu l'utilité, pour faire émerger rapidement les projets, de rassembler tous les acteurs, de faire travailler ensemble toutes les bonnes volontés.

Je n'ai pas mentionné les jeunes de 16-18 ans. Le plan de relance inclut l'enjeu des décrocheurs. Chaque année, des jeunes sortent du système sans qualification et, avant d'avoir connaissance du recensement par le ministère de l'éducation nationale, on peut craindre que leur nombre n'ait augmenté. Dans le cadre du plan Jeunes, une prise en charge de quatre mois sera organisée pour les décrocheurs de 16-18 ans par l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), afin de leur permettre de découvrir différents métiers avant une orientation vers une formation professionnelle. Tous les opérateurs de formation et, en premier lieu, l'AFPA le disent : quand on engage un jeune ou un moins jeune dans une formation professionnelle, il convient de s'assurer qu'elle réponde à ses aspirations.

Concernant les effets de seuil, seule la prime à l'embauche s'arrête à 25 ans, tous les dispositifs de soutien à l'apprentissage et aux contrats de professionnalisation allant au-delà. Nous constatons, dans la tranche des 18-25 ans, un doublement du nombre de demandeurs d'emplois, tandis que des jeunes arrivent sur le marché du travail. Il faut proposer des aides ciblées pour les uns tout en s'assurant qu'il n'y ait pas un effet d'éviction des autres.

Le dispositif des emplois francs semblait décoller avant la crise, mais nous avons été handicapés dans son évaluation. Puisque le Parlement s'est saisi du sujet, j'aimerais voir comment l'ajuster. Parmi les mesures que nous allons développer dans le volet emploi et compétences du plan de relance, nous serons particulièrement attentifs aux jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville et nous veillerons à prendre appui sur ce dispositif.

Ce n'est pas à l'État de choisir l'organisation du travail à la place des salariés et des employeurs. Je fais pour cela confiance au dialogue social. Je le répète, si le télétravail est de nature à réduire la fatigue liée aux transports et à assurer un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle, a fortiori dans des secteurs nécessitant de longs temps de trajet, le risque existe de casser le collectif de travail. Certaines entreprises ont su y répondre. J'étais dans une grande entreprise qui, dès le début de la crise, avait organisé tous les matins une visioconférence par équipe tout en veillant à ce que les salariés en télétravail se retrouvent une fois par semaine en présentiel. Ces bonnes pratiques doivent être partagées. Je ne doute pas que les partenaires sociaux qui se penchent sur le diagnostic et qui décideront de la suite à lui donner auront à cœur de les faire connaître.

Concernant la mission conjointe des inspections générales des affaires sociales et des finances, nous reviendrons vers le Parlement pour proposer des ajustements au dispositif, afin de ne pas freiner l'essor de la formation professionnelle et de l'apprentissage, et de ne pas revenir sur la capacité offerte à chaque salarié de choisir son avenir professionnel. Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous vous proposerons des modalités de régulation, sans revenir sur l'avancée majeure du compte personnel de formation.

Je ne répondrai pas sur les impôts de production, qui ne relèvent pas de la compétence du ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion. Dans le cadre du plan de relance, il importait d'assurer un équilibre entre les mesures portant sur l'emploi, celles relatives à la transition écologique et le soutien à nos entreprises.

Nous avons pris en compte la difficulté à signer un contrat par un apprenti en portant le délai de trois à six mois. Je ne crois pas souhaitable d'aller plus loin, parce qu'en se passant pendant toute une année d'une activité, on finirait par perdre l'apport majeur du travail en entreprise et par dénaturer l'apprentissage. Je suis confiante dans le fait que les entreprises comprendront que ce n'est pas parce qu'une activité est momentanément en baisse que l'on doit se priver de former les apprentis dont on aura besoin dans deux et trois ans, a fortiori quand les aides proposées permettent de couvrir la quasi-totalité de leur rémunération. Mon message à toutes les entreprises, c'est de préparer l'avenir en donnant à nos jeunes les compétences dont on aura besoin dans deux ans et dans trois ans. Je les invite à embaucher des jeunes en profitant des primes prévues pour les contrats en apprentissage et les contrats de professionnalisation.

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