Intervention de Marie-Christine Verdier-Jouclas

Réunion du mercredi 9 septembre 2020 à 9h35
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure :

Mes chers collègues, je tiens à vous remercier de m'accueillir dans votre commission pour y défendre une cause qui me tient particulièrement à cœur et que plusieurs commissaires ici présents défendent également de longue date : l'inclusion dans l'emploi de nos concitoyens les plus vulnérables.

Depuis le début de la législature, en qualité de rapporteure spéciale de la commission des finances pour la mission Travail et emploi, je n'ai cessé de promouvoir toutes les formes d'insertion par l'activité économique (IAE) et de soutenir l'effort historique du Gouvernement en faveur des personnes les plus éloignées de l'emploi. Cet effort s'est concrétisé par le plan d'investissement dans les compétences (PIC), mais aussi, dans la loi de finances pour 2020, par une hausse considérable du montant des crédits alloués aux aides au poste dans les structures d'insertion par l'activité économique et par le soutien réaffirmé à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », un dispositif soutenu par le Président de la République lors de la présentation du plan pauvreté, le 13 septembre 2018.

La proposition de loi s'inscrit dans le droit fil de l'ambition qui guide notre majorité depuis 2017 : donner à chacun la possibilité de reprendre le chemin de l'emploi durable, quels que soient son âge, son niveau d'études, sa formation, son handicap, sa situation sociale ou son parcours professionnel. Cette ambition nous rassemble, j'en suis sûre. Les différents outils des politiques de l'emploi déployés depuis vingt ans ont pour certains démontré la possibilité de réconcilier insertion professionnelle, accompagnement social et développement économique. D'autres outils, à l'inverse, n'ont pas eu les résultats escomptés. Je suis donc convaincue que, contrairement à ce qui avait été proclamé dans les années 1980, contre le chômage, nous n'avons pas tout essayé. L'emploi est indispensable : c'est l'un des fers de lance de notre majorité depuis 2017. Il nous appartient aujourd'hui de poursuivre le combat contre le chômage de longue durée, d'autant plus fondamental que la crise sanitaire et économique met de nouveau sous tension le marché du travail, après trois années de baisse ininterrompue et historique du taux de chômage.

La proposition de loi dont j'ai l'honneur d'être rapporteure s'inscrit précisément dans ce contexte, en créant, consolidant ou aménageant différents outils des politiques de formation et d'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi. Pour ce qui est de la méthode, nous avons privilégié la concertation avec l'ensemble des acteurs de l'insertion pour éviter à tout prix une rupture brutale avec ce qui fonctionne actuellement. C'est par le dialogue social que nous menons nos politiques proches du terrain. Plutôt que de choisir la voie de la table rase, il est indispensable de s'appuyer sur les dispositifs qui fonctionnent et qui ont permis de rassembler dans une démarche partenariale les différents acteurs de la politique de l'emploi.

Le titre Ier de la proposition de loi reprend ainsi des propositions concrètes formulées par les acteurs de l'insertion et recensées notamment dans le pacte d'ambition pour l'insertion par l'activité économique remis en septembre 2019 à Muriel Pénicaud. La mesure la plus emblématique, à l'article 1er, est le remplacement de la procédure systématique d'agrément de Pôle emploi, pour entrer en parcours d'insertion par l'activité économique, par une procédure qui permettra à une structure d'insertion par l'activité économique (SIAE) de recruter directement une personne remplissant des critères d'éligibilité à un tel parcours. En parallèle, les prescripteurs habituels, tels que Pôle emploi ou les missions locales, pourront continuer à identifier et à orienter vers une SIAE les personnes les plus éloignées de l'emploi.

L'article 2 cible pour sa part un profil spécifique, celui des seniors, pour lesquels le parcours traditionnel d'insertion par l'activité économique, orienté vers une sortie en emploi durable, n'est pas toujours adapté, lorsque certaines personnes proches de l'âge de la retraite connaissent des difficultés socio-professionnelles particulières. À titre exceptionnel, l'article 2 permet en conséquence aux structures d'insertion par l'activité économique de conclure un contrat à durée indéterminée (CDI) avec les personnes âgées d'au moins 57 ans rencontrant de telles difficultés. C'est une mesure forte pour l'emploi des seniors.

L'accompagnement des publics les plus éloignés de l'emploi passera également par un nouvel outil, dénommé « contrat de travail renforcé à durée indéterminée », dont la création à titre expérimental est prévue à l'article 3. Si nous aurons l'occasion de débattre des paramètres et justifications de ce nouvel outil, je tiens d'ores et déjà à saluer notre collègue Didier Baichère pour son investissement continu et persévérant dans cette nouvelle réponse apportée aux demandeurs d'emploi de longue durée.

Le titre II de la proposition de loi a pour objet d'étendre et d'optimiser l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » instaurée par la loi du 29 février 2016, défendue par le député Laurent Grandguillaume, que je remercie pour sa ténacité et ses convictions. Il s'agit bien d'étendre l'expérimentation et non pas de la généraliser : comme nous l'a indiqué Louis Gallois, le président du fonds d'expérimentation, lors de son audition, l'initiative doit toujours partir des territoires, sur la base de leur volontariat et d'un engagement fort. Personne, bien sûr, ne croit à la possibilité d'un territoire sans chômeur. En revanche, il peut y avoir des territoires de plein emploi volontaire. C'est ce que démontre l'expérimentation, qui s'inscrit en complémentarité des autres dispositifs. Le parcours est loin d'être simple, mais il est de notre responsabilité de tout mettre en œuvre pour contribuer à réduire le chômage.

L'expérimentation « territoires zéro chômeur », comme vous le savez, vise à mettre un terme à la privation durable d'emploi dans des territoires volontaires, en s'appuyant sur des entreprises à but d'emploi (EBE), qui offrent au public éligible un emploi correspondant à ses compétences et savoir-faire dans le cadre d'activités socialement utiles. Ces activités n'entrent pas en concurrence avec le tissu économique local, ce qui définit le concept d'emploi supplémentaire. Nous en avons toujours eu la conviction : aucun de nos concitoyens ne saurait être considéré comme inemployable ; chaque personne doit pouvoir trouver sa place pour que nous fassions société ensemble. À cette fin, le partenariat entre les structures de l'insertion par l'activité économique et les comités locaux de l'emploi créé pour chaque entreprise à but d'emploi est primordial.

L'article 4 a pour objet principal de prolonger l'expérimentation pour une durée de cinq ans et de l'étendre à trente nouveaux territoires. La condition restrictive d'inscription à Pôle emploi disparaît – il s'agit de ne pas négliger les personnes durablement privées d'emploi qui se trouvent hors radar. Le concours financier des départements sera désormais obligatoire. Enfin, une nouvelle évaluation du dispositif est prévue, notamment afin de poursuivre le débat relatif à ses résultats et à son modèle économique.

L'article 5 définit le rôle du fonds d'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée. Il s'agit notamment de financer une part de l'expérimentation et du contrat de travail renforcé à durée indéterminée créé à l'article 3 et de proposer l'habilitation des territoires retenus pour mener ces expérimentations.

Le dernier volet de la proposition de loi est consacré à diverses mesures d'ordre social, qui ont comme point commun d'aménager des dispositions existantes pour en renforcer l'efficacité en matière de formation et d'accès à l'emploi. Les articles qu'il comporte modifient certaines dispositions prévues par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dont nous venons de célébrer le deuxième anniversaire : prolongation de l'expérimentation du journal de bord des demandeurs d'emploi ou clarification des modalités de prise en charge des frais de formation des demandeurs d'emploi. Ce titre reprend enfin une disposition clarifiant l'articulation entre les allégements de cotisations de sécurité sociale et le dispositif dit de « bonus-malus » de cotisations d'assurance chômage, censurée par le Conseil constitutionnel dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 pour des raisons purement procédurales.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, la proposition de loi a un fil rouge clairement identifié : la lutte contre la privation d'emploi et l'isolement social et professionnel. Chaque citoyenne, chaque citoyen a droit à un emploi. Chaque citoyenne, chaque citoyen a les moyens de s'intégrer professionnellement et peut réussir. La proposition de loi est faite pour renforcer leur accompagnement et leur insertion. Loin de prétendre être l'alpha et l'oméga des politiques de l'emploi, le texte propose des mesures concrètes et opérationnelles, façonnées par de longs mois de concertations et d'échanges.

Je remercie tous les députés qui ont pris part aux auditions, ainsi que l'ensemble des acteurs – collectivités comme associations, entreprises comme fédérations – qui ont participé à notre réflexion, et forme le vœu que l'esprit de consensus, qui avait guidé l'examen de la loi de 2016 et qui a rassemblé si souvent les points de vue dans la commission des affaires sociales en matière d'insertion par l'activité économique, se prolonge avec ce texte.

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