COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 9 septembre 2020
La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.
La commission examine la proposition de loi relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée » (n° 3109) (Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure).
L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée », particulièrement bienvenue au regard des conséquences de la crise sanitaire sur l'activité économique et l'emploi. Son objectif est de renforcer les dispositifs d'insertion destinés aux publics les plus vulnérables, enjeu majeur qui mobilise, je n'en doute pas, tous les commissaires.
Mes chers collègues, je tiens à vous remercier de m'accueillir dans votre commission pour y défendre une cause qui me tient particulièrement à cœur et que plusieurs commissaires ici présents défendent également de longue date : l'inclusion dans l'emploi de nos concitoyens les plus vulnérables.
Depuis le début de la législature, en qualité de rapporteure spéciale de la commission des finances pour la mission Travail et emploi, je n'ai cessé de promouvoir toutes les formes d'insertion par l'activité économique (IAE) et de soutenir l'effort historique du Gouvernement en faveur des personnes les plus éloignées de l'emploi. Cet effort s'est concrétisé par le plan d'investissement dans les compétences (PIC), mais aussi, dans la loi de finances pour 2020, par une hausse considérable du montant des crédits alloués aux aides au poste dans les structures d'insertion par l'activité économique et par le soutien réaffirmé à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », un dispositif soutenu par le Président de la République lors de la présentation du plan pauvreté, le 13 septembre 2018.
La proposition de loi s'inscrit dans le droit fil de l'ambition qui guide notre majorité depuis 2017 : donner à chacun la possibilité de reprendre le chemin de l'emploi durable, quels que soient son âge, son niveau d'études, sa formation, son handicap, sa situation sociale ou son parcours professionnel. Cette ambition nous rassemble, j'en suis sûre. Les différents outils des politiques de l'emploi déployés depuis vingt ans ont pour certains démontré la possibilité de réconcilier insertion professionnelle, accompagnement social et développement économique. D'autres outils, à l'inverse, n'ont pas eu les résultats escomptés. Je suis donc convaincue que, contrairement à ce qui avait été proclamé dans les années 1980, contre le chômage, nous n'avons pas tout essayé. L'emploi est indispensable : c'est l'un des fers de lance de notre majorité depuis 2017. Il nous appartient aujourd'hui de poursuivre le combat contre le chômage de longue durée, d'autant plus fondamental que la crise sanitaire et économique met de nouveau sous tension le marché du travail, après trois années de baisse ininterrompue et historique du taux de chômage.
La proposition de loi dont j'ai l'honneur d'être rapporteure s'inscrit précisément dans ce contexte, en créant, consolidant ou aménageant différents outils des politiques de formation et d'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi. Pour ce qui est de la méthode, nous avons privilégié la concertation avec l'ensemble des acteurs de l'insertion pour éviter à tout prix une rupture brutale avec ce qui fonctionne actuellement. C'est par le dialogue social que nous menons nos politiques proches du terrain. Plutôt que de choisir la voie de la table rase, il est indispensable de s'appuyer sur les dispositifs qui fonctionnent et qui ont permis de rassembler dans une démarche partenariale les différents acteurs de la politique de l'emploi.
Le titre Ier de la proposition de loi reprend ainsi des propositions concrètes formulées par les acteurs de l'insertion et recensées notamment dans le pacte d'ambition pour l'insertion par l'activité économique remis en septembre 2019 à Muriel Pénicaud. La mesure la plus emblématique, à l'article 1er, est le remplacement de la procédure systématique d'agrément de Pôle emploi, pour entrer en parcours d'insertion par l'activité économique, par une procédure qui permettra à une structure d'insertion par l'activité économique (SIAE) de recruter directement une personne remplissant des critères d'éligibilité à un tel parcours. En parallèle, les prescripteurs habituels, tels que Pôle emploi ou les missions locales, pourront continuer à identifier et à orienter vers une SIAE les personnes les plus éloignées de l'emploi.
L'article 2 cible pour sa part un profil spécifique, celui des seniors, pour lesquels le parcours traditionnel d'insertion par l'activité économique, orienté vers une sortie en emploi durable, n'est pas toujours adapté, lorsque certaines personnes proches de l'âge de la retraite connaissent des difficultés socio-professionnelles particulières. À titre exceptionnel, l'article 2 permet en conséquence aux structures d'insertion par l'activité économique de conclure un contrat à durée indéterminée (CDI) avec les personnes âgées d'au moins 57 ans rencontrant de telles difficultés. C'est une mesure forte pour l'emploi des seniors.
L'accompagnement des publics les plus éloignés de l'emploi passera également par un nouvel outil, dénommé « contrat de travail renforcé à durée indéterminée », dont la création à titre expérimental est prévue à l'article 3. Si nous aurons l'occasion de débattre des paramètres et justifications de ce nouvel outil, je tiens d'ores et déjà à saluer notre collègue Didier Baichère pour son investissement continu et persévérant dans cette nouvelle réponse apportée aux demandeurs d'emploi de longue durée.
Le titre II de la proposition de loi a pour objet d'étendre et d'optimiser l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » instaurée par la loi du 29 février 2016, défendue par le député Laurent Grandguillaume, que je remercie pour sa ténacité et ses convictions. Il s'agit bien d'étendre l'expérimentation et non pas de la généraliser : comme nous l'a indiqué Louis Gallois, le président du fonds d'expérimentation, lors de son audition, l'initiative doit toujours partir des territoires, sur la base de leur volontariat et d'un engagement fort. Personne, bien sûr, ne croit à la possibilité d'un territoire sans chômeur. En revanche, il peut y avoir des territoires de plein emploi volontaire. C'est ce que démontre l'expérimentation, qui s'inscrit en complémentarité des autres dispositifs. Le parcours est loin d'être simple, mais il est de notre responsabilité de tout mettre en œuvre pour contribuer à réduire le chômage.
L'expérimentation « territoires zéro chômeur », comme vous le savez, vise à mettre un terme à la privation durable d'emploi dans des territoires volontaires, en s'appuyant sur des entreprises à but d'emploi (EBE), qui offrent au public éligible un emploi correspondant à ses compétences et savoir-faire dans le cadre d'activités socialement utiles. Ces activités n'entrent pas en concurrence avec le tissu économique local, ce qui définit le concept d'emploi supplémentaire. Nous en avons toujours eu la conviction : aucun de nos concitoyens ne saurait être considéré comme inemployable ; chaque personne doit pouvoir trouver sa place pour que nous fassions société ensemble. À cette fin, le partenariat entre les structures de l'insertion par l'activité économique et les comités locaux de l'emploi créé pour chaque entreprise à but d'emploi est primordial.
L'article 4 a pour objet principal de prolonger l'expérimentation pour une durée de cinq ans et de l'étendre à trente nouveaux territoires. La condition restrictive d'inscription à Pôle emploi disparaît – il s'agit de ne pas négliger les personnes durablement privées d'emploi qui se trouvent hors radar. Le concours financier des départements sera désormais obligatoire. Enfin, une nouvelle évaluation du dispositif est prévue, notamment afin de poursuivre le débat relatif à ses résultats et à son modèle économique.
L'article 5 définit le rôle du fonds d'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée. Il s'agit notamment de financer une part de l'expérimentation et du contrat de travail renforcé à durée indéterminée créé à l'article 3 et de proposer l'habilitation des territoires retenus pour mener ces expérimentations.
Le dernier volet de la proposition de loi est consacré à diverses mesures d'ordre social, qui ont comme point commun d'aménager des dispositions existantes pour en renforcer l'efficacité en matière de formation et d'accès à l'emploi. Les articles qu'il comporte modifient certaines dispositions prévues par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dont nous venons de célébrer le deuxième anniversaire : prolongation de l'expérimentation du journal de bord des demandeurs d'emploi ou clarification des modalités de prise en charge des frais de formation des demandeurs d'emploi. Ce titre reprend enfin une disposition clarifiant l'articulation entre les allégements de cotisations de sécurité sociale et le dispositif dit de « bonus-malus » de cotisations d'assurance chômage, censurée par le Conseil constitutionnel dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 pour des raisons purement procédurales.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, la proposition de loi a un fil rouge clairement identifié : la lutte contre la privation d'emploi et l'isolement social et professionnel. Chaque citoyenne, chaque citoyen a droit à un emploi. Chaque citoyenne, chaque citoyen a les moyens de s'intégrer professionnellement et peut réussir. La proposition de loi est faite pour renforcer leur accompagnement et leur insertion. Loin de prétendre être l'alpha et l'oméga des politiques de l'emploi, le texte propose des mesures concrètes et opérationnelles, façonnées par de longs mois de concertations et d'échanges.
Je remercie tous les députés qui ont pris part aux auditions, ainsi que l'ensemble des acteurs – collectivités comme associations, entreprises comme fédérations – qui ont participé à notre réflexion, et forme le vœu que l'esprit de consensus, qui avait guidé l'examen de la loi de 2016 et qui a rassemblé si souvent les points de vue dans la commission des affaires sociales en matière d'insertion par l'activité économique, se prolonge avec ce texte.
La crise sanitaire a déclenché un véritable tsunami sur l'emploi. La contraction de l'emploi touche et touchera encore plus les jeunes et les personnes les moins agiles ou discriminées, soit les Français qui subissent déjà un quotidien plus difficile. La crise nous conduit à ne retenir qu'une seule réponse de soutien aux entreprises qu'il faudra diversifier. Nulle chronologie ne doit prévaloir entre l'économique et le social : ces dimensions doivent être saisies de concert, ce qui justifie notre approche fondée sur l'inclusion économique, qui relie économique et social, compétitivité et engagement citoyen des entreprises. C'est tout le sens de la dynamique enclenchée dans le cadre de l'initiative présidentielle : « La France, une chance. Les entreprises s'engagent ! »
Nous devons renforcer l'accompagnement des Français. L'efficacité des entreprises d'insertion et des acteurs de l'IAE est reconnue. Ils apportent beaucoup à leurs bénéficiaires, dont le nombre reste cependant limité – 140 000 pour 1,5 million de chômeurs de longue durée. C'est tout l'enjeu du pacte d'ambition pour l'insertion par l'activité économique, présenté par le Gouvernement il y a un an jour pour jour et que nous concrétisons aujourd'hui avec les dispositions de la proposition de loi, qui visent par exemple à simplifier les démarches administratives pour se concerter sur l'accompagnement des plus vulnérables auxquels le plan de relance doit prioritairement s'adresser. Plus encore, en proposant d'expérimenter un CDI renforcé, nous prenons acte du constat que les chômeurs prêts à l'emploi mais moins agiles ne bénéficient pas de véritables dispositifs d'accélération du retour à l'emploi compatibles avec le temps des entreprises. Notre ambition est claire : trouver des solutions pour des parcours d'insertion durables et éviter à des centaines de milliers de nos compatriotes de tomber dans le chômage de longue durée.
« Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi » lit‑on dans le Préambule de la Constitution de 1946. La quête du plein emploi a guidé la France tout au long de la seconde moitié du XXe siècle, en vain. Le groupe Les Républicains a désormais l'ambition d'une société de pleine activité. La proposition de loi était attendue, bien avant la vague épidémique. Les intentions du Gouvernement doivent se traduire dans les actes. Nous souscrivons, sur un tel sujet, à l'esprit de consensus que vous appeliez de vos vœux, madame la rapporteure. L'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » a suscité une forte mobilisation citoyenne. C'est d'ailleurs peut-être cette pression qui a contraint le Gouvernement à apporter une réponse législative et politique. Mais la véritable réponse viendra avec le PLF 2021 : crédits alloués à l'IAE, postes ouverts, moyens donnés à l'ingénierie de projet et moyens d'accompagnement dans les territoires. Concernant l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », nous nous interrogeons sur son périmètre ainsi que sur sa durée, cinq années pleines étant nécessaires. Enfin, la commande publique doit être un levier de l'IAE.
Je me réjouis de l'examen d'une telle proposition de loi dans le contexte actuel et tiens également à féliciter la rapporteure pour le nombre et la qualité des auditions organisées ainsi que pour le texte complet qui nous est soumis. Les articles 1er et 2 comportent des mesures très attendues, telles la suppression de l'agrément et la possibilité pour les SIAE de conventionner des contrats à durée indéterminée d'insertion. Sans poser de problème majeur, ces deux articles doivent cependant faire l'objet d'un débat, afin d'anticiper leurs effets de bord potentiels. L'article 3 mérite un débat de même nature, afin d'être paramétré pour éviter d'interférer avec d'autres dispositifs. Il devrait également mieux cibler les publics concernés.
Le titre II permet la reconduction de l'expérimentation en l'étendant à de nouveaux territoires. Les entreprises à but d'emploi représentant une approche intéressante de la réponse à apporter à la privation durable d'emploi, un tel prolongement est le bienvenu. Il précise également les modalités de pérennisation du projet. Si la prolongation de l'expérimentation semble faire consensus, son périmètre devra susciter quelques débats.
Le texte est également l'occasion de répondre à d'autres enjeux relatifs à l'insertion sociale et professionnelle. Sans en faire un fourre-tout, il est important pour la dynamique de l'insertion professionnelle que des sujets majeurs soient abordés et trouvent, pour certains, une résolution. Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, cosignataire de cette proposition, votera bien évidemment en faveur du texte.
La proposition de loi est présentée dans un contexte social singulier qui lui donne une importance toute particulière. Il est heureux que ce texte, que nous avons longtemps attendu, arrive enfin. Nul n'est inemployable. C'est cette conviction qui anime depuis des décennies de nombreux travailleurs sociaux, des associations, mais aussi des enseignants et des chefs d'entreprise qui œuvrent chaque jour pour que notre marché du travail ne soit pas une machine à exclure, mais un lieu de vie commun et partagé. Cette volonté de tout essayer face au chômage a conduit les députés socialistes Laurent Grandguillaume et Dominique Potier à déposer, le 22 juillet 2015, une proposition de loi d'expérimentation pour des territoires zéro chômeur de longue durée, dont nous examinons aujourd'hui l'extension.
Il ne s'agissait pas d'imposer uniformément une conception abstraite du travail, mais de donner aux acteurs des territoires les moyens de se mobiliser en investissant les dépenses publiques qui serviraient à payer les coûts du chômage. C'est une proposition de loi qui assumait le principe d'inclusion de tous dans l'emploi, en créant les entreprises à but d'emploi, dont l'objet est de concevoir des emplois pour les personnes désirant travailler. Elle a lancé une expérimentation pour apprendre, ainsi que pour adapter et enrichir les dispositifs. Le bilan en est extrêmement positif. Qui pourrait en effet penser qu'il est aisé de concevoir des emplois nouveaux pour des personnes longtemps exclues du travail ? Notre proposition de loi avait été adoptée à l'unanimité. Nous espérons qu'il en sera de même du texte actuel, une fois que nous aurons adopté les amendements déposés par plusieurs groupes, qui ont écouté les retours d'expérience des acteurs de terrain. Nous aurons à aborder les questions du nombre de territoires – le scepticisme de quelques‑uns ne doit pas devenir la règle de tous –, de la durée d'expérimentation et des moyens financiers – je regrette que l'article 40 ait frappé un peu aveuglément plusieurs de nos amendements.
Nul n'est inemployable, lorsque l'emploi est adapté aux personnes ; et ce n'est pas le travail qui manque, pas plus que l'argent. Telles sont les conclusions de l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Au nom du groupe Libertés et Territoires, je tiens à rendre hommage aux acteurs qui ont su développer ce projet innovant avec peu de moyens. L'expérimentation territoriale, au cœur de la proposition de loi, a prouvé son efficacité et son impact vertueux, avec pas moins de treize entreprises à but d'emploi conventionnées, comptant quatre‑vingts salariés en moyenne, et 1 500 personnes sorties du chômage. Le bilan social et économique est très positif dans les dix territoires expérimentaux, et remis en cause uniquement par un rapport des inspections générales des affaires sociales et des finances aux conclusions contestables.
L'enjeu est de permettre la poursuite de ce dispositif de soutien et d'accompagnement à l'emploi et de l'étendre à tous les territoires où un projet a mûri. Cela est d'autant plus important dans le contexte de crise socio‑économique qui va conduire, selon la Banque de France, à une augmentation du taux de chômage à 11 % d'ici à la fin de l'année. Plus que jamais nous avons donc besoin d'un tel dispositif pour lutter contre le chômage. Mon groupe a décidé de reprendre la totalité des amendements proposés par l'association Territoires zéro chômeur de longue durée, afin d'éviter que la proposition de loi ne soit dénaturée. Nous veillerons à ce que l'expérimentation soit étendue à plus de trente territoires, avec une habilitation au fil de l'eau, pour une durée de huit ans, à ce que le rôle des services publics pour l'emploi dans les comités locaux soit clarifié et à ce que ce dispositif ne soit pas opposé à celui des contrats à durée déterminée d'insertion (CDDI), dont il partage le financement. Il serait dommage de manquer l'occasion d'améliorer un tel dispositif au moment où il rencontre un franc succès chez nos amis belges, qui sont en train de l'étendre à tout leur pays.
La proposition de loi a vocation à mobiliser les ressources de l'inclusion économique, tout en faisant participer les entreprises. Une telle action a tout son sens dans notre société, d'autant plus dans le contexte économique actuel. Nous souhaitons redonner une dignité aux personnes éloignées de l'emploi. Près d'un million de personnes recherchent un emploi depuis plus d'un an. La privation durable d'emploi a des effets particulièrement graves sur les personnes qui en sont victimes et sur le fonctionnement global de l'économie. Je crois à l'insertion par l'économie. L'emploi est indispensable à toute personne. Travailler, c'est pouvoir se loger, se nourrir et se sentir utile à la société. C'est le but de l'expérimentation dont nous débattons : réinsérer des personnes éloignées de l'emploi par l'activité économique, leur redonner l'estime de soi et rompre avec l'isolement. Est-il encore utile de préciser que chaque territoire a son histoire ? En milieu rural ou urbain l'écosystème est différent. C'est pourquoi notre groupe appelle l'attention du Gouvernement sur la nécessité de bien représenter les territoires concernés au sein du conseil d'administration du fonds d'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée. Nous sommes également favorables à l'abaissement de l'âge d'éligibilité du CDI senior à 55 ans, les personnes de 55 ans et plus étant particulièrement exposées au chômage de longue durée. Alors que l'expérimentation est proposée pour quarante territoires, nous souhaitons l'étendre à cent. Dans un tel contexte économique, il convient qu'un maximum de personnes privées durablement d'emploi puissent en bénéficier. Notre groupe est favorable à la proposition de loi et prendra toute sa part au débat.
La proposition de loi m'intéresse d'autant plus que j'ai moi‑même été un chômeur de longue durée, avant de porter la voix de ceux qui peinent toujours à trouver une place au sein du marché du travail et de notre société. Si je salue votre référence au Préambule de la Constitution de 1946, je critique fermement la sélection en jeu parmi les volontaires. On ne commence pas une proposition de loi en citant le Préambule pour le bafouer ensuite. Si nous prolongeons pour cinq ans l'expérimentation pour quarante territoires seulement, combien de personnes allons‑nous insérer ? Depuis 2016, elle a permis d'insérer environ un millier de personnes dans dix territoires. On peut donc en espérer 4 000 cette fois, 5 000 voire 6 000, si l'on est optimiste. Que faites‑vous des autres demandeurs d'emploi ? Ils resteront malheureusement abandonnés dans la jungle du chômage. En France, les chômeurs de longue durée représentent près d'un million de Français. Votre proposition de loi ne tient pas compte de la réalité des chiffres ! C'est pourquoi nous avons introduit dans nos amendements le principe selon lequel il devrait y avoir autant de territoires retenus que de projets. Je regrette vivement que vous renonciez au principe d'inclusivité au cœur même de l'expérimentation. Votre proposition de loi manque d'ambition. Il y a bien trop de personnes, de travailleurs et de familles abandonnés. Il est urgent que la France respecte les fondements de sa constitution.
Le groupe Agir ensemble salue lui aussi l'examen de la présente proposition de loi, qui vise à renforcer l'insertion par l'activité économique, notamment en prolongeant une première expérimentation destinée aux chômeurs de longue durée, amorcée en 2016 après avoir été adoptée à l'unanimité – rappelons-le – par l'Assemblée nationale.
Nous partageons l'esprit et la philosophie de cette expérimentation. Nous nous réjouissons de l'extension de son application. En se fondant sur le principe légitime que personne n'est inemployable, la création d'une entreprise à but d'emploi permet de rendre à ses bénéficiaires une utilité sociale – soit dit faute d'un mot plus approprié. Par le travail et les liens ainsi recréés, un cercle social se reforme, et des personnes retrouvent une fierté face à leur famille, leurs enfants et la société.
Autre avantage, et non des moindres : en payant des cotisations, les bénéficiaires créent de nouveaux droits, notamment à la retraite. Par ailleurs, le bilan d'expérience de la première phase démontre les conséquences très positives, revivifiantes, de la création des EBE sur les territoires, notamment la diminution des décrochages scolaires et la réduction des demandes d'aide alimentaire.
Il est essentiel de faire en sorte que l'activité des entreprises à but d'emploi n'empiète pas sur les dispositifs d'IAE en vigueur. Ainsi, nous nourrissons plusieurs interrogations sur l'articulation entre cette nouvelle expérimentation et les parcours emploi compétences. S'agissant de l'expérimentation des territoires zéro chômeur de longue durée proprement dite, nous nous interrogeons également sur l'opportunité d'une expérimentation plus large, excédant la limite des quarante territoires prévus, pour inclure tous les territoires émergents.
De même, pour permettre une évaluation des candidatures au fil de l'eau, sans pénaliser l'expérimentation proprement dite, peut-être conviendrait-il d'allonger sa durée globale de cinq à huit ans, avec un délai de trois ans permettant l'examen des candidatures proprement dites, afin que chacune bénéficie bien de cinq années de mise en pratique. Par ailleurs, nous regrettons l'absence de financements dédiés à l'ingénierie territoriale. Enfin, quid de la pérennisation des dispositifs mis en œuvre ?
Même si certains points doivent être approfondis, notre groupe soutiendra pleinement la proposition de loi. À l'heure où notre pays est secoué par l'une des crises les plus graves de son histoire, nous avons là un outil modeste, mais efficace, destiné aux plus fragiles.
L'épidémie de covid-19 a d'ores et déjà détruit 715 000 emplois depuis le début de l'année 2020 ; on attend près d'un million de chômeurs supplémentaires pour le début de l'année 2021. Des mesures ont été mises en œuvre par le Gouvernement, notamment l'indemnisation du chômage partiel, que complèteront celles annoncées dans le cadre du plan de relance. Toutes permettront de venir en aide aux entreprises pour limiter la casse et soutenir un tant soit peu l'activité économique, notamment par le biais d'exonérations de cotisations sociales et d'aides directes.
Toutefois, pour les chômeurs – la présente proposition de loi en offre un bon exemple –, notamment ceux qui cumulent des difficultés particulières ou sont éloignés de l'emploi depuis un certain temps, un accompagnement spécifique est nécessaire. Il faut investir dans l'accompagnement vers l'emploi et la lutte contre la pauvreté, par des mesures d'accompagnement et d'autres, particulières, offrant une sécurité financière.
Pour l'heure, rien n'est prévu à ce sujet dans le plan du Gouvernement. Il est heureux – notamment pour les chômeurs les plus éloignés de l'emploi – que nous puissions introduire, grâce à la proposition de loi que nous examinons ce matin, la généralisation du dispositif des territoires zéro chômeur de longue durée, qui a fait ses preuves. Le groupe Écologie Démocratie Solidarité avancera plusieurs propositions pour améliorer le texte, que nous soutiendrons.
Nous proposerons notamment que les jeunes de moins de 26 ans soient éligibles aux dispositifs d'insertion prévus par la présente proposition de loi. Ils seront les premières victimes de la terrible crise sociale qui s'annonce ; pourtant, aucun filet de protection sociale spécifique n'est prévu pour eux, et ils n'ont pas accès au revenu de solidarité active (RSA).
On comptait 550 000 jeunes sans emploi au mois de juillet dernier, contre 100 000 au mois de février. Nous allons donc avoir un problème très spécifique en matière d'emploi des jeunes. Sur ce point, le plan de relance prévoit pour l'essentiel des exonérations de cotisations sociales. Il faut prévoir des mesures spécifiques. Nous proposons aussi d'augmenter le nombre de territoires éligibles aux dispositions du texte. Je présenterai nos autres propositions lors de l'examen des amendements.
Lutter contre la privation d'emploi est une cause noble, nécessaire, indispensable. Nous soutenons l'extension de l'expérimentation du dispositif des territoires zéro chômeur de longue durée.
La présente proposition de loi expérimente l'inversion de la logique de l'offre et de la demande en matière d'emploi. Comme telle, elle fait figure d'innovation. La démarche proposée consiste à partir des compétences et du potentiel des personnes privées durablement d'emploi, afin de produire des emplois supplémentaires, ce qui est nécessaire pour supprimer localement la privation d'emploi. Les volontaires contribuent à la construction et au pilotage local du projet, en tant qu'acteurs du territoire – il s'agit d'un point important – et porteurs de l'expression de son besoin d'emploi. Les comités locaux pour l'emploi sont des outils essentiels, qui participent à l'émergence d'un véritable projet territorial, amenant les acteurs locaux à s'interroger sur les besoins et les potentiels locaux.
Il faut d'ailleurs renforcer les moyens consacrés à l'animation des projets. Dans mon territoire, une action menée depuis plus de deux ans par la communauté de communes du Bocage bourbonnais porte d'ores et déjà ses fruits. Les personnes privées durablement d'emploi ont retrouvé une activité par le simple effet de la démarche engagée. Il serait insupportable et désastreux que ce travail mobilisant tous les acteurs du territoire, source de consensus et de lien social, ne trouve pas le prolongement que tous attendent.
Dans le contexte actuel, dont plusieurs orateurs ont rappelé à quel point il est difficile, il ne faut rien négliger. Les plus vulnérables, qui sont en première ligne, seront les premières victimes. De ce point de vue, l'extension du dispositif proposée nous semble trop limitée. Il importe qu'elle soit plus large ; à défaut, de nombreuses personnes resteront sur le bord du chemin, et la dynamique de plusieurs territoires ayant engagé des démarches innovantes sera enrayée, alors même qu'elle est essentielle, notamment, à mes yeux, pour les territoires ruraux.
Notre pays présente un nombre inquiétant de chômeurs de longue durée. Au mois de juillet 2020, ils représentaient 47,3 % des inscrits au chômage, soit près de 2,8 millions de personnes. Cette inquiétude, nous la partageons. Notre pays doit repenser sa politique en faveur de l'emploi et de la lutte contre le chômage, notamment en renforçant l'IAE, en donnant la priorité aux demandeurs d'emploi de longue durée, aux bénéficiaires des minima sociaux, aux jeunes de moins de 26 ans en grande difficulté et aux travailleurs reconnus handicapés. On mesure à cette énumération combien les dispositions proposées vont dans le bon sens.
Madame la rapporteure, j'aimerais vous interroger sur le nombre de nouveaux territoires éligibles. Initialement, trente territoires supplémentaires sont prévus. Comment donner de la souplesse au dispositif afin qu'ils soient bien plus nombreux ? Peut-être pourrait‑on retenir un territoire par département – je suppose qu'il existe dans chaque département une volonté d'agir en ce sens ? Par ailleurs, certaines candidatures arriveront à maturité un peu plus tard que les autres, d'ici un mois, deux ans, trois ans. Dès lors que la durée de l'expérimentation est fixée à cinq ans, comment l'adapter au contingent de territoires qui la rejoindront plus tardivement ? En un mot, comment introduire de la souplesse dans le dispositif, pour faire en sorte qu'il soit encore plus efficace sur tout le territoire français ?
Ce qui nous mobilise tous, quelles que soient nos sensibilités politiques respectives, c'est la lutte pour le retour à l'emploi de ceux qui en sont privés. Dans cet esprit, j'aimerais appeler l'attention sur l'article 8 du présent texte, relatif à l'expérimentation du « journal de bord » des demandeurs d'emploi. Sa prolongation jusqu'au 1er janvier 2023 me semble intéressante. Le projet de rapport indique que la poursuite de cette expérimentation vise à déterminer si ce dispositif doit être prolongé – il est toujours intéressant d'évaluer les dispositifs pour déterminer s'il faut les prolonger.
Par ailleurs, il existe un risque sur lequel j'appelle votre attention collective, chers collègues : l'aggravation de la fracture numérique parmi les demandeurs d'emploi, qui ne sont pas forcément équipés en outils numériques, et n'ont pas tous la capacité d'y accéder. Si le dispositif est prolongé, alors il faudra porter une attention particulière aux demandeurs d'emploi éprouvant des difficultés à utiliser l'outil numérique, afin que son usage ne soit pas vécu comme une injustice et une sanction supplémentaires, et qu'à la privation d'emploi ne s'ajoute pas la difficulté à accéder au dispositif prévu en raison d'une difficulté d'accès aux outils numériques.
Le développement de l'inclusion par l'activité économique va dans le bon sens. Elle réintègre dans le monde de l'emploi des personnes qui s'en sont éloignées durablement, et dont beaucoup ont connu un accident de la vie. Ce secteur essentiel et stratégique est d'autant plus important que notre pays a un réel problème en matière de chômage de longue durée.
L'IAE permet de lutter efficacement contre le chômage. Elle a aussi des conséquences positives sur les territoires, où se développent de nouvelles activités, répondant à des besoins souvent non satisfaits, dans les domaines de la transition écologique, de l'économie circulaire, de la sécurité alimentaire et des services à la personne. Ce bilan satisfaisant appelle un élargissement de l'expérimentation dans tous les départements, tout en veillant à ce que les structures concernées ne fassent pas concurrence à des activités marchandes, afin d'éviter de susciter des tensions.
Néanmoins, certaines réserves demeurent, s'agissant notamment de la création d'un CDI d'inclusion pour les plus de 57 ans. L'âge de 55 ans nous semble plus approprié. En 2018, 2,2 % des actifs de plus de 55 ans étaient sans emploi depuis au moins un an. Il me semble important de remédier à ce fléau, en ouvrant l'accès à l'expérimentation prévue dès l'âge de 55 ans.
Enfin, il faut consacrer à l'IAE davantage de moyens, notamment des moyens humains, et les affecter à l'encadrement technique et social des chômeurs. Une simplification administrative est également nécessaire pour gagner en réactivité. J'aimerais savoir ce qui est prévu en la matière.
Je suis heureux de dire un mot de ce texte, dans une sorte de continuité du combat pour les territoires zéro chômeur de longue durée. Nous l'avons engagé aux côtés de Laurent Grandguillaume. J'ai été rapporteur pour avis de la proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée ; j'en ai retiré une immense fierté, dans un contexte que j'aimerais rappeler brièvement.
Lors de son examen à l'Assemblée, plusieurs régions françaises étaient sur le point de passer au Front national. Sans un sursaut démocratique, tel aurait été le cas. En outre, des attentats minaient la République et inquiétaient notre pays. Lors du vote de la proposition de loi, nous avons connu une sorte de sursaut, un moment de grâce. Nous avons obtenu l'unanimité, grâce à un dialogue avec toutes les parties prenantes, tant la société civile que les formations politiques – j'ai encore en mémoire l'accord conclu entre le groupe Les Républicains et le groupe socialiste.
Je regrette un peu – voici mon seul moment d'amertume – que nous n'ayons pas été consultés, nous qui sommes les auteurs, les fabricants de cette loi. Je rencontrerai cet après-midi les salariés de l'EBE de Colombey-les-Belles, avec lesquels nous allons préparer des amendements en vue de l'examen du présent texte en séance publique. Je regrette ce défaut de concertation.
Toutefois, nous dépasserons cette amertume pour coconstruire quelque chose de bien dès aujourd'hui. Nous le ferons en mémoire des grands combats d'ATD Quart Monde. Je ne me rends jamais dans un établissement scolaire, lycée ou collège, sans évoquer Geneviève de Gaulle-Anthonioz à travers deux livres : La Traversée de la nuit, récit de sa déportation après la Résistance, et Le Secret de l'espérance, relatant sa lutte contre la grande pauvreté, menée avec le père Wresinski. Le chemin qu'ils ont emprunté doit nous guider, afin de nous hisser à la hauteur de ce que la société civile peut produire de mieux pour défendre la dignité humaine.
La présente proposition de loi vise à développer l'IAE. Nous ne pouvons qu'y souscrire et y être favorables. Je tiens à rappeler, après d'autres, que nous appelons son développement de nos vœux depuis plusieurs années.
Toutefois, je m'interroge spécifiquement sur la création d'un CDI d'inclusion pour les chômeurs de plus de 57 ans et d'un contrat de travail renforcé à durée indéterminée. De telles mesures risquent de complexifier davantage le code du travail. La France compte un très grand nombre de contrats de travail divers et variés. À l'heure où la majorité des entreprises espère une réduction de la bureaucratie, ne pensez-vous pas, madame la rapporteure, que l'ajout de ces nouveaux contrats de travail risque au contraire de les dissuader d'embaucher ?
Notre politique en faveur de l'emploi et de la lutte contre le chômage doit être repensée, en renforçant l'IAE, notamment dans cette période d'épidémie. La présente proposition de loi, qui vise à favoriser son développement, va indéniablement dans le bon sens, en permettant de réinsérer dans le monde de l'emploi des personnes qui s'en sont éloignées durablement.
Notre pays fait figure de mauvais élève en matière de chômage de longue durée. Or avoir un emploi est essentiel. Dans certains territoires, de nouvelles activités ont été créées, répondant à des besoins non satisfaits, dans les domaines de la transition écologique, de l'économie circulaire, de la sécurité alimentaire et des services à la personne. Ce bilan satisfaisant appelle un élargissement de l'expérimentation. Plusieurs évolutions pourraient être étudiées, s'agissant notamment du nombre de territoires concernés, de la durée de l'expérimentation, de l'objectif de réalisation de l'exhaustivité et du financement de l'animation de la dynamique territoriale.
La première étape expérimentale a permis l'habilitation de dix territoires. Le texte vise à étendre l'expérimentation à trente autres territoires. La première étape a permis d'identifier les aspects du dispositif devant être améliorés, notamment le renforcement des conditions d'habilitation des territoires, la garantie d'un temps de préparation suffisant avec les personnes privées durablement d'emploi, la forte mobilisation des acteurs du territoire et l'engagement financier des collectivités territoriales concernées.
Il me semble que le nombre de territoires doit être déplafonné. En effet, il paraît opportun d'apprécier la capacité d'un territoire à expérimenter le dispositif prévu en fonction de son degré de préparation et de maturité. Il semble également opportun de créer un CDI d'inclusion auquel les chômeurs seraient éligibles dès l'âge de 55 ans, plutôt que 57 ans. Il faut consacrer à l'IAE davantage de moyens financiers et humains, et réduire la bureaucratie qu'elle suscite. Surtout, il faut faciliter son rapprochement avec le secteur marchand et les entreprises classiques.
Ainsi élargi, le dispositif des territoires zéro chômeur de longue durée suscite de nombreuses attentes, notamment dans les territoires ayant souffert de la perte d'industries, tels le Lunévillois dans ma circonscription. Il me semble essentiel qu'aucun territoire intéressé ne soit exclu, même si le dispositif a été expérimenté dans un territoire voisin de la même région ou du même département. À défaut, le sentiment d'inéquité territoriale progressera encore.
Chaque territoire a droit à un avenir dépourvu de chômage de longue durée massif. Madame la rapporteure, pouvez-vous nous rassurer sur ce point ? Par exemple, une candidature, présentée dans un territoire donné par un acteur tel que l'Entraide protestante locale, pourrait-elle être retenue si une expérimentation a été menée dans le même département ou dans la même région ? S'il est frappé par le chômage aussi fort que l'est le territoire voisin déjà aidé, il importe qu'il puisse aussi l'être aussi.
Je me réjouis à mon tour que nous examinions ce texte, dans l'esprit de consensus souligné tout à l'heure par Dominique Potier, auquel je rappelle toutefois que le gouvernement précédent a limité à l'extrême les secteurs où l'expérimentation pouvait être menée. Dans le département des Ardennes, dont j'ai l'honneur d'être le représentant, de nombreuses personnes – Thibault Bazin vient d'évoquer cette situation – ont été frustrées, pour ainsi dire, de ne pas avoir été retenues parmi les quelques territoires proposés par le Gouvernement.
J'aimerais évoquer la participation des collectivités territoriales au dispositif, telle qu'elle est prévue par le texte, et dont j'ai eu l'occasion de prendre la mesure dans le département des Ardennes. En matière sociale, les centres communaux d'action sociale et les conseils départementaux jouent un rôle essentiel dans les territoires. Insister auprès de ces collectivités pour qu'elles participent au financement du dispositif me semble fondamental.
J'insiste sur ce point. Demain, plus on comptera de personnes retrouvant un emploi, moins les demandeurs d'emploi seront nombreux dans les structures qui leur sont consacrées, et dont le budget augmente en raison des difficultés des territoires. Madame la rapporteure, je vous remercie par avance de l'ouverture d'esprit dont vous ferez preuve lorsque nous examinerons nos amendements.
La situation de l'emploi dans notre pays inquiète particulièrement. Notre économie subit un choc sans précédent, en raison de la crise sanitaire. Celle-ci se poursuit, mais la situation n'était pas reluisante avant même la crise du covid-19.
Rappelons quelques chiffres : 80 % des embauches réalisées étaient des contrats courts, souvent pour une période de moins d'un mois, parfois de moins d'un jour. Par-delà les effets statistiques, qui faisaient la démonstration que le chômage diminuait – et chacun se réjouira lorsqu'il baissera effectivement –, la réalité était la suivante : vous sortez des statistiques du chômage pour un temps dès lors que vous avez occupé un emploi, fût-ce une semaine. Ainsi, un effet statistique démontre que le chômage diminue, mais la réalité sociale vécue par bon nombre de nos concitoyens demeure difficile.
En France, le CDI est censé être la règle ; il est de plus en plus l'exception. Dans ce contexte, il existe des solutions au long cours, en vue d'un retour au plein emploi, parmi lesquelles la diminution et le partage du temps de travail, qui font l'actualité – le puissant syndicat de la métallurgie allemande s'est récemment prononcé à ce sujet. De fait, la dernière fois que ce pays a connu une création nette et massive d'emplois – personne ne peut faire la démonstration du contraire, nonobstant nos débats à ce sujet –, c'était lorsque nous avons diminué le temps de travail en adoptant la semaine de trente-cinq heures.
Nous pourrions aller plus loin ; nombreux sont ceux qui le préconisent. Pourquoi ne pas étudier des solutions telles que la semaine de travail à quatre jours, une sixième semaine de congés payés ou la retraite à 60 ans ? Il ne s'agit pas de dresser une liste au Père Noël, mais de tirer les conséquences du fait que la productivité, dans ce pays, a tellement augmenté qu'il faut poser la question de la répartition de la richesse. En dix ans, les dividendes versés aux actionnaires ont augmenté de 70 %, l'investissement productif a reculé de 5 % et les salaires ont augmenté de 12 %. Bref, il existe bien des solutions pour créer des emplois, parmi lesquelles la planification écologique.
En attendant, le dispositif des territoires zéro chômeur de longue durée nous semble tout à fait utile. Nous avons proposé de nombreux amendements visant à le sécuriser, notamment en matière de conventions collectives, de grilles salariales et de salaire minimum. D'autres visaient à supprimer la limitation de l'expérimentation à un territoire donné. Nous regrettons que nos amendements aient subi une coupe claire.
Je remercie les orateurs de leurs interventions, qui prouvent que ce texte est attendu, et que nous avons tous envie, par les débats qui vont s'ouvrir, de le nourrir et d'avancer vers un objectif commun.
Vous l'avez tous dit : personne n'est inemployable. Je ne doutais pas que vous seriez tous d'accord avec ce constat. J'ai aussi pris note de la volonté de parvenir à un consensus ; j'espère sincèrement que nous y parviendrons. En tout état de cause, les membres du groupe La République en Marche, ainsi que ceux du Mouvement Démocrate, cosignataires de la proposition de loi, sont tout à fait en phase avec cet objectif. Je répondrai à chaque intervenant, sans toutefois ouvrir dès à présent les débats, que nous aurons lors de l'examen des amendements.
Monsieur Baichère, vous avez raison de rappeler que les auditions ont démontré un engagement constant en faveur du texte. Nous avons systématiquement eu affaire à un public attentif, à l'écoute, satisfait, même lorsqu'il s'agissait de présenter des points destinés à améliorer le texte. Vous avez également raison de rapprocher la proposition de loi du plan France Relance, qui permettra d'allouer des crédits au marché de l'emploi. Ils bénéficieront aux demandeurs d'emploi par le biais des nouveaux outils ou de l'amélioration des outils existants prévus par la proposition de loi.
Monsieur Viry, nous travaillons ensemble sur ces sujets depuis longtemps : vous étiez rapporteur pour avis de la mission Travail et emploi du budget 2019, dont j'étais rapporteure spéciale. Je sais votre attachement à l'insertion, notamment par l'activité économique. Nous nous inscrivons pleinement dans le droit fil du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, que vous avez évoqué. Le droit à l'emploi n'est pas un droit formel ; il doit être réellement exercé, dans tous les territoires et au bénéfice de tous. Ensemble, nous nous pencherons attentivement sur le projet de loi de finances pour 2021 dès son dépôt ; toutefois, vous avez sans doute pris note de la forte hausse, dès cette année, des crédits consacrés à l'inclusion par l'activité économique ; tel est également le cas, je le répète, dans le cadre du plan France Relance.
Vous avez évoqué la pression pesant sur nous pour formuler une réponse législative forte, dans la mesure où le dispositif des territoires zéro chômeur de longue durée arrivait à échéance. Mais ne doutez pas un seul instant que, si nous n'étions pas convaincus de la nécessité de sa réussite – même s'il faut apporter des améliorations au dispositif –, nous aurions eu le courage de ne pas continuer plus avant, de ne pas aller au bout de la démarche.
Si nous nous présentons aujourd'hui devant la commission des affaires sociales, c'est parce que nous avons cette conviction. Elle m'anime tout particulièrement – c'est pourquoi j'ai quitté la commission des finances pour celle des affaires sociales. S'agissant de vos craintes relatives au nombre de territoires retenus et à la durée de l'expérimentation, que d'autres ont exprimées, j'y reviendrai lorsque nous débattrons des amendements.
Monsieur Vallaud, nous partageons l'objectif de l'inclusion de chacun, comme je l'ai indiqué tout à l'heure. Comme vous le savez, nos échanges de vues avec les fondateurs du dispositif des territoires zéro chômeur de longue durée ont été riches et féconds, et ce depuis longtemps. Nous avons donc le même objectif.
Vous regrettez que certains de vos amendements aient été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution, mais nous sommes tous soumis à cette contrainte. Toutefois, je tiens à vous rassurer : le dépôt d'amendements prévoyant la remise d'un rapport nous permettra d'avoir les débats que vous appelez de vos vœux, et que je sais d'avance très riches. Nous formulerons des réponses ensemble, certainement en faisant évoluer le texte, ce que je souhaite.
Monsieur Colombani, vous avez rappelé les chiffres et évoqué les différentes approches méthodologiques ; j'aimerais surtout vous rappeler le changement de philosophie auquel nous procédons. Nul n'est inemployable dans les territoires, où nous faisons appel à quiconque est volontaire pour éliminer la privation d'emploi.
Là réside tout le débat sur le dispositif des territoires zéro chômeur de longue durée, qui repose sur le volontariat. Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, l'appellation « territoire zéro chômeur de longue durée » ne doit pas laisser croire qu'il n'y aura plus aucun chômeur sur un territoire donné. En revanche, à ceux qui ont la volonté de se réinsérer, de revenir dans le monde du travail, cette expérimentation donne une chance, en créant l'emploi autour de l'individu. Sur ce point, nous nous rejoignons.
Madame de Vaucouleurs, je tiens à vous remercier tout particulièrement de votre assiduité aux auditions que nous avons menées. Je sais votre attachement ancien à tout ce qui relève de l'insertion par l'activité économique. Nous reviendrons en détail sur l'article 3 ; le but n'est pas d'opposer les dispositifs entre eux, ni de les hiérarchiser. Nous pourrons en débattre longuement. En revanche, l'articulation de l'IAE avec les dispositifs existants – notre collègue Didier Baichère en est également convaincu – doit être clarifiée. Je l'ai détaillée dans le projet de rapport, que vous avez normalement dû recevoir ce lundi.
Madame Six, vous plaidez en faveur de l'abaissement de l'âge du CDI d'inclusion destinés aux seniors. Je vous rappelle que le dispositif que nous proposons va au-delà des propositions du pacte d'ambition pour l'insertion par l'activité économique. Nous aurons le débat sur l'âge d'éligibilité. Le pacte d'ambition prévoyait l'âge de 55 ans, point final ; pour notre part, nous prévoyons la possibilité de dérogations, complétées par un basculement en CDI à 57 ans. Nous pourrons y revenir dans nos débats.
Monsieur Ratenon, les auditions auxquelles vous avez participé ont montré que cette proposition de loi soulevait un certain enthousiasme. Tous les acteurs se sont déclarés preneurs d'un tel texte, qui vise à établir un lien entre l'insertion par l'activité économique et l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Je suis donc nécessairement en désaccord avec vous lorsque vous déplorez son manque d'ambition. Il y a certes des points sur lesquels nous devrons échanger, mais une telle affirmation me chagrine un peu.
Monsieur Christophe, vous avez souligné, avec raison, la dynamique sociale enclenchée par l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Ce point n'a d'ailleurs pas du tout été évoqué dans le rapport des inspections générales, dont la perspective est strictement financière. Pourtant, quand une expérimentation est lancée dans un territoire, il est évident que ce dernier est redynamisé et que cela a des externalités positives. Cela n'a pas été mentionné dans les rapports portant sur l'expérimentation, à l'exception du rapport du comité scientifique, lequel a d'ailleurs conseillé de poursuivre l'expérimentation – c'est pourquoi nous sommes réunis aujourd'hui. Nous reviendrons plus en détail sur le dispositif prévu à l'article 3, mais je voudrais d'ores et déjà souligner qu'il ne faut pas l'opposer aux dispositifs existants, notamment au parcours emploi compétences auquel vous avez fait allusion : chacun de ces dispositifs répond à une attente de nos concitoyens et chacun trouve son public.
Monsieur Taché, l'idée d'une généralisation du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » me gêne. Dans mon propos introductif, je me suis référée à ce qu'avait dit Louis Gallois, à savoir que l'initiative devait venir des territoires, sur la base du volontariat. Or la notion de généralisation induit un caractère obligatoire ; j'en ai discuté, il n'y a pas si longtemps, avec Laurent Grandguillaume lui-même. C'est pourquoi nous avons préféré employer le terme de « pérennisation ».
Je ne ferai aucun commentaire sur le plan de relance, car ce n'est pas l'objet de la présente proposition de loi – quoiqu'il y ait un lien, notamment par l'intermédiaire de certains crédits. Je vous indiquerai simplement, Monsieur Taché, que le plan comprend vingt-quatre mesures au moins concernant les jeunes. Vous affirmez que c'est insuffisant, mais tout est relatif !
Monsieur Dufrègne, la dynamique doit partir des territoires et répondre aux besoins locaux : je vous rejoins totalement sur ce point. C'est d'ailleurs le sens même de l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Nous reviendrons sur la question du périmètre et de l'ampleur de l'extension du dispositif, question qui a été soulevée par presque tous les intervenants, mais je tiens d'ores et déjà à vous assurer que je partage votre attachement aux territoires ruraux. Je fais partie des députés qui espèrent que, dans la future liste des territoires habilités, il y ait plus de territoires ruraux que de territoires urbains. Même si je me suis déplacée dans le treizième arrondissement de Paris pour voir ce que pouvait être un territoire zéro chômeur en ville – et cela m'a rassurée –, je suis persuadée, étant l'élue d'un département rural, qu'en milieu rural, le dispositif « territoires zéro chômeur » est susceptible d'apporter une réponse aux problèmes, si importants, de mobilité. Certes, cela ne relève pas du domaine législatif, mais c'est quelque chose que nous pourrions glisser à l'oreille de ceux qui dresseront la liste des territoires éligibles, ceux qui travailleront sur le fond de l'expérimentation.
Monsieur Perrut, je voudrais tout d'abord saluer votre engagement de longue date au sein de cette commission en faveur des personnes les plus éloignées de l'emploi, notamment celles en situation de handicap. Nous avons demandé à APF France handicap sa contribution, parce que même si l'on sait que tous les dispositifs que nous pouvons proposer s'adressent bien évidemment aussi aux personnes en situation de handicap, il est préférable de le préciser. J'ai donc auditionné les représentants d'APF France handicap et leur contribution sera intégrée à mon rapport. Nous avons tous à cœur de ne pas oublier cette partie de la population.
Monsieur Chenu, pour ce qui concerne l'article 8 et le journal de bord, nous en débattrons ultérieurement. Sachez néanmoins qu'une évaluation est en cours et que le déploiement du dispositif a été retardé, comme beaucoup d'autres choses, par le confinement dû à l'épidémie de covid-19. Concernant la fracture numérique, problème que Mme de Vaucouleurs aussi a soulevé, l'ensemble des démarches pourront se faire à Pôle emploi ; c'est d'ailleurs le rôle des 3 200 volontaires du service civique que d'apporter une aide en la matière. Nous y reviendrons à l'occasion de l'examen des amendements qui ont été déposés sur le sujet.
Madame Valentin, la suppression de l'agrément par Pôle emploi sera véritablement une source de simplification – puisque vous insistez sur ce point. Cela fait en outre écho au projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (« ASAP »), que nous examinerons en commission spéciale la semaine prochaine.
Monsieur Potier, j'ai salué le travail réalisé durant la précédente législature, en particulier M. Laurent Grandguillaume pour sa ténacité et sa force de conviction ; nous rejoignons son combat aujourd'hui. Je sais que vous avez été chagriné de ne pas avoir été « mis dans la boucle » – nous avons eu un aparté à ce propos. Néanmoins, les auditions étaient ouvertes à tous, et chacun pouvait y participer. D'autre part, vous n'allez pas me faire croire que vous n'êtes pas en relation très étroite avec l'association Territoires zéro chômeur de longue durée ! Vu que j'ai travaillé avec eux sur le texte, nous nous retrouverons certainement sur l'objectif. J'espère par conséquent que vous ne tiendrez pas compte de cet aspect et que votre démarche sera de rechercher le consensus. De surcroît, même si je ne cherche pas d'excuse et que je comprends votre déception, je me permets de vous indiquer qu'aucun groupe de travail officiel n'a été constitué au sein de la commission sur ce thème. Je suis certaine que vous aurez réussi à apporter votre contribution au texte, quand bien même ce fût de manière indirecte. De toute façon, nous nous retrouvons sur nombre de points. J'ajoute que je vous rejoins dans l'hommage que vous avez rendu à Geneviève Anthonioz-de Gaulle.
Monsieur Ramadier, le contrat de travail renforcé à durée indéterminé prévu à l'article 3 est une expérimentation. Plusieurs amendements ont été déposés, visant à mieux encadrer le dispositif. Cela n'apportera aucune complexité supplémentaire.
Madame Corneloup, le degré de maturité des territoires concernés est un critère indispensable d'éligibilité au dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » ; je vous rejoins sur ce point. C'est d'ailleurs peut-être parce qu'il n'avait pas été bien apprécié lors dans la première expérimentation que le dispositif n'a pas bien fonctionné dans certains territoires. Quant aux crédits dont bénéficiera l'IAE, je vous donne rendez-vous lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021 pour la déclinaison des mesures du plan France Relance.
Monsieur Bazin, s'agissant de l'éligibilité des territoires, il n'y aura aucun critère d'exclusion. Un territoire zéro chômeur de longue durée peut être mis en place sur un ou plusieurs territoires d'une même région ou d'un même département ; la liste sera arrêtée suivant des critères de fond. Si, dans un territoire, il existe une EBE et un territoire voisin qui pourrait offrir une certaine complémentarité grâce à une autre EBE, ce n'est pas à nous de décider ce qui doit être fait ; cela n'a pas à figurer dans la loi. Il faut laisser de la souplesse aux porteurs de l'expérimentation.
Rien dans le texte n'indique que cela ne le serait pas.
Monsieur Cordier, il est vrai qu'une contrainte financière pèse sur les collectivités territoriales volontaires. D'un autre côté, si celles-ci s'engagent dans un tel projet, c'est qu'elles savent bien qu'il permettra de redynamiser leur territoire : ce sera la contrepartie de l'effort financier fourni. En outre, la contribution des collectivités peut aussi prendre d'autres formes, par exemple un prêt de locaux où les associations pourraient s'installer. Là encore, nous n'imposons rien. Le dispositif reste souple. Néanmoins, nous sommes attentifs à cet aspect, et nous avons beaucoup échangé avec le fonds d'expérimentation et son président Louis Gallois sur l'équilibre budgétaire à atteindre pour Territoires zéro chômeur de longue durée, sans pour autant avoir des ambitions démesurées. Il faut laisser aux territoires le temps d'atteindre l'exhaustivité ; à l'heure actuelle, trois territoires sur dix y sont parvenus. Toutefois, il y a dans les propositions que nous avançons l'idée que lorsqu'on peut s'appuyer sur des structures existantes, tout le monde y gagne, que ce soit en efficacité ou du point de vue financier. Cela dit, un rapport financier n'est qu'un rapport financier, rien de plus. Il faut aussi tenir compte des auditions, des déplacements que j'ai faits, des vôtres, du rapport du comité scientifique... La plus-value apportée par ces dispositifs va bien au-delà du chiffrage bête et méchant des coûts et des profits – même s'il est nécessaire de raisonner aussi de cette manière eu égard au postulat de base, qui était que si l'on activait les dépenses passives de l'État, un tel dispositif ne coûtait rien. On sait aujourd'hui que ce n'est pas vrai. Reste à déterminer si nous croyons en ce dispositif et voulons le prolonger.
Monsieur Quatennens, une fois n'est pas coutume, nous partageons le même objectif : celui de lutter contre le chômage de longue durée – ou la privation d'emploi, peu importe le terme. Tel est bien l'objet de cette proposition de loi. La lutte contre le chômage ne se résumera toutefois pas à ce texte, comme je l'ai dit dans mon propos liminaire. S'il est de notre responsabilité de lutter, ne croyons pas qu'avec ce seul texte nous réglerons tous les problèmes qui se posent, lesquels ont, de surcroît, été aggravés par la crise sanitaire. Je remercie les orateurs qui ont indiqué que cette proposition de loi était dans les tuyaux bien avant le début de la crise : cela montre que nous avons la volonté de réunir l'ensemble des outils à notre disposition, de booster ceux qui fonctionnent et d'en créer de nouveaux afin de lutter contre la privation d'emploi et le chômage de longue durée, ce qui est notre objectif commun.
J'espère avoir répondu à toutes les questions.
La commission passe à l'examen des articles.
Article 1er : Modification de la procédure d'agrément ouvrant droit à un parcours d'insertion par l'activité économique
La commission examine les amendements identiques AS143 de M. Boris Vallaud, AS230 de M. Aurélien Taché et AS271 de M. Stéphane Viry.
Ces amendements visent à s'assurer que la simplification consistant à supprimer l'agrément par Pôle emploi ne conduira pas en réalité à complexifier le régime applicable aux associations intermédiaires lors de mises à disposition hors secteur marchand.
En effet, aujourd'hui, les associations intermédiaires n'ont pas besoin d'agrément pour les mises à disposition auprès de particuliers non professionnels, de personnes morales de droit privé à but non lucratif et même pour d'autres situations en dessous d'un certain seuil. Cela permet aux associations intermédiaires de proposer, dans certains cas, des parcours d'insertion d'une durée supérieure à vingt-quatre mois.
Je précise que cette question a été soulevée par le réseau Coorace, par la Fédération des acteurs de la solidarité et par l'Union nationale des associations intermédiaires (UNAI).
L'esprit de ce texte étant de faciliter l'IAE, il convient d'éviter toute source de complexification. Il serait par conséquent préférable de maintenir le régime actuellement applicable aux associations intermédiaires.
. Si je comprends l'objet de ces amendements – nous avons nous aussi été alertés par les personnes que nous avons auditionnées –, je souligne que la différence de traitement n'avait été justifiée à l'époque que par un manque de moyens, en raison des volumes en cause. En outre, l'éloignement par rapport à l'emploi et la pertinence du parcours de l'IAE ne sont appréciés que par l'association intermédiaire, sans contrôle par un tiers. Même si cela fonctionne bien et que nous ne doutons pas du sens des responsabilités de ces partenaires, nous souhaitons aujourd'hui aller vers un dispositif unique et simplifié.
Certes, on peut considérer que c'est complexifier les choses que d'imposer cela aux associations intermédiaires. C'est pourquoi, afin de répondre aux interrogations soulevées, je proposerai, par l'intermédiaire d'un amendement, d'instaurer une période de transition, avec un accompagnement des associations vers cette uniformisation, dont on nous assure qu'elle sera très simple. Comme nous préférons être prudents, nous prévoyons une période de transition, dont la durée et les modalités seront définies en concertation avec les acteurs.
Si je comprends donc vos craintes, je préfère privilégier un modèle unique pour tous les acteurs de l'insertion par l'activité économique. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
C'est une question que je connais bien. Les associations intermédiaires ont en effet la possibilité de proposer, sans agrément, des missions dans des secteurs non marchands. Toutefois, les associations intermédiaires sont d'ores et déjà soumises à l'éligibilité à l'IAE pour employer les personnes concernées. Il me paraîtrait cohérent que toutes les structures d'IAE entrent en même temps dans le dispositif. En revanche, il faudrait prendre en considération le fait qu'un parcours d'insertion en association intermédiaire ne commence pas nécessairement par un contrat ; il peut s'agir, dans un premier temps, de missions très ponctuelles. De ce fait, le parcours est long et pouvait nécessiter, par le passé, un renouvellement d'agrément ; il faudra donc prévoir, dans le futur dispositif, un prolongement de l'éligibilité à l'IAE. C'est pourquoi je proposerai, en complément de l'amendement de Mme la rapporteure, un amendement visant à appeler l'attention du Gouvernement sur ce point.
La question est de savoir si cet article est véritablement de simplification. Le régime actuel fonctionne ; on n'a relevé aucune difficulté particulière. Vous dites qu'il faut faire confiance aux acteurs : je suis donc d'avis qu'on les écoute, puisque nous avons été saisis par eux. Les acteurs estiment que la modification proposée complexifierait les choses. Serions-nous là pour opérer un choc de complexification ?
À travers ce texte, on recherche la simplification. Or les parcours d'insertion ont peut-être souffert ces dernières années d'un manque de lisibilité du fait des spécificités des différents dispositifs. La rapporteure l'a dit : l'amendement AS389 vise à tenir compte de la particularité des associations intermédiaires en prévoyant une période de transition pour qu'elles s'adaptent au nouveau dispositif, qui sera commun à tous.
La commission rejette les amendements.
Elle en vient à l'amendement AS193 de M. Adrien Quatennens.
L'article 1er de la proposition de loi prévoit de dessaisir Pôle emploi au profit d'un « prescripteur », dont la liste sera fixée ultérieurement par décret. Nous souhaitons insister sur le fait que l'éligibilité des personnes à un parcours d'insertion doit être déterminée par une entité émanant de l'État. Par conséquent, nous proposons de préciser que ledit prescripteur doit être public. Cela permettrait d'éviter d'éventuels conflits d'intérêts entre structures privées. Cette précision nous paraît extrêmement importante.
. Votre proposition me gêne. En s'en tenant aux seuls établissements publics, on sort du champ les associations. Or ce sont souvent elles qui vont chercher les personnes dites « invisibles ». Je tiens à vous rassurer, Monsieur Quatennens : il ne s'agit pas de confier cette tâche à une agence privée ; mais si l'on ajoute le terme « public », je crains qu'on empêche les associations de faire un travail qu'elles accomplissent déjà. Avis défavorable.
Comprenons-nous bien : on parle là du prescripteur qui remplacera Pôle emploi, et non des structures qui embaucheront les chômeurs de longue durée bénéficiant du dispositif. Il s'agit d'évaluer l'éligibilité des personnes concernées. Il nous paraît important qu'en la matière, l'État aie son mot à dire ; il doit être le seul garant de cette éligibilité.
. Le texte dit que cela est apprécié soit lors du recrutement direct par une structure d'insertion, soit dans le cadre d'une prescription réalisée par un opérateur habilité par voie réglementaire. Ces habilitations se feront par arrêté préfectoral. Aujourd'hui, dans certains territoires, le préfet habilite d'ores et déjà des associations à faire ce travail. L'arrêté préfectoral est le garde-fou que vous réclamez : le préfet ne donnera pas d'habilitation à une agence privée. Nous parlons donc bien de la même chose – mais laissons aux associations la possibilité d'être habilitées : or ce ne sont pas des structures publiques.
Si c'est l'autorité préfectorale qui donne l'habilitation, il n'y a aucune difficulté à préciser que le prescripteur est public : libre au préfet de décider ensuite d'habiliter telle ou telle structure !
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques AS231 de M. Aurélien Taché et AS296 de M. Michèle de Vaucouleurs ainsi que l'amendement AS273 de M. Stéphane Viry.
Il s'agit d'une question de légistique. Le réseau Coorace, qui est très attentif, nous a fait remarquer que les structures de l'IAE étaient mentionnées à l'article L. 5132-4 du code du travail, et non à l'article L. 5132-2.
. Avis favorable aux amendements identiques et demande de retrait de l'amendement AS273 : inutile d'adopter trois amendements lorsqu'un suffit !
L'amendement AS273 est retiré.
La commission adopte les amendements AS231 et AS296. En conséquence, les amendements AS274 et AS275 n'ont plus d'objet.
La commission en vient à l'amendement AS389 de la rapporteure.
. Il s'agit de l'amendement que j'évoquais tout à l'heure, et qui vise à prévoir une période de transition et un accompagnement pour les associations intermédiaires à la suite de la suppression de la procédure d'agrément par Pôle emploi – suppression qui, je le souligne, était attendue par toutes les SIAE ! Cela permettra de rassurer les personnes que nous avons auditionnées.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS232 de M. Aurélien Taché et AS276 de M. Stéphane Viry.
La proposition de loi indique que la faculté de prolonger un CDDI conclu entre une entreprise d'insertion ou une association intermédiaire avec des salariés âgés de plus de 50 ans ou des travailleurs handicapés est dévolue au prescripteur ou, en cas de recrutement direct, à une SIAE. Or la structure qui décide de l'éligibilité peut être différente de celle qui conclut le contrat ; c'est une situation fréquente dans un groupe d'économie solidaire ou en cas de changement de SIAE, ce qui est facilité par le Pass IAE. Une telle précision pourrait ainsi être interprétée comme imposant que la prolongation du CDDI soit décidée par la SIAE qui a eu le projet d'embauche et non par celle qui emploie la personne au moment de la demande de prolongation. Mon amendement tend à y remédier.
L'amendement AS276, très attendu par les acteurs des SIAE, tend lui aussi à lever cette ambiguïté.
. Peut-être pourrons-nous avoir ce débat en séance publique... A priori, je ne suis pas d'accord avec vous : il me semble que c'est bien l'employeur du salarié qui est à même de savoir si l'on peut ou non prolonger le contrat. C'est pourquoi je préférerais que nous conservions la rédaction actuelle. Avis défavorable – mais j'examinerai la question avec les acteurs concernés d'ici à l'examen du texte dans l'hémicycle.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l'amendement de précision rédactionnelle AS277 de M. Stéphane Viry.
Puis elle adopte les amendements rédactionnels identiques AS372 de la rapporteure, AS1 de Mme Valérie Bazin-Malgras, AS233 de M. Aurélien Taché, AS278 de M. Stéphane Viry et AS297 de Mme Michèle de Vaucouleurs.
La commission adopte l'article 1er modifié.
Après l'article 1er
La commission examine les amendements identiques AS234 de M. Aurélien Taché et AS279 de M. Stéphane Viry.
La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel consacrait dans son article 28 la possibilité pour les structures d'insertion de conclure des contrats de professionnalisation. Or, dans sa nouvelle rédaction, l'article L. 5132‑3 supprime la possibilité pour les associations intermédiaires de mobiliser des contrats de professionnalisation dans le cadre de leur conventionnement IAE.
L'IAE n'a de sens que si le parcours de formation, qui peut passer par des contrats de professionnalisation, est efficient. Ce texte paraît revenir sur l'avancée consacrée par l'article 28 de la loi de 2018.
Notre intention n'est pas de supprimer cette possibilité, mais un doublon législatif. En effet, le code du travail prévoit déjà cette possibilité, pour toutes les entreprises, y compris les SIAE. Je vous demande de bien vouloir retirer ces amendements.
Les amendements sont retirés.
La commission est saisie de l'amendement AS292 de Mme Michèle de Vaucouleurs.
Les associations intermédiaires (AI) peuvent aujourd'hui proposer des durées de parcours supérieures à vingt-quatre mois en cas de mises à disposition hors secteur marchand. La rédaction actuelle de la proposition de loi pourrait remettre en cause cette possibilité et soumettre pleinement les AI au système remplaçant l'agrément. Je propose qu'un décret en Conseil d'État fixe les critères d'éligibilité de l'IAE.
Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement dans la mesure où nous travaillons, avec le Gouvernement, à une rédaction dénuée de toute ambiguïté.
L'amendement est retiré.
Article 2 : Création d'un contrat à durée indéterminée inclusion pour les seniors
La commission adopte l'amendement rédactionnel AS371 de la rapporteure.
Puis elle examine l'amendement AS145 de M. Boris Vallaud.
Cet amendement de repli prévoit que le Gouvernement remettra un rapport sur la possibilité d'abaisser l'âge d'éligibilité de 57 à 55 ans, âge préconisé par le Conseil de l'inclusion dans l'emploi et utilisé dans de nombreuses enquêtes officielles, dont celles de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, pour évaluer le taux d'emploi des seniors. Rappelons qu'en 2018, 60,2 % des 55 ans ou plus étaient sans emploi depuis au moins un an, contre 41,8 % pour l'ensemble des chômeurs de 15 à 64 ans.
Les personnes auditionnées ont aussi évoqué le fait que le pacte d'ambition mentionnait l'âge de 55 ans. Toutefois, le pacte d'ambition ne prévoyait pas de dérogation, alors que nous maintenons cette possibilité. Les dispositifs sont complémentaires et la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle nous a assuré que rien n'empêchera une personne de basculer d'un CDD vers un CDI inclusion senior à l'âge de 57 ans. Tous les CDD pourront être prorogés jusqu'au CDI inclusion senior. Enfin, ce seuil a été choisi dans une volonté d'harmonisation : le CDD senior, qui vise à faciliter le retour à l'emploi et l'acquisition de droits à la retraite supplémentaires, est lui aussi destiné aux chômeurs de plus de 57 ans.
Cet amendement, fort peu disruptif, se limite à la demande d'un rapport. Je le maintiens donc.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS226 de M. Aurélien Taché.
En février, il y avait 100 000 jeunes sans emploi ; en juillet, on en dénombrait 550 000. Alors que trouver un emploi sera déjà très difficile pour les jeunes qualifiés, ceux qui ne le sont pas et qui cumulent des difficultés sociales se précariseront davantage, d'autant qu'il n'existe pas de dispositif de protection sociale de type RSA pour les moins de 25 ans. Nous souhaitons, par cet amendement, créer le débat et proposons d'ouvrir le CDI inclusion à cette population, la première frappée par la crise.
Je suis sincèrement étonnée et ne comprends pas que vous puissiez proposer un tel amendement ! Ce dispositif est destiné à ceux qui arrivent en fin de parcours et ne peuvent plus s'insérer dans une entreprise classique. J'espère que, lors de leur passage dans une SIAE, les jeunes se voient offrir les moyens pour rebondir et intégrer une entreprise ! Il faut leur proposer un avenir autrement plus réjouissant que l'enfermement dans une situation de précarité ! Avis défavorable.
L'IAE permet d'obtenir des résultats et c'est bien sûr une insertion rapide que nous souhaitons aux jeunes. Mais certains d'entre eux sont très désocialisés et les parcours d'insertion classique ne fonctionnent pas. De tels cas se multiplieront avec la crise. L'amendement ne vise qu'à appeler l'attention sur cette situation.
Madame la rapporteure, vous êtes totalement déconnectée de la réalité du terrain. Malheureusement, beaucoup de jeunes sont en grande difficulté et si on a la possibilité de les insérer, il ne faut pas rater le coche !
Nous sommes tous conscients de la difficulté de certains publics jeunes à s'insérer ; le plan de relance contient d'ailleurs des mesures pour renforcer leur accompagnement. Mais il serait dommageable ici d'envoyer à la jeunesse un message contraire, en lui laissant croire qu'il est impossible de sortir d'un parcours d'insertion et que l'on peut être condamné sa vie durant à un CDI inclusion.
Autant j'ai voté l'amendement de Boris Vallaud sur le seuil de 57 ans – les autres amendements sur cette question ont été déclarés irrecevables –, autant je m'opposerai à celui-ci. Il ne faut pas dévoyer l'IAE, destinée à des chômeurs de longue durée qui, par nature, ont déjà rencontré le monde du travail mais ne parviennent pas à y retourner sans accompagnement. Nous avons tous conscience des difficultés qui frappent les jeunes – le plan de relance comporte des dispositifs spécifiques – et un débat, notamment sur l'efficience des missions locales, est à l'évidence nécessaire. Mais le sens et la philosophie de cet amendement ne correspondent pas à la vocation de l'IAE.
Malgré l'existence de dispositifs, comme la garantie jeunes, de nombreux jeunes éprouvent de grandes difficultés à s'insérer. J'ai créé il y a quelques années un chantier d'insertion : sa directrice m'explique que c'est précisément avec les publics les moins âgés qu'elle rencontre le plus de difficultés. Il est essentiel que cette population bénéficie d'un CDI inclusion.
Être connecté avec le terrain, c'est entendre les réseaux d'accompagnement qui s'occupent des jeunes : l'Union nationale des missions locales ne demande pas une telle disposition, mais elle se déclare très favorable au plan jeunes, dont il faudra suivre l'opérationnalité.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AS299 de Mme Michèle de Vaucouleurs.
Les SIAE sont bien évidemment favorables à la mise en place de ce CDI senior, mais elles s'inquiètent d'une possible embolisation du système. Il paraît important de préciser que le nombre de CDI senior qu'il est possible de conclure au sein d'une structure d'insertion fait l'objet d'un conventionnement avec la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), dans le cadre des dialogues de gestion.
Tout dispositif comporte des effets d'aubaine. Pour autant, votre préoccupation ne me paraît pas justifiée. La conclusion de CDI senior par une SIAE devra répondre à des critères stricts, définis par décret, en matière de difficultés sociales et professionnelles. Par ailleurs, l'aide au poste sera dégressive au terme des vingt‑quatre mois. Enfin, s'il devait y avoir des excès de recrutement en CDI senior, il y serait remédié dans le cadre du dialogue de gestion entre la SIAE et la DIRECCTE. Cet amendement est inutile et risque de limiter les CDI senior, ce qui serait contre-productif. Je vous demande de bien vouloir le retirer.
Il ne s'agissait pas de limiter les CDI senior, mais, par précaution, d'encadrer le dispositif. J'approfondirai cette question avec les acteurs de l'IAE d'ici la séance.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 2 modifié.
Article 2 bis (nouveau) : Réaffirmation de la règle de la triple exclusivité applicable aux entreprises de travail temporaire d'insertion
La commission examine l'amendement AS305 de M. Didier Baichère.
Cet amendement est le fruit de nos auditions et d'un travail avec la fédération des entreprises d'insertion. Il s'agit de rappeler expressément la triple exclusivité, en matière d'activité, de moyens et de publics de ces entreprises.
Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l'amendement.
Article 2 ter (nouveau) : Dérogation au plafond d'heures applicable aux associations intermédiaires
La commission examine, en discussion commune, l'amendement AS390 de la rapporteure ainsi que les amendements identiques AS146 de M. Boris Vallaud, AS236 de M. Aurélien Taché, AS284 de M. Stéphane Viry, AS294 de Mme Michèle de Vaucouleurs, AS306 de M. Didier Baichère et AS332 de Mme Claire Pitollat.
Les acteurs sont partagés sur le maintien du plafond des 480 heures applicable pour les mises à disposition de salariés en insertion dans le secteur marchand par les associations intermédiaires, mais le supprimer me paraît excessif. Cet amendement s'inspire d'une proposition contenue dans le pacte d'ambition : le préfet pourra autoriser une AI à déroger à cette règle pour une durée de trois ans renouvelable, sous réserve que les activités développées par la structure ne soient pas en concurrence avec des entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI) implantées sur le territoire. Je demande le retrait des amendements suivants, qui visent à supprimer le plafond, au profit de cette solution équilibrée, qui convient à l'UNAI.
Le plafond de 480 heures impose une limite sur la durée du parcours en entreprise, alors que le secteur privé offre le plus de débouchés à la sortie du parcours d'insertion. Si ce plafond a été créé pour éviter des distorsions de concurrence entre les associations intermédiaires et les entreprises de travail temporaire d'insertion, force est de constater que, sur beaucoup de territoires, il n'existe pas de concurrence entre ces deux structures. Il convient de remplacer ce plafond, applicable nationalement, par une négociation locale sur les conditions à respecter pour prévenir une éventuelle distorsion de concurrence. La marge de manœuvre laissée au préfet pour adapter le niveau de ce plafond sera définie par décret. Cet amendement répond à une problématique soulevée par le réseau Coorace, la Fédération des acteurs de la solidarité et l'UNAI.
Madame la rapporteure, vous avez donc repris la main, certainement dans une recherche de consensus, en vous appuyant sur la mesure 12 du pacte d'ambition. Il s'agit de soutenir le déploiement des AI, en introduisant souplesse et adaptation. J'approuve cette direction et retire mon amendement.
J'aurais préféré que cette dérogation soit à la main des DIRECCTE, qui connaissent bien les acteurs. Mais je me range volontiers à votre proposition, madame la rapporteure, d'autant que l'UNAI y souscrit.
Je retire aussi mon amendement au profit de celui de la rapporteure. Que la dérogation soit décidée par le préfet semble judicieux dans la mesure où c'est le même qui décide du nombre d'AI autorisées à s'implanter sur le territoire.
Les amendements AS284, AS294, AS306 et AS332 sont retirés.
La commission adopte l'amendement AS390. En conséquence, les amendements AS146 et AS236 tombent.
Après l'article 2
La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques AS239 de M. Aurélien Taché et AS285 de M. Stéphane Viry ainsi que l'amendement AS334 de Mme Claire Pitollat.
Nous proposons une expérimentation qui permettrait aux SIAE d'adapter les exigences légales en matière de dialogue social à la spécificité de leur organisation. Un parcours d'insertion est d'autant plus efficace que le salarié prend part à la vie de l'entreprise, via les organismes de représentation du personnel. Mais la durée moyenne de présence d'un salarié dans une SIAE est telle que le salarié se trouve écarté du dialogue social et ne peut être élu à des fonctions représentatives. Un tel amendement permettra de faire émerger des solutions pour adapter les règles du dialogue social.
On a l'habitude de répéter que « nul n'est inemployable ». C'est aussi une façon de dire que l'insertion par l'activité économique doit limiter la stigmatisation, en considérant les chômeurs de longue durée comme des professionnels. Cela implique qu'ils aient accès au dialogue social et puissent se projeter dans une vie professionnelle.
Il est en effet important que le salarié d'une SIAE puisse prendre fait et cause pour l'entreprise et s'intègre dans le dialogue social. Mais vos amendements soulèvent plusieurs questions : celle de l'expérimentation, d'abord, qui ne me semble pas la meilleure voie ; celle des seuils en matière de dialogue social, ensuite, puisqu'intégrer ces salariés dans le décompte du personnel pourra entraîner des contraintes nouvelles. L'idée est louable, mais il faudrait expertiser les conséquences d'une telle disposition. Je vous propose de travailler sur le sujet avec le Gouvernement d'ici la séance et vous demande de retirer vos amendements.
Des dispositions de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi vont dans ce sens, mais leur application n'a pas toujours été de soi dans certaines structures. On a peu progressé sur cette question ; elle mériterait d'être remise sur le métier.
Les amendements AS239 et AS334 sont retirés.
La commission rejette l'amendement AS285.
Article 3 : Expérimentation du contrat de travail renforcé à durée indéterminée
La commission est saisie des amendements de suppression AS105 de M. Jean-Paul Dufrègne et AS225 de M. Stéphane Viry.
Nous considérons que ce nouveau contrat de travail renforcé à durée indéterminée n'a de CDI que le nom.
Les couches de sédimentation législative recèlent divers contrats de ce type. Nous ne considérons pas cette solution comme opportune et surtout, nous pensons que ce nouveau contrat pourrait entrer en confrontation avec l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », qu'il s'agit précisément de renforcer par ce texte. Cela paraît mal ficelé et bien peu efficient.
Il s'agit de déployer, par la voie de l'expérimentation, un nouvel outil au service de la lutte contre la privation d'emploi et surtout pas d'opposer, en les hiérarchisant, les différents dispositifs.
Les acteurs que nous avons auditionnés n'ont pas exprimé d'opposition de principe à cet article, mais les interrogations qu'ils ont formulées nous ont poussés à proposer des amendements visant à limiter l'expérimentation afin, notamment, d'éviter toute concurrence avec l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Didier Baichère, à l'origine de cet article, affine le dispositif depuis le dépôt du texte et nous échangeons encore avec le Gouvernement sur cette question. Nous avons entendu vos remarques mais, à ce stade, supprimer l'article n'est pas la bonne option.
On se demande tout simplement ce que fait cette expérimentation de CDI renforcé dans une proposition de loi destinée à élargir l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » ! Le nombre d'amendements à cet article en témoigne, ce dispositif est mal ficelé et très flou. Il ne prévoit ni fonds de financement ni structure de pilotage ; les modalités de candidature des territoires volontaires, comme celles de l'évaluation de l'expérimentation, ne sont pas définies. S'agissant du financement, le dispositif risque d'entrer directement en concurrence avec celui de « territoires zéro chômeur de longue durée ».
Votre intuition n'est pas forcément mauvaise, mais vous n'êtes pas prêts et vous créerez davantage de problèmes que vous n'en résoudrez. Il serait bienvenu que vous retiriez cet article afin de le retravailler d'ici la séance – je doute que vous en ayez le temps – ou de trouver un autre véhicule législatif. N'entretenons pas une confusion qui serait préjudiciable à nos objectifs communs !
La vocation principale de ce dispositif est d'offrir un accompagnement particulier aux demandeurs d'emploi qui ne sont pas encore des chômeurs de longue durée. À partir du « pack de démarrage », ce diagnostic novateur proposé par Pôle emploi depuis le 1er septembre, les conseillers pourront proposer, s'il existe une difficulté, un tutorat et un accompagnement particulier pour entrer dans l'entreprise en CDI.
Ce dispositif, testé dans dix territoires, n'a pas vocation à en remplacer d'autres, mais il peut les compléter. Il n'a pas non plus de rapport direct avec « territoires zéro chômeur de longue durée ».
La commission rejette les amendements.
Puis elle adopte les amendements rédactionnels AS341, AS342 et AS344 de la rapporteure.
Elle en vient à l'amendement AS302 de Mme Michèle de Vaucouleurs.
De nombreux dispositifs favorisent l'insertion dans l'entreprise – préparation opérationnelle à l'emploi individuelle (POEI), contrat d'accompagnement dans l'emploi-passerelle (CAE-passerelle), contrat initiative emploi (CIE) – mais les publics les plus éloignés de l'emploi n'en bénéficient pas. Je propose donc de limiter l'accès à ce nouveau dispositif aux demandeurs d'emploi dont le diagnostic d'agilité professionnelle réalisé par Pôle emploi fait apparaître une fragilité au titre des compétences maîtrisées ou de la catégorie d'emploi exercée dont l'obsolescence sur le marché du travail est avérée – comme le prévoit le texte –, ainsi qu'aux publics précédemment en parcours au sein d'une SIAE.
Qu'il faille passer préalablement par une SIAE pour bénéficier d'un CDI renforcé ne revient-il pas à hiérarchiser les dispositifs ?
Il s'agit de préciser que les publics ayant réalisé un parcours au sein d'une SIAE sont également éligibles.
Je comprends votre démarche et il s'avérera peut-être nécessaire, une fois l'expérimentation à son terme et évaluée, de borner les publics éligibles. Mais il ne me semble pas pertinent de le faire dès le début de l'expérimentation, qui plus est pour un nombre limité de territoires.
La rédaction de votre amendement conduit à ôter aux jeunes de moins de 30 ans, aux demandeurs d'emploi de longue durée et aux allocataires du RSA le bénéfice de ce dispositif. Avis défavorable.
Je considère en effet que, dans le cadre de ce dispositif, ces publics n'intéresseront pas les entreprises. Je suis convaincue qu'il faut limiter les publics éligibles : réserver l'accès aux demandeurs d'emploi mentionnés à l'alinéa 7 ainsi qu'à ceux qui sortent d'une SIAE fait sens, car ils ont un parcours derrière eux.
Je comprends le sens de cet amendement, même s'il pèche par sa rédaction. Je vous propose de le retirer, afin d'y retravailler avec Didier Baichère et le Gouvernement d'ici la séance.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'amendement rédactionnel AS343 de la rapporteure.
Puis elle examine l'amendement AS147 de M. Boris Vallaud.
Il y a un problème d'articulation entre l'extension de l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » et la création d'un contrat de travail renforcé à durée indéterminée. Il n'y aurait rien d'infamant à retravailler ce dispositif, qui n'est pas prêt et qui risque d'entrer en concurrence avec l'expérimentation en cours. Nous ne savons rien de son financement et ignorons s'il dépendra du même fonds que l'expérimentation.
Nous proposons donc de n'ouvrir le CDI renforcé qu'aux demandeurs d'emploi de longue durée ne souhaitant pas participer à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».
Votre amendement est contraire à l'esprit du texte, qui vise précisément à ne créer aucune concurrence, ni aucune hiérarchie, entre les différents dispositifs. Par ailleurs, je me demande comment, concrètement, on pourra savoir que quelqu'un ne veut pas participer à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Avis défavorable.
Le texte prévoit que le fonds d'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée peut, s'il le souhaite, participer financièrement au nouveau dispositif. Au cours des auditions, nous avons constaté que même lorsqu'ils sont en CDI, les salariés en EBE ont souvent des difficultés à accéder à l'emploi classique. Nous avons pensé que le CDI renforcé pourrait constituer une passerelle entre l'EBE et le CDI dans une entreprise classique. C'est pourquoi nous avons voulu que le fonds puisse financer l'accompagnement vers le CDI renforcé.
Il importe de clarifier l'articulation entre les deux dispositifs. Vous êtes en train de bricoler quelque chose à coups d'amendements ; il serait plus raisonnable de retravailler votre proposition. Les acteurs concernés n'ont pas une opposition de principe à ce dispositif, mais il ne figurait pas dans le pacte ambition IAE. Il serait dommage de gâcher l'extension de l'expérimentation en lui adjoignant un dispositif qui n'est pas prêt.
Sur le fond, je crois que les deux dispositifs s'adressent à des publics très différents. Le CDI renforcé concerne des gens plus proches de l'emploi, tandis que l'EBE s'adresse à des personnes qui ont connu une rupture longue avec le marché du travail et qui ont besoin de plus de temps pour s'y réinsérer.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS315 de M. Didier Baichère.
Cet amendement de précision vise, à l'alinéa 8, à substituer aux mots « d'apprentissage » les mots « de formation ». Ce qui est proposé aux bénéficiaires du CDI renforcé, c'est une période de formation – le tutorat –, et non un contrat d'apprentissage.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS345 de la rapporteure.
Elle examine ensuite l'amendement AS310 de M. Didier Baichère.
Cet amendement vise à fixer par décret en Conseil d'État un plafond à la rémunération prise en charge au titre de l'allocation.
Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS185 de M. Joël Aviragnet.
L'amendement vise à plafonner le montant de l'allocation mensuelle attribuée aux employeurs ayant recours à un contrat de travail renforcé à durée indéterminée. Nous proposons un plafond à 760 euros bruts par mois, soit la moitié d'un SMIC brut mensuel pour un temps plein.
Nous voulons également appeler l'attention de la représentation nationale sur le fait que l'article 3 donne peu de détails sur la mise en œuvre de cette expérimentation.
On y croit ou on n'y croit pas. Mais si on y croit, il faut faire les choses correctement ! Or, 760 euros par mois, ce n'est pas suffisant pour inciter les employeurs à recourir à ce dispositif. Si on y croit, il faut assurer une rémunération correcte. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS184 de M. Joël Aviragnet.
Il vise à séparer le financement des contrats de travail renforcés à durée indéterminée du fonds d'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée. Ce fonds est chargé de financer une partie de la rémunération des emplois créés par les entreprises de l'économie sociale et solidaire participant à l'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée. Utiliser ce fonds pour financer d'autres dispositifs, en l'occurrence les CDI renforcés, n'est ni justifié, ni souhaitable. Cela aurait pour effet de ponctionner les financements destinés à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».
J'ai du mal à comprendre votre crainte. Nous ne créons aucune obligation : nous indiquons que le fonds peut financer le CDI renforcé, et non qu'il doit le faire. J'ai beaucoup échangé avec l'association Territoires zéro chômeur de longue durée sur ce point et je crois que toutes les craintes sont désormais levées. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
Nous avons, nous aussi, beaucoup échangé avec cette association et je ne crois pas que toutes les craintes aient été levées. En tout cas, il paraît logique, quand on crée un dispositif, d'en prévoir le financement. Or vous ne le faites pas. De plus, vous introduisez de la confusion dans le mode de financement des deux dispositifs.
Je suis prête à rediscuter de cette question avec les représentants de l'association ; je verrai si une autre solution doit être présentée en séance.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS170 de Mme Valérie Six, AS317 de M. Didier Baichère et AS148 de M. Boris Vallaud.
En toute logique, une convention ne peut pas déterminer la durée d'un contrat de travail dont la durée est... indéterminée ! Nous proposons donc de modifier la rédaction de l'alinéa 10 en précisant que la convention détermine les objectifs « du contrat de travail renforcé à durée indéterminée et la durée de sa période d'apprentissage ou de tutorat ».
Ces amendements sont assez semblables, mais j'ai une préférence pour celui de M. Didier Baichère car, à la différence des deux autres, il substitue au mot « apprentissage » le mot « formation ». J'invite donc Mme Valérie Six et M. Boris Vallaud à retirer leur amendement au profit de celui de M. Didier Baichère, qui est plus complet.
Les amendements AS170 et AS148 sont retirés
La commission adopte l'amendement AS317.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS346 de la rapporteure, et suivant l'avis favorable de la rapporteure, l'amendement rédactionnel AS318 de M. Didier Baichère.
Elle examine ensuite l'amendement AS149 de M. Boris Vallaud.
J'insiste sur le fait que l'article 3 donne peu de détails sur cette expérimentation. Alors que l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » fait l'objet d'une évaluation dont les modalités sont claires, l'article 3 renvoie à un décret. La représentation nationale, de ce fait, n'est pas suffisamment informée sur les objectifs de cette proposition de loi.
Il va de soi qu'une expérimentation doit faire l'objet d'une évaluation : ça tombe sous le sens. Je vous invite toutefois à retirer votre amendement au profit de l'amendement AS311 de M. Didier Baichère, qui proposera à la fois un suivi et une évaluation de l'expérimentation : cette formulation me semble plus complète.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS150 de M. Boris Vallaud.
Il s'inscrit dans le droit fil du précédent. Il serait de bonne politique de reprendre entièrement le chantier de cette expérimentation.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis favorable de la rapporteure, elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS316 et AS314 de M. Didier Baichère.
Elle examine ensuite l'amendement AS312 de M. Didier Baichère.
Je ne suis pas favorable à cette expérimentation. Comme mes collègues de l'opposition, je crains qu'elle ne fasse concurrence aux autres dispositifs existants, notamment l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » – même si elle ne concerne pas exactement le même public – ou certaines mesures du plan de relance. Je souhaiterais que l'on continue de débattre de cette question jusqu'à l'examen du texte en séance. Je ne voterai pas l'article 3.
Les amendements doivent servir à améliorer un texte, pas à l'inventer en séance ! Ce n'est pas sérieux. La loi qui a introduit l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » a été le fruit d'une longue maturation. Dans le contexte actuel, les acteurs ont, plus que jamais, besoin de clarté et de simplicité. Or ils ont du mal à savoir à quoi ressemblera le bébé que vous êtes en train de concevoir : cette gestation est un peu chaotique !
Il me semble que le rôle du rapporteur est précisément de présenter des amendements pour améliorer le texte, en tenant compte des auditions.
Je dis simplement que s'il y a autant d'amendements, s'il y a un tel besoin de rechapage, c'est parce que votre CDI renforcé est mal ficelé. Nous ne sommes pas opposés au principe d'une expérimentation ou à l'amélioration de l'existant, mais faisons-le dans le dialogue avec les territoires et les acteurs, et dans un débat parlementaire qui respecte le pluralisme. Nous sommes en train de construire quelque chose qui ne marchera pas et qui entravera ce qui fonctionne.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS311 de M. Didier Baichère.
L'amendement vise à introduire un suivi et une évaluation de l'expérimentation, à travers un rapport que le Gouvernement remettra chaque année au Parlement.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 3 modifié.
Après l'article 3
La commission examine l'amendement AS307 de M. Didier Baichère.
Au cours des auditions, les acteurs de l'inclusion économique ont déploré l'absence d'une coordination au niveau local. Pour répondre à leur demande, cet amendement propose de créer, lorsque cela paraît nécessaire, un « comité local de l'Insertion par l'activité économique ». Ce comité local n'a pas vocation à s'ajouter ni à se substituer à des structures déjà existantes.
Il est vrai que les acteurs que nous avons auditionnés nous ont dit qu'il manquait une coordination départementale. Pourtant, il existe déjà des conseils départementaux de l'IAE et, pour l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », des comités locaux pour l'emploi, qui travaillent très bien. On a donc tout ce qu'il faut sur le terrain, mais cela fonctionne mal.
Je vous invite à redéposer cet amendement en séance, pour que le Gouvernement s'engage devant la représentation nationale à relayer auprès des préfets la nécessité que les conseils départementaux de l'IAE se réunissent effectivement, et fréquemment.
Je retire mon amendement. Il est vrai que le service public de l'insertion et de l'emploi, qui est en cours de finalisation, répondra aussi à cette nécessité.
L'amendement AS307 est retiré.
Article 4 : Prolongation et extension de l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée »
Je souhaite faire un rappel au Règlement. De nombreux amendements émanant de tous les groupes, et dont certains portaient sur des questions majeures, comme la durée de l'expérimentation ou le nombre de territoires concernés, ont été jugés irrecevables au titre de l'article 40. Si nous voulons que cette loi soit le fruit d'un consensus, il faudrait, madame la rapporteure, que vous déposiez des amendements en séance pour relayer les préoccupations exprimées par nombre d'entre nous.
Comme M. Boris Vallaud, je déplore que deux des amendements que nous avons déposés à l'article 4 aient été déclarés irrecevables, alors qu'ils portaient sur des questions majeures.
La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques AS18 de M. Pierre Cordier, AS44 de M. Christophe Blanchet, AS151 de M. Boris Vallaud, AS186 de M. Jean-Paul Dufrègne, AS195 de Mme Danièle Obono, AS242 de M. Pierre Vatin ainsi que l'amendement AS80 de Mme Anne-Laurence Petel.
Je suis d'accord avec mes collègues. Vous avez rappelé que la loi de 2016 a été adoptée à l'unanimité, vous avez fait état de votre ouverture d'esprit et dit vouloir retrouver une belle unanimité autour de ce texte, mais l'article 40 s'est abattu lourdement sur certains de nos amendements...
La présente proposition de loi prévoit que la première loi d'expérimentation est abrogée une fois celle-ci adoptée. Cet amendement propose par conséquent de sécuriser le cadre expérimental des dix territoires engagés au titre de la première phase expérimentale en maintenant l'existence juridique du pilote de l'expérimentation qu'est le fonds d'expérimentation.
Cet amendement répond à une préoccupation de l'association Territoires zéro chômeur de longue durée. Comme je sais que vous tenez compte de son avis, je ne doute pas que vous soutiendrez notre amendement.
Je veux m'associer aux propos de mes collègues Boris Vallaud, Jean-Hugues Ratenon et Pierre Cordier au sujet des amendements jugés irrecevables, qui auraient pu donner une réelle ambition à cette proposition de loi.
Cet amendement vise à assurer la bonne continuité de l'expérimentation. En effet, la proposition de loi prévoit que la première loi d'expérimentation est abrogée, une fois celle-ci adoptée. Si nous ne contestons pas le bien-fondé de la démarche, il nous semble opportun de sécuriser le cadre expérimental des dix territoires engagés au titre de la première phase expérimentale en maintenant l'existence juridique du pilote de l'expérimentation qu'est le fonds d'expérimentation.
Cet amendement, qui émane de l'association Territoires zéro chômeur de longue durée, vise à pérenniser le pilotage et la gouvernance des dix territoires déjà concernés par l'expérimentation. Après le vote à l'unanimité sous la précédente législature, nous ne pouvons pas décevoir. Nombreux sont les territoires qui, dans le contexte actuel, souhaitent accéder à cette expérimentation : il faut les entendre.
Je veux commencer par rassurer tout le monde. Certes, l'article 40 a frappé – et j'y suis soumis comme vous – mais cela ne nous privera pas d'un débat sur le nombre de territoires concernés, ni sur la durée de l'expérimentation.
Je comprends que vous vouliez sécuriser les dix territoires qui ont commencé l'expérimentation il y a cinq ans. Mais ce que nous proposons, c'est de les intégrer dans la deuxième phase qui s'ouvre à présent. Nous assurerons la continuité du fonds d'expérimentation : il n'y aura aucun vide juridique.
L'article 5 prévoit déjà l'habilitation de droit pour les collectivités territoriales s'inscrivant déjà dans l'expérimentation. L'article 6 prévoit en outre une reconduction automatique des conventions conclues avec les entreprises à but d'emploi et je proposerai moi-même des dispositions qui sécuriseront parfaitement la transition, en ce qui concerne le fonds d'expérimentation.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer vos amendements.
La commission rejette les amendements identiques.
Puis elle rejette l'amendement AS80.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel AS364 de la rapporteure.
Puis elle examine, en discussion commune, l'amendement AS82 de Mme Anne-Laurence Petel ainsi que les amendements identiques AS21 de M. Pierre Cordier, AS160 de M. Boris Vallaud, AS202 de M. Jean-Paul Dufrègne, AS246 de M. Pierre Vatin et l'amendement AS47 de M. Christophe Blanchet.
Cet amendement propose de séparer le traitement des dix territoires déjà existants de la présente mesure de prolongation, afin de leur assurer une durée effective de cinq ans.
Les dix territoires concernés ont déjà mis en place l'ensemble du dispositif et n'ont donc pas besoin d'une période de rodage, ni de lancer l'intégralité du processus.
Si le texte prévoit la reconduction automatique des dix territoires habilités au titre de la première phase expérimentale, il ne saurait renvoyer à la première loi d'expérimentation pour les désigner car ils ne sont pas mentionnés dans la loi de 2016, mais dans le décret d'application.
Mon amendement vise à sécuriser les territoires déjà engagés dans l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».
Je vois que je ne suis pas arrivée à vous rassurer. Mais comment pouvez-vous penser que je veux empêcher les dix territoires de poursuivre leur expérimentation ? J'ai échangé longuement sur cette question avec l'association Territoires zéro chômeur de longue durée. Si nous avons choisi d'abroger la loi de 2016, c'est pour disposer d'une loi unique, qui intégrera évidemment les dix territoires déjà concernés par l'expérimentation en maintenant toutes les garanties dont ils disposent déjà, notamment les conventions passées avec les collectivités et avec le fonds d'expérimentation. Ces dix territoires sont déjà habilités de droit : il n'y a donc aucun problème.
Je veux bien admettre que la rédaction de cet alinéa est un peu douteuse, mais il est bien évident que je ne présente pas cette proposition de loi pour enterrer les dix premiers territoires !
La rédaction proposée par M. Christophe Blanchet me semble être la plus pertinente. Je vous invite donc à retirer vos amendements au profit de son amendement AS47.
Je confirme que la nouvelle loi reprendra l'ensemble du dispositif existant pour les dix territoires dont il est question.
En réalité, il s'agit une fois de plus de ce manège de la majorité, selon lequel c'est toujours l'amendement du collègue le meilleur. Je maintiens le mien. Par ailleurs, tout comme vous, madame la rapporteure, j'ai trouvé la rédaction initiale douteuse.
L'amendement AS82 est retiré.
La commission rejette les amendements identiques.
Puis elle adopte l'amendement AS47.
En conséquence, l'amendement AS363 n'a plus d'objet.
Monsieur Cordier, des administrateurs de l'Assemblée, que je remercie vivement pour leur précieux accompagnement, m'aident à définir la rédaction la plus adéquate. Il ne s'agit donc absolument pas d'un manège politique, étant donné que ce n'est pas moi qui ai proposé la meilleure rédaction ! Relisez bien votre amendement : vous supprimez l'alinéa au lieu de le remplacer.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS366 et AS367 de la rapporteure.
Elle examine ensuite les amendements identiques AS102 de M. Pierre Cordier, AS159 de M. Boris Vallaud, AS183 de M. Christophe Blanchet, AS227 de M. Paul Christophe et AS287 de M. Stéphane Viry.
Mon amendement de repli vise à demander un rapport au Gouvernement, afin d'envisager un déplafonnement du nombre de territoires concernés par l'expérimentation.
L'amendement vise à vous alerter de nouveau sur la nécessité de déplafonner le nombre de territoires concernés, alors que plus de cent vingt ont manifesté leur intérêt. Votre plafonnement est assez incompréhensible. Il est absolument nécessaire, au contraire, d'offrir de la liberté aux territoires, de faire le pari de la confiance et de mesurer l'urgence sociale. Connaissez‑vous les intentions du Gouvernement ? J'ai posé hier beaucoup de questions à Mme Borne, qui ne m'a répondu sur rien. Je sais le scepticisme de plusieurs ministres et conseillers face à cette expérimentation. Mais si la représentation nationale est convaincue de son bien‑fondé, nous devons peser pour que les certitudes du plus grand nombre l'emportent sur le scepticisme de quelques‑uns.
Environ cent vingt territoires se préparent à être habilités et sont, à cette fin, accompagnés localement et nationalement. Dans ma circonscription, la commune de Colombelles est territoire zéro chômeur de longue durée. On voit bien que le dispositif n'est efficace que s'il existe une volonté locale et un engagement fort des élus. Je trouve d'autant plus dommage de limiter l'extension de l'expérimentation à trente territoires, alors que l'on veut faire de la proximité et laisser la main aux élus locaux. En cinq ans, à Colombelles, le taux de chômage est passé de 24 % à 16 %. Dès que les élus s'engagent, nous devons être là pour les accompagner, lever les interdits et libérer leur énergie.
Pourquoi se limiter à quarante, si plus de territoires sont prêts ? Cela signifierait presque que l'on n'a pas tout à fait confiance dans le dispositif. Vous me voyez un peu gêné de faire la promotion d'un outil qui fonctionne, si on lui met un frein pour qu'il ne fonctionne pas trop...
Madame la rapporteure, j'ai hâte de connaître votre réponse à nos amendements, tant la question du nombre de territoires est importante. Si elle revient dans le débat, c'est pour donner un nouvel élan à l'expérimentation et aller vers la généralisation. L'absence d'élan ferait la preuve du manque d'ambition. Des députés de tous les groupes ont déposé des amendements pour augmenter le plafond des territoires éligibles, ce qui montre bien l'envie de faire du texte une vraie avancée législative. S'il ne devait y avoir que trente territoires retenus, le texte, trop étriqué, serait vidé de la force que vous voulez lui donner. Le rapport permettrait d'éclairer la représentation nationale. Alors que cent vingt projets sont arrivés à maturité, vous n'allez peut‑être en autoriser qu'un quart ! Cela n'est pas admissible. Je sais que votre position est compliquée, madame la rapporteure, et j'imagine que les discussions avec le Gouvernement doivent être ardues. Mais je ne voudrais pas que la représentation nationale soit prise au piège par un amendement du Gouvernement en séance qui fermerait l'expérimentation. Cela pourrait nous mettre en colère. Je vous invite à relayer notre position auprès du Gouvernement.
Nous y voilà ! Monsieur Vallaud, heureusement que la ministre ne vous a pas répondu hier. Cela aurait signifié la fin des discussions, sans même que je sois au courant. Par ailleurs, je ne peux vous laisser parler de scepticisme, alors que nous examinons la proposition de loi en session extraordinaire dans une semaine du Gouvernement. Si le Président de la République n'avait pas signé le décret nous autorisant à siéger, le texte n'aurait pas été examiné avant la fin de l'année. Nous avons tout fait pour l'examiner aujourd'hui et qu'il soit promulgué en temps et heure par rapport à la fin de la première expérimentation.
Monsieur Viry, bien sûr qu'il faut un élan. Mais l'élan ne signifie pas pour autant la généralisation. J'ai rencontré et auditionné des gens qui sont en train de préparer des projets. Certains se préparent même depuis cinq ans et ont créé des associations avec les collectivités. Tout le monde doit être autour de la table, évidemment ! Certains territoires sont prêts, d'autres le sont un peu moins, mais devraient être opérationnels en six mois, une fois l'habilitation accordée.
Il va sans dire que trente territoires supplémentaires ce n'est pas suffisant. J'aimerais que nous trouvions un consensus avant la séance : ou nous augmentons le nombre de territoires ou nous trouvons une autre solution. J'ai fait des propositions concrètes au Gouvernement, et les discussions se poursuivent. Je serai le relais de la majorité...
...et de l'opposition ! Il faut que le Gouvernement fasse aussi un effort. Ne croyons tout de même pas que nous irons jusqu'à cent territoires. Dans la mesure où il s'agit d'une deuxième phase de l'expérimentation, il faut rester au niveau du laboratoire, afin de disposer de meilleures évaluations, pour passer enfin, je l'espère, à la troisième phase, celle de la pérennisation du dispositif et de l'élargissement à tous les territoires volontaires. Autoriser cent projets supposerait qu'ils soient tous à maturité. Tenons-nous-en à une échelle raisonnable, avant d'envisager une pérennisation.
Je maintiens qu'il y a, au sein de l'exécutif, des sceptiques voire des opposants à cette expérimentation. Je ne donnerai pas de nom, mais je sais qu'il y a des adversaires de longue date au projet. Un bras de fer s'engage entre la représentation nationale qui est, dans sa grande majorité, favorable à un déplafonnement pour accueillir tous les dossiers prêts, dans un contexte de crise sociale aiguë, où les premiers frappés seront les derniers à bénéficier de la reprise, et le Gouvernement. Vous venez de dire, madame la rapporteure, que quarante ce n'était pas assez mais que cent c'était trop. Cela ne peut pas me convenir ! Au lieu de définir un chiffre, ce qu'il faut, c'est apprécier la maturité des projets et la mobilisation des acteurs, selon une logique de responsabilité et de confiance. Si vous tenez à être l'héritière, en quelque sorte, du texte adopté à l'unanimité en 2016, vous devez construire le consensus et engager un rapport de force avec le Gouvernement. Le Président de la République a signé le décret de convocation du Parlement en session extraordinaire, soit. Mais le Gouvernement aurait aussi pu faire de cette proposition de loi un projet de loi et le présenter plus tôt. Ne restons pas au milieu du gué.
À ma question sur le plafonnement des territoires concernés, la ministre m'a répondu que ce serait lié à la maturité des projets. Or un grand nombre de territoires ont des projets mûrs. Comment faire ? On a donné de l'espoir. Des gens travaillent à ces projets et des financements ont été dégagés. Nous devons tous pouvoir en profiter.
Je suis très étonné par votre approche. Il ne faudrait pas stopper des dynamiques qui ont souvent demandé beaucoup de temps et d'investissement de toutes sortes. On dit aux territoires de se prendre en main, et c'est bien ce qu'ils ont fait, en s'engageant et en innovant. Mais, subitement, parce que l'on serait le trente et unième on ne serait pas éligible. Comment l'expliquer ? Cela va jeter un trouble. Le critère ne doit pas être celui du nombre, forcément hasardeux et de ce fait irrecevable, mais bien de la maturité du projet. Le périmètre retenu participera aussi de la réussite de l'expérimentation. Le Gouvernement ne peut pas se contenter de discours : il doit envoyer des signes aux territoires.
Pour clarifier les choses, je veux indiquer que les députés du groupe La République en Marche apportent tout leur soutien au dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée ». Notre position est sans ambiguïté : cette expérimentation, nous la soutenons. Avec la rapporteure et Christine Cloarec-Le Nabour, nous nous battons pour que ce texte de loi voit le jour, dans le respect du calendrier imparti. Nous avons tous dans nos territoires des exemples, des expériences à mettre en avant, et nous voulons vraiment avancer dans cette direction.
Cela ayant été rappelé, le débat ne porte pas aujourd'hui sur la généralisation du dispositif ; il s'agit de produire une deuxième loi d'expérimentation. Il faut par conséquent que celle-ci ait une dimension raisonnable. Il faut aussi trouver une rédaction suffisamment souple pour que les territoires puissent évoluer avec une certaine liberté. Il n'y a pas aujourd'hui cent vingt territoires qui seraient prêts à se lancer dans une expérimentation, ce n'est pas vrai ; il y a des intentions en ce sens, et un dialogue engagé avec les élus locaux – ce qui est une très bonne chose. L'une des grandes réussites de l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », c'est ce dialogue engagé entre les élus locaux en vue de trouver une solution durable aux problèmes d'emploi sur leur territoire ; nous ne voulons surtout pas qu'il s'interrompe. En revanche, ne laissons pas croire que ce dispositif est la solution miracle pour tous les territoires ; il y a aussi des difficultés, et des échecs. Restons dans une démarche d'expérimentation, avec des laboratoires territoriaux, et cherchons une formulation qui permettrait de nous donner un peu d'air et d'intégrer éventuellement d'autres territoires au fil de l'eau. En tout cas, notre souhait est que nous y arrivions.
Cher collègue, vous nous dites qu'il n'y a aucune ambiguïté de la part de la majorité et du Gouvernement sur le sujet, que vous avez la volonté de bien faire et d'aller plus loin, mais personne ici n'a jamais dit le contraire ! Je prendrai un exemple concret : dans le bassin d'emploi de Revin, dans ma circonscription, des personnes se sont mobilisées et ont réussi à réunir plusieurs collectivités territoriales pour discuter du financement de projets, qui sont des projets aboutis ; si l'on dit à ces personnes, qui travaillent depuis des mois sur le sujet, dans un bassin d'emploi où, après un passé industriel faste, on frôle désormais les 20 % de chômeurs – et encore, c'était avant le début de la crise sanitaire – « Désolé, vous n'êtes pas retenus parce que le nombre de nouveaux territoires pouvant participer à l'expérimentation est plafonné à trente », j'appréhende leur réaction !
Il est nécessaire de se donner un peu d'air. Vous affirmez qu'il n'y a pas cent vingt territoires prêts ; c'est donc que leur nombre n'est pas si élevé que cela. La juste mesure doit se situer entre les deux grandeurs. Pourquoi ne pas se donner une marge de manœuvre ? Réfléchissez‑y, chers collègues de la majorité : si vous plafonnez le nombre de territoires à une trentaine alors qu'il y en a le double qui sont prêts, comment irez-vous expliquer aux personnes de bonne volonté qui œuvrent dans les territoires et aux collectivités territoriales qui veulent mettre de l'argent dans le dispositif qu'on ne les retient pas ? J'attends avec curiosité votre argumentaire !
Le critère principal doit être la maturité des projets. Il faut que, tout en restant dans le cadre de l'expérimentation, avec donc une durée limitée, on ait des projets suffisamment mûrs. Cela étant dit, il serait en effet dommage que des projets mûrs soient écartés. La remise d'un rapport d'ici six mois permettrait peut-être d'intégrer un certain nombre de projets supplémentaires qui pourraient être pris en compte dans l'évaluation de l'expérimentation.
Madame la rapporteure, je n'ai aucun doute sur le fait que vous êtes pleinement engagée en faveur de la poursuite et de l'élargissement de l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », et que l'exécutif l'est aussi – la preuve en est qu'elle est intégrée à la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Il reste que plafonner le dispositif à trente nouveaux territoires est une source de déception ; on ne peut en rester là. M. Baichère dit qu'il faut que l'expérimentation ait une « dimension raisonnable » – mais qu'est-ce que cela signifie ? Pour ma part, je ne sais pas ce qui est raisonnable quand il s'agit de prendre en charge des chômeurs de longue durée !
Il y a aujourd'hui cent vint candidats à l'expérimentation. Certes, le degré de maturité des projets est variable, mais l'expérience nous montre qu'en une ou deux années, on peut commencer à bien travailler. Et puis, cela représente en définitive à peine plus d'un dossier par département : ce n'est quand même pas irréaliste !
Il faudrait, à mon sens, travailler d'ici à l'examen du texte en séance publique, en prenant modèle sur ce qui se passe dans chacun des territoires parties prenantes au dispositif, en vue de trouver un consensus entre les acteurs concernés et parvenir à un chiffre qui convienne à tous.
Je voudrais vous remercier, madame la rapporteure, car vous avez bien compris que l'enjeu était de trouver le bon équilibre entre la crédibilité du dispositif et son caractère expérimental. Les délais sont certes réduits, mais je ne doute pas que vous saurez vous faire notre porte-parole auprès du Gouvernement pour promouvoir notre vision des choses. Fixer un plafond à quarante territoires me paraît brutal et déconnecté de la réalité ; si le Gouvernement proposait un amendement pour y remédier – vu que nous sommes pour notre part contraints par l'article 40 de la Constitution – chacun en serait grandi. Cela répondrait à notre volonté de faire confiance aux acteurs locaux, dans le cadre d'une démarche volontariste à destination de personnes vulnérables mais elles aussi volontaires. Ne brisons pas cet élan à cause d'un simple chiffre !
Fixer un nombre plafond me semble en soi problématique : cela remettrait en cause la nature même de l'expérimentation. Si l'exécutif – dont je ne doute pas de la bonne volonté – nourrit des inquiétudes en la matière, pourquoi les services de l'État ne valideraient-ils pas préalablement les projets qu'ils jugent arrivés à maturité ? Ils pourraient ainsi nous transmettre le chiffre à retenir, plutôt que nous mettions nous-mêmes un frein à la dynamique en cours, au risque de ne pas agir comme les représentants de nos concitoyens. Les DIRECCTE pourraient très bien accomplir, sur le terrain, un tel travail d'articulation entre la volonté de l'exécutif et celle des territoires.
Je n'ai pour ma part aucun doute sur le fait que vous allez mouiller le maillot, madame la rapporteure ! Vous le faites depuis longtemps sur le sujet, et vous avez clairement dit que vous pensiez qu'il fallait faire évoluer le dispositif. J'ai donc confiance en vous.
Ce que, pour notre part, nous devons faire, c'est nourrir votre argumentaire pour que nous puissions obtenir satisfaction auprès du Gouvernement. Le problème est de fixer à l'expérimentation la dimension idoine qui permette de prendre en considération la maturité des projets. On sait qu'il y a aujourd'hui cent vingt territoires candidats. Peut-être la solution serait-elle de fixer le plafond à cent vingt et de déterminer un délai pour la validation des dossiers ? Il y a actuellement cent vingt territoires dans lesquels associations, élus et entreprises mobilisent leur énergie en faveur de cette expérimentation ; et il ne faut pas oublier non plus ceux qui attendent qu'il se passe quelque chose : les demandeurs d'emploi de longue durée. On a donné à ces personnes l'espoir qu'elles pourraient peut-être voir le bout du tunnel. Si l'on fixe un plafond, je crains que cela ne crée beaucoup d'incompréhension et de déception, donc de la frustration, qui pourrait déboucher sur de la colère, chez celles et ceux qui n'auraient pas été retenus. Souvenons-nous que l'objet de ce texte est d'accompagner dans la réinsertion par le travail celles et ceux qui sont depuis très longtemps éloignés de l'emploi, avec toutes les conséquences bénéfiques que cela peut avoir sur les territoires, au plan de la santé ou de l'inclusion sociale, comme sur les individus – le fait de réexister, par exemple ; bref, autant de choses qui ne sont pas quantifiables, mais qui sont tangibles. Cela, les dix territoires déjà concernés par l'expérimentation peuvent en témoigner.
Je le dis haut et fort à mon tour : il n'est pas dans notre intention de briser l'élan en cours. Il faut cependant avoir conscience que ce dispositif n'est qu'un outil parmi d'autres. Les territoires ont à leur disposition des outils complémentaires, que nous avons d'ailleurs renforcés dans le cadre du pacte d'ambition, à commencer par les SIAE : les associations intermédiaires, les chantiers d'insertion, les entreprises d'insertion, les ETTI... Toutes ces structures s'adressent à des profils différents, et elles peuvent aussi être une solution pour des personnes privées d'emploi depuis plus d'un an.
Si le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » fonctionne effectivement bien dans certains territoires, et s'il existe des projets en préparation qui bénéficient de l'expérience de ceux qui ont déjà été mis en œuvre, il convient néanmoins de trouver un équilibre. Les collectivités territoriales peuvent très bien soutenir les structures de l'IAE et créer des chantiers d'insertion : territoires zéro chômeur de longue durée n'est pas le seul outil disponible ! J'ai même envie de vous dire qu'avant cela, il faudrait suivre les dispositifs destinés à lutter contre le chômage de longue durée. Certes, vous allez me répondre qu'il y a un stock et qu'avec la crise, il ne va pas se résorber, mais il convient d'actionner tous les leviers. Nous entrons aujourd'hui dans la deuxième phase de l'expérimentation ; dans leur rapport, les inspections générales ont préconisé un élargissement limité du dispositif afin de pouvoir mieux évaluer son modèle, en particulier économique – on ne parle pas des effets sur la personne, puisqu'il n'y a aucun doute : sur ce plan, c'est efficace. Ce qu'il faut faire maintenant, c'est voir plus loin et réfléchir de manière globale à l'insertion des chômeurs de longue durée grâce à tous les outils que nous avons à notre disposition et trouver les bons équilibres pour chaque territoire.
Je suis moi aussi favorable au déplafonnement du nombre de territoires concernés par l'expérimentation. Peut-être pourrait-on cependant réduire le délai pour la validation des projets. On laisse en effet trois ans pour candidater. Si cent vingt territoires sont d'ores et déjà intéressés, on pourrait envisager que dans l'année qui vient, les projets déjà mûrs seraient présentés ; cela permettrait de limiter sensiblement ce nombre.
J'avais d'autre part déposé un amendement visant à opérer un cadrage au regard du nombre d'équivalents temps plein concernés, plutôt que du nombre de territoires. En effet, la première expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » n'a pas consommé tous les crédits prévus : c'est donc que le nombre de salariés ne correspondait pas. Cela permettrait à tous les territoires intéressés de s'engager ; le premier arrivé serait le premier servi.
Madame la rapporteure, je veux tout d'abord vous remercier pour votre dynamisme et pour l'énergie que vous déployez à persuader le Gouvernement de revoir sa copie. Ne décevez pas les acteurs de terrain ! Cela fait cinq ans que de nombreux territoires sont prêts ; si l'on s'en tient à ce plafond de trente, ils risquent de ne pas en faire partie. Nous sommes tous favorables, quelle que soit notre appartenance politique, à une solution plus souple. Il faut ouvrir la porte aux territoires dont les projets sont déjà mûrs.
Il faut aussi prendre en considération les parcours de vie. Nous avons beaucoup parlé des seniors tout à l'heure ; on voit sur le terrain qu'ils sont très investis dans le dispositif. C'est pour eux un très bon outil d'insertion. Ne les décevez pas !
Je voudrais apporter un argument supplémentaire. On insiste beaucoup sur le fait qu'il ne faut pas sortir du cadre de l'expérimentation. Or le dispositif doit concerner, dans chaque territoire participant, 10 000 personnes environ. Si l'on retient une centaine de projets, cela représente entre 1 million et 1,5 million de personnes. Rapporté aux 67 millions d'habitants que compte la France, cela relève bien de l'expérimentation !
Je suis d'accord avec vous, madame la rapporteure : il faut en sortir, et si possible par le haut. Or il me semble qu'un consensus pourrait être trouvé autour de la notion de maturité du projet.
La ministre a déjà ouvert la porte à une telle solution hier et le texte même de la proposition de loi va dans ce sens, en permettant de déposer des candidatures dans un délai de trois ans. Cela signifie qu'il faut laisser vivre les projets, qu'il faut laisser la mobilisation collective se développer dans tous les territoires. Fixer un plafond de quarante territoires expérimentateurs irait contre l'esprit même du texte.
Tout en vous accordant ma confiance, car je sais que vous saurez défendre notre position auprès du Gouvernement, je serais d'avis que vous renforciez votre argumentation en faveur de la maturité des projets. Fixer un tel plafond est à la fois stupide et castrateur. Cela a été dit : imaginez la déception que cela provoquerait !
Ce serait d'autant plus incompréhensible que je trouve que ce texte est encore meilleur que le premier, parce que celles et ceux qui ont participé à sa rédaction ont tiré les leçons de ce qui avait été fait lors de la première expérimentation. Il semble donc évident qu'il y aura beaucoup plus que cent vingt candidatures, et c'est pourquoi il faut impérativement retenir le critère de la maturité du projet. Si des solutions pour l'emploi existent, il faut savoir les accueillir.
J'aurais souhaité répondre à chacun d'entre vous, mais je ne le pourrai pas faute de temps – cela se fera peut-être dans le cadre d'apartés.
Premier point : non, nous ne voulons pas briser l'élan qui a été donné.
Deuxième point : n'oublions pas que des rapports ont été remis, qui contiennent des recommandations. En tant que responsables politiques et législateurs, nous nous devons de les entendre. Or tous les rapports, y compris celui du comité scientifique, recommandent de continuer l'expérimentation, mais sans la généraliser et en la maintenant dans un périmètre raisonnable. Alors, que signifie « raisonnable », madame Petel ? C'est tout le débat. Il est certain que la notion de maturité du projet est importante. Toutefois, je ne suis pas sûre, monsieur Nadot, qu'il soit bon de passer par l'intermédiaire des DIRECCTE. Je sais par exemple qu'il existe un projet dans l'île de la Réunion, qui n'est pas encore tout à fait prêt et qui aura peut-être même besoin d'une adaptation spécifique ; il faudra encore un an et demi ou deux ans pour qu'il soit véritablement mûr. Or c'est important, l'outre-mer, et j'aimerais qu'on en parle aussi dans cette proposition de loi. Mais si l'on fixe un plafond en fonction du nombre de projets qui sont mûrs dès maintenant, on écartera ce type de projets. Ce serait à mon sens dangereux.
Il reste que la notion de maturité du projet sera peut-être l'argument qui nous permettra de sortir par le haut de cette difficulté. Quant aux éventuelles frustrations que cela engendrerait, je rappelle quand même que quand l'expérimentation a été lancée, au cours de la précédente législature, seulement dix territoires ont été retenus : combien de déçus a-t-on comptés à ce moment-là ! Il s'agit, je le répète, de poursuivre l'expérimentation, non de généraliser le dispositif.
Soyez en tout cas assurés que je vous ai toutes et tous entendus. De toute évidence, nous sommes en phase. Maintenant, comme on dit, « y'a plus qu'à » !
(Applaudissements.)
La commission rejette les amendements.
La réunion s'achève à treize heures vingt.
Présences en réunion
Réunion du mercredi 9 septembre 2020 à 9 heures 30
Présents. – Mme Stéphanie Atger, M. Joël Aviragnet, M. Didier Baichère, M. Belkhir Belhaddad, Mme Gisèle Biémouret, Mme Marine Brenier, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, Mme Josiane Corneloup, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, Mme Audrey Dufeu, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Catherine Fabre, M. Brahim Hammouche, Mme Monique Iborra, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, Mme Charlotte Lecocq, Mme Monique Limon, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, M. Bernard Perrut, Mme Bénédicte Pételle, Mme Claire Pitollat, M. Adrien Quatennens, M. Alain Ramadier, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Valérie Six, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vanceunebrock, Mme Michèle de Vaucouleurs, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, Mme Annie Vidal, M. Stéphane Viry
Excusés. – Mme Justine Benin, Mme Jeanine Dubié, Mme Claire Guion-Firmin, M. Patrick Mignola, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, Mme Corinne Vignon
Assistaient également à la réunion. - M. Thibault Bazin, Mme Valérie Bazin‑Malgras, M. Christophe Blanchet, Mme Annie Chapelier, Mme Fabienne Colboc, M. Paul-André Colombani, M. Pierre Cordier, Mme Virginie Duby-Muller, M. Sébastien Nadot, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Aurélien Taché