Quoique nous ne partagions pas les prémisses de l'exposant, nous voterons cette motion de rejet en raison d'une hostilité constante, depuis déjà plusieurs décennies, au projet qui sous-tend le moment, provisoire, que nous sommes en train de vivre. De la loi Devaquet à la loi LRU, en passant par toutes sortes de fantaisies de cette nature, sous la houlette de l'Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE – , qui n'a cessé de répéter qu'il fallait faire cette réforme, de la Commission européenne et de la stratégie de Lisbonne – pour ne citer qu'eux – , il n'est question que d'une chose en France – qui n'en veut pas – comme ailleurs : établir un marché de l'enseignement supérieur. Le coup de grâce est donné par le tirage au sort. C'est l'aboutissement d'une tendance qui vient de loin, car on ne fera croire à personne que, depuis dix-huit ans, quelque chose est moins bien documenté que le nombre d'élèves qui empruntent le parcours scolaire. Qu'on nous amène ici ceux qui sont responsables d'un tel désastre !
Comment a-t-on pu faire en sorte que cette richesse – l'intelligence de nos jeunes, la réussite de l'école française – se traduise par ce résultat qu'il y ait si peu de places disponibles ? On nous propose d'ajuster le nombre d'étudiants au nombre de places disponibles, alors que, pour notre part, nous voudrions faire exactement l'inverse. Ce qui est en train de se faire se nomme le « numerus clausus ». Il y en a déjà en médecine, on a vu le résultat. Et tout cela est emballé dans toutes sortes de considérations sur la personnalisation des parcours et autres sottises. Depuis quand un diplôme professionnalisant – les diplômes de l'enseignement supérieur le sont tous – doit-il être livré à l'appréciation d'un parcours ? Peut-être s'agit-il d'un parcours d'éveil ? Depuis quand un médecin élabore-t-il un parcours en fonction de ce qu'il a envie de faire à l'université ? Il le fait en fonction d'un référentiel. L'enseignement supérieur doit concourir à la richesse du pays en tirant parti de la disponibilité de la jeunesse qui vient en fac. La liberté de choisir personnellement les études que l'on fait se confond avec la liberté de choisir sa vie, et c'est contre cela que vous allez.