Intervention de Guillaume Chiche

Réunion du mercredi 30 septembre 2020 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Chiche, rapporteur :

C'est un réel plaisir de venir vous présenter une proposition de loi que j'ai déposée avec le groupe Écologie Démocratie Solidarité et qui vise à améliorer le congé de paternité.

L'article unique de cette proposition de loi propose de modifier à la fois la forme et le fond du dispositif instauré en 2002. Depuis cette date, en plus de trois jours d'absence autorisés dont bénéficient l'ensemble des salariés lors de la naissance d'un enfant, les pères se sont vu accorder un congé de paternité de onze jours, voire de dix-huit jours en cas de naissances multiples.

Contrairement à ce que sous-entend la sémantique actuelle, le congé de paternité ne concerne pas uniquement les hommes : depuis la loi de 2013, le parent qui ne porte pas l'enfant peut être une femme et donc en bénéficier. La dénomination « congé de paternité » est donc devenue impropre dans une société où l'égalité effective est constamment recherchée. D'autant plus qu'à la faveur de la première lecture du projet de loi relatif à la bioéthique, nous avons adopté l'ouverture à toutes les femmes de l'aide médicale à la procréation. Dès lors, il est délicat d'affirmer que la parentalité conserve une exclusive de genre, de sexe ou d'orientation sexuelle dans notre droit positif. C'est pourquoi le premier volet de cette proposition de loi vise à donner au congé de paternité la dénomination plus inclusive de « congé de parenté », de sorte que l'ensemble des parents soient reconnus comme tels.

Outre la terminologie, la proposition de loi s'attelle à repenser le fond du congé de paternité en l'allongeant de façon significative : à douze semaines en cas de naissance simple, à treize semaines en cas de naissances multiples. Une partie de ce congé serait obligatoire, pour une durée de huit semaines qui devraient nécessairement être prises dans les quatre mois suivant la naissance. Le caractère obligatoire nous paraît essentiel dès lors que plus de 30 % des pères ne recourent pas actuellement au congé de paternité auquel ils ont droit.

Le congé de paternité tel que nous le connaissons entraîne des disparités sur le marché du travail entre les femmes et les hommes ainsi qu'au sein de la sphère privée ; il apparaît fondamental de le réformer en instaurant une égalité réelle, tant sur le plan professionnel que sur le plan privé.

L'allongement du congé de parenté a pour finalité de créer une meilleure répartition au sein des couples de la charge mentale, physique et organisationnelle liée au mode de garde lors de l'arrivée d'un enfant, le plus souvent assumée exclusivement par la personne qui accouche. Aujourd'hui encore, une femme sur deux arrête de travailler ou passe à temps partiel dès l'arrivée du premier enfant ; selon l'Institut national de la statistique et des études économiques, les femmes gagnent toujours, en moyenne, 20 % de moins que les hommes, à compétences et à poste égaux. Le dispositif proposé permettrait de supprimer les fractures professionnelles dont souffrent de nombreuses femmes, et qui peuvent avoir des conséquences sur leur pouvoir d'achat au moment de la retraite, l'objectif étant d'aider l'ensemble des salariés et des fonctionnaires à concilier leur vie personnelle et leur vie professionnelle.

Cette proposition de loi aiderait à la fois à mettre un terme aux discriminations à l'embauche que les femmes subissent du fait de la capacité que leur sexe leur confère de porter un enfant, mais également à aplanir l'ensemble des inégalités qui existent entre les femmes et les hommes. Ainsi, selon le baromètre de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques publié en janvier 2019, la majorité des parents d'enfants de moins de 3 ans trouvent que le congé de paternité est trop court ; ils sont 63 % à souhaiter le voir allongé. De nombreuses entreprises ont pris les devants pour leurs salariés. Les employés d'Ubisoft et de L'Oréal ont ainsi droit à un mois de congé de paternité, et le groupe Aviva a porté à dix semaines ce congé. De leur côté, les organisations syndicales de salariés se sont unanimement prononcées en faveur d'un allongement de la durée du congé de paternité, dans une déclaration à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes en 2018.

Hormis les aspects d'égalité entre femmes et hommes, il importe de souligner que plus le congé de paternité est long, plus la sensibilité du père ou de la conjointe à l'enfant est grande. Dans le rapport que lui a commandé l'exécutif, qui aborde l'épanouissement et le développement de l'enfant, Boris Cyrulnik indique ainsi qu'il serait opportun d'allonger le congé de paternité à neuf semaines.

De fait, les comparaisons internationales mettent en évidence la brièveté relative du congé de paternité français. On peut même affirmer que la France connaît un important retard par rapport à ses voisins européens, nombreux à faire le choix d'étendre ce congé : en Espagne, il est passé à sept semaines ; les pères ont droit à cinquante-quatre jours de congés payés en Finlande et à dix semaines minimum en Norvège. Ces congés sont intégralement indemnisés, ce que préconise aussi cette proposition de loi. Il est en effet essentiel que les modalités d'indemnisation du congé de parenté continuent d'être alignées sur celles du congé maternité, à savoir une prise en charge intégrale par la sécurité sociale.

Le coût des dispositions contenues dans la proposition de loi est estimé à 2,4 milliards d'euros, sachant qu'en 2019, la branche famille était excédentaire de 1,5 milliard d'euros. Selon moi, nous aurions tout intérêt à utiliser ces excédents pour allonger le congé de parenté ici proposé plutôt que pour alimenter la Caisse d'amortissement de la dette sociale, qui vient d'être alourdie par le transfert de la « dette covid ».

Je termine mon propos en saluant l'engagement d'une grande partie des groupes. J'ai remarqué, à la faveur des amendements qui ont été déposés, qu'une grande partie d'entre vous est favorable à l'allongement du congé de paternité. Je m'en réjouis grandement pour l'égalité entre les femmes et les hommes et pour l'intérêt des enfants.

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