Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir invité à vous présenter le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale. Depuis ma nomination à la tête de la Cour, en juin dernier, c'est la première fois que j'ai l'occasion d'intervenir devant votre commission et j'en suis heureux. Mes fonctions passées, comme mes premières auditions en tant que premier président ou président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) m'ont jusqu'à présent conduit à dialoguer avec vos collègues de la commission des finances.
Je profite de cette audition pour vous faire part, comme je l'ai fait devant la commission des finances, de mon attachement profond à la mission d'assistance au Parlement, que la Constitution a confiée à la Cour. Cette mission est pour moi absolument essentielle. J'attacherai donc à la relation privilégiée qui nous unit une attention toute particulière pendant mon mandat, et viendrai à chaque fois que vous le souhaiterez, avec grand plaisir, vous présenter nos travaux.
Je crois d'ailleurs savoir, madame la présidente, que vous êtes familière, pour y être née, d'une ville chère à mon cœur, où j'ai longtemps été élu, la ville de Montbéliard. J'y vois un signe tout à fait favorable pour notre future coopération.
Je suis accompagné de plusieurs membres de la Cour : M. Denis Morin, président de la sixième chambre, Mme Michèle Pappalardo, rapporteure générale de la Cour, M. Stéphane Seiller, conseiller maître et le rapporteur de ce rapport, et M. Antoine Imberti, rapporteur adjoint. Je les remercie chaleureusement pour leur implication, ainsi que la vingtaine d'autres rapporteurs qui ont contribué à cet important travail.
Vous le savez, le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale est établi chaque année dans le cadre de la mission d'assistance de la Cour au Parlement. Mais cette année, vous l'imaginez, c'est dans un contexte tout à fait exceptionnel qu'il a été élaboré, celui de la crise multidimensionnelle et sans précédent que nous traversons depuis le mois de mars. Je précise toutefois que le rapport n'aborde pas la gestion de la crise sanitaire elle-même.
Il faut d'abord rappeler que dans ce contexte économique difficile, nos transferts sociaux ont joué et continuent de jouer un rôle essentiel pour amortir les conséquences de cette crise pour nos concitoyens, notamment en comparaison d'autres pays. Ce point nous rappelle la place qu'occupe la protection sociale dans notre pacte républicain.
Avant d'aborder le fond du sujet, je souhaiterais m'expliquer sur la transmission tardive du rapport. Le RALFSS sort chaque année avec les dernières hypothèses économiques et données financières ; or il se trouvent que nous les avons reçues le 29 septembre. Et le PLFSS n'a été envoyé que le 1er octobre. Nous avons considéré qu'il était de peu intérêt s'il était transmis au Parlement avec les hypothèses du mois de juin.
La situation à laquelle notre pays est aujourd'hui confronté est exceptionnelle, et l'impact de la crise actuelle sur la trajectoire de la sécurité sociale est tout à fait considérable. Je vous en donne tout de suite la preuve.
En 2020, le déséquilibre des comptes sociaux atteindra des niveaux historiques, avec un déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse s'élevant à 44,4 milliards d'euros. Il était de 28 milliards en 2010, à la suite de la crise financière.
Cette situation a conduit le Parlement à voter, l'été dernier, une nouvelle reprise de dette par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). Cette reprise est inédite par son montant, qui s'élève à 136 milliards, et a pour effet de prolonger l'existence de la CADES jusqu'à 2033.
L'année 2020 est donc un exercice absolument hors normes pour nos comptes sociaux. C'est dans ce contexte particulier et dans des conditions d'instruction difficiles, avec des administrations et des organismes extrêmement sollicités dans le champ sanitaire, que nos équipes ont travaillé pour permettre à la Cour d'apprécier la situation financière de la sécurité sociale.
Cette année, notre rapport porte un message simple : pour sauvegarder notre système de sécurité sociale, un maillon essentiel de cohésion et de solidarité de notre pays, nous devons progressivement reconstruire une trajectoire de retour à l'équilibre des comptes sociaux.
Même si la Cour considère comme légitimes les mesures qui ont été prises pour faire face à la crise sanitaire, la sécurité sociale ne peut être durablement financée par l'emprunt. Ce message n'est d'ailleurs que la déclinaison logique, dans le domaine de la sécurité sociale, de celui de la Cour dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques et de la position du HCFP dans ses derniers avis. La soutenabilité de la dette publique, qui comprend la dette sociale, est donc pour nous un enjeu tout à fait central.
Je reviendrai sur ces éléments dans la première partie de ma présentation.
Pour atteindre cet objectif, le contexte actuel de nos finances publiques ne nous laisse pas d'autre choix que d'agir sur la qualité et la sélectivité de la dépense sociale. La Cour formule en ce sens trois types de recommandations.
D'abord, agir sur les ressorts structurels de la dépense de sécurité sociale, notamment dans le champ de l'assurance maladie, sans réduire, bien entendu, la qualité de prise en charge des patients.
Ensuite, porter une attention plus grande aux publics défavorisés en ciblant mieux certaines prestations de solidarité et en prévenant les impacts sur ces publics des mesures générales de maîtrise de la dépense.
Enfin, poursuivre les efforts pour améliorer la qualité et l'efficience de la gestion des organismes de sécurité sociale pour permettre d'offrir un meilleur service aux usagers à un meilleur coût.
Je commencerai par la situation financière actuelle de la sécurité sociale, en la mettant en perspective avec sa trajectoire antérieure.
Depuis les années 1990, à l'exception d'une brève période au tout début des années 2000, la sécurité sociale connaît une situation déficitaire. Juste avant la récession de 2009, son déficit s'élevait à près de 9 milliards d'euros. En 2010, au plus fort de la crise, il a atteint un niveau alors inédit de près de 30 milliards. Le déficit a ensuite été réduit de manière continue, de sorte que l'équilibre a presque été atteint en 2018 et 2019. Cette trajectoire de redressement s'est ensuite infléchie. Je rappelle que la loi de financement pour 2020, votée à l'automne 2019, prévoyait un déficit de 5,4 milliards.
La rupture de la tendance régulière de retour à l'équilibre des comptes sociaux, observée dans les années précédentes, est donc antérieure à la crise sanitaire. Cette dernière, à son tour, a profondément dégradé leurs perspectives. En 2020, le déficit des comptes sociaux devrait atteindre, je le répète, le niveau exceptionnel de 44,4 milliards d'euros.
Ce déficit résulte essentiellement d'un choc sur les principales recettes de la sécurité sociale, lié aux conséquences du confinement et, dans une moindre mesure, aux dépenses supplémentaires, essentiellement au titre de l'assurance maladie.
Les recettes chuteraient de 27,3 milliards par rapport à la prévision pour 2020 de la dernière loi de financement de la sécurité sociale (LFSS). La masse salariale du secteur privé, qui constitue la principale assiette du financement de la sécurité sociale, diminuerait en effet de près de 8 % en 2020, contre une prévision de croissance de 2,8 % dans la LFSS 2020, ce qui entraînerait près de 22 milliards de pertes de recettes.
S'agissant des dépenses, elle sont pour la plupart directement liées à la crise sanitaire et provoquent une progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) de 7,6 %, contre 2,45 % prévus dans la LFSS 2020. Ce niveau est le plus élevé depuis la mise en place de l'ONDAM, en 1997. Selon le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale, l'assurance maladie supporterait un surcroît de 15 milliards du fait directement de la crise.
Ces dépenses comprennent, par exemple, des dotations supplémentaires à Santé publique France, notamment pour l'achat des masques, et aux établissements hospitaliers et services médico-sociaux, mais aussi des dépenses exceptionnelles d'indemnisation d'arrêt de travail, de réalisation de tests ou de compensation des pertes d'activité pour les professions libérales.
Je précise que ce surcroît de dépenses est compensé en partie par une baisse très forte, d'une part, de l'activité des professionnels de ville et, d'autre part, de la consommation courante de médicaments et de dispositifs médicaux, à hauteur de 4,5 milliards.
Dans tous les cas, l'impact de la chute brutale des recettes et de l'augmentation des dépenses sur la dette sociale est massif.
Au titre de la seule année 2020, la dette augmenterait en effet de quelque 30 milliards d'euros pour atteindre 145 milliards, sa réduction, intervenue entre 2016 et 2019, étant donc quasi effacée. Dans ce contexte, l'horizon d'extinction de la dette sociale a été reporté d'une décennie et demeure incertain. La décision de transfert de dette à la CADES que j'ai mentionnée a par ailleurs dû être prise sans visibilité précise sur la trajectoire financière de la sécurité sociale et sur les conditions à réunir pour amorcer un nouveau cycle de désendettement.
Or la crise sanitaire pourrait avoir une empreinte durable sur les comptes sociaux, en affectant le potentiel de croissance économique et donc le niveau des recettes de la sécurité sociale.
Dans ce contexte d'incertitude élevée, la définition d'une nouvelle trajectoire de référence du produit intérieur brut (PIB), à travers une loi de programmation des finances publiques (LPFP) que la Cour et le HCFP appellent de leurs vœux, est donc indispensable. Elle sera particulièrement utile pour mieux piloter l'évolution de nos finances sociales. Nous proposons de définir cette trajectoire au printemps 2021, en même temps que le programme de stabilité, non pas parce que la crise serait derrière nous, mais parce que nous espérons avoir une meilleure visibilité.
Distinguer le conjoncturel du structurel et l'exceptionnel de l'ordinaire est plus que jamais décisif pour la bonne gestion de nos finances publiques. Les dépenses engagées pour répondre à la crise sanitaire ne peuvent être discutées dans leur principe ; elles sont nécessaires.
J'insiste sur ce point, car après la conférence de presse que j'ai tenue ce matin, d'aucuns indiquaient que la Cour des comptes proposait de « tailler dans les dépenses sociales » ; il n'en est pas question. Il ne s'agit pas du tout de la philosophie de notre rapport. Cependant, nous devons, à moyen terme, retrouver un sentier soutenable – pensons aux générations futures.
Mais les dépenses pérennes appellent de leur côté un effort accru de sélectivité pour en améliorer la qualité et la pertinence. Sinon, le risque est d'accentuer l'écart structurel entre le niveau des recettes et celui des dépenses à financer. De la même manière, il sera important que les mesures de régulation des dépenses annoncées en 2021, à hauteur de 3,5 milliards, soient plus amplement documentées et fassent l'objet d'un suivi rigoureux dans leur mise en œuvre.
Face à la hausse des dépenses, l'augmentation nette des recettes affectées au financement de la sécurité sociale apparaît aujourd'hui peu envisageable. Les prélèvements obligatoires ont atteint 44,1 % du PIB en 2019, un niveau plus élevé que chez nos principaux partenaires européens.
Il n'apparaît pas non plus souhaitable, compte tenu de la trajectoire budgétaire très dégradée de l'État, de l'amputer de certaines de ses recettes pour les affecter à la sécurité sociale, ou de lui faire porter la charge de nouvelles dépenses sociales à la place de cette dernière.
Remettre les finances sociales sur la voie de l'équilibre structurel et assurer la soutenabilité de notre dette sociale n'offre donc pas d'autre option, selon nous, que de définir une nouvelle trajectoire de dépenses.
Le Parlement a arrêté l'été dernier le principe de désendettement de la sécurité sociale à hauteur des déficits cumulés sur la période 2020-2023, en limitant ce désendettement à 92 milliards. La Cour relève toutefois que la trajectoire de solde figurant au PLFSS 2021 conduirait à ce qu'apparaisse un nouvel endettement cumulé de l'ordre de 29 milliards à la fin de l'année 2023, et de près de 50 milliards à la fin de l'année 2024.
Cette perspective présente pour nous le risque de mettre en place un mode de financement permanent de la sécurité sociale par la dette. Or j'ai déjà eu l'occasion de le dire, la soutenabilité de notre dette publique doit être le pilier de notre future stratégie financière.
Nous devons donc identifier les leviers qui permettraient de remettre les comptes de la sécurité sociale sur la voie de l'équilibre, en agissant sur la qualité de la dépense. Ce sera l'objet de la seconde partie de mon propos.
Face à cette situation particulière, nous avons analysé les enseignements tirés du passé. Les résultats obtenus ces dernières années par les différentes branches dans la maîtrise de leurs dépenses sont globalement positifs et doivent être soulignés, mais ils ne sont pas encore suffisants et, surtout, ils diffèrent entre branches.
Du côté de la branche famille, la maîtrise des dépenses a été facilitée par l'inflexion de la natalité depuis 2014, mais aussi par des mesures reposant sur des choix clairs, qui ont visé à aider en priorité les familles les moins favorisées. Les pouvoirs publics ont visé un double objectif de rigueur et d'équité.
Le système de retraite a, de son côté, connu cinq réformes d'ampleur entre 1993 et 2014, qui ont touché les retraites de base. En plus des hausses des cotisations, ces réformes ont agi sur l'âge de départ à la retraite, sur la durée des cotisations et sur le niveau des pensions. Ces réformes ne suffisent pas à assurer à l'horizon de la fin de la décennie l'équilibre du système, mais elles ont ramené l'évolution des dépenses à un rythme proche de celui du PIB. Il faut le souligner.
Les dépenses d'assurance maladie, enfin, ont vu leur progression significativement ralentie. L'ONDAM rapporté au PIB a, en effet, été stabilisé à champ constant, autour de 8,3 % ces dernières années, et son respect, avant la crise sanitaire, était assuré depuis 2010. La progression de l'ONDAM depuis 2016 a toutefois été fortement desserrée, au-delà de l'objectif de 2,3 % prévu par la LPFP 2018‑2022.
Après un relèvement en 2019 pour la stratégie « Ma santé 2022 », la crise des urgences puis la crise hospitalière ont conduit en 2020, avant l'épidémie, à fixer un taux de 2,45 %. Le PLFSS 2021 entérine de son côté une révision majeure de l'ONDAM pour 2020, porté à 7,6 %.
Pour la Cour, ces évolutions soulignent les limites de la maîtrise des dépenses de santé reposant seulement sur l'ONDAM. Ne vous méprenez pas, ce dernier reste indispensable et nous estimons d'ailleurs qu'il est nécessaire de développer, pour les professionnels de santé libéraux, des outils analogues à ceux qui existent pour les établissements de santé.
Mais ce pilotage ne peut suffire à organiser une maîtrise durable des dépenses de santé qui soit à la hauteur, à la fois des besoins de nos concitoyens et des exigences d'équilibre que j'ai rappelées. En clair, la contrainte financière seule, sans rénovation du système, ne suffit pas.
Le retour sur un chemin d'équilibre de l'assurance maladie nécessite donc des actions structurelles. La Cour a déjà fourni un certain nombre de pistes par le passé. Cette année, nous fournissons trois grandes illustrations.
La première concerne les groupements hospitaliers de territoire (GHT). La réforme de la coopération hospitalière de 2016 visait à améliorer l'accès de la population à des soins de qualité et à rechercher une gestion plus économe, par des mutualisations ou des transferts d'activité entre hôpitaux d'un même groupement. Notre enquête montre que cette réorganisation est encore incomplète et qu'elle doit être poursuivie. Nous préconisons donc de revoir le découpage territorial de plusieurs GHT et de généraliser la mise en place de directions communes.
La deuxième illustration que nous développons concerne la simplification du système de financement des activités hospitalières, notamment les dotations dites pour missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) et les fonds d'intervention régionaux (FIR) dont disposent les agences régionales de santé (ARS) pour financer les actions de santé publique d'intérêt régional.
Ces deux sources de financement représentaient en 2019 un total de près de 11 milliards d'euros. La simplification de ces dispositifs et une répartition plus claire des responsabilités dans l'attribution de ces financements entre l'administration centrale et les ARS sont à nos yeux indispensables.
La troisième illustration sur laquelle nous avons travaillé pour agir sur les ressorts structurels de la dépense de santé a trait aux dispositifs médicaux. Ces derniers concernent un vaste ensemble de produits et de services, allant du simple pansement aux dispositifs implantables de haute technologie, qui peuvent être fournis ou prescrits à l'occasion d'un soin.
Ils sont utilisés dans un nombre croissant de maladies, avec une dépense correspondante évaluée à 15 milliards d'euros, en progression d'environ 4 % chaque année, soit plus vite que l'ensemble des dépenses retracées dans l'ONDAM. Jusqu'à présent, les mesures de maîtrise ont principalement porté sur les prix de ces dispositifs. Il conviendrait désormais d'agir aussi sur la pertinence de la prescription, sur l'optimisation des achats par les établissements de santé et sur la lutte contre les abus et les fraudes, en inscrivant ces actions dans un cadre pluriannuel.
Voici quelques exemples de champs dans lesquels des efforts de maîtrise et de sélectivité des dépenses sociales sont possibles. D'autres existent, bien sûr. Dans tous les cas, nous pensons qu'il est essentiel, dans la mise en œuvre de ce type de mesure, de respecter une exigence de solidarité. Ce point est fondamental, car ces efforts doivent être adaptés à la situation de chacun, et en particulier à celle de nos concitoyens défavorisés. Plusieurs chapitres du rapport illustrent aussi la nécessité de mieux cibler certaines prestations de solidarité.
J'ai cité les choix réalisés dans la gestion des prestations familiales, qui ont été particulièrement clairs en faveur des familles défavorisées. Le montant du complément familial a, par exemple, augmenté de 39 % depuis 2013, avec une majoration supplémentaire pour les familles nombreuses les plus modestes.
En matière de retraites, plusieurs mesures ont cherché à atténuer les effets des réformes successives pour les faibles pensions, comme la majoration du minimum contributif au titre des trimestres cotisés en 2004, ou à la mise en place à partir de 2010 de mesures en faveur des carrières longues. Mais des mesures telles que l'indexation des salaires utilisée pour le calcul de la retraite sur les prix favorisent les assurés à carrière pleine et ascendante et peuvent pénaliser ceux qui ont subi des périodes de chômage ou touchés des salaires plus faibles.
Les pensions de retraite prévoient cependant des dispositifs de minima, très importants pour nos concitoyens qui perçoivent une très petite retraite. Ces minima sont des mécanismes de solidarité internes aux régimes de retraite, qui visent à porter à un montant minimum la pension servie à certains de leurs assurés, sous certaines conditions. Ils interviennent en amont du minimum vieillesse et concernent aujourd'hui environ un nouveau retraité sur cinq, avec une majoration de pension entraînée qui représente une moyenne de 130 euros par mois pour les assurés du régime général ou pour les fonctionnaires qui en bénéficient. Ils représentent au total 8,7 milliards d'euros de versements en 2018.
Nous avons toutefois observé que la finalité de ce dispositif avait évolué et devait faire l'objet d'une clarification. Conçu historiquement pour augmenter la retraite de salariés ayant eu une carrière complète, le minimum contributif (MICO) du régime général bénéficie aujourd'hui principalement à des personnes ayant des carrières à temps partiel ou incomplètes.
Enfin, et surtout, la Cour a relevé la complexité des dispositifs de minima existants, qui conduit à ce que près d'un demi-million de personnes ayant pris leur retraite voient leur dossier rester durablement en attente de règlement définitif. Nous préconisons donc de procéder, dans les meilleurs délais, aux différentes harmonisations qui permettront de garantir à l'ensemble des bénéficiaires la perception définitive des montants qui leur sont dus.
L'exigence de solidarité implique aussi, du côté de la branche famille, d'accroître l'efficacité des dépenses d'action sociale. Aux côtés des prestations familiales, les caisses d'allocations familiales (CAF) apportent en effet un soutien financier et technique au développement des services et d'équipements destinés aux familles, notamment des crèches et des centres de loisir. Ce soutien est donc très important.
La branche famille n'a cependant pas pu atteindre les objectifs fixés de création de 100 000 places de crèche, avec un taux de réalisation de 63 %. Par ailleurs, les inégalités territoriales persistent, faute notamment d'évaluation suffisamment fine des besoins. L'importance des financements publics mobilisés, qui représentaient 5,8 milliards d'euros en 2019, soit plus de 1 milliard qu'en 2012, justifie selon nous d'apporter à ces dispositifs les améliorations indispensables pour offrir aux familles un service de qualité sur l'ensemble du territoire.
Mais il convient également de faire progresser la qualité et l'efficience de la gestion des organismes de sécurité sociale. Il s'agit de notre dernière orientation.
Il convient d'abord de réduire le nombre et le montant des erreurs affectant le versement des prestations sociales. Dans le cadre de la certification des branches du régime général, la Cour examine chaque année le degré de conformité des prestations versées aux règles de doit applicables.
Pour l'exercice 2019, ces travaux font état d'un montant d'erreurs à caractère définitif d'au moins 5 milliards d'euros, toutes branches confondues, que ces erreurs soient au détriment des finances sociales – comme c'est le cas, par exemple, pour 90 % des erreurs affectant les prises en charge de frais de santé – ou à celui des bénéficiaires des prestations, comme les deux tiers des erreurs affectant le versement des retraites. Ces anomalies résultent, soit des données déclarées par les bénéficiaires, soit des opérations de gestion effectuées par les caisses de sécurité sociale elles-mêmes.
La fréquence et la portée financière des erreurs sont en nette progression ces dernières années. La portée financière de erreurs liées aux données déclarées pour les prestations versées par la branche famille a, par exemple, atteint 3,4 milliards d'euros en 2018, contre 2 milliards en 2014.
La Cour recommande donc d'accroître l'automatisation des processus de gestion et de dématérialiser les déclarations, pour éviter de verser des prestations non conformes à la réglementation. Comme nous l'avons souligné dans notre communication au Sénat sur la lutte contre la fraude aux prestations sociales, il convient aussi de fermer les possibilités systémiques de fraude et de renforcer les contrôles a posteriori, avec des effectifs plus importants.
Notre rapport évoque enfin, avec différentes recommandations à l'appui, la nécessité d'adapter l'organisation des branches de régime général et de moderniser la gestion du recouvrement social par le réseau des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales.
Pour conclure, je souhaiterais à nouveau insister sur le message principal du rapport, à savoir la priorité donnée, face à la crise sanitaire, au soutien de notre système de santé. Mais dès que les circonstances le permettront, il est impératif de remettre rapidement la sécurité sociale sur un chemin d'équilibre financier durable pour assurer la soutenabilité de la dette sociale et pour éviter de pénaliser les générations futures. Des adaptations en profondeur seront nécessaires, et plus elles seront différées, plus elles seront difficiles à mettre en œuvre.