Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 7 octobre 2020 à 14h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 7 octobre 2020

La séance est ouverte à quatorze heures trente.

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Mes chers collègues, nous entamons cet après‑midi nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2021, dont la première lecture nous conduira jusqu'au vote solennel, le 27 octobre.

M. Pierre Moscovici, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation. C'est pour nous la première occasion que nous avons d'échanger avec vous depuis votre nomination dans vos fonctions.

Comment vous le savez, le rapport de la Cour des comptes est toujours attendu avec impatience. Il s'est d'ailleurs fait attendre, puisque les députés ici présents en ont été destinataires ce matin. J'espère que chacun aura eu le temps d'en prendre connaissance, malgré le délai très contraint.

En termes de calendrier, la commission n'avait d'autre choix que de vous entendre cet après-midi ; la présentation du PLFSS par les ministres aura lieu immédiatement après votre audition. Je suis consciente que vous devez, monsieur le premier président, avoir des contraintes qui vous ont également conduit à choisir cette date de présentation du rapport. Peut-être pourrez-vous nous préciser selon quel calendrier se déroulent vos travaux.

Vous l'aurez compris, monsieur le premier président, ces interrogations illustrent tout l'intérêt que portent les commissaires des affaires sociales aux analyses de la Cour et leur volonté légitime de pouvoir en prendre connaissance dans les meilleurs délais.

En effet, pour l'ensemble des commissaires des affaires sociales, ce rapport relatif à l'application des lois de financement de la sécurité sociale (RALFSS) représente une source d'informations essentielles qui nourrira sans aucun doute nos travaux pour le prochain PLFSS.

C'est un rapport qui demeure traditionnel, car il se conforme aux dispositions organiques qui confient à la Cour le soin d'émettre un avis sur la cohérence des tableaux d'équilibre et du tableau patrimonial de la sécurité sociale pour l'exercice clos. Nous y retrouvons également, comme chaque année, un certain nombre d'études thématiques concernant l'ensemble du champ de la sécurité sociale, comme les groupements hospitaliers de territoires, les minima de pensions ou l'action sociale de la branche famille. Sans doute détaillerez-vous certaines d'entre elles.

Mais ce rapport s'est également adapté au caractère tout à fait exceptionnel de la situation que traverse la sécurité sociale en procédant à une analyse très éclairante de l'impact de la crise sanitaire sur les finances sociales.

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Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes

Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir invité à vous présenter le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale. Depuis ma nomination à la tête de la Cour, en juin dernier, c'est la première fois que j'ai l'occasion d'intervenir devant votre commission et j'en suis heureux. Mes fonctions passées, comme mes premières auditions en tant que premier président ou président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) m'ont jusqu'à présent conduit à dialoguer avec vos collègues de la commission des finances.

Je profite de cette audition pour vous faire part, comme je l'ai fait devant la commission des finances, de mon attachement profond à la mission d'assistance au Parlement, que la Constitution a confiée à la Cour. Cette mission est pour moi absolument essentielle. J'attacherai donc à la relation privilégiée qui nous unit une attention toute particulière pendant mon mandat, et viendrai à chaque fois que vous le souhaiterez, avec grand plaisir, vous présenter nos travaux.

Je crois d'ailleurs savoir, madame la présidente, que vous êtes familière, pour y être née, d'une ville chère à mon cœur, où j'ai longtemps été élu, la ville de Montbéliard. J'y vois un signe tout à fait favorable pour notre future coopération.

Je suis accompagné de plusieurs membres de la Cour : M. Denis Morin, président de la sixième chambre, Mme Michèle Pappalardo, rapporteure générale de la Cour, M. Stéphane Seiller, conseiller maître et le rapporteur de ce rapport, et M. Antoine Imberti, rapporteur adjoint. Je les remercie chaleureusement pour leur implication, ainsi que la vingtaine d'autres rapporteurs qui ont contribué à cet important travail.

Vous le savez, le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale est établi chaque année dans le cadre de la mission d'assistance de la Cour au Parlement. Mais cette année, vous l'imaginez, c'est dans un contexte tout à fait exceptionnel qu'il a été élaboré, celui de la crise multidimensionnelle et sans précédent que nous traversons depuis le mois de mars. Je précise toutefois que le rapport n'aborde pas la gestion de la crise sanitaire elle-même.

Il faut d'abord rappeler que dans ce contexte économique difficile, nos transferts sociaux ont joué et continuent de jouer un rôle essentiel pour amortir les conséquences de cette crise pour nos concitoyens, notamment en comparaison d'autres pays. Ce point nous rappelle la place qu'occupe la protection sociale dans notre pacte républicain.

Avant d'aborder le fond du sujet, je souhaiterais m'expliquer sur la transmission tardive du rapport. Le RALFSS sort chaque année avec les dernières hypothèses économiques et données financières ; or il se trouvent que nous les avons reçues le 29 septembre. Et le PLFSS n'a été envoyé que le 1er octobre. Nous avons considéré qu'il était de peu intérêt s'il était transmis au Parlement avec les hypothèses du mois de juin.

La situation à laquelle notre pays est aujourd'hui confronté est exceptionnelle, et l'impact de la crise actuelle sur la trajectoire de la sécurité sociale est tout à fait considérable. Je vous en donne tout de suite la preuve.

En 2020, le déséquilibre des comptes sociaux atteindra des niveaux historiques, avec un déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse s'élevant à 44,4 milliards d'euros. Il était de 28 milliards en 2010, à la suite de la crise financière.

Cette situation a conduit le Parlement à voter, l'été dernier, une nouvelle reprise de dette par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). Cette reprise est inédite par son montant, qui s'élève à 136 milliards, et a pour effet de prolonger l'existence de la CADES jusqu'à 2033.

L'année 2020 est donc un exercice absolument hors normes pour nos comptes sociaux. C'est dans ce contexte particulier et dans des conditions d'instruction difficiles, avec des administrations et des organismes extrêmement sollicités dans le champ sanitaire, que nos équipes ont travaillé pour permettre à la Cour d'apprécier la situation financière de la sécurité sociale.

Cette année, notre rapport porte un message simple : pour sauvegarder notre système de sécurité sociale, un maillon essentiel de cohésion et de solidarité de notre pays, nous devons progressivement reconstruire une trajectoire de retour à l'équilibre des comptes sociaux.

Même si la Cour considère comme légitimes les mesures qui ont été prises pour faire face à la crise sanitaire, la sécurité sociale ne peut être durablement financée par l'emprunt. Ce message n'est d'ailleurs que la déclinaison logique, dans le domaine de la sécurité sociale, de celui de la Cour dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques et de la position du HCFP dans ses derniers avis. La soutenabilité de la dette publique, qui comprend la dette sociale, est donc pour nous un enjeu tout à fait central.

Je reviendrai sur ces éléments dans la première partie de ma présentation.

Pour atteindre cet objectif, le contexte actuel de nos finances publiques ne nous laisse pas d'autre choix que d'agir sur la qualité et la sélectivité de la dépense sociale. La Cour formule en ce sens trois types de recommandations.

D'abord, agir sur les ressorts structurels de la dépense de sécurité sociale, notamment dans le champ de l'assurance maladie, sans réduire, bien entendu, la qualité de prise en charge des patients.

Ensuite, porter une attention plus grande aux publics défavorisés en ciblant mieux certaines prestations de solidarité et en prévenant les impacts sur ces publics des mesures générales de maîtrise de la dépense.

Enfin, poursuivre les efforts pour améliorer la qualité et l'efficience de la gestion des organismes de sécurité sociale pour permettre d'offrir un meilleur service aux usagers à un meilleur coût.

Je commencerai par la situation financière actuelle de la sécurité sociale, en la mettant en perspective avec sa trajectoire antérieure.

Depuis les années 1990, à l'exception d'une brève période au tout début des années 2000, la sécurité sociale connaît une situation déficitaire. Juste avant la récession de 2009, son déficit s'élevait à près de 9 milliards d'euros. En 2010, au plus fort de la crise, il a atteint un niveau alors inédit de près de 30 milliards. Le déficit a ensuite été réduit de manière continue, de sorte que l'équilibre a presque été atteint en 2018 et 2019. Cette trajectoire de redressement s'est ensuite infléchie. Je rappelle que la loi de financement pour 2020, votée à l'automne 2019, prévoyait un déficit de 5,4 milliards.

La rupture de la tendance régulière de retour à l'équilibre des comptes sociaux, observée dans les années précédentes, est donc antérieure à la crise sanitaire. Cette dernière, à son tour, a profondément dégradé leurs perspectives. En 2020, le déficit des comptes sociaux devrait atteindre, je le répète, le niveau exceptionnel de 44,4 milliards d'euros.

Ce déficit résulte essentiellement d'un choc sur les principales recettes de la sécurité sociale, lié aux conséquences du confinement et, dans une moindre mesure, aux dépenses supplémentaires, essentiellement au titre de l'assurance maladie.

Les recettes chuteraient de 27,3 milliards par rapport à la prévision pour 2020 de la dernière loi de financement de la sécurité sociale (LFSS). La masse salariale du secteur privé, qui constitue la principale assiette du financement de la sécurité sociale, diminuerait en effet de près de 8 % en 2020, contre une prévision de croissance de 2,8 % dans la LFSS 2020, ce qui entraînerait près de 22 milliards de pertes de recettes.

S'agissant des dépenses, elle sont pour la plupart directement liées à la crise sanitaire et provoquent une progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) de 7,6 %, contre 2,45 % prévus dans la LFSS 2020. Ce niveau est le plus élevé depuis la mise en place de l'ONDAM, en 1997. Selon le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale, l'assurance maladie supporterait un surcroît de 15 milliards du fait directement de la crise.

Ces dépenses comprennent, par exemple, des dotations supplémentaires à Santé publique France, notamment pour l'achat des masques, et aux établissements hospitaliers et services médico-sociaux, mais aussi des dépenses exceptionnelles d'indemnisation d'arrêt de travail, de réalisation de tests ou de compensation des pertes d'activité pour les professions libérales.

Je précise que ce surcroît de dépenses est compensé en partie par une baisse très forte, d'une part, de l'activité des professionnels de ville et, d'autre part, de la consommation courante de médicaments et de dispositifs médicaux, à hauteur de 4,5 milliards.

Dans tous les cas, l'impact de la chute brutale des recettes et de l'augmentation des dépenses sur la dette sociale est massif.

Au titre de la seule année 2020, la dette augmenterait en effet de quelque 30 milliards d'euros pour atteindre 145 milliards, sa réduction, intervenue entre 2016 et 2019, étant donc quasi effacée. Dans ce contexte, l'horizon d'extinction de la dette sociale a été reporté d'une décennie et demeure incertain. La décision de transfert de dette à la CADES que j'ai mentionnée a par ailleurs dû être prise sans visibilité précise sur la trajectoire financière de la sécurité sociale et sur les conditions à réunir pour amorcer un nouveau cycle de désendettement.

Or la crise sanitaire pourrait avoir une empreinte durable sur les comptes sociaux, en affectant le potentiel de croissance économique et donc le niveau des recettes de la sécurité sociale.

Dans ce contexte d'incertitude élevée, la définition d'une nouvelle trajectoire de référence du produit intérieur brut (PIB), à travers une loi de programmation des finances publiques (LPFP) que la Cour et le HCFP appellent de leurs vœux, est donc indispensable. Elle sera particulièrement utile pour mieux piloter l'évolution de nos finances sociales. Nous proposons de définir cette trajectoire au printemps 2021, en même temps que le programme de stabilité, non pas parce que la crise serait derrière nous, mais parce que nous espérons avoir une meilleure visibilité.

Distinguer le conjoncturel du structurel et l'exceptionnel de l'ordinaire est plus que jamais décisif pour la bonne gestion de nos finances publiques. Les dépenses engagées pour répondre à la crise sanitaire ne peuvent être discutées dans leur principe ; elles sont nécessaires.

J'insiste sur ce point, car après la conférence de presse que j'ai tenue ce matin, d'aucuns indiquaient que la Cour des comptes proposait de « tailler dans les dépenses sociales » ; il n'en est pas question. Il ne s'agit pas du tout de la philosophie de notre rapport. Cependant, nous devons, à moyen terme, retrouver un sentier soutenable – pensons aux générations futures.

Mais les dépenses pérennes appellent de leur côté un effort accru de sélectivité pour en améliorer la qualité et la pertinence. Sinon, le risque est d'accentuer l'écart structurel entre le niveau des recettes et celui des dépenses à financer. De la même manière, il sera important que les mesures de régulation des dépenses annoncées en 2021, à hauteur de 3,5 milliards, soient plus amplement documentées et fassent l'objet d'un suivi rigoureux dans leur mise en œuvre.

Face à la hausse des dépenses, l'augmentation nette des recettes affectées au financement de la sécurité sociale apparaît aujourd'hui peu envisageable. Les prélèvements obligatoires ont atteint 44,1 % du PIB en 2019, un niveau plus élevé que chez nos principaux partenaires européens.

Il n'apparaît pas non plus souhaitable, compte tenu de la trajectoire budgétaire très dégradée de l'État, de l'amputer de certaines de ses recettes pour les affecter à la sécurité sociale, ou de lui faire porter la charge de nouvelles dépenses sociales à la place de cette dernière.

Remettre les finances sociales sur la voie de l'équilibre structurel et assurer la soutenabilité de notre dette sociale n'offre donc pas d'autre option, selon nous, que de définir une nouvelle trajectoire de dépenses.

Le Parlement a arrêté l'été dernier le principe de désendettement de la sécurité sociale à hauteur des déficits cumulés sur la période 2020-2023, en limitant ce désendettement à 92 milliards. La Cour relève toutefois que la trajectoire de solde figurant au PLFSS 2021 conduirait à ce qu'apparaisse un nouvel endettement cumulé de l'ordre de 29 milliards à la fin de l'année 2023, et de près de 50 milliards à la fin de l'année 2024.

Cette perspective présente pour nous le risque de mettre en place un mode de financement permanent de la sécurité sociale par la dette. Or j'ai déjà eu l'occasion de le dire, la soutenabilité de notre dette publique doit être le pilier de notre future stratégie financière.

Nous devons donc identifier les leviers qui permettraient de remettre les comptes de la sécurité sociale sur la voie de l'équilibre, en agissant sur la qualité de la dépense. Ce sera l'objet de la seconde partie de mon propos.

Face à cette situation particulière, nous avons analysé les enseignements tirés du passé. Les résultats obtenus ces dernières années par les différentes branches dans la maîtrise de leurs dépenses sont globalement positifs et doivent être soulignés, mais ils ne sont pas encore suffisants et, surtout, ils diffèrent entre branches.

Du côté de la branche famille, la maîtrise des dépenses a été facilitée par l'inflexion de la natalité depuis 2014, mais aussi par des mesures reposant sur des choix clairs, qui ont visé à aider en priorité les familles les moins favorisées. Les pouvoirs publics ont visé un double objectif de rigueur et d'équité.

Le système de retraite a, de son côté, connu cinq réformes d'ampleur entre 1993 et 2014, qui ont touché les retraites de base. En plus des hausses des cotisations, ces réformes ont agi sur l'âge de départ à la retraite, sur la durée des cotisations et sur le niveau des pensions. Ces réformes ne suffisent pas à assurer à l'horizon de la fin de la décennie l'équilibre du système, mais elles ont ramené l'évolution des dépenses à un rythme proche de celui du PIB. Il faut le souligner.

Les dépenses d'assurance maladie, enfin, ont vu leur progression significativement ralentie. L'ONDAM rapporté au PIB a, en effet, été stabilisé à champ constant, autour de 8,3 % ces dernières années, et son respect, avant la crise sanitaire, était assuré depuis 2010. La progression de l'ONDAM depuis 2016 a toutefois été fortement desserrée, au-delà de l'objectif de 2,3 % prévu par la LPFP 2018‑2022.

Après un relèvement en 2019 pour la stratégie « Ma santé 2022 », la crise des urgences puis la crise hospitalière ont conduit en 2020, avant l'épidémie, à fixer un taux de 2,45 %. Le PLFSS 2021 entérine de son côté une révision majeure de l'ONDAM pour 2020, porté à 7,6 %.

Pour la Cour, ces évolutions soulignent les limites de la maîtrise des dépenses de santé reposant seulement sur l'ONDAM. Ne vous méprenez pas, ce dernier reste indispensable et nous estimons d'ailleurs qu'il est nécessaire de développer, pour les professionnels de santé libéraux, des outils analogues à ceux qui existent pour les établissements de santé.

Mais ce pilotage ne peut suffire à organiser une maîtrise durable des dépenses de santé qui soit à la hauteur, à la fois des besoins de nos concitoyens et des exigences d'équilibre que j'ai rappelées. En clair, la contrainte financière seule, sans rénovation du système, ne suffit pas.

Le retour sur un chemin d'équilibre de l'assurance maladie nécessite donc des actions structurelles. La Cour a déjà fourni un certain nombre de pistes par le passé. Cette année, nous fournissons trois grandes illustrations.

La première concerne les groupements hospitaliers de territoire (GHT). La réforme de la coopération hospitalière de 2016 visait à améliorer l'accès de la population à des soins de qualité et à rechercher une gestion plus économe, par des mutualisations ou des transferts d'activité entre hôpitaux d'un même groupement. Notre enquête montre que cette réorganisation est encore incomplète et qu'elle doit être poursuivie. Nous préconisons donc de revoir le découpage territorial de plusieurs GHT et de généraliser la mise en place de directions communes.

La deuxième illustration que nous développons concerne la simplification du système de financement des activités hospitalières, notamment les dotations dites pour missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) et les fonds d'intervention régionaux (FIR) dont disposent les agences régionales de santé (ARS) pour financer les actions de santé publique d'intérêt régional.

Ces deux sources de financement représentaient en 2019 un total de près de 11 milliards d'euros. La simplification de ces dispositifs et une répartition plus claire des responsabilités dans l'attribution de ces financements entre l'administration centrale et les ARS sont à nos yeux indispensables.

La troisième illustration sur laquelle nous avons travaillé pour agir sur les ressorts structurels de la dépense de santé a trait aux dispositifs médicaux. Ces derniers concernent un vaste ensemble de produits et de services, allant du simple pansement aux dispositifs implantables de haute technologie, qui peuvent être fournis ou prescrits à l'occasion d'un soin.

Ils sont utilisés dans un nombre croissant de maladies, avec une dépense correspondante évaluée à 15 milliards d'euros, en progression d'environ 4 % chaque année, soit plus vite que l'ensemble des dépenses retracées dans l'ONDAM. Jusqu'à présent, les mesures de maîtrise ont principalement porté sur les prix de ces dispositifs. Il conviendrait désormais d'agir aussi sur la pertinence de la prescription, sur l'optimisation des achats par les établissements de santé et sur la lutte contre les abus et les fraudes, en inscrivant ces actions dans un cadre pluriannuel.

Voici quelques exemples de champs dans lesquels des efforts de maîtrise et de sélectivité des dépenses sociales sont possibles. D'autres existent, bien sûr. Dans tous les cas, nous pensons qu'il est essentiel, dans la mise en œuvre de ce type de mesure, de respecter une exigence de solidarité. Ce point est fondamental, car ces efforts doivent être adaptés à la situation de chacun, et en particulier à celle de nos concitoyens défavorisés. Plusieurs chapitres du rapport illustrent aussi la nécessité de mieux cibler certaines prestations de solidarité.

J'ai cité les choix réalisés dans la gestion des prestations familiales, qui ont été particulièrement clairs en faveur des familles défavorisées. Le montant du complément familial a, par exemple, augmenté de 39 % depuis 2013, avec une majoration supplémentaire pour les familles nombreuses les plus modestes.

En matière de retraites, plusieurs mesures ont cherché à atténuer les effets des réformes successives pour les faibles pensions, comme la majoration du minimum contributif au titre des trimestres cotisés en 2004, ou à la mise en place à partir de 2010 de mesures en faveur des carrières longues. Mais des mesures telles que l'indexation des salaires utilisée pour le calcul de la retraite sur les prix favorisent les assurés à carrière pleine et ascendante et peuvent pénaliser ceux qui ont subi des périodes de chômage ou touchés des salaires plus faibles.

Les pensions de retraite prévoient cependant des dispositifs de minima, très importants pour nos concitoyens qui perçoivent une très petite retraite. Ces minima sont des mécanismes de solidarité internes aux régimes de retraite, qui visent à porter à un montant minimum la pension servie à certains de leurs assurés, sous certaines conditions. Ils interviennent en amont du minimum vieillesse et concernent aujourd'hui environ un nouveau retraité sur cinq, avec une majoration de pension entraînée qui représente une moyenne de 130 euros par mois pour les assurés du régime général ou pour les fonctionnaires qui en bénéficient. Ils représentent au total 8,7 milliards d'euros de versements en 2018.

Nous avons toutefois observé que la finalité de ce dispositif avait évolué et devait faire l'objet d'une clarification. Conçu historiquement pour augmenter la retraite de salariés ayant eu une carrière complète, le minimum contributif (MICO) du régime général bénéficie aujourd'hui principalement à des personnes ayant des carrières à temps partiel ou incomplètes.

Enfin, et surtout, la Cour a relevé la complexité des dispositifs de minima existants, qui conduit à ce que près d'un demi-million de personnes ayant pris leur retraite voient leur dossier rester durablement en attente de règlement définitif. Nous préconisons donc de procéder, dans les meilleurs délais, aux différentes harmonisations qui permettront de garantir à l'ensemble des bénéficiaires la perception définitive des montants qui leur sont dus.

L'exigence de solidarité implique aussi, du côté de la branche famille, d'accroître l'efficacité des dépenses d'action sociale. Aux côtés des prestations familiales, les caisses d'allocations familiales (CAF) apportent en effet un soutien financier et technique au développement des services et d'équipements destinés aux familles, notamment des crèches et des centres de loisir. Ce soutien est donc très important.

La branche famille n'a cependant pas pu atteindre les objectifs fixés de création de 100 000 places de crèche, avec un taux de réalisation de 63 %. Par ailleurs, les inégalités territoriales persistent, faute notamment d'évaluation suffisamment fine des besoins. L'importance des financements publics mobilisés, qui représentaient 5,8 milliards d'euros en 2019, soit plus de 1 milliard qu'en 2012, justifie selon nous d'apporter à ces dispositifs les améliorations indispensables pour offrir aux familles un service de qualité sur l'ensemble du territoire.

Mais il convient également de faire progresser la qualité et l'efficience de la gestion des organismes de sécurité sociale. Il s'agit de notre dernière orientation.

Il convient d'abord de réduire le nombre et le montant des erreurs affectant le versement des prestations sociales. Dans le cadre de la certification des branches du régime général, la Cour examine chaque année le degré de conformité des prestations versées aux règles de doit applicables.

Pour l'exercice 2019, ces travaux font état d'un montant d'erreurs à caractère définitif d'au moins 5 milliards d'euros, toutes branches confondues, que ces erreurs soient au détriment des finances sociales – comme c'est le cas, par exemple, pour 90 % des erreurs affectant les prises en charge de frais de santé – ou à celui des bénéficiaires des prestations, comme les deux tiers des erreurs affectant le versement des retraites. Ces anomalies résultent, soit des données déclarées par les bénéficiaires, soit des opérations de gestion effectuées par les caisses de sécurité sociale elles-mêmes.

La fréquence et la portée financière des erreurs sont en nette progression ces dernières années. La portée financière de erreurs liées aux données déclarées pour les prestations versées par la branche famille a, par exemple, atteint 3,4 milliards d'euros en 2018, contre 2 milliards en 2014.

La Cour recommande donc d'accroître l'automatisation des processus de gestion et de dématérialiser les déclarations, pour éviter de verser des prestations non conformes à la réglementation. Comme nous l'avons souligné dans notre communication au Sénat sur la lutte contre la fraude aux prestations sociales, il convient aussi de fermer les possibilités systémiques de fraude et de renforcer les contrôles a posteriori, avec des effectifs plus importants.

Notre rapport évoque enfin, avec différentes recommandations à l'appui, la nécessité d'adapter l'organisation des branches de régime général et de moderniser la gestion du recouvrement social par le réseau des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales.

Pour conclure, je souhaiterais à nouveau insister sur le message principal du rapport, à savoir la priorité donnée, face à la crise sanitaire, au soutien de notre système de santé. Mais dès que les circonstances le permettront, il est impératif de remettre rapidement la sécurité sociale sur un chemin d'équilibre financier durable pour assurer la soutenabilité de la dette sociale et pour éviter de pénaliser les générations futures. Des adaptations en profondeur seront nécessaires, et plus elles seront différées, plus elles seront difficiles à mettre en œuvre.

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Je vous remercie pour votre présentation et vos recommandations qui, j'en suis sûre, vont susciter un certain nombre de remarques et d'observations.

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Monsieur le premier président, je tiens tout d'abord à vous remercier pour la qualité, égale chaque année, et unanimement reconnue, de votre rapport relatif à l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Il prolonge et complète la très utile publication des résultats de la sécurité sociale en 2019, et permet désormais au Parlement d'avoir une vision claire des comptes sur le dernier exercice clos avant l'été.

J'aborderai tout d'abord la situation financière de la sécurité sociale. Nous nous accorderons sur le fait qu'elle est extraordinaire, historique. La Cour s'inquiète que « la crise ait une empreinte durable sur les comptes sociaux, en affectant notamment la croissance potentielle ». De ce point de vue, ne pensez-vous pas que le recours massif à l'activité partielle a permis, au contraire de ce qui avait pu se passer lors de précédentes crises, de protéger davantage le capital humain dans l'entreprise et, de ce fait, d'éviter une grande partie des conséquences de la crise sur les capacités de production ?

Vous soulignez le coût des mesures nouvelles prises en faveur de l'hôpital et de l'autonomie. Ces mesures sont assumées par notre majorité, y compris d'un point de vue financier. Elles étaient d'une nécessité morale s'agissant des revalorisations salariales, après ce que nous avons vécu, et alors que la crise sanitaire n'est pas terminée.

Elles sont aussi indispensables et riches de promesses en termes d'efficience à moyen terme pour notre système de santé, lorsqu'il s'agit d'investissements dans de nombreux domaines, au premier rang duquel, le numérique.

Ne pensez-vous pas que, cumulées aux réformes que nous avons votées l'année dernière, pour l'organisation et la transformation du système de santé, ces mesures sont susceptibles d'engendrer des économies structurelles sur l'évolution de la dépense à moyen terme ? Ou du moins qu'elles sont aussi efficaces que les coups de rabot, sans renier sur la qualité des soins prodigués ? Je le dis d'autant plus volontiers que la Cour constate elle-même que la trajectoire d'avant-crise montrait que ces deux objectifs n'étaient pas incompatibles.

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En tant que rapporteure pour la branche famille, je ne peux que constater tout l'intérêt que la Cour des comptes à consacrer à ce sujet dans son RALFSS. Qu'il s'agisse de l'attention portée à l'évolution des prestations familiales ou de l'action sociale de la branche famille, le rapport montre que la bonne application des politiques familiales est cruciale, notamment pour les familles les plus fragiles de notre pays.

Je vous interrogerai sur ces deux champs de notre politique familiale.

S'agissant des prestations familiales, vous soulignez à juste titre que les dépenses se sont stabilisées depuis un point haut de quelque 32,6 milliards d'euros atteint en 2014. Cette stabilité est en partie liée à la lente mais réelle décroissance de la natalité depuis 2015. En outre, des réformes successives ont conduit à diminuer le montant des prestations versées. Il en est allé ainsi de la modulation des prestations familiales, qui a conduit à une diminution des allocations versées à 10 % de ses bénéficiaires.

La prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE) est un autre exemple sur lequel je souhaiterais m'arrêter. Vous soulignez que le nombre de bénéficiaires de cette nouvelle prestation a chuté de près de moitié, tandis que le nombre des bénéficiaires masculins a lui-même baissé. C'était pourtant l'objectif affiché de cette réforme du congé parental, destiné aux parents à partager le congé : diminuer ainsi le temps passé par les mères loin du monde du travail.

Pensez-vous dès lors, que dans le prolongement de l'allongement du congé de paternité, que nous souhaitons adopter dans le cadre de ce PLFSS, une réforme de ce congé parental puisse être pertinente ? En particulier, pensez-vous que la voie d'un congé parental plus court, mais mieux rémunéré, ainsi que le pratiquent la plupart de nos voisins européens soit la voie à suivre ?

Je serai plus brève sur le second sujet relatif à l'action sociale de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Je partage le constat que vous effectuez, et qui a été réaffirmé pendant les auditions : les objectifs inscrits dans la convention d'objectifs et de gestion (COG) signée avec la CNAF, en matière d'ouverture de places de crèche, ne sont pas atteints.

Il en ira sans doute de même avec le COG 2018-2022, notamment en raison des conditions sanitaires et de la diminution des investissements des employeurs des places de crèche. Dans ces conditions, pensez-vous qu'il faille réformer notre système de mode de garde ou de tarification des établissements d'accueil des jeunes enfants ?

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Je remercie la Cour des comptes pour le travail, une nouvelle fois remarquable, qu'elle a réalisé, pour éclairer le Parlement et les citoyens sur l'application des LFSS, et ainsi alimenter le débat public.

J'interviendrai en tant que rapporteure de la branche autonomie, qui était une demande de longue date des associations, des élus et plus largement de nos concitoyens.

Avec ce PLFSS 2021, nous allons poser de nouveaux jalons pour consolider cette cinquième branche, qui sera amenée à se développer, tant les besoins sont importants. Ce ne se sera sans doute pas chose facile dans un contexte financier contraint. Mais nos recommandations permettront sans doute de trouver de nouvelles marges de manœuvre pour répondre aux fortes attentes qui existent aujourd'hui dans le secteur médico-social. Quels leviers, monsieur le premier président, pourrait-on actionner en priorité pour financer la branche autonomie ?

Même si votre rapport ne traite pas directement des dépenses de cette branche, la Cour avait consacrée un chapitre entier à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) dans son rapport annuel de 2018. La Cour indiquait alors que la CNSA s'était imposée dans le paysage médico-social comme un acteur central. Quelle appréciation portez‑vous sur son organisation, ses moyens et ses actions ?

Par ailleurs, vous abordez dans le rapport la question de l'organisation territoriale des caisses de sécurité sociale. Vous suggérez de poursuivre la réorganisation des caisses existantes afin d'adapter l'offre de services à l'évolution des besoins des territoires. La branche autonomie, quant à elle, n'a pas vocation a priori de disposer de son propre réseau de caisses pour délivrer les prestations qui relèveront de son périmètre. Elle devra s'appuyer sur les organismes existants. Aussi avez-vous identifié des difficultés au niveau territorial, dans la coopération interbranches ? Ne faudrait-il pas développer, du moins dans les territoires les moins peuplés, des guichets uniques, sur le modèle du régime agricole ?

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Monsieur le premier président, j'aurais aimé pouvoir vous remercier et vous féliciter pour la qualité de votre travail, mais recevoir, quelques heures avant votre audition, un rapport de 420 pages nous complique la tâche.

Je reviendrai pour ma part sur les enjeux financiers de notre système de retraite. La branche vieillesse a vu son déficit se creuser de manière très importante avec la crise sanitaire et devrait atteindre près de 8 milliards d'euros en 2020. Ce déficit est très largement dû à la baisse des recettes de cette branche du fait du ralentissement de l'activité économique. La situation n'est pas prête de s'améliorer car le déficit devrait rester à un niveau supérieur de 7 milliards chaque année jusqu'en 2024, en l'absence de nouvelles mesures.

Dans votre rapport, vous insistez pour développer les mesures de maîtrise des dépenses de la sécurité sociale. Aujourd'hui, la branche retraite pèse plus de 46 % des dépenses de sécurité sociale, si nous tenons compte de l'ensemble des régimes obligatoires de base. Si nous souhaitons maîtriser davantage les dépenses de sécurité sociale, nous ne pourrons pas rester en marge de cette démarche.

Je n'ai pas vu, dans votre rapport, de propositions concernant la branche vieillesse. Je souhaiterais donc connaître votre point de vue sur sa situation. Quelle analyse faites-vous de l'évolution de ces dépenses ? Quel levier devrait être actionné pour accéder à ces dépenses ?

Enfin, votre rapport traite de la question des minima de pensions. Vous indiquez que les dispositions existantes, notamment le minimum contributif du régime général sont relativement complexes. Pouvez-vous nous expliquer comment se traduit concrètement cette situation, quelles en sont les conséquences pour nos concitoyens et surtout quelles sont les pistes à privilégier pour clarifier le cadre actuel ?

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Je vous remercie pour ces analyses en profondeur et sensiblement critiques du fonctionnement de la sécurité sociale, ainsi que pour vos propositions.

Je me concentrerai sur la branche des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Alors que cette branche a été continuellement excédentaire de 2013 à 2019, son solde est exceptionnellement déficitaire en 2020, en raison de la crise sanitaire. Les produits de la branche se sont effondrés de 8,2 %, alors que les dépenses ont augmenté au même rythme qu'en 2019. Dans votre analyse, avez-vous été en mesure de chiffrer les impacts de la reconnaissance de la covid-19 comme maladie professionnelle sur les dépenses de la branche en 2020 ?

Dans votre rapport, vous proposez d'amplifier les synergies entre la branche maladie et la branche AT-MP. Vous préconisez ainsi de rattacher les services de tarification et de prévention AT-MP, non plus aux caisses d'assurance retraite et de la santé au travail mais aux caisses primaires d'assurance maladie. Quels seraient les impacts en termes de ressources humaines et de système d'information ?

Le PLFSS 2021 que nous examinerons la semaine prochaine contient un article qui vous concerne directement. Il reporte au 31 juillet 2021 la transmission au Gouvernement et au Parlement du rapport que vous devez réaliser tous les trois ans pour évaluer le montant de la sous-déclaration des AT-MP. En raison de la crise sanitaire, les travaux qui auraient permis d'élaborer ce rapport n'ont pas pu être réalisés. Pour autant, avez-vous d'ores et déjà une idée de la manière dont cette sous-déclaration a évolué, ces dernières années ? Les deux branches ont, semble-t-il, déployé de nombreux efforts dans l'amélioration du repérage de l'origine professionnelle de certaines pathologies, ce qui devrait logiquement conduire à une baisse du transfert de la branche AT-MP à la branche maladie au titres des sous-déclarations.

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J'ai écouté votre présentation avec grande attention, et ce d'autant plus que l'envoi tardif du document ne m'a pas permis d'en prendre pleinement connaissance, alors qu'il mérite une grande attention. Il est toujours source et riche de propositions, en particulier cette année dans le contexte de la dégradation des comptes sociaux liée à la crise sanitaire.

Vous formulez un certain nombre de propositions, et quelques-unes d'entre elles ont particulièrement retenu mon attention. D'abord, la proposition consistant à accroître la robustesse des trajectoires tracées par l'annexe B de la LFSS en les adossant à une analyse des principales variables. Cette proposition peut-elle se décliner dans le cadre de la contribution exceptionnelle des organismes complémentaires, fondée sur des moindres dépenses qui ont été estimées et qui restent à confirmer ?

Vous faites également des propositions relatives aux GHT, qui sont sans nul doute un axe organisationnel à performer et offrent un paysage très contrasté dans notre pays. Pouvez‑vous me préciser comment vos propositions vont pouvoir s'adapter à chacun d'entre eux ?

Enfin, vous formulez un dernier socle de propositions autour de la maîtrise des dispositifs médicaux, liée à une pertinence de la prescription. Toutefois, cette prescription va augmentant. Comment avez-vous intégré l'augmentation de l'utilisation à domicile, dans le cadre de la transition démographique ?

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Votre intervention devant notre commission, préalable à l'examen du budget de la sécurité sociale, est importante. Vous nous avez concédé des contraintes calendaires, confessé des retards. J'observerai néanmoins que votre prédécesseur nous disait la même chose, au même moment, chaque année. Ce qui pose pour nous un certain nombre de difficultés pour appréhender la qualité de vos travaux et notamment prendre la lumière de vos propos. Je forme le vœu que nous puissions, l'année prochaine, bénéficier d'un délai supplémentaire.

Il n'en demeure pas moins que votre travail est utile, il s'inscrit dans la continuité des travaux de la Cour depuis des années. Vos quatre axes de commentaires et de recommandations sont quasiment les mêmes au fil du temps. Mêmes sujets. Mêmes sujets de préoccupation. Mêmes sujets de vigilance. Mêmes requêtes à l'inflexion de pratiques gouvernementales avec, force est de constater, une rupture en 2020, qui va impacter sérieusement et durablement la trajectoire des finances sociales. Il est clair que notre capacité collective à répondre aux demandes sociales et sanitaires dépend de notre capacité à maîtriser nos finances. En cela, nous avons un certain nombre d'interrogations et d'inquiétudes.

Vous avez largement évoqué, dans le chapitre IV, la question du financement de la qualité de nos prestations et de nos établissements de santé, à savoir la qualité de la dépense. Cela fait quinze ans, me semble-t-il, que nous parlons du financement de la qualité de nos établissements de santé. Nous avons voté, dans les LFSS 2019 et 2020, des articles incitant à un certain nombre de sujets ; hélas, on tâtonne, on n'y arrive pas. Monsieur le premier président, globalement, des données existent-elles ? Le Gouvernement vous a-t-il demandé de travailler sur ce sujet, pour nous permettre de disposer des moyens de contrôler cette qualité et d'utiliser avec efficience l'argent public ?

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. Nous vous remercions pour votre présentation d'une situation exceptionnelle, chacun ici en est conscient, au regard de la dégradation considérable des comptes sociaux. L'ampleur de la crise sanitaire et économique qui en découle a nécessité une dynamique de dépenses exponentielles mais absolument nécessaire. Personne ici n'est étonné par l'analyse de la Cour, puisque nous assumons l'ensemble des mesures qui ont été prises par l'exécutif depuis le mois de mars dernier.

Une fois ce constat posé, il s'agit de s'interroger sur les leviers d'action qui sont à notre disposition pour maintenir un niveau de dépenses permettant d'assurer la couverture des risques sanitaires et sociaux de l'ensemble de nos concitoyens, tout en trouvant des pistes d'amélioration qui permettront de revenir à une trajectoire d'équilibre à moyen terme.

Dans cette perspective, un nombre de recommandations contenues dans ce rapport incitent à adopter une approche territoriale renforcée, en termes d'organisation ou d'allocations de financement. Ainsi, il apparaît primordial de clarifier le rôle des groupements hospitaliers de territoires et d'instaurer une véritable dynamique de travail en commun entre ces entités et les ARS, mais aussi et surtout avec les professionnels de santé et les élus des territoires concernés.

La crise sanitaire a révélé de nombreux dysfonctionnements dans plusieurs territoires, notamment dans la gestion relativement opaques des ARS. À ce titre, comment envisagez-vous une meilleure structuration du dialogue et de la prise de décision, entre l'ensemble des acteurs afin d'assurer un pilotage territorial des actions plus opérationnel et plus efficient. Le préalable à ce gain d'efficience ne réside-t-il pas dans une approche populationnelle concrète de l'offre de soins ?

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Je vous remercie pour ce rapport, dont la clarté et l'analyse ont su éclairer les perspectives de financement et l'évolution de la situation économique de la France, envisagées par le Gouvernement dans le PLFSS 2021.

Dans cet avis, vous vous déclarez en accord avec les prévisions de l'État. Cependant, la rapide dégradation de la situation sanitaire nous amène à nous interroger sur les conséquences économiques, sanitaires et sociales visiblement anticipées à la baisse de la deuxième vague épidémique qui se profile. Les dépenses liées à l'épidémie pour les mois, voire l'année à venir, nous semblent potentiellement sous-évaluées. Aussi, au regard de l'urgence de la situation sanitaire actuelle et de son évolution dangereuse, nous nous inquiétons d'une nouvelle dégradation des comptes sociaux.

Par ailleurs, ces dernières années les PLFSS ont eu comme objectif principal de rembourser la dette de la sécurité sociale, au détriment parfois d'une politique ambitieuse de santé publique. Or il n'est plus possible de continuer à se focaliser sur ce seul objectif. Le secteur de la santé, nos hôpitaux, nos établissements d'hébergement pour personnes âgées et dépendantes (EHPAD), nos soignants souffrent d'un manque criant de moyens. Il s'agit désormais de doter notre système de santé d'un financement ambitieux, d'investir massivement dans les soins et l'autonomie, ce que d'aucuns appellent le care, le prendre soin.

À ce titre, il est nécessaire de trouver un financement pérenne pour la branche autonomie, et ce rapidement. Nous déplorons qu'il ne soit fait mention de ce financement ni dans le PLFSS ni dans votre rapport, alors que celui-ci pourrait affecter sensiblement les comptes de la sécurité sociale s'il venait à mobiliser de nouvelles sources de financement, ou à créer de nouvelles dépenses.

Quelles sont les perspectives d'évolution de la sécurité sociale et son financement sur les cinq prochaines années ? J'émets enfin le vœu d'écarter définitivement un retour à l'austérité budgétaire en matière de santé, car elle se traduirait, immanquablement, par une détérioration des soins et de la prise en charge des Français face à la perte d'autonomie.

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Disposer d'éclairages de la Cour des comptes – même tardifs – est particulièrement nécessaire et utile cette année, en raison du contexte particulier de la crise sanitaire. La crise va entraîner une dégradation sans précédent de nos comptes sociaux, mais également, très probablement, une perte de chance pour les patients ayant besoin de soins non liés à la covid-19.

Quel est selon vous l'intérêt de créer un observatoire des déprogrammations d'actes en lien avec la covid, pour mieux juguler les risques liés à ces pertes de chance pour les patients ? Nous voyons déjà remonter des données alarmantes en raison de diagnostics trop tardifs – de cancers, par exemple.

Je reviendrai sur la partie de votre rapport consacré à l'amélioration de l'efficience de notre système de santé. Il précise notamment, concernant les objectifs d'économie, la nécessité d'inscrire dans un cadre pluriannuel les efforts demandés à l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse de la chaîne du médicament, des dispositifs médicaux ou des prescripteurs. Il convient de faire preuve de lucidité sur le sujet. Il est contradictoire de demander 1 milliard d'économies, depuis dix ans, au secteur du médicament, et de regretter ensuite la fragilisation du tissu industriel et les délocalisations. Quel est votre sentiment sur ce point ?

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Dans le cadre de l'examen du PLFSS 2021, nous serons amenés à travailler sur la cinquième branche de la sécurité sociale, notamment sur son financement, tout en respectant l'engagement du ministre des finances de ne pas augmenter les impôts. Au groupe UDI et Indépendants, nous proposons de financer la branche autonomie de la sécurité sociale par la lutte contre les fraudes aux prestations sociales. Notre collègue, M. Pascal Brindeau, rapporteur de la commission d'enquête sur ce thème, a publié un rapport contenant pas moins de cinquante-cinq recommandations, issues de dizaines d'heures d'auditions.

En parallèle, la Cour des comptes a rendu un rapport, le 8 septembre dernier, sur la lutte contre les fraudes aux prestations sociales, au sein duquel elle affirme que, entre les erreurs, d'une part, et la fraude, d'autre part, les organismes sociaux perdent des sommes importantes.

S'il est difficile d'estimer l'ampleur des fraudes aux prestations sociales, celle-ci coûte vraisemblablement des milliards chaque année aux organismes de sécurité sociale. Ce sont autant de moyens qui pourraient être réattribués à de nouvelles prestations sociales. Notre groupe propose de renforcer considérablement la lutte contre les fraudes aux prestations, ce qui permettrait ainsi de financer l'autonomie, le handicap et le grand âge. Qu'en pensez-vous ?

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Je ne vous cacherai que je suis très en colère. Je sais que vous vous présentez devant nous au titre de premier président de la Cour des comptes, mais je souhaiterais tout de même vous rappeler votre passé de parlementaire et de ministre. Notre réunion a débuté à 14 heures 30, or nous avons reçu votre rapport à 10 heures 10. Un rapport de 420 pages à étudier en quatre heures vingt, soit 1,6 page à la minute de lecture, d'annotations et une éventuelle rédaction de questions à vous poser – sans pause déjeuner.

Ce matin j'étais inquiète à l'idée de recevoir le rapport de la Cour en même temps que le PLFSS. Vous êtes sauvé, monsieur Moscovici : à moins d'une heure de l'audition des ministres, nous n'avons pas reçu le PLFSS !

J'entends que certains collègues de la majorité se contentent d'une synthèse de quarante-quatre pages ; personnellement, je pense avoir été élue pour fournir un travail approfondi : je voulais donc lire le rapport en entier. Je pense également que le rôle du Parlement n'est pas négligeable et que, j'en suis sûre, vous ne considérez pas votre audition comme une simple visite de courtoisie à vos anciens collègues.

Je pense aussi, monsieur le premier président, que les Français méritent mieux que des agissements en catimini, en cercle d'initiés rompus au dogme de l'austérité.

Chaque année, la Cour certifie les comptes de l'État et du régime général de la sécurité sociale. Cette mission doit garantir aux citoyens une information financière et comptable plus claire, lisible et une image plus fidèle de la réalité financière de l'État et de la sécurité sociale. Mais votre mission consiste aussi à assister le Parlement et le Gouvernement dans l'évaluation des politiques publiques. Enfin, vous devez chercher à vérifier si les résultats d'une politique publique sont à la hauteur des objectifs fixés et si les moyens budgétaires sont utilisés de manière efficace et efficiente.

Pensez-vous que le Gouvernement aurait pu faire plus d'économies pour tuer l'hôpital ?

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Nous avons entendu la raison de cet envoi tardif qui nous a conduits à prendre connaissance de ce rapport d'abord par voie de presse. Comprenez bien que notre préoccupation est de faire en sorte que votre travail soit réellement utile.

Cela étant, pour ce que nous avons pu en lire, il ne contient pas de surprise majeure par rapport au précédent. Nous pouvons être d'accord avec le début de votre constat, en le reformulant : il convient de financer la sécurité sociale à hauteur de ses missions. Mais vous avez oublié de regarder du côté de ses recettes, dont l'asséchement est organisé depuis plusieurs années. « Ce n'est pas dans l'air du temps », avez-vous dit.

Il est nécessaire de conduire un grand débat sur le financement de la sécurité sociale, d'autant plus que la crise économique est amenée à s'installer et que des enjeux nouveaux se font pressants. Notre responsabilité est d'assurer le financement pérenne des besoins sociaux, en assurant une phase de transition avant de revenir à une situation plus stable.

Pourquoi ne pas conduire une remise à plat des 70 milliards d'euros d'exonération de cotisations sociales – 90 milliards en incluant les taux réduits de la contribution sociale généralisée –, alors que l'efficacité de ces dispositifs en matière d'emploi est plus que douteuse ? Pourquoi ne pas renforcer la lutte contre la fraude patronale aux cotisations sociales, qui représente près de 25 milliards ? Pourquoi ne pas mettre véritablement à contribution les revenus financiers ?

Malgré une crise sanitaire inédite, qui a mis fortement en tension nos hôpitaux, les mêmes marottes reviennent en boucle : ce serait un problème d'organisation et des gisements d'économies existeraient encore.

Chaque dépense supplémentaire pour améliorer les salaires des soignants ou les prestations doit faire, selon vous, si j'ai bien lu, l'objet de contreparties en matière de réorganisation de l'offre de soins. De même, vous en appelez à mieux cibler les dépenses de solidarité et les minima sociaux, à l'heure où la crise sanitaire a fait basculer un million de Françaises et de Français dans la pauvreté. Tout cela conduit à revoir toujours plus les fondements de la sécurité sociale et son principe d'universalité ; pourvu que le transfert de la dette covid n'y serve pas d'argument.

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J'ai bien lu qu'il fallait une meilleure maîtrise des dépenses de la sécurité sociale pour pouvoir retrouver un jour un équilibre. Mais au-delà d'une éventuelle maîtrise des dépenses, notamment d'assurance maladie, la Cour voit-elle d'autres leviers mobilisables, à savoir des recettes supplémentaires ?

Vous dites qu'il convient d'améliorer l'efficience du système de santé, avec deux points qui me semblent essentiels et sur lesquels je souhaitais vous interroger. D'abord, les GHT, qui n'ont pas su répondre aux iniquités territoriales d'accès aux soins. Pouvez-vous nous donner des précisions sur les avantages de doter les GHT d'une personnalité morale ? Ensuite, vous dites qu'il faut une meilleure maîtrise des prescriptions médicamenteuses, en particulier en ville, très dynamique sur les dispositifs médicaux. Parlez‑vous de la tarification au forfait pour les soins de ville – je n'ai pas vu cela dans vos recommandations ?

Par ailleurs, vous préconisez des fusions de caisses dans les départements les moins peuplés. Ne pensez-vous pas que celles-ci risque d'augmenter un peu plus le sentiment d'abandon de ces territoires ? Ne devrions-nous pas imaginer une solidarité inter-caisses – le télétravail le permet aujourd'hui ? La CAF des Alpes-de-Haute-Provence a, par exemple, pu porter secours à certaines caisses de la région afin de pallier les déficits en personnels.

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Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes

Je comprends votre insatisfaction, votre frustration, voire la colère que vous exprimez. D'un certain point de vue, les magistrats de la Cour peuvent partager ce sentiment. En effet, pour arriver à vous transmettre ce rapport, même tardivement, un certain nombre de magistrats ont fait peu de pauses déjeuner, voire peu de pauses soirée. Ils ont dû intégrer des chiffres transmis par les pouvoirs publics très tardivement. J'aurais aimé qu'il en soit autrement. Je note cependant qu'il ne s'agit pas d'une exception, le rapport étant transmis chaque année à peu près à la même période. Vous pourriez sans doute interroger les ministres sur la disponibilité tardive des données.

Par ailleurs, ma visite n'est pas une visite de courtoisie. Je me présente aujourd'hui en tant que premier président de la Cour des comptes pour vous présenter un rapport que je considère comme important, qui fait partie intégrante de notre mission et qui est utile à la fois au Parlement et aux citoyens. Ce rapport à un périmètre et mes réponses resteront dans le cadre du rapport ; je ne me livrerai à aucune spéculation. La Cour analyse des chiffres, des données et des initiatives qui sont étayées, et ses recommandations sont élaborées à partir de rapports qu'elle produit, et non d'opinions.

La Cour et le HCFP estiment qu'il n'est pas raisonnable de considérer que la croissance potentielle ne serait pas affectée par la crise massive que nous connaissons ; c'est la raison pour laquelle nous demandons une nouvelle loi de programmation. Notre secteur productif va être durablement modifié, dès lors la croissance potentielle va l'être aussi.

Tout calcul de solde structurel, par exemple, dépend de la croissance potentielle que nous connaissons. Le HCFP procède donc actuellement à des évaluations fondées sur une loi de programmation obsolète et non sur la réalité ; ce n'est pas sain.

Ni la Cour ni le HCFP ne se sont exprimés sur l'activité partielle et la croissance potentielle ; néanmoins, dans son avis du 21 septembre 2020, le HCFP considère que l'ampleur du choc subi par l'économie française va avoir un impact durable sur l'appareil productif. L'impact de la crise sur l'investissement ainsi que sur le capital humain devrait diminuer le PIB potentiel par rapport à certaines annonces d'avant-crise et, par conséquent, la capacité de rebond de l'économie française.

Il conviendra cependant de distinguer ce qui est structurel de ce qui est conjoncturel. Ce qui vaudra également pour l'analyse que nous ferons a posteriori sur l'impact de l'activité partielle qui, si elle a des effets de soutien à court terme, aura d'autres effets à moyen terme.

S'agissant des réformes structurelles conduites depuis 2017 dans le secteur de la santé, le rôle de la Cour n'est pas de censurer ou de juger, mais quand les réformes vont dans le bon sens, nous le disons – nous l'avons dit de la stratégie « Ma santé 2022 ». Nous disons aussi quand des réformes doivent être accélérées ou perfectionnées, ce que nous avons fait pour la réforme relative aux GHT ; elle doit être complétée. L'idée est de consolider cette mesure, d'où la question de la personnalité juridique qui est posée, pour une direction commune, l'idée de parvenir à une représentation territoriale équitable, de façon à ce que chacun puisse bénéficier des prestations et de l'ensemble des spécialités disponibles dans les hôpitaux.

En ce qui concerne la PreParE, il est vrai que le nombre de prestations a fortement baissé, de 43 %, en raison des conditions de partage par les deux parents, qui s'est traduit par une sortie massive du dispositif, une fois les vingt-quatre mois de l'enfant atteint.

Dans d'autres pays, le congé parental est davantage rémunéré ; plusieurs exemples étrangers avaient été analysés par la Cour en 2017. Des pays qui le conçoivent comme un véritable revenu de remplacement. Cependant, une meilleure rémunération pourrait conduire à distribuer davantage d'aides à des ménages aisées, ce qui contredirait l'objectif d'un ciblage accru des prestations monétaires sur les familles à faible revenu. Il conviendra donc de procéder à une évaluation dans le cadre de réformes qui pourraient être réalisées – et qui seront les bienvenues.

Pour ce qui concerne les modalités de financement de l'offre d'accueil des jeunes enfants, elles viennent d'être rénovées, avec pour objectif d'encourager la création de places et de réduire les écarts de financement entre crèches. Une évolution qui était nécessaire, mais il est encore trop tôt pour en connaître les impacts sur la création de places.

Concernant les pistes de financement de la branche autonomie, il revient au Gouvernement et non à la Cour de définir les conditions de la soutenabilité des dépenses de cette branche, qui a été créée par la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie. À cet égard, sur 11 milliards d'euros de nouvelles mesures en dépenses, prévues d'ici à 2022 par le PLFSS 2021, au titre du Ségur de la santé, 2 milliards concernent la banche autonomie, principalement des revalorisations salariales pour les EHPAD.

La Cour avait salué l'action de la CNSA, en 2018, tout en proposant des pistes d'amélioration. Or, à moins de créer une nouvelle caisse nationale, la CNSA est vraisemblablement la mieux placée pour piloter la branche autonomie – jouer le rôle de caisse nationale –, compte tenu notamment de son expérience dans les relations avec les conseils départementaux, qui financent l'essentiel de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap.

Quant au déploiement d'un éventuel réseau propre, le chapitre du RALFSS consacré à l'organisation territoriale des caisses insiste sur la nécessité d'approfondir une mutualisation au sein des réseaux des branches de prestations du régime général. S'agissant de la branche autonomie, une préoccupation importante concerne la répartition des rôles entre les conseils départementaux et les ARS, dont l'efficacité ne pourra, à mon sens, être assurée.

Concernant la situation financière de la branche vieillesse, le déficit de cette branche devrait atteindre près de 8 milliards d'euros en 2020 ; un déficit réduit par l'affectation de la soulte des industries électriques et gazières pour 5 milliards à la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Pour le moyen terme, nous attendons la révision des projections du Conseil d'orientation des retraites à l'horizon 2030, qui devraient être connues dans les prochaines jours.

S'agissant du fonctionnement du MICO, la principale difficulté provient de la mise en œuvre de la règle dite de l'écrêtement. L'ensemble des pensions de base et complémentaires doivent être inférieures à 11 091,56 euros au 1er janvier 2020. Deux pistes sont décrites dans le rapport. D'abord, une plus grande convergence des règles des minima entre régimes. Ensuite, l'amélioration de la gestion des flux informatiques entre régimes.

Concernant la branche AT-MP, vous m'interrogez sur l'impact financier de la reconnaissance de la covid19 comme maladie professionnelle. Ce statut est désormais accordé automatiquement aux personnels soignants qui ont développé une forme grave de la covid – qui a nécessité un apport d'oxygène –, ainsi que le prévoit un décret paru au Journal officiel le 15 septembre 2020. Les autres malades doivent passer devant un comité d'experts pour bénéficier de cette reconnaissance.

Observons que ce sujet n'a pas été considéré par le rapport remis à la dernière Commission des comptes de la sécurité sociale comme un sujet justifiant un chiffrage précis de la dépense. Nous pensons que l'impact macroéconomique sera forcément limité, mais nous ne disposons pas de données pour vous répondre précisément.

Une question m'a été posée sur les gains à attendre et les effets en termes de gestion et de personnels d'une amplification des synergies entre la branche maladie et la branche AT‑MP que préconise la Cour. Les principaux gains se feront, non pas en termes de gestion ou de personnels des caisses, mais sur la gestion du risque, notamment en matière d'indemnités journalières d'arrêt de travail et de prévention de la désinsertion professionnelle, par une mobilisation plus efficace des moyens existants.

Pour évaluer le montant de la sous-déclaration des maladies professionnelles, il devra être procédé à une évaluation dans le cadre du rapport habituel, qui cette année, il est vrai, a été reporté. Nous pouvons toutefois penser que, globalement, du fait du ralentissement de l'activité économique, il y a, mécaniquement, un ralentissement de la progression de la sinistralité au travail.

Pour ce qui concerne les dispositifs médicaux, une pertinence des prescriptions doit être trouvée. Nous pensons qu'il nécessaire de disposer d'un dispositif de maîtrise qui vous permette de vérifier leur pertinence.

S'agissant du financement de la qualité, cette question relève davantage de la Haute Autorité de santé que de la Cour.

Concernant l'approche territoriale renforcée, je pense avoir expliqué ce que nous pensions des GHT.

Par définition, nous n'avons pas de réponse concernant la seconde vague de l'épidémie. Il convient d'investir dans les soins, bien entendu, mais ne faisons pas comme si aucune mesure n'avait été prise : près de 19 milliards d'euros ont déjà été dépensés.

En ce qui concerne le financement pérenne de la branche autonomie, je vous renvoie au rapport de M. Vachey, qui propose un certain nombre de pistes.

S'agissant de la dégradation des comptes sociaux, nous y sommes attentifs, c'est l'objet même de ce rapport. Un certain nombre de préconisations sont formulées sur les dispositifs sociaux, l'industrie du médicament, les maladies prises en charge. Elles font partie des réflexions systémiques, qu'il sera tout à fait légitime de concrétiser à l'avenir.

Madame Fiat, au-delà de votre colère, vous me demandez si la Cour préconise davantage d'économies pour tuer l'hôpital ; je vous répondrai « non, non et non ». Il est erroné de dire que la Cour préconise de tailler dans la dépense sociale. Elle a parfaitement conscience, à la fois de la situation exceptionnelle que traverse le pays, des difficultés que connaît notre système hospitalier et de la nécessité de le réformer. Cependant, il est vrai que nous restons dans une perspective de maîtrise des dépenses de santé, pour éviter que nous croulions sous le poids de la dette et que nous handicapions durablement les générations futures.

Enfin, concernant les exonérations de cotisations, une évaluation est préalablement nécessaire. Mais le transfert me paraît un peu facile à proclamer : s'il était si simple, il aurait déjà été instauré.

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Je vous remercie de votre présentation ainsi que de mettre en avant les GHT, l'un des leviers majeurs de la transformation du système de santé. Vous proposez d'aller vers des directions communes de GHT et de les doter d'une personnalité morale unique, ce qui permettrait une meilleure efficience, une simplification, mais aussi une meilleure qualité de prise en charge des patients. Quel devrait être selon vous le rôle des ARS pour aller dans ce sens ? L'évaluation, pourtant prévue dans la loi, vous paraît-elle être à la hauteur ?

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Vous avez évoqué la réorganisation territoriale de l'hôpital à travers les GHP et vous proposez de réviser rapidement leur périmètre. Le ministère de la santé et les ARS ont été pilotes de la mise en œuvre de cette préconisation. Comment voyez‑vous l'association des territoires à cette définition ?

Nous avons vu, depuis le début de la crise, combien les liens de proximité étaient essentiels au sein de chaque territoire, combien les GHT ont joué un rôle important. Nous avons pu voir la bonne gestion d'urgence des premiers cas, puis du début de l'épidémie, avec des directeurs d'hôpitaux qui ont montré leurs capacités à changer en urgence l'organisation de leur établissement. Nous avons pu observer l'efficacité des circuits courts de décision, comme l'engagement remarquable de tous les personnels. Les élus des collectivités ont été dans le même temps très créatifs et volontaires.

Comment valoriser l'implication des élus dans l'organisation de notre système de santé ? Quelle vision avez-vous d'une nouvelle gouvernance, qui permettrait de mieux associer les ARS et les départements, les régions, les collectivités locales, et faire en sorte que les secteurs public et privé soient concernés par cette nouvelle gouvernance ?

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Le rapport met en avant des actions nécessaires pour améliorer l'efficience de notre système de santé, mais quid de son efficacité selon le vieil adage « mieux vaut prévenir que guérir » ? Que pouvez-vous nous dire par rapport aux pistes de long terme envisageables : recherche hospitalière, innovation numérique, actions de prévention au service d'une meilleure santé de nos concitoyens, et donc d'une meilleure maîtrise des dépenses de santé ? Comment le PLFSS pourrait-il devenir un outil de planification, de pilotage et de mesure du résultat de ces actions de long terme ?

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Croyez que je suis conscient de toute la difficulté qu'il y a d'anticiper avec certitude la situation économique de notre pays. Notre dette publique n'a cessé d'augmenter au cours de la dernière décennie et a littéralement explosé avec les mesures d'urgence prises en réponse à la crise économique qui a frappé notre pays.

Par ailleurs, il est pour l'heure impossible d'avoir une vision stable et pragmatique de la situation économique pour l'année 2021. La seule certitude est que le chômage risque d'augmenter de manière exponentielle. Les prévisions sont bien évidemment en deçà des schémas élaborés avant la pandémie. Comment, néanmoins, assurer la soutenabilité à moyen terme de notre dette publique, considérable enjeu pour la stratégie financière du pays ?

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Il est évident que personne ne souhaite revivre une période de confinement, les conséquences seraient désastreuses sur le plan social, économique et financier. Je pense toutefois que nous devons tirer tous les enseignements de cette crise. C'est la raison pour laquelle, je soutiens fortement, dans une logique de soins de proximité, l'implantation de différents plateaux techniques dans les hôpitaux de proximité et une discussion serrée sur la répartition de l'offre hospitalière au plan départemental. Je pense également que la gouvernance sanitaire, avec des ARS trop lointaines des décisions politiques, doit évoluer.

Vous prenez l'exemple du soutien aux établissements de santé pour préciser que l'octroi par les ARS des financements ne fait pas toujours l'objet d'un contrôle interne suffisamment rigoureux. Pensez-vous que les acteurs locaux, tels que les élus, doivent être associés au processus de décision ou, à défaut, à la concertation ?

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Je souhaite vous interroger sur une bombe à retardement, à savoir la sédentarité de notre population. Nous savons que les comptes sociaux sont très largement déficitaires, le coût de la sédentarité est estimé à près de 17 milliards d'euros. Nos associations sportives, avec la baisse des soutiens en raison de l'épidémie, rencontrent de grosses difficultés budgétaires. Avez-vous des évaluations à nous fournir ?

Par ailleurs, travaillez-vous sur des pistes pour que les investissements, non pas dans le sport d'élite en vue des Jeux olympiques de Paris en 2024, mais pour le sport dont le Comité national olympique et sportif français nous dit qu'il va perdre 25 % de ses licenciés, soit 4 millions, puissent nous aider à surmonter ce défi ? N'oublions pas que, par rapport aux deux dernières générations, ce sont 25 % de capacités physiques en moins, en moyenne, pour nos enfants.

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Je citerai trois aspects dans le domaine sanitaire qui, avec un objectif d'économies, permettraient de réaliser les soins et les progrès nécessaires.

D'abord, 30 % des actes sanitaires réalisés ne sont pas pertinents. Ils sont coûteux et parfois même préjudiciables aux malades. Comment améliorer la maîtrise des prescriptions afin de ne pratiquer que les actes pertinents ?

Ensuite, concernant le traitement par dialyse, le forfait est beaucoup plus élevé en France que dans tous les autres pays comparables, et des efforts insuffisants ont été développés pour un traitement qui est meilleur et moins onéreux, à savoir la transplantation rénale. Les économies réalisables se chiffrent en centaines de millions chaque année, quelques milliards en cinq ans.

Enfin, la mise en place des GHT n'a pas eu les résultats escomptés, les périmètres étant trop variables, souvent insuffisants, la mutualisation incomplète. Nous notons l'absence de personnalité morale, une inégalité entre les régions, une évaluation insuffisante des dépenses de dispositifs médicaux, une insuffisance de développement du modèle d'intégration sanitaire prévu par la responsabilité populationnelle.

Toutes ces pistes peuvent-elles être mises en chantier ?

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Ma question peut paraître être un peu décalée par rapport à notre réunion mais elle fait référence à vos compétences européennes : pensez-vous que l'Europe puisse reprendre la dette covid des États ? Est-ce possible, souhaitable et envisagé ?

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La branche maladie va subir la dégradation la plus spectaculaire, avec un déficit estimé à 31,1 milliards d'euros, creusé par une forte hausse des dépenses. Des réformes structurelles semblent aujourd'hui plus que jamais nécessaires afin de réaliser des économies et ne pas alourdir la dette sociale. Ce présent rapport préconise d'ailleurs la nécessaire inflexion de l'évolution des dépenses, l'amélioration de l'efficience de notre système de santé et le meilleur ciblage de certaines dépenses de solidarité.

Au regard de l'inflexion de l'évolution des dépenses, vous évoquez à plusieurs reprises les objectifs rehaussés de l'économie dans les dépenses liées aux dispositifs médicaux. Vous dites qu'il convient de contenir la hausse de 4 % par an du coût des dispositifs médicaux, qui va du pansement au lit médicalisé.

J'ai l'impression que nous sommes une nouvelle fois dans des coups de rabot répétés et déconnectés de la réalité du terrain et du souhait des Français. En effet, nous sommes face au constat suivant : d'une part, toutes les enquêtes réalisées auprès de la population font état du souhait des Français de rester à domicile le plus longtemps possible. D'autre part, les familles ont de plus en plus de difficultés à assumer le reste à charge de leurs proches dans les EHPAD. Nous avons également un nombre extrêmement restreint de personnes GIR1 et GIR2, maintenues à domicile, alors qu'elles le souhaiteraient. Nous évoquons régulièrement le développement de l'ambulatoire, j'y suis tout à fait favorable.

Ces constats nécessitent des matériels adaptés sans lesquels aucun maintien à domicile n'est envisageable. Les besoins sont donc croissants. Pouvez-vous nous préciser la logique de votre raisonnement par rapport à cette préconisation ?

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Dans le rapport de la Cour, à partir du chapitre IV, vous présentez huit axes d'action pour retrouver une trajectoire financière soutenable. Pourriez‑vous nous préciser la contribution de chacun de ces axes à l'atteinte de l'objectif financier global ?

Par ailleurs, vous soulignez l'iniquité du système de retraite, et indiquez surtout que les règles de calcul des minima de pension supposent de connaître le montant des pensions perçu dans chacun des régimes, et que les difficultés de coordination entre ces régimes ont des conséquences désastreuses pour les plus fragiles des retraités. Ainsi, 500 000 personnes attendent très longtemps le versement du MICO, complément de revenu essentiel pour les retraités percevant des petites pensions. Il s'agit d'un constat inacceptable. Je vois dans la mise en place d'un système universel de retraite une solution à ce problème ; partagez-vous ce point de vue ?

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Je reviendrai sur l'urgence et la nécessité de l'efficience organisationnelle. La Cour insiste dans son rapport sur une réforme des GHT qu'elle juge incomplète et partielle. Cependant, son approche est en silo, à savoir par spécialité, ou par rapport aux fonctions supports, telles que les ressources humaines ou le système de l'information. Avez-vous abordé, dans votre évaluation, les déficiences organisationnelles des GHT par le prisme de la gériatrie ?

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Vous indiquez que l'essentiel des aides bénéficie en pratique à quelques établissements publics de santé en déficit chronique, en métropole, mais surtout, dans des proportions importantes, en Corse et outre-mer.

Vous pointez également les difficultés pour contrôler l'efficience des actions financées dans le cadre du FIR, mais aussi dans l'affectation des crédits MIGAC destinés aux activités de soin, et leur visibilité pour leurs équipes médicales et soignantes concernées. Aussi, quels moyens la Cour des comptes identifie-t-elle afin d'accéder à cette transparence ?

Vous évoquez le renouvellement des équipements numériques ainsi que le recrutement de nouveaux personnels chargés de le réaliser ; qu'en est-il ?

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Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes

Concernant les GHT, il me semble que nous abordons le sujet comme il l'est dans les projets médicaux partagés, que nous avons quasiment intégralement consultés. Nous partageons très largement le diagnostic réalisé par le député Jean-Louis Touraine. Nous souhaitons aller vers une direction commune, vers une fusion, et donner un rôle important aux ARS.

Il est vrai que pour certains GHT, les territoires sont clairement trop petits et ne permettent pas de bénéficier d'un traitement équitable, exhaustif, pour l'ensemble des différentes pathologies. Nous souhaitons également que les GHT soient plus intégrés pour une meilleure efficacité, notamment durant la crise. L'association des élus est indispensable, nous avons tous constaté qu'une action de proximité est toujours plus efficace.

Pour une meilleure santé, la prévention est nécessaire. Et nous pouvons parfois noter trop de coercition et pas assez de prévention. La Cour réalise une évaluation de la prévention en santé pour le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale ; elle sera disponible en fin d'année.

Nous souhaitons tous tirer les enseignements de la crise. Cela signifie-t-il d'implanter des plateaux techniques dans les hôpitaux de proximité ? Pourquoi pas. Mais pour cela, des professionnels de santé doivent être disponibles.

S'agissant de la sédentarité, la Cour travaille également sur la prévention en santé publique et la prévention du vieillissement. Nous pourrons bientôt répondre plus en détail à cette question, qui concerne plusieurs chambres de la Cour des comptes.

Pour ce qui est des actes médicaux non pertinents, l'amélioration de la maîtrise de l'évaluation des prescriptions passe par une réforme de la tarification à l'activité.

Concernant la dialyse, nous avons réalisé une étude sur les insuffisances rénales chroniques, à laquelle je vous renvoie.

Nous ne sommes pas favorables aux coups de rabot sur les dispositifs médicaux. Il nous semble préférable de nous orienter vers des accords pré‑volumes, « le meilleur produit au meilleur prix pour l'usager », la pertinence et la maîtrise indicative.

La question des minima de pension est très délicate sur le plan politique. Nous n'avons pas à nous prononcer sur la pertinence de telle ou telle réforme ou sur un calendrier. Ce débat politique vous concerne, ainsi que le Gouvernement, et plus largement la société. Nous n'avons pas non plus à nous prononcer sur un projet qui n'est pas, actuellement, à l'agenda politique. En revanche, nous pensons qu'un système universel permettrait en effet de corriger, à la fois l'hétérogénéité et les insuffisances que nous avons pointées du doigt. Nous devons nous diriger, à moyen terme, vers cette voie.

Mais cela n'est pas la seule préoccupation d'une réforme des retraites ; d'autres paramètres doivent être pris en compte, et je ne veux pas me substituer à l'exécutif. Cependant, étant donné que nous sommes devant une incertitude, nous suggérons une harmonisation qui permettrait de résoudre les imperfections que nous constatons et qui ont des effets extrêmement dommageables. Je mentionnais les 500 000 retraités modestes qui sont dans l'attente du versement du MICO. J'ai indiqué le chiffre de 130 euros par personne, un montant qui n'est pas négligeable. Ce versement concerne un nouveau retraité sur cinq ; il existe donc un vrai problème. Par ailleurs, à défaut d'un système universel, il convient d'harmoniser les différents systèmes. Et les perspectives de la Cour en ce domaine sont relatives à un meilleur ciblage des dépenses, au bénéfice des plus défavorisés.

Enfin, je ne suis plus commissaire européen, mais je terminerai par la question relative à la reprise de la dette covid des États par l'Union européenne, et plus généralement à la dette publique.

D'abord, il m'est souvent demandé si la Cour ne surévaluait pas la dette publique, c'est-à-dire si la question de la soutenabilité de la dette publique n'était pas un problème qui était derrière nous. Non, la dette publique existe bien, et elle est un ennemi pour la cohésion sociale, pour le service public.

Aujourd'hui, la dette publique est parfaitement finançable. Les taux d'intérêt sont négatifs, nous avons une excellente signature et une homogénéité économique. Mais ils ne seront pas négatifs éternellement et la qualité de la signature doit se vérifier. Et elle se vérifie aussi à travers notre capacité à maîtriser la dette, et à mener des réformes structurelles visant à préparer notre future économie, car elles influent sur la croissance potentielle.

Nos concitoyens ne sont pas idiots, s'agissant de la dette covid. Certains leur racontent qu'elle sera totalement annulée ; il n'en est rien. Car in fine, ce serait une spoliation des épargnants. D'autres prétendent que la dette sera intégralement monétisée ; il s'agit d'une théorie monétaire moderne, paraît-il.

La Banque centrale européenne (BCE) réalise déjà des efforts considérables, qui sont les bienvenus et qui ont vraiment changé les choses. Souvenons-nous de Mario Draghi, en 2012, et son fameux « whatever it takes » pour sauver l'euro. Mais la BCE ne peut reprendre la totalité de la dette : ce serait une erreur ; ce n'est ni dans son mandat ni dans ses moyens.

S'agissant de la mutualisation d'une partie de la dette publique des pays membres, l'accord qui est intervenu en juin est formidable. Pour la première fois, il est question d'une forme de solidarité assumée, et non seulement des prêts mais aussi des subventions sont proposés. Mais nous parlons-là de 750 milliards d'euros, et de quelque 390 milliards de subventions, et les Européens restent, sur cette question, assez divisés. Il ne sera pas raisonnable de rêver à la mutualisation complète de la dette publique.

Mon sentiment sur ce sujet, et c'est un message que je délivrerai devant le Parlement et l'opinion publique tant que je serai dans cette fonction, est qu'une dette peut bien sûr être gérée, allégée, voire allongée, mais nous la retrouvons toujours à un moment donné. Si nous ne nous préoccupions pas de sa soutenabilité, nous ne serions pas responsables – je pense aux générations futures. Notre jeunesse est déjà très éprouvée par la crise sanitaire, dans son mode de vie, ses perspectives d'emploi... Le futur va être difficile pour les jeunes.

Si nous ignorons ce problème, le jour où les taux d'intérêt se renverseront, chaque euro consacré au remboursement de la dette sera un euro en moins pour ce à quoi vous êtes attachés : la cohésion sociale, l'hôpital, la justice sociale, les retraites...

La séance est levée à seize heures dix.