Intervention de George Pau-Langevin

Séance en hémicycle du mardi 12 décembre 2017 à 15h00
Orientation et réussite des étudiants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorge Pau-Langevin :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, l'enseignement supérieur est un sujet qui est souvent débattu avec une grande intensité. Nous avons pu le constater lors des nombreuses auditions menées par le rapporteur, qui ont donné lieu à des témoignages passionnés. En effet, il s'agit d'une période particulière de la vie, pendant laquelle le jeune cesse d'être un enfant dépendant de ses parents et cherche à construire sa vie, à trouver sa voie d'adulte indépendant.

L'enseignement supérieur constitue un facteur important de croissance et de développement d'un pays. Si les jeunes font des efforts, c'est qu'ils ont l'espoir, grâce aux études, de grandir en tant que personnes et d'avoir de meilleures chances pour l'avenir. Il est vrai que notre système a montré ses limites, car les procédures d'affectation à l'université ou les méthodes d'enseignement n'étaient pas conçues pour l'afflux d'étudiants dans l'enseignement supérieur que nous connaissons depuis plusieurs années. Les inscriptions ont été multipliées par huit en cinquante ans, passant de 310 000 étudiants en 1960 à 2,6 millions en 2017. Ainsi, ce sont 50 000 bacheliers de plus qui entrent dans l'enseignement supérieur chaque année, et cette évolution perdurera encore un certain temps.

Par ailleurs, la crise de l'emploi, qui dure depuis de nombreuses années, laisse sans solution un nombre considérable de non diplômés. Nos jeunes savent que s'ils veulent un emploi, il est important d'obtenir un diplôme de l'enseignement supérieur, même si les diplômés de l'enseignement supérieur exercent parfois un métier moins qualifié que ce qu'ils pouvaient espérer. En outre, pour un pays moderne comme le nôtre, il est indispensable que le niveau de qualification des jeunes s'élève sensiblement pour faire face aux nouveaux enjeux.

Les ministres et les parlementaires réfléchissent intensément, depuis de nombreuses années, à l'articulation entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur, et ils ont cherché à établir une vraie continuité entre bac - 3 et bac + 3 pour faciliter la réussite des étudiants et endiguer l'échec massif en première année de licence. Vous vous attaquez à votre tour à ce sujet délicat, madame la ministre, mais peut-être de manière un peu trop précipitée, pour répondre aux ratés du système d'affectation par APB, qui a beaucoup ému les familles cet été. D'ailleurs, ce malheureux système a été chargé de lourdes responsabilités mais, au fond, on ne devrait pas avoir recours à une procédure mécanique, comme un algorithme, pour faire à notre place des choix portant sur l'admission à l'université. Il était donc raisonnable que l'autorité politique définisse les modalités d'admission à l'université.

Nous convenons qu'il est nécessaire de rendre notre système plus ouvert à l'innovation et de répondre à des exigences élevées en matière d'enseignement supérieur, étant donné la nature des défis auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui : je pense notamment au développement de l'automatisation, de la numérisation ou des robots. Ainsi, les jeunes doivent non seulement disposer d'un bagage important, mais aussi se préparer à devoir évoluer pendant toute leur vie. Ils doivent avoir une formation initiale de bon niveau. Le système doit donc être réformé.

Pour autant, nous sommes un peu déçus par le décalage entre l'importance du problème posé et les dispositions du projet de loi. Ce texte me semble timide et, surtout, nous nous interrogeons sur les moyens que vous prévoyez pour la réussite de ce défi. Le principe de base prévalant dans notre pays, selon lequel tout candidat est libre de s'inscrire dans l'établissement de son choix, est supprimé par le projet de loi. Désormais, la règle sera d'accueillir les étudiants en fonction du nombre de places existantes dans telle ou telle formation.

L'étudiant qui a obtenu une réponse « Oui, si » se verra proposer un dispositif d'accompagnement pédagogique et de formation personnalisée. Or ceux-ci existent déjà au sein des universités, et de nombreux dispositifs ont été abandonnés, parce qu'ils ne fonctionnaient pas ou faute de moyens suffisants. L'enjeu essentiel de cette réforme est donc la manière dont ces dispositifs d'accompagnement seront organisés et financés. J'en conviens : si tant d'étudiants veulent être admis en DUT ou en STS, c'est parce que ces formations proposent davantage d'accompagnement.

Désormais, la plateforme de préinscription est rebaptisée « Parcoursup », mais ce nouveau nom ne résoudra pas les problèmes posés par les algorithmes. Surtout, comment organisera-t-on le travail des personnels qui devront corriger les ratés de l'algorithme ? Quelle gratification est prévue pour ceux qui devront examiner les dossiers transmis par ce dernier ? Si le nombre de candidats dépasse le nombre de places disponibles, l'université vérifiera la cohérence entre le profil du candidat et les caractéristiques de la formation, ce qui signifie – n'essayons pas de cacher cette réalité – que ce ne sera plus le bachelier qui décidera de son affectation, mais l'université qui choisira les étudiants admis. Ces étudiants, qui sont souvent les plus modestes, auront-ils la garantie d'être admis dans une formation de l'enseignement supérieur leur permettant de réussir leurs études ? C'est le point le plus important.

Pour ceux qui n'auront pas d'affectation dans leur académie pour les parcours voulus, il faudra prévoir des aides à la mobilité conséquentes qui leur permettront de suivre une formation dans une autre université. J'ai travaillé longtemps sur ce sujet pour les étudiants des outre-mer : ils ne peuvent étudier ailleurs que si le réseau d'encadrement est particulièrement développé.

Nous n'avons pas d'observations particulières à faire sur le rattachement des régimes particuliers de sécurité sociale étudiante au régime général. Il faudra cependant s'assurer que les mutuelles conservent un rôle significatif dans la prévention, souvent mieux faite par les pairs, et que les étudiants soient représentés au conseil d'administration de la CNAMTS.

Vous supprimez la cotisation sociale étudiante pour la remplacer par une contribution à la vie étudiante. Nous nous demandons pourquoi cette cotisation est modulée en fonction du type de formation suivie. Cela ne nous semble pas justifié. Par ailleurs, plusieurs catégories d'étudiants exonérées auparavant devront désormais s'en acquitter. Cette disposition doit être modifiée, car il n'est pas acceptable qu'un jeune de 18 ans paie désormais 20 euros. Ce ne sont pas de grosses sommes, mais c'est un montant significatif pour un jeune.

Votre réforme nous pose un problème majeur, madame la ministre : elle suppose un budget substantiel. Vous devrez améliorer le recrutement des enseignants et des personnels chargés d'encadrer les jeunes dans le secondaire. Il faudra également que l'enseignement supérieur adapte ses méthodes pour que les personnels prêtent davantage attention à la pédagogie qu'à la recherche ou aux publications, qui restent les principales sources de motivation aujourd'hui. Tout cela suppose des moyens considérables.

Or, vous venez de nous annoncer un budget de 500 millions d'euros pour ce dossier. Compte tenu du nombre d'étudiants toujours plus élevé, je crains que cette somme ne permette pas la réussite de votre réforme. Vous devrez nous donner de meilleures réponses.

Nous voulons tous, sur l'ensemble de ces bancs, résoudre le problème de l'échec massif en licence, mais nous ne pourrons y parvenir qu'en travaillant sur la question de l'orientation, la relation avec le monde des entreprises, les relations entre les universités, les relations entre les universités, les lycées et le monde des entreprises. C'est tout un ensemble de mesures que nous devons adopter si nous voulons que nos jeunes réussissent mieux.

En l'état actuel, la transformation de d'APB en « Parcoursup » est un premier élément, mais il ne représente pas une réforme en profondeur.

Nous réservons par conséquent notre position pour le moment, en attendant de suivre les débats et de connaître le sort qui sera réservé à nos propositions d'amélioration.

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