Il me revient de vous présenter une autre convention signée par la France avec la Principauté d'Andorre, cette fois-ci sur la coopération transfrontalière en matière policière et douanière. Elle a été signée le même jour que celle présentée par Isabelle Rauch, en mars 2014.
Comme ma collègue, je ne peux que déplorer la faible mobilisation des services ministériels pour répondre aux questions que je leur ai posées avec plus de trois semaines de préavis. Ce ne sont pas des bonnes conditions de travail pour notre commission, et nous devrons veiller à ce que cela ne se reproduise pas.
Il s'agit d'une convention destinée à fournir un cadre juridique aux actions de coopération transfrontalière entreprises entre les services de police et de douane de la Principauté et ceux des départements français limitrophes, l'Ariège et les Pyrénées orientales.
Cette coopération est d'ampleur relativement modeste, notamment au regard des relations qu'entretiennent les services andorrans avec leurs homologues espagnols, notamment en Catalogne. Mais il semble que ces échanges soient montés en puissance au cours des dernières années, à la faveur d'une plus grande ouverture de la Principauté à la coopération sur certaines problématiques de criminalité transfrontalière assez sensibles pour elle.
Quelles sont ces problématiques ? Elles se rattachent souvent, de près ou de loin, au statut un peu spécial de la Principauté d'Andorre, longtemps considérée comme un paradis fiscal, en raison de son secret bancaire étendu et de sa fiscalité quasi inexistante. Cette situation a beaucoup évolué au cours des dernières années. Andorre a mis en place un système fiscal, certes avantageux, et a fait un incontestable effort de transparence financière qui lui a permis de sortir de la liste grise des juridictions non coopératives de l'OCDE. Ainsi, la Principauté appliquera l'échange automatique de données fiscales, dès 2018.
Cette particularité fiscale a pu favoriser le développement d'une criminalité transfrontalière spécifique, contre laquelle la Principauté montre, de plus en plus, une volonté d'agir, malgré des moyens policiers et douaniers assez limités, surtout lorsqu'il s'agit de compétences spécialisées. A cette fin, la France apporte une assistance technique au profit des magistrats et policiers andorrans.
Mais en dépit des progrès réalisés, le Gouvernement note qu'Andorre pourrait encore faire davantage pour s'approprier les conventions internationales et régionales de lutte contre la corruption et le blanchiment, et participer aux réseaux spécialisés consacrés à ces questions. Nous devons soutenir cette évolution de notre partenaire, sur les plans technique mais aussi diplomatique.
On observe, en premier lieu, l'existence d'une grande criminalité financière, avec des affaires de blanchiment d'argent qui ont notamment impliqué l'une des grandes banques de la Principauté, la Banca priva d'Andorra (BPA). Ces affaires peuvent avoir des ramifications en France. Par exemple, en 2015, on avait découvert que des douaniers de l'aéroport de Roissy blanchissaient en Andorre de l'argent prélevé à des trafiquants latino-américains.
Deuxième problématique sur laquelle la coopération transfrontalière avec Andorre revêt un enjeu important, la lutte contre l'évasion fiscale. Depuis la signature par Andorre d'un accord sur la transparence fiscale avec l'Union européenne, en 2016, les établissements bancaires andorrans ont mis en place des contrôles plus rigoureux qui ont poussé certains de nos compatriotes à vouloir rapatrier leurs avoirs en France sans respecter les obligations fiscales et déclaratives en la matière. Cela exige une vigilance et une coopération accrue avec les services andorrans.
Troisième champ de coopération important, il s'agit de la lutte contre la contrebande de cigarettes. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il existe un différentiel considérable entre le prix du tabac en France et en Andorre. Cet écart est appelé à s'accroître encore au cours des prochaines années, avec la hausse programmée en France. D'ores et déjà, on observe une montée en puissance des organisations de trafiquants entre la France et l'Andorre, avec des modes opératoires de plus en plus violents, dans un contexte où la réponse pénale reste faible. Il existe aussi une problématique de blanchiment de l'argent de la contrebande par des douaniers.
Là aussi, Andorre a donné des gages récents de sa volonté d'être plus proactive dans ce domaine, notamment en imposant un prix de vente minimum. La principauté a aussi accepté de participer à des opérations conjointes avec les douanes françaises pour démanteler les organisations de trafiquants. Mais d'après les retours que nous avons eus, les résultats ont été assez maigres en raison d'un défaut de coordination avec les autorités politiques et judiciaires andorranes.
Ces exemples illustrent le fait qu'il y a un réel enjeu à formaliser, sécuriser, développer la coopération policière et douanière avec Andorre, dans un contexte où les besoins opérationnels sont avérés.
C'est l'objet de la convention que nous examinons aujourd'hui. Elle prévoit de développer les échanges directs entre les services policiers et douaniers, en organisant une transmission d'informations sur demande, mais aussi spontanée, dans le respect des exigences fondamentales de protection des données personnelles. La convention prévoit également des contacts réguliers entre services, pouvant aller jusqu'au détachement de fonctionnaires de liaisons ainsi qu'à la mise en place de patrouilles mixtes, dans le respect de la souveraineté de chaque Etat.
La convention vise aussi à appuyer la montée en puissance des capacités policières et douanières andorranes par de la formation et des stages en France, dans la limite des places disponibles. Enfin, elle offre la possibilité aux Andorrans de solliciter le concours ponctuel des unités spécialisées des forces de l'ordre françaises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, de troubles graves à l'ordre public ou encore de situations d'une « gravité particulière » ; la France y répond « dans la mesure de ses possibilités ».
Concrètement, quels effets pouvons-nous attendre de l'entrée en vigueur de cet accord ? Il s'agit avant tout d'apporter une base juridique aux coopérations existantes, permettant notamment d'intervenir dans le cadre d'opérations conjointes sur le territoire de l'autre Partie.
L'impact administratif et financier de l'accord doit être très limité. Globalement, il est prévu que ces coopérations se déploient à moyens constants, dans la limite des disponibilités budgétaires de chaque Etat. Aucune structure spéciale n'a vocation à être créée. Avec ses autres partenaires frontaliers, la France a créé des centres de coopération policière et douanière (CCPD), mais les besoins opérationnels ne justifient pas cette charge pour la coopération avec Andorre ; ils peuvent notamment être satisfaits grâce au Bureau à contrôles nationaux juxtaposés (BCNJ) ouvert à Porta depuis 2011.
Au total, cet accord me semble plutôt vertueux. Il permettra de sécuriser et dynamiser la coopération transfrontalière avec les services de police et de douane andorrans et de mieux exploiter les synergies territoriales potentielles. Cet accord permettra aussi de mieux lutter contre la fraude fiscale, le blanchiment et la contrebande, qui peuvent alimenter les organisations terroristes.
Au bénéfice de ces observations, je vous propose donc de voter le projet d'approbation de cette convention.