La séance est ouverte à seize heures trente.
Notre ordre du jour prévoit l'examen de cinq projets de loi autorisant l'approbation de cinq accords. Ces cinq accords sont inscrits le lundi 18 décembre à l'ordre du jour de l'Assemblée en procédure d'examen simplifié. Ce même lundi 18 décembre sont également prévus en procédure avec débat l'accord de partenariat avec le Kazakhstan et celui sur la sécurité sociale avec l'Algérie.
Nous examinons en premier, sur le rapport de M. Christophe Naegelen, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre la France et le Costa Rica (n° 159).
Madame la Présidente, mes chers collègues, il me revient de soumettre à votre examen le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica.
Bien que la France et le Costa-Rica soient d'ores et déjà Parties à plusieurs conventions multilatérales spécialisées adoptées sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies, les deux pays ne sont liés par aucun dispositif conventionnel bilatéral permettant l'extradition des personnes recherchées ou condamnées et en fuite. Ces échanges s'effectuent dès lors sur la base de l'offre de réciprocité, dans le cadre de la courtoisie internationale. En février 2006, dans le contexte de l'affaire Alcatel, les autorités du Costa Rica ont cependant exprimé le souhait d'ouvrir des négociations avec la France en vue de la mise en place d'une convention d'entraide judiciaire en matière pénale et d'une convention d'extradition. Un bref échange de textes a abouti à la signature le 4 novembre 2013 des deux textes examinés aujourd'hui, la présente convention d'entraide judiciaire et la convention d'extradition.
Le texte qui résulte de cet échange est classique et son adoption ne présente pas de difficulté particulière. Les deux parties s'engagent à se livrer réciproquement les personnes, qui se trouvant sur le territoire de l'une d'elles, sont recherchées par les autorités judiciaires de l'autre partie, afin de permettre l'exercice des poursuites pénales ou d'assurer l'exécution d'une peine privative de liberté prononcée par les autorités judiciaires de l'autre État à la suite d'une infraction pénale.
Les faits donnant lieu à extradition doivent être punis par la loi des deux parties, la peine encourue devant être d'au moins deux années d'emprisonnement lorsque l'extradition est demandée aux fins de poursuite, et le reliquat de la peine restant à purger devant être d'au moins six mois lorsque l'extradition est sollicitée aux fins d'exécution de peine. L'extradition par une partie de ses propres nationaux est possible selon la convention, mais demeure interdite par les législations des deux pays, et n'aura donc pas lieu en l'état.
Les motifs obligatoires et facultatifs de refus sont également classiques : l'extradition ne peut notamment être demandée pour des raisons relevant de la discrimination de race, religion, nationalité ou origine ethnique, ni sur la base d'infractions politiques ou militaires. Y font également obstacle l'impossibilité de poursuivre pénalement l'infraction du fait de la législation de l'une des deux parties ou le fait qu'un tribunal d'exception doive juger ou ait condamné la personne réclamée. La convention exclut également de son champ les procédures pouvant aboutir à la condamnation à une peine capitale ou de perpétuité, sauf garantie de non-exécution ou application de ces peines par la partie requérante. L'effet de cette disposition demeure cependant théorique puisque ces peines ne figurent pas dans la législation du Costa Rica.
L'extradition peut également, de façon classique, être refusée pour des raisons humanitaires ou dans certains cas où la compétence territoriale de la partie requérante paraît discutable.
Le principe, également classique, de spécialité limite l'action menée par la partie requérante vis-à-vis de la personne extradée aux seuls faits ayant motivé l'extradition, sauf ces derniers sont postérieurs à la remise, ou si la partie requise consent à une extension de l'extradition à des faits différents. La convention prévoit également l'hypothèse de demandes simultanées de la part de plusieurs États concernant une même personne, en énumérant des critères à prendre en compte par la partie requise. La ré-extradition vers un État tiers ne peut enfin avoir lieu qu'avec le consentement de la partie ayant accordé la première extradition.
Les demandes d'extradition sont transmises par la voie diplomatique et peut être précédée d'une demande d'arrestation provisoire transmise par la même voie. L'arrestation provisoire dure au maximum soixante jours.
La convention encadre ces demandes par des procédures formelles et précise notamment le délai de soixante jours dans lequel un transfert accordé doit avoir lieu avant que la partie requérante ne puisse remettre en liberté la personne réclamée.
Les frais liés à l'exécution de la demande d'extradition sont à la charge de l'État requis, tandis que les frais liés au transfèrement doivent l'être par la partie requérante. Les frais de nature extraordinaire sont répartis selon les conditions définies par les parties après consultation.
Le texte de la convention offre l'ensemble des garanties inhérentes à la tradition juridique française. Son contenu est similaire à celui de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 et des textes bilatéraux habituellement négociés et signés par les autorités françaises. Son approbation n'implique donc aucune adaptation des dispositions législatives ou règlementaires nationales.
Les demandes d'extradition entre la France et le Costa Rica sont enfin peu fréquentes. Entre 2003 et 2016, la France a ainsi émis six demandes et le Costa Rica aucune.
Ce texte entrera en vigueur une fois que les deux pays l'auront approuvé, ce que le Costa Rica n'a pas encore fait, et complètera utilement la convention sur l'entraide judiciaire en matière pénale que nous sommes également appelés à examiner. Le Sénat a approuvé ce texte le 9 novembre 2016, et je vous recommande de l'approuver également.
Pour aller dans le sens de M. le Rapporteur, et pour lever quelques éventuelles inquiétudes résiduelles, le Costa Rica a aboli la peine de mort dès 1877 et sa constitution affirme que le droit à la vie est inviolable.
Comme je l'ai précisé dans le rapport, c'est une convention classique. Nous avons aujourd'hui des accords bilatéraux d'extradition avec quatre-vingt-dix États, dont certains sur le continent américain, bien sûr.
Vous avez répondu à la première question qui concernait le nombre de conventions d'extraditions passées par la France dans la région. C'est dans le cadre du Groupe des Etats d'Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC) qu'il faut raisonner.
Concernant la convention elle-même, l'article 1er me semble un peu ambigü et j'ai l'impression qu'on ne peut pas vraiment analyser le contenu de la procédure. Comment peut-on juger de son bien-fondé ? Quels moyens avons-nous à notre disposition ?
Par exemple, la France demande l'extradition d'un ressortissant français résidant au Costa Rica. Dès lors que cette demande ne contrevient pas aux règles de droit du Costa Rica, le Costa Rica accepte et le prisonnier est emmené en France. C'est en fait très simple.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 159 sans modification.
Madame la Présidente, mes chers collègues, il me revient de soumettre à votre examen le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica.
Bien que parties à plusieurs conventions multilatérales spécialisées adoptées sous l'égide de l'Organisation des Nations unies, la France et le Costa Rica ne sont jusqu'à présent liés par aucun dispositif conventionnel bilatéral d'entraide judiciaire. Celle-ci a cependant lieu, mais au cas par cas et sur la base de la réciprocité, dans le cadre de la courtoisie internationale.
Le Costa Rica est un petit pays où sont enregistrés 8560 Français, tandis que 426 Costariciens sont enregistrés en France. En février 2006, dans le contexte de l'affaire Alcatel, les autorités du Costa Rica ont cependant exprimé le souhait d'ouvrir des négociations avec la France en vue de la mise en place d'une convention d'entraide judiciaire en matière pénale et d'une convention d'extradition. Un bref échange de textes a abouti à la signature le 4 novembre 2013 des deux textes examinés aujourd'hui, la présente convention d'entraide judiciaire et la convention d'extradition.
La convention d'entraide judiciaire en matière pénale que nous examinons aujourd'hui comprend les dispositions classiques de ce type de conventions et n'implique aucune modification de notre droit. Elle vise à couvrir les principaux domaines dans lesquelles l'entraide judiciaire a lieu dès à présent, et à formaliser ainsi qu'à fluidifier cette dernière.
Pour ce faire, elle pose tout d'abord le principe d'un champ d'application « le plus large possible ». Sont ainsi couvertes toutes les procédures pénales, mais également des actions civiles jointes aux actions pénales dans certaines procédures particulières. Ce champ n'est pas exclusif, et les techniques spéciales d'enquêtes comme les infiltrations, que la France a renoncé à inclure dans le texte, peuvent néanmoins être couvertes au cas par cas et faire l'objet d'une coopération entre les deux pays. Le refus d'entraide demeure cependant possible en application des restrictions classiques, relatives en particulier au caractère politique de l'infraction ou aux risques d'atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou à l'ordre public de l'État requis.
Il est à noter que le champ d'application de la convention en matière bancaire est large. Le Costa Rica est un État coopératif dans ce domaine. L'entraide ne peut ainsi être rejetée en invoquant simplement le secret bancaire, ni au seul motif que la demande se rapporte à une infraction que la partie requise qualifie d'infraction fiscale.
La convention vise principalement à fluidifier l'entraide judiciaire entre les deux pays. Elle instaure à cette fin une communication directe entre les autorités centrales désignées par les deux pays – le ministère de la Justice dans le cas de la France, les transmissions ne passant donc plus par la voie diplomatique, et les procédures se trouvant par ailleurs simplifiées par plusieurs dispositions de la convention.
Cette dernière met également en place une exigence de célérité et permet par ailleurs à la partie requérante d'obtenir la réalisation des actes d'entraide sollicités selon des formalités et des procédures particulières, voire d'assister elle-même à leur réalisation, sous réserve que ces dernières ne soient pas contraires aux principes fondamentaux du droit de la partie requise. Dans le cas des auditions de témoins ou d'experts, le droit français ne permet cependant pas à une autorité étrangère de procéder elle-même à des auditions sur le territoire français mais uniquement d'y assister.
Les auditions par vidéoconférence sont cependant prévues par la convention, lorsque la comparution sur le territoire de la partie requérante du témoin ou de l'expert est impossible ou inopportune.
La confidentialité des demandes et de leurs contenus fait partie des obligations de la partie requise, qui peut elle-même demander qu'une information ou un élément de preuve demeure confidentiel, ou ne soit divulgué qu'à ses conditions.
Enfin, les frais d'exécution de demandes ne sont en principe pas remboursés à la partie requise, sauf lorsque ces frais sont de nature extraordinaire, auquel cas les parties se consultent pour fixer les conditions de l'exécution.
Les dispositions du texte sont largement inspirées des mécanismes de coopération qui prévalent déjà au sein de l'Union européenne et reprennent, pour l'essentiel, les dispositions classiques de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 et de son protocole additionnel en date du 17 mars 1978. L'ensemble de ces mécanismes ont d'ores et déjà été intégrés dans notre ordre juridique et, par conséquent, la ratification de cette convention n'implique aucune modification législative. La convention a été approuvée le 4 janvier 2017 par la partie costaricienne. Le Sénat a quant à lui approuvé ce texte le 9 novembre 2016. Son approbation par la France permettra son entrée en vigueur. Ne voyant aucune raison de s'y opposer, je vous recommande donc d'approuver ce texte.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 160 sans modification.
Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relatif à la coopération technique et à l'assistance mutuelle en matière de sécurité civile, (n° 167)
Je vous présente une convention conclue par la France avec Andorre le 17 mars 2014, qui porte sur la coopération en matière de sécurité civile.
En préambule, je souhaite signaler que j'ai eu beaucoup de mal à obtenir les informations nécessaires pour pouvoir travailler sur cette convention. Nous avons adressé une série de questions au ministère plus de trois semaines à l'avance et n'avons finalement pu obtenir que des réponses partielles, malgré de multiples relances.Je dis nous car je tiens à saluer le travail de l'administration et notamment l'administratrice en charge de ce rapport. Je trouve que ces conditions de travail ne sont pas dignes de notre commission.
Venons-en maintenant à la convention soumise à l'examen de notre commission. Elle vise à encadrer juridiquement notre coopération avec Andorre dans le domaine de la sécurité civile. Cette coopération a vu le jour dans les années 1990, entre la sécurité civile française et les services de secours de l'Ariège et des Pyrénées orientales, d'une part, et la protection civile andorrane, d'autre part, autour des problématiques spécifiques liées à cette région de montagne.
Concrètement, de quoi s'agit-il ? En premier lieu, d'échanges d'informations réguliers entre les services français et andorrans sur l'évaluation des risques locaux. Ces risques, quels sont-ils ? Ils sont principalement liés au milieu montagneux : risques d'éboulements, d'inondations, de mouvements de terrain, d'avalanches, ainsi que de phénomènes climatiques atypiques susceptibles d'avoir des conséquences particulièrement graves dans cette zone où les activités de loisirs de montagne sont très développées.
La coopération repose aussi sur de la formation, essentiellement au profit des sapeurs pompiers andorrans, qui effectuent tous leur formation spécialisée en France, ce qui garantit une certaine interopérabilité avec les services français pour intervenir dans des situations d'urgence.
Ces interventions en situation d'urgence représentent le troisième volet de notre coopération de sécurité civile. La plupart du temps, il s'agit d'opérations de secours en montagne. Mais les services de secours locaux gardent aussi la mémoire des tempêtes qui avaient sévi en France à la fin de l'année 1999 ; Andorre avait alors dépêché plusieurs équipes de secouristes et mis à disposition des équipements et véhicules de secours pour renforcer les capacités françaises dans la zone frontalière.
Au total, l'ampleur des actions de coopération conduites entre services de secours français et andorrans est plutôt limitée ; néanmoins, il paraissait utile et nécessaire de conclure un accord afin de leur donner une base juridique, notamment pour encadrer l'intervention d'une équipe de secours sur le territoire de l'autre partie en situation d'urgence.
Jusqu'à aujourd'hui, cette base juridique n'existe pas. Pourtant, dès 1996, Andorre a proposé un projet d'accord de coopération en matière de sécurité civile ; et depuis, de nombreux projets et contre-projets se sont succédés.
Alors, comment expliquer que la négociation ait été à ce point laborieuse, pour un sujet qui ne paraît pas particulièrement sensible à première vue ? En réalité, les discussions ont longtemps achoppé sur la question du partage de la charge financière.
D'un côté, la France refusait de conclure un accord qui prévoirait une automaticité de l'octroi des secours en situation d'urgence. En effet, la de crainte était se voir privée des moyens de secours pour des urgences qui surviendraient sur le territoire national, notre pays refusant aussi que la charge financière repose sur le pays apportant les moyens de secours, étant donnée l'asymétrie prévisible dans l'application de cette clause au profit d'Andorre, du fait de la disproportion des moyens de secours. Au total, la France voulait se prémunir de tout risque de transfert de la responsabilité des secours en Andorre sur les services français, ce qui semble légitime.
Mais de son côté, Andorre s'inquiétait de ce que la charge résultant de l'application de l'accord pût être disproportionnée au regard de ses moyens.
L'accord que nous examinons aujourd'hui est donc le fruit d'un compromis minutieusement négocié, et il me semble plutôt équilibré.
Il comporte trois principaux volets. Le premier, relatif à la coopération technique et scientifique, ne pose pas de difficultés particulières. Il mentionne les formes possibles de cette coopération : envoi de techniciens, accueil d'étudiants boursiers, échanges divers, etc, dans la mesure des disponibilités budgétaires de chaque Etat.
Le deuxième volet porte sur l'assistance mutuelle en situation d'urgence. Elle se fait sur demande, et il revient à la partie sollicitée d'apprécier la réponse qu'elle entend donner. Cette dernière finance cette intervention dans la mesure de ses disponibilités budgétaires ; au-delà, elle pourra en obtenir remboursement. L'Etat à l'origine de la demande est, par principe, responsable des dommages survenus à cette occasion, mais chaque Etat prend en charge les dommages causés à ses propres équipements.
Il est donc manifeste que tous les points durs exprimés par la France lors de la négociation ont été pris en compte.
Enfin, Andorre a souhaité insérer dans l'accord un troisième volet qui prévoit la possibilité d'intégrer l'une de ses équipes de secours à un détachement français intervenant dans le cadre d'une catastrophe naturelle ou technologique dans un pays tiers.
Quel en est l'intérêt ? Il s'agit de permettre aux personnels de la protection civile andorrane de se former ou d'acquérir une expérience dans ces situations, pour lesquelles la France dispose de savoir-faire que la Principauté n'a la capacité de développer de manière endogène. Par exemple, lorsque la France est intervenue en Haïti en 2014, les Andorrans avaient exprimé leur intérêt pour participer au détachement français. Mais ce type de montage n'était pas concevable en l'absence d'un cadre juridique solide.
L'accord que nous examinons y remédie. Il prévoit que la France accepte le principe de la participation de détachements andorrans dans ces situations ; elle en appréciera l'opportunité au cas par cas, et recherchera l'assentiment des pays tiers concernés.
Nous avons déjà conclu un accord de ce type avec Monaco, en 2004. Il a notamment été mobilisé lors de la catastrophe nucléaire de Fukushima, en 2011, et semble avoir donné satisfaction.
Au total, l'accord qui nous est soumis vient combler un vide juridique. L'asymétrie assumée de ses clauses est tempérée par un partage équilibré des charges, qui doit permettre à la France de les appliquer à moyens constants, dans la limite de ses disponibilités budgétaires. Cet accord permet de valoriser les savoir-faire spécialisés de la sécurité civile et des services de secours français. Notre partenaire l'a ratifié dès 2015, et je vous encourage aujourd'hui à faire de même.
Je suis heureux que les Andorrans aient pu prendre en compte nos demandes. Nous aurions pu leur rappeler que le Président de la République française est coprince d'Andorre. Pour satisfaire une curiosité, je voulais savoir s'il avait accepté ce titre qui me parait presque aussi peu républicain que celui de chanoine du Latran.
Et il a même été le premier Président français à poser avec le drapeau andorran derrière lui.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission adopte le projet de loi n° 167 sans modification.
Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière (n° 168)
Il me revient de vous présenter une autre convention signée par la France avec la Principauté d'Andorre, cette fois-ci sur la coopération transfrontalière en matière policière et douanière. Elle a été signée le même jour que celle présentée par Isabelle Rauch, en mars 2014.
Comme ma collègue, je ne peux que déplorer la faible mobilisation des services ministériels pour répondre aux questions que je leur ai posées avec plus de trois semaines de préavis. Ce ne sont pas des bonnes conditions de travail pour notre commission, et nous devrons veiller à ce que cela ne se reproduise pas.
Il s'agit d'une convention destinée à fournir un cadre juridique aux actions de coopération transfrontalière entreprises entre les services de police et de douane de la Principauté et ceux des départements français limitrophes, l'Ariège et les Pyrénées orientales.
Cette coopération est d'ampleur relativement modeste, notamment au regard des relations qu'entretiennent les services andorrans avec leurs homologues espagnols, notamment en Catalogne. Mais il semble que ces échanges soient montés en puissance au cours des dernières années, à la faveur d'une plus grande ouverture de la Principauté à la coopération sur certaines problématiques de criminalité transfrontalière assez sensibles pour elle.
Quelles sont ces problématiques ? Elles se rattachent souvent, de près ou de loin, au statut un peu spécial de la Principauté d'Andorre, longtemps considérée comme un paradis fiscal, en raison de son secret bancaire étendu et de sa fiscalité quasi inexistante. Cette situation a beaucoup évolué au cours des dernières années. Andorre a mis en place un système fiscal, certes avantageux, et a fait un incontestable effort de transparence financière qui lui a permis de sortir de la liste grise des juridictions non coopératives de l'OCDE. Ainsi, la Principauté appliquera l'échange automatique de données fiscales, dès 2018.
Cette particularité fiscale a pu favoriser le développement d'une criminalité transfrontalière spécifique, contre laquelle la Principauté montre, de plus en plus, une volonté d'agir, malgré des moyens policiers et douaniers assez limités, surtout lorsqu'il s'agit de compétences spécialisées. A cette fin, la France apporte une assistance technique au profit des magistrats et policiers andorrans.
Mais en dépit des progrès réalisés, le Gouvernement note qu'Andorre pourrait encore faire davantage pour s'approprier les conventions internationales et régionales de lutte contre la corruption et le blanchiment, et participer aux réseaux spécialisés consacrés à ces questions. Nous devons soutenir cette évolution de notre partenaire, sur les plans technique mais aussi diplomatique.
On observe, en premier lieu, l'existence d'une grande criminalité financière, avec des affaires de blanchiment d'argent qui ont notamment impliqué l'une des grandes banques de la Principauté, la Banca priva d'Andorra (BPA). Ces affaires peuvent avoir des ramifications en France. Par exemple, en 2015, on avait découvert que des douaniers de l'aéroport de Roissy blanchissaient en Andorre de l'argent prélevé à des trafiquants latino-américains.
Deuxième problématique sur laquelle la coopération transfrontalière avec Andorre revêt un enjeu important, la lutte contre l'évasion fiscale. Depuis la signature par Andorre d'un accord sur la transparence fiscale avec l'Union européenne, en 2016, les établissements bancaires andorrans ont mis en place des contrôles plus rigoureux qui ont poussé certains de nos compatriotes à vouloir rapatrier leurs avoirs en France sans respecter les obligations fiscales et déclaratives en la matière. Cela exige une vigilance et une coopération accrue avec les services andorrans.
Troisième champ de coopération important, il s'agit de la lutte contre la contrebande de cigarettes. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il existe un différentiel considérable entre le prix du tabac en France et en Andorre. Cet écart est appelé à s'accroître encore au cours des prochaines années, avec la hausse programmée en France. D'ores et déjà, on observe une montée en puissance des organisations de trafiquants entre la France et l'Andorre, avec des modes opératoires de plus en plus violents, dans un contexte où la réponse pénale reste faible. Il existe aussi une problématique de blanchiment de l'argent de la contrebande par des douaniers.
Là aussi, Andorre a donné des gages récents de sa volonté d'être plus proactive dans ce domaine, notamment en imposant un prix de vente minimum. La principauté a aussi accepté de participer à des opérations conjointes avec les douanes françaises pour démanteler les organisations de trafiquants. Mais d'après les retours que nous avons eus, les résultats ont été assez maigres en raison d'un défaut de coordination avec les autorités politiques et judiciaires andorranes.
Ces exemples illustrent le fait qu'il y a un réel enjeu à formaliser, sécuriser, développer la coopération policière et douanière avec Andorre, dans un contexte où les besoins opérationnels sont avérés.
C'est l'objet de la convention que nous examinons aujourd'hui. Elle prévoit de développer les échanges directs entre les services policiers et douaniers, en organisant une transmission d'informations sur demande, mais aussi spontanée, dans le respect des exigences fondamentales de protection des données personnelles. La convention prévoit également des contacts réguliers entre services, pouvant aller jusqu'au détachement de fonctionnaires de liaisons ainsi qu'à la mise en place de patrouilles mixtes, dans le respect de la souveraineté de chaque Etat.
La convention vise aussi à appuyer la montée en puissance des capacités policières et douanières andorranes par de la formation et des stages en France, dans la limite des places disponibles. Enfin, elle offre la possibilité aux Andorrans de solliciter le concours ponctuel des unités spécialisées des forces de l'ordre françaises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, de troubles graves à l'ordre public ou encore de situations d'une « gravité particulière » ; la France y répond « dans la mesure de ses possibilités ».
Concrètement, quels effets pouvons-nous attendre de l'entrée en vigueur de cet accord ? Il s'agit avant tout d'apporter une base juridique aux coopérations existantes, permettant notamment d'intervenir dans le cadre d'opérations conjointes sur le territoire de l'autre Partie.
L'impact administratif et financier de l'accord doit être très limité. Globalement, il est prévu que ces coopérations se déploient à moyens constants, dans la limite des disponibilités budgétaires de chaque Etat. Aucune structure spéciale n'a vocation à être créée. Avec ses autres partenaires frontaliers, la France a créé des centres de coopération policière et douanière (CCPD), mais les besoins opérationnels ne justifient pas cette charge pour la coopération avec Andorre ; ils peuvent notamment être satisfaits grâce au Bureau à contrôles nationaux juxtaposés (BCNJ) ouvert à Porta depuis 2011.
Au total, cet accord me semble plutôt vertueux. Il permettra de sécuriser et dynamiser la coopération transfrontalière avec les services de police et de douane andorrans et de mieux exploiter les synergies territoriales potentielles. Cet accord permettra aussi de mieux lutter contre la fraude fiscale, le blanchiment et la contrebande, qui peuvent alimenter les organisations terroristes.
Au bénéfice de ces observations, je vous propose donc de voter le projet d'approbation de cette convention.
Votre constat est assez inquiétant. Vous avez évoqué la criminalité organisée, la délinquance, la contrebande. Ce projet de loi est-il donc un aboutissement ou un point de départ pour une coopération transfrontalière plus approfondie ?
Je pense précisément que cet accord mérite que nous lui donnions une suite favorable car les problématiques, sans être massives, sont réelles et pourraient s'aggraver dans les prochaines années. Il est donc important aujourd'hui que nous donnions un cadre juridique à notre coopération transfrontalière. Cet accord nous donne tous les outils utiles pour coopérer ; il nous reviendra d'en contrôler la mise en oeuvre.
M Jean-François Mbaye. Pouvez-vous me préciser si la principauté d'Andorre entretient des relations étroites avec la police espagnole ? Avons-nous développé des relations trilatérales en la matière ?
Quelle serait l'utilité de créer ultérieurement un centre de coopération policière et douanière ?
Andorre existait grâce à sa marginalité et la spécificité de son tourisme basé sur la contrebande et l'or pas cher. La position de l'Espagne est importante : se désintéresse-t-telle d'Andorre ?
Andorre entretient des relations privilégiées avec les services de police et de douane espagnols, le partage de la langue catalane aidant. Il était donc nécessaire de fixer un cadre à la coopération franco-adorrane, qui vient combler un vide juridique. Quant aux relations trilatérales avec l'Espagne, elles ne sont pas institutionnalisées mais peuvent se traduire par des échanges opérationnels au cas par cas.
Par ailleurs, aujourd'hui, il n'y a pas de réel intérêt à créer un centre commun de coopération policière et douanière, qui engendrerait des coûts non négligeables, au regard des besoins opérationnels. Ces derniers peuvent être satisfaits en optimisant les moyens existants.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission adopte le projet de loi n° 168 sans modification.
Projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la fiscalité applicable dans l'enceinte de l'aéroport de Bâle-Mulhouse (n° 373)
L'accord que nous examinons vise à mettre un terme à une situation d'incertitude juridique qui dure depuis près de soixante-dix ans. Une telle durée alors qu'un engagement réciproque de clarification de règles fiscales avait été pris en 1949 peut paraître surprenante. Pour comprendre cette situation, il faut faire un peu d'histoire et aussi replacer l'aéroport de Bâle-Mulhouse dans son contexte, celui d'un important bassin économique transfrontalier, trois pays, France, Suisse et Allemagne, étant concernés.
L'aéroport de Bâle-Mulhouse constitue un cas unique en son genre : il est intégralement situé sur le sol français, plus précisément sur les communes de Blotzheim, Hésingue et Saint-Louis dans le Haut-Rhin, mais il est paradoxalement soumis à un régime juridique binational. Il n'existe aucun autre aéroport qui relève d'un régime comparable, de sorte que les solutions qui doivent y être mises en oeuvre sur le plan du droit – fiscal dans le cas présent – sont nécessairement spécifiques.
Cela tient à l'histoire. Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, la France et la Suisse se sont entendues pour construire un aéroport, qui a été inauguré en 1946. Une convention bilatérale a été signée le 4 juillet 1949 pour définir les règles relatives à sa construction et à son exploitation
Le principe général posé dans ce texte est que la loi française s'applique dans l'aéroport, sauf dérogations prévues par la convention elle-même et ses annexes. La gestion de l'aéroport est confiée à un établissement public franco-suisse. Celui-ci est doté d'un conseil d'administration composé à parité de représentants de deux pays, ainsi que de deux représentants allemands à titre consultatif. Il est stipulé également que les missions régaliennes permettant le fonctionnement technique de l'aéroport, comme le contrôle aérien, incombent aux autorités françaises, mais que chacun des deux pays dispose dans l'aéroport d'un secteur douanier et policier où ses agents appliquent sa réglementation et sont seuls compétents pour les contrôles sanitaires, douaniers et policiers. Une partie de l'aéroport forme donc ce que l'on appelle le secteur douanier suisse, qui est relié à la frontière suisse par une route douanière non connectée au réseau français, afin que l'on puisse y accéder depuis la Suisse sans passer les douanes et la police des frontières. Enfin, ce que l'on appelle les droits de trafic, c'est-à-dire en quelque sorte le pavillon national sous lequel se font les vols, peuvent être octroyés aux compagnies aériennes par chacun des deux pays.
Soixante-huit ans plus tard, Bâle-Mulhouse est une réussite économique certaine. Son régime très particulier n'a pas empêché le développement de l'aéroport, car il dessert une agglomération transfrontalière trinationale : 3,2 millions de personnes résident à moins d'une heure de voiture et le PIB moyen par habitant est proche de 40 000 euros. Une soixantaine de compagnies aériennes sont actives sur l'aéroport et plus d'une centaine de destinations desservies. Le site de l'aéroport représente près de 6 400 emplois directs. 75 % des personnes qui travaillent sur ce site résident en France et concourent donc massivement à la population, à l'activité économique et aux ressources fiscales des communes proches.
Face à cette réussite économique nous n'avons pourtant pas de règles fiscales claires applicables à l'aéroport et aux entreprises qui y travaillent depuis 1949 et les acteurs ont pu tirer profit de cette situation d'incertitude.
En effet, un accord fiscal spécifique avait été prévu en 1949, mais jamais passé ensuite. On pouvait alors soutenir deux thèses. Selon la première, celle de la France, puisque l'accord fiscal dérogatoire prévu n'existait pas, le droit fiscal français s'appliquait à l'aéroport car il est situé intégralement sur le territoire français. Mais on pouvait aussi argumenter le contraire et pointer une lacune du droit fiscal. De plus, il faut bien voir qu'en pratique, aller contrôler fiscalement des entreprises situées dans le secteur douanier suisse de l'aéroport n'était pas facile, voire impossible pour les services français. Tout cela a conduit à une situation assez générale de non fiscalisation en France concernant non seulement les entreprises du secteur douanier suisse, mais même l'établissement public binational gestionnaire de l'aéroport, lequel ne s'acquitte de l'impôt sur les sociétés que depuis 2015 ! De même, la fiscalité aéronautique française, les différentes taxes qui apparaissent sur nos billets d'avion, n'a pas été appliquée aux compagnies aériennes opérant à Bâle-Mulhouse sous droits de trafic suisses.
Compte tenu de ces facilités côté suisse, le développement de l'activité s'est fait au détriment du secteur français : 90 % des vols à Bâle-Mulhouse sont opérés sous droits de trafic suisses ; sur 6 400 emplois sur le site, 4 900 relèvent des entreprises du secteur douanier suisse.
Les autorités françaises ont essayé à plusieurs reprises de remettre en cause l'état de fait qui s'était développé, il y a eu des contrôles et des décisions de justice, et finalement les incertitudes juridiques qui avaient longtemps permis d'échapper plus ou moins à l'impôt sont apparues comme un facteur de risque et une menace pour le développement de l'aéroport. EasyJet, qui est la principale compagnie à Bâle-Mulhouse, avait ainsi suspendu ses investissements dans l'attente d'une clarification des règles fiscales. Or, il y a dans la balance de grands projets de développement, notamment un futur raccordement ferroviaire direct entre l'aéroport et la gare de Saint-Louis.
C'est dans ce contexte que l'accord que nous examinons a été négocié et finalement signé le 23 mars 2017. Les négociations ont été complexes, car la France et la Suisse partageaient la conviction qu'il fallait parvenir à une solution négociée, mais défendaient des positions éloignées. Des considérations contradictoires devaient être prises en compte : d'un côté, il n'est pas légitime que des entreprises profitent des lacunes du droit pour échapper largement, voire totalement, à l'impôt ; il était en particulier anormal que les compagnies aériennes opérant à Bâle-Mulhouse sous droits de trafic suisses bénéficient de fait des prestations assurées par la direction générale de l'aviation civile sans contribuer à son financement ; mais dans l'autre sens, l'application brutale de toute la fiscalité française de droit commun aurait pu remettre en cause la compétitivité de l'aéroport.
L'accord s'inscrit donc dans une logique de clarification du droit mais veut aussi éviter une remise en cause trop brutale de certaines situations, car elle aurait des conséquences économiques dommageables. Il établit une sorte de mix entre les fiscalités française et suisse, la seconde étant en général plus légère. Il s'inscrit aussi dans une logique d'évitement des doubles impositions : si un impôt d'un certain type est dû dans l'un des deux pays selon les règles de ce pays, l'impôt analogue de l'autre pays ne s'applique pas.
S'agissant de l'établissement public gestionnaire de l'aéroport, l'article 1er de l'accord prévoit que l'impôt sur les sociétés est déterminé selon la loi française. Son produit, soit plus de 6 millions d'euros en 2015 puis en 2016, doit être partagé entre les deux pays sous réserve d'un prélèvement au bénéfice des collectivités locales, j'y reviendrai.
S'agissant de la fiscalité aéronautique, l'article 2 exonère de taxe de l'aviation civile les vols commerciaux sous droits de trafic suisses, mais les soumet en contrepartie à une contribution spécifique moins lourde. Son tarif, révisable, a été fixé cette année à 1,73 euro par passager et elle est donc nettement moins lourde que la taxe de l'aviation civile de droit commun.
L'article 3 assujettit les entreprises du secteur suisse de l'aéroport à l'impôt français sur les sociétés. La coopération entre les administrations des deux pays a permis en 2016 la création d'un guichet fiscal unique et l'élaboration d'un vade-mecum à destination des entreprises afin de les accompagner dans leurs démarches auprès de l'administration fiscale française. En revanche, l'article 4 soumet les mêmes entreprises au régime suisse de TVA, dont les taux sont plus faibles qu'en France.
L'article 5 exonère de contribution économique territoriale les entreprises du secteur douanier suisse en contrepartie de leur assujettissement à l'impôt sur le capital du canton de Bâle-Ville, qui est un impôt assis sur les capitaux propres des sociétés.
Cette exonération de contribution économique territoriale entraîne une perte de recettes significative pour les collectivités concernées, car, malgré les contestations sur le droit applicable, il y avait ces dernières années une collecte assez importante : 3,15 millions d'euros en 2015 et 3,34 millions en 2016 tous niveaux de collectivités confondus. C'est pourquoi l'article 1er de l'accord, dont je rappelle qu'il assujettit l'établissement public gestionnaire de l'aéroport à l'impôt français sur les sociétés, prévoit aussi un prélèvement annuel de 3,2 millions d'euros sur le montant de cet impôt au bénéfice des collectivités en cause, à titre de compensation. On voit que c'est approximativement le dernier rendement connu de la contribution économique territoriale dans le secteur douanier suisse. Ce point est le seul de l'accord à faire débat, car on plafonne de fait cette ressource sans tenir compte des futurs développements de l'activité.
Les collectivités locales approuvent cependant l'accord, car elles mettent au premier plan la réussite économique de l'aéroport et les retombées indirectes qui en découlent pour elles. Les perspectives sont bonnes : le trafic pourrait doubler en quinze ans.
On a donc, au final, un compromis entre les fiscalités française et suisse qui devrait préserver l'attractivité de Bâle-Mulhouse et même la renforcer grâce à la sécurité juridique apportée, avec la perspective de nouveaux investissements très importants.
Un dernier point sur le calendrier. L'accord a été signé en mars de cette année, est déjà ratifié en Suisse et a été approuvé en novembre au Sénat. Seul manque donc le vote de l'Assemblée nationale afin de parfaire la procédure avant la fin de l'année 2017. Cette procédure rapide est justifiée par les enjeux économiques et par l'annualité fiscale. Il est souhaitable que les procédures puissent être achevées à temps pour que l'accord entre en vigueur au 1er janvier prochain. Je vous invite à adopter le présent projet de loi.
Je suis le député de la circonscription dans laquelle se trouve cet aéroport, dont la situation est unique au monde. La convention qui datait de 1949 fonctionnait très bien. Il y avait certes des incertitudes au niveau social, mais nous avions passé un accord de méthode pour sécuriser les questions de droit du travail. Dans le domaine fiscal, tout allait bien. Il a fallu que le précédent gouvernement remette en cause l'accord de 1949 en voulant que toutes les entreprises présentes sur l'aéroport soient assujetties à la fiscalité française. Cela a provoqué une panique généralisée et les entreprises ont menacé de ne plus investir et de quitter l'aéroport pour ceux de Genève ou de Zurich, qui sont proches. Il fallait trouver un compromis, qui est incarné par cette convention ; je m'en réjouis. Il reste toutefois des incertitudes et les entreprises ont besoin de sécurité et de visibilité.
Par ailleurs, il y a une perte sèche pour les collectivités locales. Les nouveaux investissements réalisés en 2016 et en 2017 – on vient de poser la première pierre d'un nouvel atelier de 8 000 m2 pour Jet Aviation – ne sont pas pris en compte dans leurs recettes avec le montant de 3,2 millions d'euros bloqué. Il n'y aura plus de dynamique fiscale pour les collectivités. De plus, on voit bien ce qui arrive avec les dotations aux collectivités : il y a un risque que ces 3,2 millions ne deviennent 3 millions, puis 2,8 millions… Il faudrait sécuriser la dotation.
C'est un enjeu considérable, cet aéroport étant très important. Il représente plus de 6 000 emplois directs, 25 000 en comptant les emplois indirects ; il y a 30 000 frontaliers dans la zone. Il ne faut pas nuire au dynamisme de l'aéroport et je suis en partie rassuré aujourd'hui, mais j'espère que nos discussions permettront de rassurer l'ensemble des acteurs économiques et politiques.
La convention de 1949 a bien fonctionné jusqu'en 2009. À cette date, on ne peut pas accuser un gouvernement en particulier : un contrôle fiscal sur une entreprise du secteur douanier suisse a débouché sur l'affirmation de l'application du droit fiscal français. Cela nous a fait passer d'une situation de lacune juridique à une situation de risque fiscal élevé pour les entreprises en cause. De fait, la majorité se sont mises en règle avec le fisc français, mais une autre partie n'ont plus investi ou retardé leurs investissements. Ensuite, en 2013, la direction générale de l'aviation civile (DGAC) a essayé de faire appliquer la fiscalité aéronautique française aux vols sous droits de trafic suisses. C'était une revendication légitime, car aucun droit n'était perçu en contrepartie des missions d'intérêt général assurées par la DGAC, mais elle a dû y renoncer face à la levée de boucliers. Il vaut mieux un accord de cette nature que de laisser prospérer une situation d'incertitude.
Il est vrai que la question de la compensation aux collectivités locales est délicate, même si les 3,2 millions en cause sont garantis par un accord international, qui doit en principe être respecté à la lettre. Pour les collectivités, il faut aussi parier sur le développement économique de cette zone, les emplois et les retombées qui en découlent. Actuellement l'activité est concentrée aux trois quarts dans le secteur suisse et cela permettra peut-être de rééquilibrer la balance.
Vous avez évoqué le fait que l'aéroport ne s'était pas acquitté l'impôt sur les sociétés de 1949 à 2015. Renonçons-nous du coup à soixante-six ans de passif ?
En tant que député de la 6ème circonscription des Français de l'étranger, je me félicite de la rapidité de la procédure concernant cet accord. Je souhaiterais juste contextualiser ce texte en rappelant la qualité des relations franco-suisses, avec la visite récente de la Présidente de la Confédération, qui a permis d'arrondir les angles sur les questions fiscales, ainsi que l'importance des échanges frontaliers.
J'entends les réserves pour les manques à gagner pour vos territoires et il y aura une vigilance à avoir. Il y a une fluidité et un dynamisme qui obligeront à être attentifs à la question.
L'OCDE a adopté des dispositions sur l'érosion des bases fiscales (BEPS) et l'échange automatisé de données entre les institutions fiscales. Dans cet accord, je n'ai pas vu la mise en place de tels échanges. Qu'en est-il ?
Le rapport est très précis et ce n'était pas une mince affaire. Ce n'est pas par hasard si cette situation est embrouillée. Nous sommes en charge de l'intérêt général et de la défense des principes constants de notre propre droit. Nous discutons avec un pays qui n'est pas membre de l'Union européenne, un pays que nous aimons bien, mais qui est aussi une place forte de l'évasion fiscale mondiale. Il suffit d'aller dans la partie suisse de l'aéroport pour s'en rendre compte ; on m'a raconté que c'était très simple d'y avoir un coffre.
Je pense donc que nous devons avoir un débat en séance publique sur cet accord. Ce sera l'occasion de discuter de la présence d'un paradis fiscal à nos frontières.
Sur la question des ressources locales, la taxation locale a perdu son dynamisme et ses principes fondateurs depuis que tout transite par l'État et ses dotations. Autrefois, les « quatre vieilles » taxes permettaient aux élus d'avoir un développement local. En France, les recettes ne sont pas pré-affectées dans le budget de l'État ; donc les 3,2 millions d'euros de compensation seront versés ou non en fonction de la décision du Gouvernement. Notre collègue est inquiet et il a raison de se méfier, parce que c'est ce qui va se passer.
t. Je voudrais revenir sur la situation des Français de Suisse : le type d'expatriation a bien changé et il y a beaucoup de jeunes gens qui partent plutôt pour leur expertise dans le cadre de leur travail. Et pour ceux qui sont partis, il faut penser à comment les faire revenir, à l'heure où les pays européens jouent des coudes pour avoir le régime le plus déloyal pour attirer les plus riches. Il faut inciter à la réimpatriation et raisonner au niveau européen, voire à un niveau plus large.
Je suis favorable à une discussion la plus simple possible sur ce texte, afin d'éviter de nous livrer à des digressions qui pourraient nuire à la bonne relation franco-suisse du moment.
Je voudrais aller dans le même sens. Il faut éviter les caricatures. Il y a eu des évolutions positives sur le plan fiscal avec la Suisse et nos services font leur travail.
Par ailleurs, la Suisse participe de manière exceptionnelle au développement économique du secteur des trois frontières. 30 000 personnes du seul Haut-Rhin vont travailler chaque jour en Suisse et ce pays finance des projets, comme le tramway de Saint-Louis et, par là, participe aux investissements des collectivités alsaciennes. Les retombées pour la France sont assez exceptionnelles. Il y a de l'ordre de quelques 25 000 emplois directs et indirects générés par l'aéroport. Le bilan depuis 1949 est vraiment positif. Je pense que la France a été très largement gagnante et que c'est une chance pour notre pays et pas seulement pour le secteur des trois frontières.
Je ne vous propose pas de fermer l'aéroport et je ne pense pas que les gens qui vont en Suisse sont tous des fuyards fiscaux ! On ne doit pas perdre de vue que nombre de nos compatriotes y travaillent. Je n'ai rien de particulier contre la Suisse, j'aime son chocolat et le Jura suisse ! La réponse à la fraude est l'impôt universel. C'est la seule manière de mettre fin aux pratiques existantes. Je pense à cet ancien sénateur dont nous voyons la photo dans les hôtels Ibis et qui s'est installé en Suisse pour des raisons qu'il a parfaitement assumées…
Un accord entre deux parties est toujours un compromis et il fallait donc écouter ce que les Suisses ont à dire et intégrer leur point de vue. Les sociétés du secteur suisse vont payer l'impôt sur les sociétés au taux français, ce qui est un effort pour des Suisses. Par ailleurs, nous allons dégager plus de recettes fiscales qu'avant, même s'il n'est pas exact de dire que rien n'était payé auparavant. Sur l'échange d'informations, la Suisse est en train de se mettre en conformité.
Concernant les 3,2 millions d'euros de compensation aux collectivités locales, un accord international signé entre deux pays est suffisamment fort pour engager le budget de l'État. Et quand bien même cela ne serait pas le cas, les collectivités pourraient engager des procédures contre l'État français sur la base de cet accord. Cet accord international a au moins valeur de loi au plan juridique, voire plus.
Je ne suis pas certain qu'il faille un débat en séance publique sur cet accord. Ce débat prendrait l'accord en otage pour évoquer la Suisse de manière plus générale.
Il faut bien qu'il y ait une occasion de soulever quelques questions brûlantes depuis des années !
Pour conclure, je souhaiterais revenir sur le calendrier. L'accord est déjà approuvé en Suisse et seul manque le vote de l'Assemblée nationale, qui sera probablement positif. Ce vote doit intervenir avant le 31 décembre 2017 pour que l'accord soit en vigueur au 1er janvier 2018. Nous sommes donc dans un cadre de temps qui est un peu contraint.
L'opposition à la procédure d'examen simplifié doit être demandé par notre commission ou par un président de groupe. En raison du calendrier, M. Mélenchon, si vous souhaitez un débat, demandez-le au plus vite !
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 373 sans modification.
La séance est levée à dix-huit heures.
_____
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 5 décembre 2017 à 16 h 30
Présents. - M. Moetai Brotherson, Mme Samantha Cazebonne, Mme Annie Chapelier, Mme Mireille Clapot, M. Alain David, M. Frédéric Descrozaille, Mme Laurence Dumont, M. Michel Fanget, M. Bruno Fuchs, M. Éric Girardin, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Amal-Amélia Lakrafi, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Marion Lenne, Mme Nicole Le Peih, M. Maurice Leroy, M. Jean François Mbaye, M. Jean-Luc Mélenchon, Mme Monica Michel, M. Christophe Naegelen, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Luc Reitzer, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Marielle de Sarnez, M. Joachim Son-Forget, M. Buon Tan, Mme Valérie Thomas
Excusés. - Mme Clémentine Autain, Mme Anne Genetet, M. Philippe Gomès, M. Meyer Habib, M. Christian Hutin, M. Bruno Joncour, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Marine Le Pen, M. Jacques Maire, M. Hugues Renson, M. Sylvain Waserman