Intervention de Christelle Ratignier-Carbonneil

Réunion du mercredi 2 décembre 2020 à 9h00
Commission des affaires sociales

Christelle Ratignier-Carbonneil :

C'est un honneur pour moi d'être reçue par votre commission dans le cadre de la procédure de recrutement du futur directeur général de l'ANSM. Cette audition par le Parlement a pour moi une valeur hautement symbolique puisqu'elle prend sa source dans la loi de 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, dont les principes visent à garantir la pleine inscription de cet établissement d'expertise, qui prend quotidiennement de très nombreuses décisions indispensables au bon fonctionnement démocratique, dans son environnement politique et social. L'expertise doit pouvoir être contrôlée par les citoyens, et au premier chef par leurs représentants. J'aborde donc cette audition parfaitement consciente de la responsabilité qui pèsera sur les épaules de la future directrice générale de l'ANSM tant pour ce qui est de la gestion de l'Agence que pour sa capacité à rendre compte de son action régulièrement et en tant que de besoin.

Depuis près de vingt ans, mon parcours professionnel, uniquement consacré au service public et à la santé, témoigne de mon profond attachement aux questions de sécurité sanitaire et de santé publique. Docteur ès sciences en immuno-hématologie, je suis chercheur et grâce à ma première expérience au sein du laboratoire de recherches du professeur Kasatchkine dans le domaine des xénogreffes, je dispose d'une expertise clinique scientifique approfondie. En 2002, j'ai rejoint l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), ultérieurement devenue l'ANSM, où j'ai exercé jusqu'en 2010 plusieurs fonctions liées à l'évaluation clinique des médicaments. Ces huit années m'ont permis d'acquérir une solide connaissance de l'organisation sanitaire des produits de santé française mais aussi européenne en raison de mes différents mandats au sein de l'Agence européenne des médicaments (AEM). Les questions de vigilance et de sécurité sanitaire ont été pendant toutes ces années au cœur de mes fonctions, qui alliaient expertise et management d'équipes pluriprofessionnelles.

À partir de novembre 2010, par mes fonctions auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, j'ai activement contribué à la création du fonds d'indemnisation des victimes du Mediator et à la réforme du système de sécurité sanitaire des produits de santé, avec la rédaction de la loi du 29 décembre 2011 qui a notamment donné naissance à l'ANSM en mai 2012. Ce texte est fondé sur les nombreux travaux réalisés par les commissions parlementaires et ceux qui ont eu pour cadre les Assises du médicament et des produits de santé. De ces deux années d'intense activité, je garde le souvenir d'un travail en concertation constante avec toutes les parties prenantes – professionnels de santé, usagers, parlementaires – tant lors de la gestion des crises sanitaires du Mediator et des implants mammaires PIP que pour l'élaboration et le pilotage de politique publique.

En mai 2012, j'intègre la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) pour prendre la direction du département des produits de santé, qui se consacre aussi aux relations conventionnelles avec les professionnels de la pharmacie, de la biologie et des dispositifs médicaux.

Depuis décembre 2016, j'ai le privilège d'assurer les fonctions de directrice générale adjointe de l'ANSM auprès de Dominique Martin. L'Agence est chargée de procéder à l'évaluation des bénéfices et des risques des produits à finalité sanitaire et des produits à finalité cosmétique sur les plan national et européen. C'est dans cette logique assumée que je souhaite pouvoir mobiliser mes compétences et mon expérience au service de la dynamique engagée par l'ANSM et ses collaborateurs, en guidant et en accompagnement cet établissement public de référence pour assurer aux patients la mise à disposition, tout au long de leur vie, de produits de santé sûrs et efficaces, et un accès rapide et encadré aux innovations thérapeutiques.

J'en viens à ma perception des grands enjeux inscrits dans le contrat d'objectifs et de performance (COP). Il est primordial pour l'ANSM et ses partenaires d'évoluer dans l'environnement le plus assuré possible. La connaissance approfondie des enjeux tant en interne qu'en externe, et les capacités d'anticipation et de mobilisation des acteurs constituent des atouts indéniables pour développer les axes stratégiques de l'Agence, dont le premier est la stratégie d'ouverture qui, pour répondre aux attentes de la société, doit être accentuée dans chacune des activités assurées par les quelque 930 collaborateurs de l'ANSM. Cet engagement quotidien requiert l'implication et la mobilisation de chaque agent et, évidemment, de la direction générale. Il nous faut mieux faire comprendre les processus de décision afin de renforcer leur légitimité, en associant encore plus étroitement les parties prenantes à la conception de réponses efficaces et surtout compréhensibles, acceptables et pragmatiques. Aujourd'hui, dans tous nos comités scientifiques permanents, les usagers sont présents et nous menons des auditions publiques pour emmener l'ensemble des parties prenantes. Dans le même objectif de transparence, il est tout aussi important de publier, dans le respect des exigences légales, les données disponibles relatives aux produits de santé et aux processus suivis par l'Agence.

Cette démarche d'ouverture s'articule étroitement avec la politique de communication et d'information de l'Agence et la diffusion de la culture de gestion du risque. Cette approche doit centrer toutes les actions et toutes les décisions de l'ANSM sur la sécurité des patients qui utilisent des produits de santé, et non pas seulement sur la sécurité des produits eux-mêmes. La prise en compte de la pluralité des expertises, en particulier le savoir expérientiel du patient, est d'une importance cruciale.

Il est essentiel de mobiliser les conditions nécessaires à l'adhésion pérenne des collaborateurs de l'Agence pour une imprégnation progressive et durable de la culture de la gestion du risque dans toutes les activités de l'Agence. Elles sont multiples : assurer une gestion prédictive du risque prenant en compte toutes les caractéristiques associées aux produits de santé et les composantes de l'environnement ; mieux anticiper des situations à risque élevé qui font l'objet d'une gestion renforcée ; renforcer la couverture des besoins sanitaires des patients sur les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur ou des dispositifs médicaux sensibles ; assurer la sécurité des produits de santé tout au long de leur cycle de vie et renforcer la prévention du risque de mésusage.

Par ailleurs, l'ANSM est un maillon essentiel dans l'accompagnement, le développement et la mise à disposition facilitée de produits de santé innovants dans des conditions assurant la sécurité des patients. Les attentes de traitements nouveaux ou plus efficaces sont considérables. L'accompagnement de l'innovation se fait très largement dans le cadre de procédures européennes, qu'il s'agisse de l'élaboration des avis scientifiques préalables à la délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM), des autorisations d'essais cliniques ou des AMM et de leur surveillance. Il est indispensable de renforcer et de pérenniser le positionnement européen de l'ANSM pour l'accès précoce et sûr à l'innovation. Il nous faut améliorer encore les délais d'autorisation d'essais cliniques et déployer le « guichet innovation », structure permettant de recevoir toutes les demandes des industriels et des parties prenantes.

L'ANSM, service public, s'organise bien sûr pour répondre à ses missions essentielles dans le contexte de la pandémie de SARS-CoV-2. L'Agence devra faire preuve d'agilité pour accélérer la mise au point, l'AMM et la disponibilité des vaccins dans le respect des normes de qualité, d'innocuité et d'efficacité. Développés à une vitesse sans précédent, les vaccins ne seront autorisés que s'ils sont sûrs, efficaces et de bonne qualité. Comme pour tous les médicaments, il est essentiel que l'innocuité et l'efficacité de tous les vaccins contre le covid soient étroitement surveillées après l'autorisation de mise sur le marché. La stratégie de mise à disposition en France d'un ou de plusieurs vaccins sera proposée par la commission technique des vaccinations de la Haute Autorité de santé selon des modalités qui seront définies par la tutelle. L'ANSM mettra en place un mécanisme de surveillance renforcée transparent, impliquant et informant les parties prenantes.

L'Agence s'attachera aussi à renforcer l'anticipation et la prévention des tensions ou des ruptures d'approvisionnement en médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, dans le cadre des nouvelles mesures prévues par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020 et, plus largement, de la feuille de route ministérielle à ce sujet. C'est un enjeu majeur pour la prise en charge des patients et l'organisation des soins.

L'ANSM devra également mettre en œuvre l'expérimentation sur le cannabis à usage médical, qui marque la volonté d'ouverture de l'Agence dans une démarche de gestion de risques. L'expérimentation aura pour premier objectif d'évaluer la faisabilité du circuit de mise à disposition du cannabis pour les patients, c'est-à-dire la prescription par les médecins, la délivrance par les pharmaciens, l'approvisionnement en produits et le suivi des patients. Le deuxième objectif sera de recueillir les premières données françaises sur l'efficacité et la sécurité de l'utilisation du cannabis dans un cadre médical.

Enfin, pour s'adapter au mieux au contexte exceptionnel de la pandémie, l'Agence poursuivra le déploiement du télétravail pour toutes les équipes, conformément aux orientations voulues par l'État dans l'optique de contribuer à l'amélioration de la qualité de vie au travail des agents publics.

Je conclurai en soulignant l'ampleur de l'évolution de l'ANSM au cours des deux mandats de Dominique Martin, auprès duquel j'ai eu la chance d'œuvrer en qualité de directrice générale adjointe pendant ces quatre dernières années. Si l'opportunité m'est donnée de guider et d'accompagner les collaborateurs de l'Agence, je m'emploierai à chaque instant à faire que l'ANSM soit à l'écoute des attentes de ses usagers, à ce qu'elle soit agile et résolument en prise avec son temps, comme doit l'être une Agence au service de la sécurité de tous les patients qui utilisent des produits de santé.

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