Dans le contexte actuel, la vaccination est la seule perspective réaliste de parvenir à contrôler la pandémie. Il n'existe aucune thérapeutique efficace contre le virus. De nombreuses recherches sont en cours dans ce domaine, qu'il s'agisse des médicaments antiviraux ou capables de moduler la réponse immunitaire. Certains symptômes peuvent être traités. Il est constaté une amélioration notable de la prise en charge des patients en soins intensifs avec une réduction de la mortalité, mais il n'existe pas vraiment de médicament efficace.
Le vaccin est une réalité au prix d'une prouesse scientifique et industrielle unique au monde. En l'espace d'une année, il a été possible de développer plusieurs vaccins, dont deux avec certitude et qui sont mis sur le marché et, je l'espère, bientôt d'autres, ce qui offre une perspective. Au-delà des essais cliniques de phase III menés par les industriels Pfizer et Moderna, le début de l'expérience de vaccination montre des résultats très rassurants pour les premiers millions de personnes vaccinées dans le monde, au moins avec le vaccin Pfizer puisque la tolérance globale est excellente, ce qui permet d'accélérer la vaccination de façon plus assurée comme nous le faisons en France depuis fin décembre.
Dans ce contexte, à la demande du Premier Ministre et du ministre des solidarités et de la santé, a été mis en place le Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale, que j'ai l'honneur de présider et dont la mission est de conseiller. Les médias se sont crus obligés de me présenter comme un « M. Vaccin », ce qui est faux. Nous conseillons, mais ne prenons pas de décisions, ce qui est extrêmement sain. Nous sommes des scientifiques et non des décideurs. Nous transmettons nos avis aux autorités de santé, à savoir au ministère, à la Haute Autorité de santé (HAS), à l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et à Santé Publique France, ainsi qu'à quelques autres partenaires. La mission consiste à conseiller sur les aspects scientifiques, médicaux et sociétaux sur la stratégie vaccinale, ainsi qu'en matière de communication autour de la vaccination, laquelle constitue un enjeu essentiel pour obtenir l'adhésion d'un maximum de nos concitoyens et des professionnels de santé. Nous travaillons sur le modèle du conseil scientifique qui est présidé par Jean-François Delfraissy.
La composition de notre conseil, qui sera visible sur le site du ministère, devrait être incessamment rendue officielle une fois que toutes les déclarations publiques d'intérêts auront été recueillies et que nous serons en situation de travail stable. Le conseil est composé de médecins et de chercheurs dans le domaine de la biologie et de la médecine, plusieurs de ses membres siégeant également au sein du Comité scientifique sur les vaccins covid-19, présidé par Marie-Paule Kieny.
Le Comité scientifique sur les vaccins covid-19 auditionne les industriels et conseille les autorités de santé à partir d'une évaluation scientifique pour les perspectives d'achat puisque les précommandes sont effectuées à l'échelle de la Communauté européenne. Je suis moi-même membre de ce comité aux côtés de scientifiques spécialistes des sciences humaines et sociales (anthropologues, philosophes, sociologues) qui réfléchissent à la question de la vaccination, notamment dans ses aspects sociétaux. Le comité compte des représentants de la société civile, à savoir des personnes appartenant à des associations de patients, des citoyens ayant des intérêts dans le domaine de la santé, ainsi que quelques professionnels de santé (médecins généralistes, infirmiers et pharmaciens).
Ce conseil de treize ou quatorze personnes a commencé à travailler sur l'accompagnement du gouvernement en matière de simplification, d'élargissement et d'accélération de la vaccination telle qu'initiée fin décembre. Nous avons formulé une série de conseils pratiques. Cet avis sera public lorsque notre site sera ouvert, dans quelques heures ou quelques jours au maximum.
Le deuxième sujet concerne l'évaluation des indications de la vaccination pour les personnes atteintes de pathologies pour lesquelles le corps médical estime qu'il existe une « ultra-haute priorité de vaccination ». Il s'agit des patients atteints de cancer en cours de chimiothérapie, des patients en insuffisance rénale chronique, des transplantés, des personnes atteintes de maladies rares qui les exposent à des formes ultra-sévères de covid, ainsi que de la trisomie 21. Plusieurs centaines de milliers de personnes doivent pouvoir bénéficier de la vaccination dès lundi prochain, lorsque celle-ci sera rendue accessible aux personnes âgées de plus de 75 ans, y compris si elles n'ont pas cet âge. Il en est de même pour les enfants dans quelques cas. En approfondissement du travail de la HAS, nous avons essayé d'aller dans le détail des maladies rares en interrogeant les médecins des filières et des centres de référence maladies rares afin d'avoir la vision la plus exacte possible.
Nous avons également avancé sur la communication à l'égard des professionnels de santé qu'il nous paraissait prioritaire de traiter. Nous avons défini des objectifs, des méthodes, des propositions à formuler afin de faire en sorte que les professionnels de santé, à savoir les médecins, les infirmiers, les pharmaciens, les aides-soignants et les sages-femmes, soient vaccinés et se sentent aussi confortables que possible pour répondre aux questions. Dans les semaines à venir, nous travaillerons la communication à destination des citoyens avec une réflexion par groupes de personnes. Avec l'aide de spécialistes, nous nous intéresserons à la manière dont la vaccination est susceptible de faire régresser la pandémie en fonction du nombre de sujets vaccinés, de l'efficacité des vaccins, etc. Ce travail de modélisation demandé par la HAS devrait produire des résultats rapidement.
Notre travail s'effectue en interaction avec le ministère de la santé, les agences de santé et une série de groupes qui réfléchissent et agissent dans le domaine de la vaccination, à savoir les personnes qui sont en charge des fonctions publiques au niveau des communes, des départements et des régions, et les représentants de la société civile impliqués dans les questions de santé, dont de nombreuses associations de patients. Des réunions de concertation sont organisées avec les directeurs d'établissements, notamment de maisons de retraite, au regard de la priorité qui leur est accordée dans le début de la vaccination.
En outre, le Conseil économique, social et environnemental met en place un collectif de citoyens. Après formation, l'idée est qu'ils puissent être interrogés sur leur perception de la pratique de la vaccination. Ils peuvent faire remonter des points qui leur semblent importants et de nature à faire modifier tel ou tel aspect de la stratégie. Ce collectif ne dirigera en aucune manière la stratégie vaccinale, mais il est intéressant d'obtenir un retour depuis le terrain de personnes mises en condition de bien évaluer la stratégie vaccinale.
Je rappelle que ni la France ni aucun pays du monde ne disposent d'un nombre suffisant de vaccins pour vacciner l'ensemble de la population. Dans ce contexte, il était nécessaire d'établir des priorités comme l'a fait la HAS dans son avis du 30 novembre en mettant en avant les personnes les plus fragiles et les plus exposées, à savoir celles qui vivent en maison de retraite, même si, sur le plan logistique, il s'agit d'un élément de complexité. Cette démarche a été rapidement complétée par la mise en place, voici environ dix jours, de la vaccination des professionnels de santé âgés de plus de 50 ans, laquelle sera complétée, dès lundi prochain, de la mise en place de la vaccination des personnes âgées de plus de 75 ans hors maisons de retraite, soit cinq millions de personnes, et des patients atteints de maladies graves. L'accès à la vaccination sera ensuite proposé aux personnes âgées de 65 à 74 ans, aux personnes atteintes de maladies chroniques et à un certain nombre de professions exposées.