COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 13 janvier 2021
La séance est ouverte à quinze heures.
La commission fixe d'abord, en visioconférence, son programme de missions d'information.
Je remercie les groupes pour le sens du compromis dont ils tous fait pour preuve pour contribuer à la bonne mise en place des missions d'information. Je remercie également tous les collègues qui vont s'impliquer dans ces travaux dans les semaines et mois à venir.
Le bureau a souhaité que trois missions soient prioritairement lancées.
La première sera consacrée au médicament. Pierre Dharréville en sera le président, Audrey Dufeu et Jean‑Louis Touraine les corapporteurs, et chaque groupe sera invité à désigner un membre pour y participer.
La deuxième s'intéressera à l'emploi des seniors. Valérie Six en sera la présidente, Didier Martin et Stéphane Viry les corapporteurs.
La troisième mission prolongera nos auditions sur la maladie de Lyme en se concentrant sur le parcours des patients. Les co-rapporteurs pressentis sont Nicole Trisse et Vincent Descoeur qui co-président un groupe d'étude sur cette maladie. Jeanine Dubié présidera cette mission qui comprendra un membre de chaque groupe.
Je vous propose d'acter la création d'une mission d'information sur les professions médicales, laquelle ne commencera pas immédiatement ses travaux et dont les rapporteurs seront Cyrille Isaac-Sibille et Annie Chapelier. Dans la continuité de ses précédents travaux, Paul Christophe conduira une mission sur l'effectivité du droit à l'allocation journalière de présence parentale.
Nous créons deux missions « flash ». La première est confiée à Véronique Hammerer et porte sur l'action des caisses de mutualité sociale agricole en matière de prévention dans la lutte contre la perte d'autonomie. La seconde mission « flash », qui concerne l'action sociale du régime des mines, sera confiée à Hélène Zannier.
Toutes les auditions des rapporteurs seront ouvertes à l'ensemble des commissaires de la commission.
Je vous remercie pour la création de la mission d'information sur l'effectivité du droit à l'allocation journalière de présence parentale, qui est conforme à l'engagement pris lors des travaux sur la dernière proposition de loi portant sur le sujet.
J'entends associer pleinement mes collègues à cette mission. Au regard de votre implication dans vos territoires respectifs, je vous proposerai de vous associer au plus près pour aller à la rencontre du monde associatif, mais aussi des organismes et des organisations chargés de la mise en œuvre de la liquidation de ces allocations et de le porter à la connaissance des personnes concernées. Je vous invite à me faire savoir si vous êtes intéressés pour participer à nos travaux et vous adresserai un courrier en ce sens au cours des prochaines semaines.
La commission procède ensuite à l'audition, en visioconférence, du Pr Alain Fischer, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale.
Notre commission consacre sa première semaine de travaux de cette année à la stratégie de vaccination contre la covid-19. Nous avons entendu, hier, le ministre des solidarités et de la santé sur cette question. Je remercie le professeur Alain Fischer d'avoir répondu à notre invitation aujourd'hui.
Ces deux auditions ne sont pas pour solde de tout compte sur la vaccination, dont le processus ne fait que commencer, et encore moins sur le suivi de la crise sanitaire. Nous conduirons très prochainement plusieurs auditions en lien avec la crise sanitaire qui perdure. Ce sujet relève pleinement des compétences de la commission des affaires sociales.
Le professeur Fischer préside le Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale, qui a été installé le mois dernier et qui est placé auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le professeur, les commissaires souhaiteront sans doute que vous leur présentiez l'instance que vous présidez, sa composition et ses missions avant de nous informer sur ses premiers travaux, ses constats et ses recommandations.
Dans le contexte actuel, la vaccination est la seule perspective réaliste de parvenir à contrôler la pandémie. Il n'existe aucune thérapeutique efficace contre le virus. De nombreuses recherches sont en cours dans ce domaine, qu'il s'agisse des médicaments antiviraux ou capables de moduler la réponse immunitaire. Certains symptômes peuvent être traités. Il est constaté une amélioration notable de la prise en charge des patients en soins intensifs avec une réduction de la mortalité, mais il n'existe pas vraiment de médicament efficace.
Le vaccin est une réalité au prix d'une prouesse scientifique et industrielle unique au monde. En l'espace d'une année, il a été possible de développer plusieurs vaccins, dont deux avec certitude et qui sont mis sur le marché et, je l'espère, bientôt d'autres, ce qui offre une perspective. Au-delà des essais cliniques de phase III menés par les industriels Pfizer et Moderna, le début de l'expérience de vaccination montre des résultats très rassurants pour les premiers millions de personnes vaccinées dans le monde, au moins avec le vaccin Pfizer puisque la tolérance globale est excellente, ce qui permet d'accélérer la vaccination de façon plus assurée comme nous le faisons en France depuis fin décembre.
Dans ce contexte, à la demande du Premier Ministre et du ministre des solidarités et de la santé, a été mis en place le Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale, que j'ai l'honneur de présider et dont la mission est de conseiller. Les médias se sont crus obligés de me présenter comme un « M. Vaccin », ce qui est faux. Nous conseillons, mais ne prenons pas de décisions, ce qui est extrêmement sain. Nous sommes des scientifiques et non des décideurs. Nous transmettons nos avis aux autorités de santé, à savoir au ministère, à la Haute Autorité de santé (HAS), à l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et à Santé Publique France, ainsi qu'à quelques autres partenaires. La mission consiste à conseiller sur les aspects scientifiques, médicaux et sociétaux sur la stratégie vaccinale, ainsi qu'en matière de communication autour de la vaccination, laquelle constitue un enjeu essentiel pour obtenir l'adhésion d'un maximum de nos concitoyens et des professionnels de santé. Nous travaillons sur le modèle du conseil scientifique qui est présidé par Jean-François Delfraissy.
La composition de notre conseil, qui sera visible sur le site du ministère, devrait être incessamment rendue officielle une fois que toutes les déclarations publiques d'intérêts auront été recueillies et que nous serons en situation de travail stable. Le conseil est composé de médecins et de chercheurs dans le domaine de la biologie et de la médecine, plusieurs de ses membres siégeant également au sein du Comité scientifique sur les vaccins covid-19, présidé par Marie-Paule Kieny.
Le Comité scientifique sur les vaccins covid-19 auditionne les industriels et conseille les autorités de santé à partir d'une évaluation scientifique pour les perspectives d'achat puisque les précommandes sont effectuées à l'échelle de la Communauté européenne. Je suis moi-même membre de ce comité aux côtés de scientifiques spécialistes des sciences humaines et sociales (anthropologues, philosophes, sociologues) qui réfléchissent à la question de la vaccination, notamment dans ses aspects sociétaux. Le comité compte des représentants de la société civile, à savoir des personnes appartenant à des associations de patients, des citoyens ayant des intérêts dans le domaine de la santé, ainsi que quelques professionnels de santé (médecins généralistes, infirmiers et pharmaciens).
Ce conseil de treize ou quatorze personnes a commencé à travailler sur l'accompagnement du gouvernement en matière de simplification, d'élargissement et d'accélération de la vaccination telle qu'initiée fin décembre. Nous avons formulé une série de conseils pratiques. Cet avis sera public lorsque notre site sera ouvert, dans quelques heures ou quelques jours au maximum.
Le deuxième sujet concerne l'évaluation des indications de la vaccination pour les personnes atteintes de pathologies pour lesquelles le corps médical estime qu'il existe une « ultra-haute priorité de vaccination ». Il s'agit des patients atteints de cancer en cours de chimiothérapie, des patients en insuffisance rénale chronique, des transplantés, des personnes atteintes de maladies rares qui les exposent à des formes ultra-sévères de covid, ainsi que de la trisomie 21. Plusieurs centaines de milliers de personnes doivent pouvoir bénéficier de la vaccination dès lundi prochain, lorsque celle-ci sera rendue accessible aux personnes âgées de plus de 75 ans, y compris si elles n'ont pas cet âge. Il en est de même pour les enfants dans quelques cas. En approfondissement du travail de la HAS, nous avons essayé d'aller dans le détail des maladies rares en interrogeant les médecins des filières et des centres de référence maladies rares afin d'avoir la vision la plus exacte possible.
Nous avons également avancé sur la communication à l'égard des professionnels de santé qu'il nous paraissait prioritaire de traiter. Nous avons défini des objectifs, des méthodes, des propositions à formuler afin de faire en sorte que les professionnels de santé, à savoir les médecins, les infirmiers, les pharmaciens, les aides-soignants et les sages-femmes, soient vaccinés et se sentent aussi confortables que possible pour répondre aux questions. Dans les semaines à venir, nous travaillerons la communication à destination des citoyens avec une réflexion par groupes de personnes. Avec l'aide de spécialistes, nous nous intéresserons à la manière dont la vaccination est susceptible de faire régresser la pandémie en fonction du nombre de sujets vaccinés, de l'efficacité des vaccins, etc. Ce travail de modélisation demandé par la HAS devrait produire des résultats rapidement.
Notre travail s'effectue en interaction avec le ministère de la santé, les agences de santé et une série de groupes qui réfléchissent et agissent dans le domaine de la vaccination, à savoir les personnes qui sont en charge des fonctions publiques au niveau des communes, des départements et des régions, et les représentants de la société civile impliqués dans les questions de santé, dont de nombreuses associations de patients. Des réunions de concertation sont organisées avec les directeurs d'établissements, notamment de maisons de retraite, au regard de la priorité qui leur est accordée dans le début de la vaccination.
En outre, le Conseil économique, social et environnemental met en place un collectif de citoyens. Après formation, l'idée est qu'ils puissent être interrogés sur leur perception de la pratique de la vaccination. Ils peuvent faire remonter des points qui leur semblent importants et de nature à faire modifier tel ou tel aspect de la stratégie. Ce collectif ne dirigera en aucune manière la stratégie vaccinale, mais il est intéressant d'obtenir un retour depuis le terrain de personnes mises en condition de bien évaluer la stratégie vaccinale.
Je rappelle que ni la France ni aucun pays du monde ne disposent d'un nombre suffisant de vaccins pour vacciner l'ensemble de la population. Dans ce contexte, il était nécessaire d'établir des priorités comme l'a fait la HAS dans son avis du 30 novembre en mettant en avant les personnes les plus fragiles et les plus exposées, à savoir celles qui vivent en maison de retraite, même si, sur le plan logistique, il s'agit d'un élément de complexité. Cette démarche a été rapidement complétée par la mise en place, voici environ dix jours, de la vaccination des professionnels de santé âgés de plus de 50 ans, laquelle sera complétée, dès lundi prochain, de la mise en place de la vaccination des personnes âgées de plus de 75 ans hors maisons de retraite, soit cinq millions de personnes, et des patients atteints de maladies graves. L'accès à la vaccination sera ensuite proposé aux personnes âgées de 65 à 74 ans, aux personnes atteintes de maladies chroniques et à un certain nombre de professions exposées.
Nous connaissons l'importance de la transparence sur la stratégie vaccinale pour rassurer et faire progressivement adhérer nos concitoyens réticents. Nous avons conscience d'être engagés dans une course de vitesse contre la propagation du SARS-CoV-2 et de ses mutants les plus contagieux. Je ne parle pas de précipitation, mais de rapidité pour le développement de cette vaccination au mieux des possibilités en fonction du nombre de doses de vaccins disponibles.
D'après le calendrier annoncé, environ 78 millions de doses de vaccin auront été reçues en France d'ici le 30 juin, ce qui devrait permettre de vacciner 57 à 60 % de la population française compte tenu des nécessités de rappel pour la plupart des vaccins. Pensez‑vous qu'à ce niveau, la circulation du virus sera en grande partie entravée à cet horizon ?
L'accès à la vaccination des jeunes de moins de 16 ans n'est pas prévu dans l'immédiat. À quel moment la vaccination des mineurs sera-t-elle envisagée et dans quelles conditions ?
La principale difficulté est de rassurer une opinion publique gagnée par l'hésitation et de lui apporter confiance en garantissant une éthique de vaccination avec une politique de communication permettant de rassurer les Françaises et les Français. Quelles inflexions peuvent être mises en œuvre dans votre stratégie de communication pour vaincre les hésitations du public ? Nous savons que la réussite de cette campagne repose sur son caractère massif et sur la confiance de la population.
J'aimerais connaître l'échéancier des possibilités de vaccination. Vous indiquez clairement que le nombre de vaccins ne permet pas d'agir plus rapidement. Pourtant, nous souhaiterions que la vaccination soit plus importante et que puissent être prises en compte les personnes volontaires. Privilégier les personnes âgées et les personnes à risque est une chose, mais un certain nombre de personnes volontaires nous sollicitent chaque jour. Comment comptez-vous mieux les associer à cette campagne vaccinale ?
Vous évoquiez le comité des trente-cinq citoyens tirés au sort qui auront un rôle de consultation et de suivi. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a récemment indiqué : « C'est en s'appuyant sur les institutions de la démocratie sanitaire, plus qu'en mettant en place de nouveaux organismes, que l'on pourra assurer l'efficacité de la vaccination ». Quel avantage voyez-vous dans la mise en place de cette structure de citoyens ?
Au regard du taux de positivité qui a explosé chez les enfants compte tenu des indicateurs des dernières semaines, comment continuer à défendre l'ouverture des écoles alors que plusieurs pays voisins ont pris la décision de les fermer ? Quelles mesures peuvent être prises pour enrayer l'évolution du virus et la contamination par les enfants dans notre pays ?
. Pouvez-vous confirmer que l'objectif d'Arnaud Fontanet, membre du Comité scientifique, à savoir 6 à 10 millions de Français vaccinés, sera atteint le 15 mars ?
Sommes-nous prêts à mettre en place un nombre suffisant de centres de vaccination en nous appuyant sur les communautés professionnelles territoriales de santé, notamment avec la chaîne du froid qu'il ne faut pas rompre, pour que la vaccination puisse progresser rapidement de façon exponentielle au cours des prochaines semaines ?
Un objectif de personnes à vacciner est-il défini ? Comment les sensibiliserez-vous ? Passerez-vous par le fichier de l'assurance maladie comme pour la grippe ? Avez-vous mis en place un suivi épidémiologique des personnes vaccinées ? À l'heure actuelle, nul ne sait si une personne vaccinée peut être contaminante.
Quelle est la cible des vaccins dits conventionnels, notamment ceux de Pasteur qui parviendront peut-être en fin d'année ?
Êtes-vous favorable à la mise en place d'un passeport vaccinal et, le cas échéant, quand ?
Le vaccin représente l'arme principale pour lutter contre le virus. Il est primordial que la représentation nationale puisse comprendre et analyser la stratégie adoptée par le Gouvernement.
Vous avez opté pour une stratégie de vaccination par tranche d'âge en termes d'ouverture au public. Pouvez-vous préciser la corrélation entre le choix de cette stratégie et l'approvisionnement en doses de vaccin ? Le cas échéant, pensez-vous accélérer la vaccination s'il s'avérait que de nouveaux vaccins, et donc de nouvelles doses, arrivaient sur le marché en rapport, par exemple, avec la mobilisation des collectivités qui proposent la mise à disposition d'espaces dédiés ? Des évolutions sont-elles à prévoir s'agissant de l'accélération de la vaccination avec l'arrivée de nouveaux vaccins comme celui d'AstraZeneca ?
Les éléments portés à notre connaissance démontrent une certaine efficacité du vaccin de l'ARN messager face aux différentes mutations. Qu'en est-il pour les vaccins plus classiques, dont celui qui a été récemment autorisé par l'Agence européenne des médicaments ? Disposez-vous d'informations concernant la résistance de ce type de vaccin aux variants observés ?
Je souhaite évoquer la nécessité de remédier à la lenteur de la vaccination dans notre pays. Quels moyens mettrez-vous en place pour atteindre l'objectif fixé d'un million de personnes vaccinées à la fin du mois de janvier ?
De plus en plus d'élus locaux font entendre leur voix pour dénoncer le fait qu'ils ne sont pas sollicités par les services de l'État pour préparer une vaccination à grande échelle. Pouvez-vous nous rassurer sur l'association des élus locaux à la campagne vaccinale ?
Le directeur général de la santé a fait appel à quatre cabinets pour conseiller l'administration sur la stratégie vaccinale. Estimez-vous judicieux de faire appel à autant de cabinets ? Le cas échéant, quelles sont les solutions concrètes qu'ils vous ont apportées ?
Le variant anglais semble affecter les enfants en les rendant contaminants. Comment prendrez-vous en compte cette nouvelle problématique dans la stratégie vaccinale ?
Les vaccins sont présentés comme un outil salvateur. Nous avons constaté leur fabrication extrêmement rapide. Pensez-vous que l'évaluation bénéfice-risque a été suffisante dans le cadre de la vitesse importante de cette stratégie vaccinale, même si la France présente un léger décalage vis-à-vis d'autres pays ?
Que pensez-vous de ce qu'il se passe en Israël et en Angleterre, où au moins un tiers de la population a été vaccinée et où l'on constate l'arrivée d'un variant pour ce qui est de l'Angleterre et une flambée de covid en Israël avec des formes cliniques assez graves dont 18 % apparaissent chez des personnes vaccinées ? Il est à noter l'existence de stratégies de prévention et de thérapies précoces pouvant apporter des bénéfices supérieurs ou suffisants pour une partie de la population, même si elles ont été parfaitement mises de côté.
Les résultats sont suggérés pour les personnes les plus vulnérables et les personnes âgées, mais à aucun moment le bénéfice du vaccin n'a été prouvé chez les personnes âgées de plus de 75 ans. Au regard de la rapidité de mutation de la covid-19 et des variants, que penser de l'efficacité vaccinale ?
Je m'interroge sur le rôle des collectivités territoriales et les quantités de doses. Vous rappeliez que chaque pays est traité à la même enseigne, mais nous constatons que l'Allemagne a réussi à contracter davantage de vaccins avec certains laboratoires. Pourquoi n'en serait-il pas de même pour la France ?
Des centres de vaccination fonctionnent dans certains départements. Le département des Alpes-Maritimes et la ville de Nice, qui sont particulièrement touchés par la covid, rencontrent des difficultés d'approvisionnement en doses de vaccin alors que tout a été mis en place au niveau local pour intervenir auprès des séniors et de nos médecins.
Pour les vaccins nécessitant deux injections, si une seule est réalisée, la protection est de 70 %. Deux injections protègent à 98 %. Dans le contexte actuel, n'aurions-nous pas intérêt à retarder la deuxième injection et à permettre à davantage de personnes d'être vaccinées contre la covid ?
De très nombreux professionnels sont quasiment certains de la survenue d'une troisième vague, voire d'un troisième confinement. Peut-être rencontrerons-nous des problèmes encore plus importants en termes de lits de réanimation. Ne devrait-on pas accélérer la vaccination des professionnels de santé, notamment des libéraux qui seront davantage exposés dans la mesure où il faudra envisager de suivre davantage un certain nombre de patients à domicile, y compris avec des soins en oxygène ?
Avez-vous des inquiétudes particulières vis-à-vis des variants anglais, sud-africain et japonais d'origine brésilienne, et de l'impact du vaccins sur ceux-ci ?
Concernant la cinétique de décroissance de circulation du virus et des mesures barrières en fonction de la vaccination, Jean-Louis Touraine a rappelé que 78 millions de doses pourraient être disponibles avant le 30 juin, ce qui permettrait de vacciner 60 % de la population. Il s'agit de la meilleure hypothèse, bien que des questions de modulation subsistent sur les livraisons. Au-delà des deux vaccins ARN qui ont obtenu l'autorisation de mise sur le marché, à savoir Pfizer et Moderna, d'autres vaccins sont en attente, mais ne peuvent être utilisés faute d'autorisation de mise sur le marché.
Le vaccin AstraZeneca présente au moins deux avantages, à savoir sa conservabilité à 4 °C et les très grandes quantités commandées par l'Europe, ce qui le rendrait disponible dès février dans la mesure où il sera évalué fin janvier par l'Agence européenne des médicaments. Cinq millions de doses devraient être disponibles dès février-mars. Ce vaccin est fabriqué selon une stratégie différente des vaccins ARN – ce sont des vecteurs adénoviraux. Il a été utilisé avec succès pour contrôler l'épidémie du virus Ebola en Afrique. Il s'agit d'un grand succès de la vaccination qui a été peu évoqué en Occident.
Les doutes sont liés au fait que les résultats publiés pour le vaccin AstraZeneca montrent une efficacité de l'ordre de 60 %, mais moindre que les 95 % des vaccins ARN, même si un intervalle de confiance se croise. Une partie des personnes vaccinées dans le cadre de l'essai clinique ont reçu une dose un peu différente. Tant que nous n'aurons pas obtenu la validation de l'Agence européenne des médicaments, nous ne pourrons avoir de certitude sur les quantités livrées.
Le deuxième écueil réside dans les accidents de production, qui diminueraient le nombre de 78 millions tel qu'affiché à l'état optimal au regard des connaissances actuelles, en sachant qu'il n'est pas exclu que la production de vaccins augmente. L'ouverture d'une usine Pfizer en Allemagne permet d'espérer une augmentation de la production. Si ces conditions sont réunies, on peut espérer voir diminuer la circulation du virus cet été.
Un vaccin peut prévenir une infection, mais pas la présence de particules virales dans la gorge et le nez susceptibles d'être excrétées. Nous ne disposons de ces informations pour aucun vaccin. Les recueillir avec certitude implique des enquêtes épidémiologiques lourdes sur un très grand nombre de sujets de par le monde. S'il s'avère qu'un ou plusieurs vaccins disponibles agissent sur la transmission, ce qui est probable mais pas certain, l'efficacité de la vaccination s'en trouverait accélérée en générant une unité de groupe. Étant donné que 12 % de la population serait immunisée, 50 % de sujets vaccinés pourraient suffire à réduire considérablement la circulation du virus.
La troisième inconnue réside dans le fait que les informations disponibles sur l'efficacité vaccinale absolument inattendue et remarquable des vaccins ARN ont été démontrées avec un recul de deux mois. Le degré de persistance de la protection aura une influence majeure sur la cinétique de décroissance de la circulation du virus, de la pandémie et des mesures de précaution à prendre.
L'objectif de vacciner l'essentiel des 15 à 20 millions de personnes qui présentent le plus grand risque de mortalité ou d'hospitalisation en réanimation avec un impact direct et indirect sur le système de santé entre aujourd'hui et le deuxième trimestre paraît assez réaliste. Cette mesure aura un impact sur la mortalité, la morbidité, l'occupation des lits d'hôpitaux, la charge de travail des soignants et la capacité de prise en charge convenable des patients non atteints du covid. Une personne âgée de 80 ans ou plus a 8 % de risque de mourir du covid si elle le contracte. Même avec les nouveaux variants, le taux est de 0,0001 % pour les enfants. Le caractère fondé de la politique visant à protéger en premier lieu les personnes qui risquent de mourir ou d'être très malades est justifié compte tenu de la connaissance que nous avons des vaccins.
Jusqu'à récemment, les enfants étaient très peu contaminés. Une surveillance renforcée est mise en place autour des écoles, notamment au travers du système Obépine de recherche du virus dans l'eau qui est un bon indicateur. Si les données actuelles se confirment, il faudra envisager la vaccination des enfants dans un délai à définir.
La fermeture des écoles n'est pas de mon ressort, mais en tant que pédiatre, je me suis exprimé en mai et juin sur la nécessité absolue de rouvrir les écoles car le virus y circulait peu et en raison des multiples effets délétères de la fermeture des écoles sur les enfants à risque. Nous sommes contraints d'évaluer deux risques dont les conséquences en termes de précautions sont contradictoires en limitant la circulation du virus dans les écoles et les conséquences sur la population, et en réduisant autant que se peut l'impact pour les enfants fragiles en particulier. Au minimum, les maternelles devraient y échapper car le niveau de transmission y est extrêmement faible. Il s'agit d'un point de vigilance auquel nous ne pouvons répondre complètement à ce stade.
S'agissant de l'échéancier de vaccination, il est légitime qu'une fraction non négligeable de la population s'interroge puisque les vaccins sont disponibles depuis moins d'un mois et dans la mesure où les informations ont été obtenues en quelques mois sur les différents types de vaccins, dont certains sont relativement innovants. Il convient de développer tous les moyens possibles pour que la population dispose de cette information.
Pour ce faire, plusieurs créneaux peuvent être utilisés avec, en premier lieu, les professionnels de santé, en sachant que 20 % de médecins généralistes n'adhèrent pas à la vaccination, ce qui laisse penser que 20 % de la population correspondant à leur clientèle risquent d'être réticents ; le taux est inférieur s'agissant des infirmiers et des aides-soignants. Il faut d'abord informer de façon claire, transparente, intelligible, complète et honnête les professionnels de santé au travers de sites comme celui de Santé publique France, de chats et de conférences centralisées et décentralisées. Nous coopérons avec les associations de médecins généralistes et les syndicats, qui sont très motivés, pour démultiplier les créneaux d'information en indiquant que les vaccins disponibles protègent à 95 % et que les effets indésirables sont limités à un accident d'allergie pour 100 000, et en soulignant l'absence de maladies auto-immunes et de complications pour les 20 millions de personnes qui ont reçu le vaccin Pfizer dans le monde.
Il faut également informer que nous ne connaissons pas la durée de la protection et que nous ignorons si le vaccin bloque la transmission. La meilleure façon de convaincre est de dire ce que nous savons et ce que nous ignorons par le biais de toutes sortes de canaux médiatiques.
Environ 500 000 doses de vaccin Pfizer arriveront chaque semaine en janvier, février et mars. Les livraisons de vaccin Moderna sont de 100 000 doses en janvier et quelques centaines de milliers en février, mars et avril. Si le vaccin AstraZeneca est validé, nous disposerons de 5 millions de doses dès février et les livraisons se poursuivront au cours des mois suivants. S'il est validé, nous pourrions disposer de quelques millions de doses de vaccin Curvac à partir de mars. À partir d'avril, nous pourrions avoir quelques millions de doses vaccin Janssen. Il s'agit d'un autre vaccin adénovirus qui pourrait ne nécessiter qu'une injection unique. L'accélération dépend de la réelle mise à disposition de ces vaccins.
Les populations considérées comme prioritaires sont les 900 000 personnes en maison de retraite, en y incluant les professionnels de santé et médico-sociaux âgés de plus de 50 ans qui y travaillent, soit 1,2 million de personnes, les 5 millions de personnes âgées de plus de 75 ans qui ne sont pas en maison de retraite et le million de personnes gravement malades qui sont ultra-prioritaires pour la vaccination. Le total représente environ 8 millions de nos concitoyens, soit 16 millions de doses, voire davantage en raison de la perte potentielle, lesquelles ne seront pas disponibles en janvier ou février, même si une accélération liée à AstraZeneca est attendue. La vaccination des 6 à 7 millions de personnes âgées de 65 à 74 ans, des autres personnes à risque et de quelques professions exposées, soit une dizaine de millions de personnes, devrait pouvoir commencer en février.
À l'échelle locale, s'il reste des doses, le soir, dans un centre de vaccination et que plus aucune personne des catégories précitées n'est à vacciner, il est évident que les gens qui se présentent pourront être vaccinés. Accepter de façon plus importante que des personnes n'appartenant pas à ces groupes soient vaccinées à la marge ne pose pas de problème. En revanche, le faire de façon importante serait au détriment des personnes à risque et d'une moindre efficacité en termes de protection contre les décès et le bon fonctionnement de notre système de santé. Par conséquent, je n'y suis pas favorable. Des négociations sont en cours à l'échelle nationale pour obtenir davantage de vaccins, mais la compétition est mondiale et acharnée.
Le rôle des trente-cinq citoyens n'est pas contradictoire avec la recommandation de l'OPECST, avec lequel j'ai interagi à deux reprises au cours du dernier mois, qui fait part de la nécessité de s'appuyer sur les institutions de démocratie sanitaire. Les entités de démocratie sanitaire que sont la HAS, Santé publique France et l'ANSM sont saisies par le Gouvernement et apportent des recommandations qui sont mises en œuvre pour la vaccination. L'objectif du conseil citoyen est d'apporter des remarques et des questions de façon complètement indépendante. Voici quatre ans, j'ai présidé le comité qui a mis en place une concertation citoyenne sur la vaccination pour les jeunes enfants ayant conduit à proposer l'obligation vaccinale pour les bébés, ce qui a été un grand succès. Cette consultation citoyenne a été très riche. Il est remarquable d'observer comme les citoyens formés de manière intensive sur le sujet sont capables de faire remonter des observations utiles. Cette démarche n'est pas déterminante, mais je n'y vois pas de contradiction.
L'objectif de 6 à 10 millions de vaccins au 15 mars est très dépendant de la mise à disposition ou non du vaccin AstraZeneca dès février. Le cas échéant, il s'agira de 5 millions de doses en février.
Le nombre de centres de vaccination mis en place, qui s'établit actuellement à 300, est croissant, avec un objectif de 600 fin janvier, soit en moyenne six par département. Par une volonté de bien faire, certains départements comptent trop de centres, ce qui posera des problèmes d'approvisionnement et d'efficacité de la vaccination. 600 centres fonctionnant en France, y compris dans les DOM-TOM, représentent environ un centre pour 100 000 habitants, ce qui permet de vacciner au mieux les personnes prioritaires. Ces sites se situent dans des centres hospitaliers, des maisons pluriprofessionnelles de santé et des centres de vaccination classiques, et relèvent d'initiatives locales de maires. La difficulté réside dans la disponibilité de personnes pour vacciner, à savoir un médecin superviseur et des infirmiers. Nous pourrons recourir au personnel en retraite afin d'amplifier ce mouvement.
La chaîne du froid constitue un obstacle à la vaccination. À partir de la deuxième génération de vaccins, lesquels sont conventionnels en termes de conservation, les médecins traitants, les pharmaciens et les médecins du travail pourront vacciner, ce qui permettra de multiplier les lieux de vaccination avec une organisation beaucoup plus aisée qu'actuellement.
S'agissant du suivi épidémiologique concernant la prévention de la transmission par le vaccin, quelques données directes peuvent être obtenues par des études d'anticorps dirigés contre des éléments du virus qui ne sont pas dans le vaccin. Ils donnent une information sur la prévention des formes asymptomatiques, mais il ne s'agit pas exactement de prévention de la transmission. L'information solide de prévention de la contamination porte sur des données épidémiologiques nationales et internationales, ce qui demande du temps. À ce stade, je ne suis pas en capacité d'annoncer une échéance sur ce plan.
La stratégie de Pasteur consiste à modifier le vaccin contre la rougeole, qui est bien connu et utilisé en toute sécurité de longue date – quoi qu'en aient dit certains en trichant – en y ajoutant l'élément génétique qui code pour la protéine Spike. Cette stratégie intéressante est en cours de test avec la société Merck qui développe ce vaccin. La phase III est en cours. Les résultats devraient être disponibles au second semestre. La stratégie est potentiellement astucieuse car le vaccin se réplique et pourrait amplifier la réponse immunitaire. Au regard du besoin, ce vaccin ou les approches similaires développées par d'autres auront sûrement leur place.
À titre personnel, je suis réticent vis-à-vis du passeport vaccinal car nous ne disposons pas d'informations sur la durée de la protection et la transmission. En outre, sur le plan éthique, il est délicat de différencier la population en fonction des sujets vaccinés ou non. La question risque de se poser dans quelques mois pour les transports aériens.
Je pense avoir répondu aux questions sur l'ajustement du calendrier, l'ouverture des tranches d'âge, l'approvisionnement et les évolutions à prévoir. AstraZeneca est déterminant pour le mois de février car il doublerait les doses de vaccin disponibles. L'augmentation du volume d'achat des vaccins fait l'objet d'âpres négociations à tous niveaux. L'idée est de ne pas attendre d'avoir vacciné toutes les personnes de plus de 75 ans pour commencer à vacciner quelqu'un qui a 70 ans. Il convient de les emboîter. J'espère que le délai entre les deux sera le plus court possible, mais apporter une réponse précise aujourd'hui ne serait pas très sérieux. Cela dépendra de la façon dont la vaccination se développe dans les prochaines semaines. À hier soir, nous comptabilisons 190 000 personnes vaccinées, ce qui est très peu, mais nous avons eu plus de 50 000 personnes hier.
Pour ce qui est de l'efficacité du vaccin ARN sur les variants, les premières données des Britanniques sont plutôt rassurantes. Les personnes vaccinées avec le vaccin Pfizer produisent des anticorps neutralisants contre le variant britannique. Il s'agit de constructions en laboratoire et non du virus tel qu'extrait des patients, mais il n'y a pas de raison que les données soient différentes. Les données sont moins complètes pour le virus d'Afrique du Sud, mais sont encourageantes. Il s'agit d'un sujet majeur à suivre. Au pire, si un variant plus résistant au vaccin émergeait, il serait possible de fabriquer un vaccin ARN adapté en six semaines car modifier la séquence de l'ARN est très facile. Il s'agit d'une parade qui retarderait le schéma de la campagne vaccinale, mais qui offrirait une porte de sortie en cas de difficulté.
Je n'ai pas bien compris la question sur les vaccins plus classiques autorisés. Nous n'en disposons pas au sein de l'Union européenne. Le Royaume-Uni a le vaccin AstraZeneca, mais il n'est pas autorisé en France aujourd'hui. Par conséquent, il n'existe pas de vaccin plus « classique » disponible.
Je faisais référence au vaccin AstraZeneca qui est proposé en Angleterre et demandais s'il avait été testé par rapport au variant britannique sur place.
Je n'ai pas la réponse.
S'agissant de la question sur la lenteur et les moyens en place, au rythme de ces derniers jours, nous serons capables de vacciner un million de personnes en janvier. Hier, 50 000 personnes ont été vaccinées. Nous disposons de 300 centres, lesquels seront au nombre de 600 en fin de mois. La vaccination dans les maisons de retraite s'accélère. De nombreux éléments laissent penser qu'un million de personnes, voire davantage, seront vaccinées à la fin du mois. Il est évident que la France a démarré plus doucement que l'Allemagne et d'autres pays européens. Je pense que la comparaison doit s'établir avec les pays de l'Union européenne car nous avons reçu les vaccins en même temps et dans les mêmes quantités rapportées au nombre d'habitants. La France, peut-être de façon trop stricte initialement, a prioritairement mis en avant la vaccination des résidents et du personnel des maisons de retraite, ce qui relève d'une stratégie ambitieuse, mais complexe car elle nécessite de livrer des vaccins dans 14 000 établissements en France. Contrairement à l'Allemagne – et je défends la position française qui a été décidée bien avant que j'entre dans la réflexion sur ces questions – la France a décidé d'apporter le vaccin aux sujets à vacciner plutôt que le contraire. L'Allemagne transporte des résidents de maison de retraite dans des autobus vers les centres de vaccination. Je respecte ce choix qui est certainement plus efficace en termes de rapidité, mais qui peut poser problème sur le plan éthique. La contrainte supplémentaire est que ce choix ralentit la vaccination, mais, au moins, nous sommes extrêmement solides.
Dès qu'il était clair que la vaccination serait faisable et sûre à travers l'expérience française et internationale, il y avait toutes les raisons d'accélérer, ce qui a été fait à partir des derniers jours de décembre, même si certains éléments étaient trop complexes et surinterprétés. Nous avons formulé des propositions sur la simplification de la vaccination en supprimant le concept de consultation prévaccinale, qui crée le doute et complique le processus. Une vaccination peut être effectuée sur la base d'un questionnaire et d'une consultation auprès d'un médecin en présence d'une réponse posant un problème médical. Si tout est clair et que la personne ne souhaite pas particulièrement rencontrer un médecin préalablement, elle peut être vaccinée immédiatement après. Cette mesure de simplification qui était nécessaire permet une accélération. Il n'est pas scandaleux qu'une organisation aussi complexe nécessite des ajustements, lesquels ne seront pas les derniers.
Il me semble que le train est désormais sur ses rails, mais l'évaluation ne pourra intervenir qu'après quelques mois. Certains pays européens, comme la Belgique et les Pays‑Bas, ont commencé après la France.
Les élus locaux s'estiment insuffisamment associés à la mise en route de la vaccination. Or, à travers l'Association des maires de France, l'Association des départements de France et Régions de France, ils sont en interaction extrêmement fréquente avec le cabinet du ministre. Je l'ai également été à titre personnel. Les agences régionales de santé (ARS) sont en contact avec les élus locaux, lesquels jouent un rôle majeur. Je ne vois pas ce qui s'oppose à l'instauration de la meilleure collaboration possible entre l'organisation de santé et les élus locaux pour créer et organiser au mieux ces centres de vaccination au niveau local en étant aidé pour obtenir le personnel adéquat et assurer les livraisons. Ont été évoquées des difficultés autour des seringues et des aiguilles, mais la France dispose de suffisamment de matériel pour éviter la pénurie. Il s'agit d'un enjeu important et les élus locaux sont parfaitement légitimes à évoquer ce sujet et à agir en interaction avec les ARS.
J'ignorais que la direction générale de la santé avait eu recours à quatre cabinets. S'agissant d'une démarche qui a été effectuée à grande distance de moi, je ne la commenterai pas particulièrement.
Le nombre d'enfants contaminés est supérieur en Angleterre, ce qui n'est pas forcément lié au variant anglais. L'analyse est complexe dans ce pays qui fait face à une flambée de covid avec le virus variant et non variant. Il convient d'attendre d'être plus informés pour conclure sur cette question.
Le processus et les conditions de fabrication sont absolument de même nature et sont évalués par les agences réglementaires de la même façon que pour les vaccins classiques. Aux États-Unis, cent personnes de la Food and Drug Administration ont été affectées à l'examen du dossier de Pfizer, qu'il s'agisse de la qualité du produit, des modalités de fabrication, des informations de composition, des essais précliniques, des informations sur les essais cliniques sécurité et efficacité, et du process de fabrication. L'évaluation a été accélérée au regard de l'urgence de la pandémie, mais par cent personnes. Il doit en être de même au niveau de l'Agence européenne. Je vous assure que les processus d'évaluation suivis par les agences réglementaires européenne, britannique, américaine, canadienne, etc. ont donné lieu à des avis convergents selon des critères extrêmement stricts.
Les Anglais utilisent l'expression « to cut the corners », c'est-à-dire « couper les coins », pour qualifier les actions menées de manière accélérée. Nous n'avons aucunement coupé les coins, ce que pourront confirmer un très grand nombre de scientifiques qui ont été impliqués dans l'évaluation. L'analyse bénéfice-risque montre des chiffres extrêmement impressionnants en termes de bénéfice et de très faibles risques. Nous connaissons le risque d'hypersensibilité une fois sur cent mille, essentiellement chez des personnes qui présentent des antécédents détectables par interrogatoire avant vaccination et qui peuvent être traitées. Aucun décès n'est associé au vaccin sur les vingt millions de personnes vaccinées dans le monde à ce jour.
Vous suggérez que les nouveaux variants sont liés à la vaccination, ce qui est totalement inexact. Ces variants étaient présents avant le début de la vaccination. Au regard du faible nombre de personnes vaccinées, nous ne voyons pas comment ces vaccins pourraient entraîner une pression de sélection sur les variants. Nous savons que le variant britannique est présent en Grande-Bretagne depuis au moins deux à trois mois, même s'il a mis du temps à émerger. Le vaccin n'a joué absolument aucun rôle en la matière. Il est vrai que nous pouvons imaginer qu'un vaccin exerce un jour une pression de sélection et fasse émerger un variant qui nécessiterait une modification des vaccins, mais, en l'état, les différents variants qui arrivent en Grande-Bretagne, en Afrique du Sud et au Japon sont naturels. Ces virus mutent constamment. Certains peuvent être éventuellement sélectionnés. À ce stade, nous n'avons pas la certitude que ces variants sont plus contagieux, même si cela est possible, ce qui implique la plus grande vigilance.
En Israël, 18 % des sujets qui ont fait l'infection avaient reçu la première dose de vaccin, ce qui corrobore les résultats des essais cliniques. Il a été montré que la protection débute douze jours après la vaccination. Par conséquent, il est clair que la grande majorité des 18 % de sujets ont été contaminés un, deux, trois ou cinq jours après le premier vaccin, ce qui est attendu. Ces chiffres n'apportent aucune information supplémentaire que de confirmer le résultat des essais cliniques. La situation serait problématique si elle était observée chez des sujets vingt jours après le premier vaccin et, a fortiori, après la seconde dose.
Il n'existe pas de traitement précoce contre le SARS-CoV-2 à ce jour.
Les essais cliniques ne comptent que quelques centaines de personnes âgées de plus de 75 ans, ce qui ne permet pas de montrer un bénéfice de façon statistique. Néanmoins, nous n'avons eu aucun cas d'infection chez ces personnes. Des essais cliniques qui porteraient sur des milliers, voire des dizaines de milliers de personnes âgées de plus de 75 ans sont infaisables pour des raisons pratiques et éthiques. Nous sommes obligés d'émettre l'hypothèse selon laquelle si le vaccin est efficace jusqu'à 75 ans, ce qui est indiscutablement montré, il existe un fort espoir de protéger les personnes âgées de plus de 75 ans. Au regard de leur risque de mourir, il serait non éthique de ne pas leur proposer la vaccination en priorité.
Les mutations du virus de la grippe diffèrent de celles des coronavirus. Le virus de la grippe excelle dans la recombinaison entre souches virales différentes avec, par exemple, un morceau de virus humain et un virus aviaire. Nous voyons émerger des virus franchement différents à l'égard desquels nous n'avons pas ou moins d'immunité. Les vaccins ne sont pas très efficaces, ce qui explique que, chaque année, émergent des virus relativement différents qui imposent de revacciner annuellement, de surcroît avec des vaccins qui ne sont pas très efficaces. Les coronavirus mutent comme tous les virus, notamment les virus ARN, mais ils ne semblent pas recombiner de cette façon ou très rarement. Nous pouvons espérer ne pas voir émerger de résistance ou de semi-résistance au vaccin par ce mécanisme. La comparaison avec les vaccins grippaux n'est probablement pas pertinente sous réserve de l'état des connaissances.
Il est vrai que les Allemands ont commencé la vaccination plus tôt que les Français et sont plutôt bien organisés, mais ils ont choisi de transporter les personnes âgées vers les centres de vaccination, ce que je respecte, mais qui ne me paraît pas optimal. Nous payons le prix d'une vaccination plus lente, mais que je trouve relativement acceptable.
Je ne suis pas spécifiquement informé de la situation des Alpes-Maritimes et de la ville de Nice. Dans la mesure du possible, il faut une adéquation du nombre de centres, lesquels sont parfois trop nombreux, et un nombre suffisant de doses par site. Les centres peuvent organiser des équipes mobiles pour vacciner les personnes âgées à domicile. Les élus locaux, qui connaissent leurs populations, peuvent les contacter, voire les déplacer. Ils jouent un rôle majeur.
Après la première injection, à partir de J12, où la protection commence, jusqu'à J21, le niveau de protection est de 86 %. La seconde dose protège à 95 %. Ne pas injecter la seconde dose serait de la folie car, même si nous ne disposons pas des informations à ce jour, il est plus que probable qu'elle permette un effet boost qui favorise une réponse immunitaire plus forte et plus durable. Son retardement fait l'objet de discussions en fonction de l'augmentation du nombre de cas car il permettrait de vacciner davantage de personnes, lesquelles devront néanmoins recevoir la seconde dose à terme. Une réflexion est en cours dans une volonté de politique commune européenne. À ce jour, aucun pays n'a franchement décidé de retarder la seconde dose. En tout état de cause, il convient de ne pas dépasser six semaines de délai et il faut absolument que la seconde dose soit injectée.
Chacun souhaite que les professionnels de santé, y compris les personnes exerçant des fonctions médico-sociales, soit un peu plus de 2 millions de personnes, puissent être vaccinées. La vaccination est ouverte à 1,2 million de ces personnes. Nous souhaitons accélérer en incluant les libéraux, notamment de plus de 50 ans. Parallèlement, des millions de Français présentent un risque élevé de mourir du covid et d'être hospitalisés. En fonction des doses de vaccins disponibles, je pense que cette population sera relativement vite concernée, ce qui fait partie de la réflexion qui a cours en parallèle selon les préconisations de la HAS avec les personnes âgées de 65 à 74 ans. J'espère qu'il sera rapidement possible de vacciner tous les professionnels de santé, ce qui est difficile dans l'immédiat avec 2,5 millions de doses disponibles en janvier.
Il convient d'être vigilant vis-à-vis des variants, lesquels ne sont pas plus sévères. Il n'est pas certain qu'ils soient plus infectieux. Ils impactent le diagnostic car il faut modifier les tests. À ce stade, je dirais qu'ils n'impactent pas la vaccination, mais ce sujet est à suivre de très près.
Je souhaitais savoir comment obtenir davantage de vaccins car je suis élue de Marseille, où la circulation du variant est active, ce qui génère une inquiétude forte pour les Marseillais, mais je vais réorienter ma question au regard des éléments apportés.
Vous indiquez que le vaccin constitue la seule perspective réaliste de sortir de cette crise, ce que les Français ont bien compris. Ils attendent, sont attentifs à pouvoir se faire vacciner et à retrouver une vie normale et craignent d'être reconfinés. Vous précisez que le niveau de production est maximal et que les plus fragiles doivent être prioritaires. Vous évoquez un gain potentiel en fluidité sur la vaccination, en utilisant le terme « emboîter » les populations à vacciner, consistant à ne pas attendre d'avoir vacciné les résidents d'établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et les soignants pour procéder à la vaccination des personnes de plus de 75 ans, ce que je trouve très intéressant, mais je m'inquiète de la mise en œuvre dans les territoires.
En Provence-Alpes-Côte d'Azur, au 12 janvier, 6 700 personnes étaient vaccinées. Les nouveaux chiffres font état de 11 000, ce qui est très peu par rapport aux autres régions de France, notamment à l'Île-de-France. Comment apporter cette fluidité sur les territoires ? Pourtant, en Provence-Alpes-Côte d'Azur, le directeur de l'ARS a fait part du déploiement de quatre centres à Marseille et de l'arrivée des vaccins avec un nombre de doses supérieur au nombre de personnes vaccinées. Comment votre conseil d'orientation peut-il apporter cette fluidité sur les territoires semaine par semaine ? Les Français ont peur d'être reconfinés et ont bien compris que le vaccin apporterait la solution.
Je souhaite relayer de nombreuses questions que se posent les citoyens de ma circonscription. Ils déplorent la lenteur du lancement de la campagne de vaccination contre la covid-19. En effet, il est constaté un certain retard à l'allumage propre à notre pays alors qu'il s'agit du seul moyen de bloquer le virus. Des vaccinations débutent ce jour pour des habitants de plus de 75 ans dans la métropole du Grand Nancy, mais des habitants des communes situées à quelques kilomètres âgés de plus de 75 ans se voient refuser la possibilité d'obtenir un rendez-vous pour se faire vacciner. Que leur répondez-vous ? N'y a-t-il pas le risque d'une vaccination à deux vitesses pour notre pays ? Dans vos conseils, portez-vous le souci d'une équité territoriale ?
Notre département compte des militaires qui partiront prochainement en opération extérieure dans des territoires où les infrastructures de santé sont plus limitées, comme au Sahel, dans des conditions moins propices au respect des gestes protecteurs. Ne serait-il pas opportun de permettre, dès aujourd'hui, la vaccination à nos militaires qui seraient volontaires ?
Vous précisez que votre rôle n'est pas de décider, mais de conseiller. Qu'auriez-vous conseillé différemment pour éviter ce retard au démarrage constaté ?
La crise sanitaire frappe d'abord les plus vulnérables économiquement et socialement. Du point de vue sanitaire, les conditions de vie constituent un facteur particulièrement aggravant avec un risque de contamination supérieur. En octobre dernier, le président du Conseil scientifique, Jean‑François Delfraissy, lançait une alerte concernant la situation des personnes sans domicile fixe dans la capitale qui sont proportionnellement bien plus touchées par l'épidémie que les Parisiens ne se trouvant pas en situation de précarité. Le nombre de personnes infectées parmi les SDF à Paris étant de l'ordre de 40 %, il apparaît essentiel de permettre rapidement aux personnes vulnérables d'accéder à la vaccination. Seraient-elles intégrées aux personnes à vacciner en priorité lors de l'élargissement prévu à partir de fin février.
Vous évoquez les effets secondaires éventuels des vaccins en en précisant l'extrême faiblesse. Existe-t-il des contre-indications réelles à la vaccination et quelles sont-elles ?
Vous avez été clair et peu optimiste sur la durée de protection offerte par le vaccin. Avons-nous des précisions sur la durée de protection après avoir contracté le virus ?
Concernant la vaccination des personnes âgées non autonomes à domicile, qui représentent environ un million de personnes, M. le ministre a évoqué la possibilité d'une vaccination au domicile. Pouvez-vous préciser de quelle manière celle-ci pourrait s'organiser ?
S'agissant de l'adhésion de nos concitoyens à la vaccination, j'aimerais vous entendre sur les mesures à court terme que vous préconisez vis-à-vis du grand public et du rôle des professionnels de santé, dont certains ne sont pas toujours convaincus du bénéfice du vaccin.
Concernant la coopération de l'Union européenne, avec l'accélération des vaccinations, quelles sont les mesures envisagées pour garantir l'approvisionnement de vaccins et de matériel de vaccination au niveau européen ? Avez-vous des échanges avec les autres pays européens pour bénéficier des bonnes pratiques mises en œuvre par les uns et les autres pour rendre la vaccination des Européens aussi efficiente et efficace que possible dans la mesure où la covid-19 n'a pas de frontières ?
Je suis assez surprise de la mise en place d'un collectif de citoyens. Il me semblait que les députés représentaient très bien le peuple, les territoires et les catégories socioprofessionnelles. Par conséquent, je ne perçois pas l'utilité de ce collectif.
S'agissant de la chaîne du froid qui ne doit pas être interrompue, certains groupements hospitaliers de territoire (GHT) ont anticipé l'achat de congélateurs à – 20 °C, ainsi que de glacières pour effectuer les trajets entre le GHT et les centres de vaccination. Or ces matériels sont en rupture de stock, ce qui ralentira la vaccination dans certains territoires qui n'ont pas anticipé. En outre, nous risquons de perdre un certain nombre de vaccins à cause de cette chaîne du froid.
En ce qui concerne les variants britannique et sud-africain, ne croyez-vous pas que la première mesure à prendre serait de sécuriser l'accès de notre pays, notamment les aéroports par le biais de tests obligatoires pour toutes les personnes entrant sur notre territoire ?
Je ne comprends pas pourquoi seuls les médecins peuvent vacciner. Qu'en est-il des infirmiers et des pharmaciens ?
Je suis élue de Haute-Loire, qui est un territoire rural. Tous nos maires disposent de la liste des personnes de plus de 75 ans. Nous procédons à un recensement et organisons via des minibus le transport des personnes vers le centre. Il s'agit d'un processus très simple et réactif. Je constate une belle anticipation des élus locaux. Pourquoi tout vouloir concentrer au niveau national ? Pourquoi ne fait-on pas confiance à nos élus locaux, départementaux et régionaux qui connaissent bien les territoires ? Pourquoi ne pas faire confiance à nos préfets et sous-préfets, qui ont parfaitement géré la première épidémie et sauraient faire de même concernant la vaccination ?
Connaissons-nous la durée de l'immunité post-infection des personnes ayant contracté la covid ? Ces personnes doivent-elles se faire vacciner ?
Pour les personnes atteintes de maladie auto-immune et auto-inflammatoire, sous corticoïdes ou chimiothérapie, même s'il est recommandé une vaccination en anneau de leur entourage, quid de leur propre vaccination ?
J'ai bien compris les perspectives individuelles qui sont ouvertes dès lundi pour les 8 millions de Français les plus vulnérables puisque même les personnes atteintes de maladies graves comme les transplantations cardiaques ou le cancer pourront se faire vacciner.
Je souhaite vous interroger sur les perspectives collectives de cette stratégie vaccinale. Devons-nous attendre que les personnes ultra-prioritaires, qui, comme vous l'avez expliqué, ont une très forte probabilité de mourir lorsqu'elles contractent la maladie que les autres, aient eu accès au vaccin, soit en fin de printemps, pour ne plus craindre le virus et retourner à une vie normale Ou devons-nous viser une couverture vaccinale collective ? Le cas échéant, pourquoi et à quelle échéance pouvons-nous l'attendre ?
Je pose cette question au nom de ma collègue Audrey Dufeu, qui ne pouvait être présente.
Notre stratégie vaccinale est essentiellement basée sur le critère de l'âge. Dès le début de la pandémie de covid, constatant que les personnes âgées étaient plus touchées par le virus, nous avons fait le choix de les vacciner en priorité. Néanmoins, l'âge n'est pas le seul critère de vulnérabilité face à la covid. En effet, le taux de mortalité des personnes atteintes de comorbidité grave, notamment de cancer, est supérieur à celui des personnes âgées de plus de 75 ans, quel que soit leur âge, même jeunes. Nous devons donc rapidement réfléchir à la possibilité d'ouvrir l'accès au vaccin aux personnes atteintes de ces comorbidités graves. Selon vous, quelle est la date envisagée pour donner accès au vaccin contre la covid aux personnes atteintes de ces comorbidités ?
Il a été décidé d'aller vacciner les personnes dans les EHPAD. Pourtant, un certain nombre d'entre elles sont tout à fait valides sur le plan moteur et se déplacent dans des cabinets privés ou à l'hôpital dans le cadre des consultations spécialisées. Dans mon département, je constate que le processus est très long. Ne pourrait-on pas décider que les personnes ayant l'habitude de se rendre en consultation puissent aller se vacciner avec des conditions de transport tout à fait favorables dans des centres qui leur sont dédiés avec des services de gériatrie ? Nous prenons un retard considérable qui n'est pas systématiquement justifié.
Selon quels critères la distribution des vaccins s'opère-t-elle ? Je crois qu'elle est réalisée par Santé publique France dans le cadre d'une centralisation légitime, mais, sur le terrain, les préfets et les ARS indiquent qu'ils ne peuvent accélérer le processus faute de connaître le nombre de doses qui leur seront affectées. Il conviendrait de simplifier et il faut que nous puissions comprendre la façon dont s'opère cette distribution pour lever les inquiétudes locales.
. Vous faites part de votre rôle de conseil, mais comment interagissez-vous entre le Conseil scientifique, la HAS et l'ANSM ?
Lors de votre prise de fonctions début décembre, une organisation était-elle préexistante sur laquelle vous appuyer ?
Hier, j'ai posé la question à Olivier Véran de la traçabilité, de l'épidémiologie et de la vigilance. Je l'ai interrogé sur le dossier médical partagé (DMP) et le carnet de vaccination électronique, qui aurait pu être un bon outil pour assurer cette traçabilité, mais j'ignore si celui-ci relève de votre domaine.
Nous évoquions la lenteur, l'excès de centralisation et le manque de souplesse, d'agilité et de réactivité que nous entendons souvent dans l'opinion publique. Envisagez-vous d'accélérer la vaccination pour les personnes convaincues de son intérêt ? Prévoyez-vous la possibilité pour les médecins, les infirmiers et les pharmaciens de vacciner ? Je rappelle que ce trio a démontré sa capacité à vacciner cent patients par jour lors du lancement de la campagne vaccinale de la grippe. Nous pourrions considérer que la population française pourrait être vaccinée en un mois.
Envisagez-vous de simplifier les procédures administratives et le principe de consentement en vous orientant vers un consentement oral ?
Les centres de vaccination sont tout à fait opportuns au regard de l'ampleur de la vaccination à déployer, mais je souhaite vous alerter sur la difficulté rencontrée par la population pour s'y rendre, en particulier dans les territoires ruraux. Il me semble qu'il faille privilégier la proximité.
Comment disposer de davantage de vaccins face à la menace de reconfinement, laquelle n'est pas exclue avant que nous comptabilisions suffisamment de personnes vaccinées ? Vous exprimez vos inquiétudes quant à la présence du variant britannique à Marseille, mais il est également présent à Bagneux et dans toute la France, bien qu'en quantité relativement faible. Votre inquiétude est légitime et nationale. Des efforts colossaux sont fournis pour essayer de négocier à l'échelle européenne, voire nationale, afin d'avoir accès à des lots de vaccins plus importants. L'estimation un peu pessimiste faite voici quelques semaines de la capacité mondiale de production de vaccins covid en 2021 s'établissait à quatre milliards de doses, ce qui permet de vacciner un quart des habitants de la planète. Toutefois, Pfizer va ouvrir une nouvelle usine et j'espère que d'autres parviendront à faire de même. Cette estimation donne une idée de la tension à l'échelle mondiale et nul ne peut reprocher à d'autres pays de chercher à obtenir des vaccins.
L'accessibilité des pays pauvres au vaccin est un vrai problème. Des initiatives de l'Organisation mondiale de la santé visent à préserver une partie des vaccins à leur intention. L'oublier est une faute éthique et une erreur car si le virus y circule de façon importante, il reviendra chez nous. Il faut intégrer cette dimension, même si elle complexifie le paysage.
S'agissant de la notion d'emboîtement, l'idée est de commencer, dès lundi prochain, à vacciner les personnes âgées de plus de 75 ans. Nous n'attendrons pas que tous les résidents de maison de retraite, toutes les personnes âgées de plus de 75 ans et tous les malades les plus graves aient été vaccinés pour commencer à vacciner les personnes de plus de 65 ans. Le processus s'emboîtera progressivement selon un rythme qu'il conviendra de préciser en fonction de la cinétique de vaccination, mais il est hors de question d'attendre d'avoir « épuisé » une population pour passer à la suivante, faute de quoi nous perdrions en efficacité. Le but est d'optimiser les vaccins disponibles.
J'entends que le nombre de personnes dans votre ville ou votre région est relativement faible et j'en ignore la raison. Aujourd'hui, la région qui a le plus vacciné n'est pas l'Île-de-France, mais la Normandie. Les Normands sont-ils mieux organisés ou ont-ils bénéficié de davantage de livraisons ? Je l'ignore. Je peux essayer de regarder, mais vous pouvez certainement interroger votre ARS, laquelle doit être en mesure de vous apporter des explications sur le nombre de doses et l'ouverture des centres dans votre région. Il est évident que quelques différences subsisteront d'une région à l'autre, mais il n'y a pas de raison que la vôtre soit plus maltraitée que d'autres. La région qui dispose le moins de vaccins est la Corse.
Le ministre a décidé de réserver les doses de vaccin Moderna aux régions où le virus circule le plus actuellement en France, soit à l'Est.
S'agissant des populations précaires, il est prévu de vacciner prioritairement dans les foyers de migrants. La question des SDF, des précaires et des populations fragiles est importante. Leur vaccination est prévue en tant que priorité n° 4 par la HAS, soit dans quelques mois en fonction des capacités de vaccination, ce qui peut constituer un objet de réflexion pour notre conseil. La question est double, à savoir quand et comment, le « comment » étant plus compliqué. Il faut parvenir à toucher ces populations au travers de centres de proximité et d'unités mobiles. Les organisations non gouvernementales aideront sans doute à ces vaccinations, mais il s'agit d'un vrai sujet.
La question de M. Bazin revient sur la lenteur et la peur d'une iniquité territoriale avec une vaccination à deux vitesses. Si j'ai bien compris, la vaccination des plus de 75 ans commence à Nancy et pas à quelques kilomètres alentour, ce qui ne doit pas être. Normalement, la vaccination des personnes de plus de 75 ans débutera le 18 janvier avec la possibilité de s'inscrire à partir du 14, date à laquelle seront mis en place un numéro de téléphone et une plateforme Internet. La Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) contribuera au travers d'envois de courriers pour inscription. En principe, ce système doit permettre à toute personne d'avoir accès au vaccin où qu'elle habite. Les cinq millions de personnes âgées de plus de 75 ans ne seront pas vaccinées lundi, mais il n'y a pas de raison qu'il y ait une inégalité d'accès.
Je retiens votre idée concernant les militaires partant en mission. J'ignore si vous en avez fait part à M. Véran, mais je la ferai remonter.
Hier, la ministre de la défense n'a pu répondre car elle ignorait ce qu'il en serait, mais je pense qu'il s'agit d'un vrai sujet.
Je retiens le point et le ferai remonter.
Je ne reviens pas sur les effets secondaires. La seule contre-indication à la vaccination que je mettrais en avant concerne le faible nombre de personnes présentant des antécédents d'allergie extrêmement grave et ayant besoin d'avoir en permanence sur elles un stylo pour s'injecter de l'adrénaline. Je pense qu'il conviendra de leur proposer les autres générations de vaccin. Sinon, il existe peu de contre-indications. On ne vaccine pas une personne malade. Un délai de trois mois est prévu pour les personnes ayant contracté le covid et un délai de trois semaines est demandé entre la vaccination antigrippale et la vaccination contre le covid.
S'agissant de la durée de protection, je ne suis ni optimiste ni pessimiste ; je fais état de ce que nous savons, à savoir une excellente protection durant deux, voire trois mois. Au‑delà, je ne sais pas et nous attendons tous les résultats avec impatience. Si je devais me qualifier, je serais plutôt optimiste. Toutefois, ne disposant pas de données, j'attends.
Pour ce qui est de l'immunité chez les malades, des données montrent que les patients ayant contracté le covid sont porteurs de cellules du système immunitaire mémoire jusqu'à sept ou huit mois après l'infection, ce qui suggère que l'immunité protectrice serait durable, mais il faudra du temps après la vaccination.
Il faut multiplier les initiatives de vaccination des personnes âgées non autonomes à domicile. Le centre de vaccination de Necker vient de mettre en place une unité mobile pour vacciner des personnes âgées dans le XVe arrondissement à partir des listes fournies par la mairie. Il convient d'être proactifs en la matière.
Il faut obtenir l'adhésion des professionnels de santé à court terme en multipliant les moyens d'information à leur égard au travers de documents, d'un site Internet et d'une communication orale. Des études scientifiques ont démontré que porter un badge « Je vais me vacciner », « Oui à la vaccination » ou « Je suis vacciné » permet d'augmenter le taux de vaccination des professionnels de santé par adhésion à un groupe. L'adhésion passe aussi par la société civile, où des personnes très motivées promeuvent la vaccination. Dans les familles, les grands-parents vaccinés en parleront à leurs enfants et à leurs amis, ce qui engendrera un ruissellement au sein de la population. Les sondages d'opinion montrent que l'adhésion à la vaccination a augmenté de 10 points en quinze jours, ce qui se poursuivra avec les efforts et au travers des personnes vaccinées.
La France dispose de suffisamment de matériel pour vacciner. Une réunion du conseil scientifique auprès de la présidente de l'Union européenne est prévue le 21 janvier. L'Agence européenne des médicaments est fortement impliquée. De nombreuses interactions interviennent entre scientifiques et politiques. M. Véran est en contact permanent avec le ministre de la santé allemand. Hier, j'ai discuté avec M. Drosten, qui a été le premier à mettre au point les tests diagnostics contre le virus. Dans la mesure du possible, il faut faire en sorte que l'Europe ait la même attitude à l'égard de la façon de vacciner.
Mme Valentin conteste l'intérêt des collectifs de citoyens. D'une manière générale, ceux qui ont été mis en place au Danemark se sont développés sur des sujets de réflexion d'intérêt pour la société et ont apporté des contributions intéressantes. Je n'irai pas au-delà car il s'agit d'une discussion politique.
S'agissant de la chaîne du froid, j'ai appris que tous les centres sont désormais équipés de congélateurs à – 70 °C.
Le test pourrait être rendu obligatoire dans les aéroports, mais des milliers de camions franchissent la Manche chaque jour. Je ne suis pas sûr que les tests soient faisables à cette échelle et, de toute façon, le variant est présent chez nous. Nous n'en sommes pas au stade de bloquer un variant qui serait absent.
Dès aujourd'hui, les infirmiers peuvent vacciner dans les centres par délégation d'un médecin présent. Lors que nous disposerons des vaccins qui se conservent à + 4 °C, j'espère que nous pourrons vacciner chez les différents types de médecins et les pharmaciens volontaires.
La coordination pour les personnes âgées de plus de 75 ans doit être mise en œuvre à chaque fois que possible. Vous suggérez que les autorités de santé locales et les préfets ne savent pas tout à fait ce qu'il en est des livraisons. Je pense qu'ils sont en contact quotidien avec le ministère. Le niveau central détermine, avec la HAS, la politique d'achat des vaccins et les systèmes logistiques de livraison. Le dernier kilomètre est défini par les élus locaux et les autorités régionales. J'espère que cette interaction se déroule correctement.
L'idée est de vacciner les personnes ayant contracté le covid, mais pas au cours des trois mois suivant l'infection et, a priori, avec une dose unique de vaccin, laquelle devrait suffire pour garantir une immunité durable. Nous ne disposons pas de données précises sur les patients souffrant de maladies auto-immunes, qui sont sous corticoïdes ou en chimiothérapie, mais le bon sens suggère de les vacciner car ils sont à risque, plus que la moyenne, d'infection grave. Certains d'entre eux figurent parmi les priorités de vaccination pour la semaine prochaine, notamment les transplantés.
Tant que nous ignorons si nous bloquons la transmission, la protection est forcément individuelle, même si, in fine, l'impact sera collectif. S'agissant de l'emboîtement, il est évident que nous n'attendrons pas que les huit premiers millions de personnes soient vaccinées pour vacciner les autres.
L'âge n'est pas le seul critère. Les patients présentant les comorbidités les plus sévères, qui sont à risque extrêmement élevé de forme très grave de covid, seront vaccinés à partir de lundi, ce qui représente entre six cent mille et un million de personnes. J'espère que nous pourrons ouvrir assez tôt la vaccination à d'autres personnes à risque non prioritaire.
S'agissant des personnes valides qui pourraient se rendre en centre de vaccination, je souligne la complexité de la situation si une fraction des résidents d'un EHPAD sont vaccinés sur place et une autre en centre. Je ne suis pas sûr que nous puissions l'organiser dans le contexte actuel. Je n'affirme pas que la démarche ne puisse être effectuée ponctuellement à partir d'initiatives locales, mais j'en souligne la difficulté. Un coup d'accélérateur sera donné pour les maisons de retraite à partir du 18 janvier car les centres de stockage seront en situation de délivrer les vaccins à un nombre plus important d'EHPAD. L'approvisionnement et la distribution sont placés sous la responsabilité de Santé publique France, qui y travaille au quotidien avec les autorités régionales.
L'interaction entre les différentes instances et le ministère est quotidienne et incessante, ce qui pourrait presque interroger sur un excès d'échanges vis-à-vis de la structuration du travail. En tout état de cause, nous interagissons beaucoup et tous ensemble.
À mon arrivée, le travail avait déjà été engagé sur de multiples sujets sur lesquels mon conseil n'est pas en mesure d'apporter une expertise particulière. Une task force dirigée par Mme Laetitia Buffet coordonne l'organisation générale de la vaccination au niveau du ministère de la santé avec l'aide de quelques autres ministères.
S'agissant de la traçabilité, un système simple a été mis en place par la CNAM, permettant d'enregistrer tous les cas de vaccination et de remonter les cas d'effets secondaires. Le DMP et le carnet de vaccination électronique sont un sujet douloureux. Je regrette profondément qu'ils ne soient pas en place. Voici quatre ans, j'ai travaillé sur la concertation citoyenne à propos de la vaccination des enfants. La situation a peu évolué en France, laquelle est en retard. Nous essaierons de pousser la démarche, mais je crains que nous n'y parvenions pas dans les délais impartis.
Nous avons déjà traité la question d'accélérer vers les convaincus. À nombre de vaccins égal, il faut privilégier les personnes les plus à risque. Il serait délicat de retarder la vaccination des personnes fragiles pour vacciner une personne de 30 ans ne présentant pas de facteur de risque. Il convient d'être pragmatique et souple sans trop déroger aux priorités qui tendent à protéger les millions de Français les plus fragiles ayant besoin d'être vaccinés en priorité ou qui sont très exposés.
La grippe diffère du coronavirus, dont le vaccin est moins manipulable. Cinq millions de Français peuvent être vaccinés contre la grippe en une semaine. Lorsque le vaccin sera disponible en pharmacie, nous pourrons vacciner plus largement et plus rapidement. Il convient de distinguer la phase actuelle, avec des vaccins qui se conservent au grand froid, de la suivante, où les vaccins seront disponibles en pharmacie. Une forte adhésion de la population à la vaccination antigrippale a été constatée, ce qui est positif, y compris dans la perspective de la vaccination anti-covid, laquelle est extrêmement plus complexe. La procédure se simplifiera ensuite, mais il ne peut en être autrement.
Le consentement a fait l'objet d'une surinterprétation. La seule situation où un consentement écrit est demandé concerne les personnes âgées en maison de retraite n'ayant pas leur autonomie cognitive. S'agissant de situations délicates, leur personne de confiance ou la famille sont invitées à donner un consentement écrit, ce qui paraît raisonnable. Toute autre circonstance ne requiert pas de consentement écrit. Le consentement des personnes intellectuellement autonomes en maison de retraite et de la population générale s'obtient en tendant le bras.
S'agissant de la proximité des centres de vaccination, il est évident que l'accès aux soins fait l'objet d'une inégalité territoriale. Il faut essayer de la pallier au mieux en utilisant les unités mobiles et les transports organisés par les communes. Les élus locaux et les personnes de terrain peuvent amener les meilleures initiatives pour éviter de pénaliser les personnes se situant à distance de l'accès à la vaccination.
La séance est levée à dix-sept heures trente.
Informations relatives à la commission
La commission a désigné :
● Mme Pascale Fontenel-Personne rapporteure de la proposition de loi visant à augmenter le budget vacances des Français et soutenir l'économie touristique (n° 3680) ;
● MM. Boris Vallaud et Hervé Saulignac rapporteurs de la proposition de loi relative à la création d'une aide individuelle à l'émancipation solidaire (n° 3724) ;
● Mmes Charlotte Parmentier-Lecocq et Carole Grandjean rapporteures de la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail (n° 3718).
La commission a par ailleurs procédé à la création de plusieurs missions d'information :
● Mission d'information sur le médicament : M. Pierre Dharréville, président ; Mme Audrey Dufeu et M. Jean-Louis Touraine, rapporteurs ;
● Mission d'information sur l'emploi des seniors : Mme Valérie Six, présidente ; MM. Didier Martin et M. Stéphane Viry, rapporteurs ;
● Mission d'information sur le parcours des patients souffrant de la maladie de Lyme : Mme Jeanine Dubié, présidente ;
● Mission d'information sur les professions de santé : M. Cyrille Isaac-Sibille et Mme Annie Chapelier, rapporteurs ;
● Mission sur l'effectivité du droit à l'allocation journalière de présence parentale : M. Paul Christophe, rapporteur ;
● Mission « flash » sur l'action des caisses de mutualité sociale agricole en matière de prévention dans la lutte contre la perte d'autonomie : Mme Véronique Hammerer, rapporteure ;
● Mission « flash » sur l'action sociale du régime des mines : Mme Hélène Zannier, rapporteure.