Intervention de Pr Alain Fischer

Réunion du mercredi 13 janvier 2021 à 15h00
Commission des affaires sociales

Pr Alain Fischer, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale :

Je retiens le point et le ferai remonter.

Je ne reviens pas sur les effets secondaires. La seule contre-indication à la vaccination que je mettrais en avant concerne le faible nombre de personnes présentant des antécédents d'allergie extrêmement grave et ayant besoin d'avoir en permanence sur elles un stylo pour s'injecter de l'adrénaline. Je pense qu'il conviendra de leur proposer les autres générations de vaccin. Sinon, il existe peu de contre-indications. On ne vaccine pas une personne malade. Un délai de trois mois est prévu pour les personnes ayant contracté le covid et un délai de trois semaines est demandé entre la vaccination antigrippale et la vaccination contre le covid.

S'agissant de la durée de protection, je ne suis ni optimiste ni pessimiste ; je fais état de ce que nous savons, à savoir une excellente protection durant deux, voire trois mois. Au‑delà, je ne sais pas et nous attendons tous les résultats avec impatience. Si je devais me qualifier, je serais plutôt optimiste. Toutefois, ne disposant pas de données, j'attends.

Pour ce qui est de l'immunité chez les malades, des données montrent que les patients ayant contracté le covid sont porteurs de cellules du système immunitaire mémoire jusqu'à sept ou huit mois après l'infection, ce qui suggère que l'immunité protectrice serait durable, mais il faudra du temps après la vaccination.

Il faut multiplier les initiatives de vaccination des personnes âgées non autonomes à domicile. Le centre de vaccination de Necker vient de mettre en place une unité mobile pour vacciner des personnes âgées dans le XVe arrondissement à partir des listes fournies par la mairie. Il convient d'être proactifs en la matière.

Il faut obtenir l'adhésion des professionnels de santé à court terme en multipliant les moyens d'information à leur égard au travers de documents, d'un site Internet et d'une communication orale. Des études scientifiques ont démontré que porter un badge « Je vais me vacciner », « Oui à la vaccination » ou « Je suis vacciné » permet d'augmenter le taux de vaccination des professionnels de santé par adhésion à un groupe. L'adhésion passe aussi par la société civile, où des personnes très motivées promeuvent la vaccination. Dans les familles, les grands-parents vaccinés en parleront à leurs enfants et à leurs amis, ce qui engendrera un ruissellement au sein de la population. Les sondages d'opinion montrent que l'adhésion à la vaccination a augmenté de 10 points en quinze jours, ce qui se poursuivra avec les efforts et au travers des personnes vaccinées.

La France dispose de suffisamment de matériel pour vacciner. Une réunion du conseil scientifique auprès de la présidente de l'Union européenne est prévue le 21 janvier. L'Agence européenne des médicaments est fortement impliquée. De nombreuses interactions interviennent entre scientifiques et politiques. M. Véran est en contact permanent avec le ministre de la santé allemand. Hier, j'ai discuté avec M. Drosten, qui a été le premier à mettre au point les tests diagnostics contre le virus. Dans la mesure du possible, il faut faire en sorte que l'Europe ait la même attitude à l'égard de la façon de vacciner.

Mme Valentin conteste l'intérêt des collectifs de citoyens. D'une manière générale, ceux qui ont été mis en place au Danemark se sont développés sur des sujets de réflexion d'intérêt pour la société et ont apporté des contributions intéressantes. Je n'irai pas au-delà car il s'agit d'une discussion politique.

S'agissant de la chaîne du froid, j'ai appris que tous les centres sont désormais équipés de congélateurs à – 70 °C.

Le test pourrait être rendu obligatoire dans les aéroports, mais des milliers de camions franchissent la Manche chaque jour. Je ne suis pas sûr que les tests soient faisables à cette échelle et, de toute façon, le variant est présent chez nous. Nous n'en sommes pas au stade de bloquer un variant qui serait absent.

Dès aujourd'hui, les infirmiers peuvent vacciner dans les centres par délégation d'un médecin présent. Lors que nous disposerons des vaccins qui se conservent à + 4 °C, j'espère que nous pourrons vacciner chez les différents types de médecins et les pharmaciens volontaires.

La coordination pour les personnes âgées de plus de 75 ans doit être mise en œuvre à chaque fois que possible. Vous suggérez que les autorités de santé locales et les préfets ne savent pas tout à fait ce qu'il en est des livraisons. Je pense qu'ils sont en contact quotidien avec le ministère. Le niveau central détermine, avec la HAS, la politique d'achat des vaccins et les systèmes logistiques de livraison. Le dernier kilomètre est défini par les élus locaux et les autorités régionales. J'espère que cette interaction se déroule correctement.

L'idée est de vacciner les personnes ayant contracté le covid, mais pas au cours des trois mois suivant l'infection et, a priori, avec une dose unique de vaccin, laquelle devrait suffire pour garantir une immunité durable. Nous ne disposons pas de données précises sur les patients souffrant de maladies auto-immunes, qui sont sous corticoïdes ou en chimiothérapie, mais le bon sens suggère de les vacciner car ils sont à risque, plus que la moyenne, d'infection grave. Certains d'entre eux figurent parmi les priorités de vaccination pour la semaine prochaine, notamment les transplantés.

Tant que nous ignorons si nous bloquons la transmission, la protection est forcément individuelle, même si, in fine, l'impact sera collectif. S'agissant de l'emboîtement, il est évident que nous n'attendrons pas que les huit premiers millions de personnes soient vaccinées pour vacciner les autres.

L'âge n'est pas le seul critère. Les patients présentant les comorbidités les plus sévères, qui sont à risque extrêmement élevé de forme très grave de covid, seront vaccinés à partir de lundi, ce qui représente entre six cent mille et un million de personnes. J'espère que nous pourrons ouvrir assez tôt la vaccination à d'autres personnes à risque non prioritaire.

S'agissant des personnes valides qui pourraient se rendre en centre de vaccination, je souligne la complexité de la situation si une fraction des résidents d'un EHPAD sont vaccinés sur place et une autre en centre. Je ne suis pas sûr que nous puissions l'organiser dans le contexte actuel. Je n'affirme pas que la démarche ne puisse être effectuée ponctuellement à partir d'initiatives locales, mais j'en souligne la difficulté. Un coup d'accélérateur sera donné pour les maisons de retraite à partir du 18 janvier car les centres de stockage seront en situation de délivrer les vaccins à un nombre plus important d'EHPAD. L'approvisionnement et la distribution sont placés sous la responsabilité de Santé publique France, qui y travaille au quotidien avec les autorités régionales.

L'interaction entre les différentes instances et le ministère est quotidienne et incessante, ce qui pourrait presque interroger sur un excès d'échanges vis-à-vis de la structuration du travail. En tout état de cause, nous interagissons beaucoup et tous ensemble.

À mon arrivée, le travail avait déjà été engagé sur de multiples sujets sur lesquels mon conseil n'est pas en mesure d'apporter une expertise particulière. Une task force dirigée par Mme Laetitia Buffet coordonne l'organisation générale de la vaccination au niveau du ministère de la santé avec l'aide de quelques autres ministères.

S'agissant de la traçabilité, un système simple a été mis en place par la CNAM, permettant d'enregistrer tous les cas de vaccination et de remonter les cas d'effets secondaires. Le DMP et le carnet de vaccination électronique sont un sujet douloureux. Je regrette profondément qu'ils ne soient pas en place. Voici quatre ans, j'ai travaillé sur la concertation citoyenne à propos de la vaccination des enfants. La situation a peu évolué en France, laquelle est en retard. Nous essaierons de pousser la démarche, mais je crains que nous n'y parvenions pas dans les délais impartis.

Nous avons déjà traité la question d'accélérer vers les convaincus. À nombre de vaccins égal, il faut privilégier les personnes les plus à risque. Il serait délicat de retarder la vaccination des personnes fragiles pour vacciner une personne de 30 ans ne présentant pas de facteur de risque. Il convient d'être pragmatique et souple sans trop déroger aux priorités qui tendent à protéger les millions de Français les plus fragiles ayant besoin d'être vaccinés en priorité ou qui sont très exposés.

La grippe diffère du coronavirus, dont le vaccin est moins manipulable. Cinq millions de Français peuvent être vaccinés contre la grippe en une semaine. Lorsque le vaccin sera disponible en pharmacie, nous pourrons vacciner plus largement et plus rapidement. Il convient de distinguer la phase actuelle, avec des vaccins qui se conservent au grand froid, de la suivante, où les vaccins seront disponibles en pharmacie. Une forte adhésion de la population à la vaccination antigrippale a été constatée, ce qui est positif, y compris dans la perspective de la vaccination anti-covid, laquelle est extrêmement plus complexe. La procédure se simplifiera ensuite, mais il ne peut en être autrement.

Le consentement a fait l'objet d'une surinterprétation. La seule situation où un consentement écrit est demandé concerne les personnes âgées en maison de retraite n'ayant pas leur autonomie cognitive. S'agissant de situations délicates, leur personne de confiance ou la famille sont invitées à donner un consentement écrit, ce qui paraît raisonnable. Toute autre circonstance ne requiert pas de consentement écrit. Le consentement des personnes intellectuellement autonomes en maison de retraite et de la population générale s'obtient en tendant le bras.

S'agissant de la proximité des centres de vaccination, il est évident que l'accès aux soins fait l'objet d'une inégalité territoriale. Il faut essayer de la pallier au mieux en utilisant les unités mobiles et les transports organisés par les communes. Les élus locaux et les personnes de terrain peuvent amener les meilleures initiatives pour éviter de pénaliser les personnes se situant à distance de l'accès à la vaccination.

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