Intervention de Marianick Lambert

Réunion du mercredi 20 janvier 2021 à 15h00
Commission des affaires sociales

Marianick Lambert, membre du bureau de France Assos Santé :

France Assos Santé regroupe toutes les associations de toutes les pathologies, de tous les handicaps. Je n'ai pas du tout un point de vue particulier comme AIDES ou Les Séropotes ou les associations de patients cancéreux.

J'ai l'impression de remonter trente ans en arrière. Dans une vie idéale, certes, il ne faudrait pas prévoir dans le code pénal de discrimination à l'assurance pour des raisons de santé. Nous pourrions aussi prévoir une assurance obligatoire pour l'emprunt et, dans ce cas, nous aurions un fonds de garantie. Or, l'assurance n'est pas obligatoire pour emprunter et les assureurs ont le droit de discriminer et de tabuler le risque sur les problèmes de santé. C'est la situation juridique dans laquelle nous sommes depuis trente ans.

J'ai l'impression, d'après ce que j'ai entendu, que nous n'avons pas fait de progrès depuis trente ans. Je connais la convention AERAS pour en être signataire depuis qu'elle s'appelait Belorgey et je vous rappelle que, historiquement, je dois remercier l'association AIDES, car la première convention passée sur ce sujet l'a été en 1991 entre les assurances et AIDES. Cette association est à l'origine de la première idée de cette convention destinée à faire avancer ce problème, insoluble en 1991 puisque les séropositifs se voyaient opposer un refus systématique. La convention a ensuite été étendue à l'ensemble des associations de consommateurs et de personnes handicapées, conduisant à la convention Belorgey, qui est maintenant devenue la convention AERAS.

Nous nous sommes battus parce qu'il existait une hétérogénéité dans l'appréciation du risque par les assureurs. Du fait de cette possibilité pour l'assureur d'évaluer le risque et donc de discriminer en fonction de l'état de santé, il y avait des différences d'une compagnie à l'autre. Une compagnie pouvait assurer sans surprime, une autre pouvait refuser d'assurer tandis qu'une troisième pouvait assurer avec une surprime hallucinante. C'est l'expérimentation que nous avons faite à l'époque de la convention Belorgey. Nous avons soumis des dossiers du même patient à plusieurs services médicaux d'assurances et nous sommes arrivés à des résultats hallucinants puisque, d'une compagnie à l'autre, ce risque était apprécié de 1 à 100.

Pendant quinze ans, toutes les associations signataires se sont battues pour pouvoir objectiver le risque vis-à-vis des assurances. Cette objectivation du risque a été la grande évolution de 2015 avec cette grille de référence sur laquelle nous nous sommes mis à travailler. Cela signifie que, pour un dossier donné de patient, le risque est objectivé. La compagnie a le droit, ensuite, de le traduire financièrement mais le risque est le même. Il n'arrive plus qu'une compagnie d'assurances l'accepte et qu'une autre le refuse. Il faut comprendre que c'est là le nœud de la convention.

Le seul point que je partage et que je réclame est que la convention AERAS n'a, comme l'ont dit Les Séropotes, aucun moyen. Elle a un secrétariat partagé entre les ministères de la santé et des finances, qui lui dédient des personnes ayant un autre métier. Nous n'avons aucun moyen pour financer les études.

La grille de référence est révisable à tout moment et un contrôle est exercé : tout ce qui est demandé par Les Séropotes existe donc déjà dans le mode de fonctionnement de la convention AERAS. Seul le manque de moyens empêche d'avancer car nous ne pouvons pas financer les études épidémiologiques pour évaluer le risque. Nous faisons donc au mieux et le groupe de travail travaille en permanence sur cette grille de référence qui n'est jamais fixée. Il faut simplement l'alimenter et, pour l'alimenter, nous avons besoin de données scientifiques ce qui nécessite de financer des études.

Ce n'est pas le mécanisme de la convention ou sa gouvernance qui sont en cause. Ce principe conventionnel ne peut pas figurer dans la loi puisque l'assurance n'est pas obligatoirement assortie à l'emprunt. Nous restons dans un mécanisme conventionnel qui n'a, hélas, pas de moyens. Finançons donc les études et la grille de référence évoluera. Des pathologies pourront rentrer.

Il ne faut pas oublier que je fais partie d'une association qui représente toutes les pathologies ainsi que les personnes âgées ou handicapées. Par définition, nous sommes pour la mutualisation du risque, qui est le fondement de ce que nous défendons. Toutefois, il faut comprendre aussi que chaque pathologie a bien une spécificité et que chacun se bat pour être dans la grille de référence aux meilleures conditions. C'est la logique du système mais l'évaluation du risque dans chaque pathologie demande des données différentes. Nous avons besoin d'études, nous ne pouvons pas travailler différemment.

Il est exact que, pour les séropositifs, l'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales possède des données ce qui a permis de les faire entrer dans la grille et, je l'espère, de la faire avancer beaucoup plus vite. Certains types de cancer sont également entrés parce que nous avons des données grâce à l'Institut national du cancer mais des pathologies attendent toujours de rentrer dans cette grille de référence.

La loi ne peut pas les y inscrire. Il faut financer l'acquisition de données scientifiques afin qu'une évaluation du risque soit opposable aux assureurs. Sinon, il faut modifier la loi mais, à droit constant, c'est-à-dire avec un code des assurances qui autorise l'évaluation du risque en fonction de l'état de santé et la non-obligation d'une assurance assortie à l'emprunt, seul le mécanisme conventionnel est possible. Pour fluidifier ce mécanisme conventionnel, il faut lui donner les moyens financiers de travailler.

C'est la quadrature du cercle. Je suis ce mécanisme et j'y travaille depuis longtemps. J'ai l'impression, alors que je représente une association de patients, d'être obligée à chaque fois que je vais à une table ronde de défendre ce mécanisme dont les gens ont l'impression qu'il ne travaille pas, qu'il est figé. Il n'est pas figé, il avance mais, hélas, en fonction des moyens que nous avons. Je suis désolée d'être si pessimiste ou si lucide ; l'important est vraiment la question des moyens. Les blocages ne proviennent pas du mécanisme de l'AERAS mais du manque de financement.

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